Les secondes qui suivirent la réponse bien plus assurée de Clementine furent comme une seconde naissance pour le grand brun. Elle était Totalement sure, elle venait de le dire. Trois fois, même. Au bout de trois fois, on peut considérer que le doute est écarté, hein, qu’elle changerait pas d’avis en cours de route ? il passa sa main dans son épaisse tignasse quand elle lui assura qu’il était de toute façon très mignon en costume, balayant l’argument d’un haussement d’épaule :

- Bah ! depuis la dernière fois que j’en ai enfilé un, j’ai du encore prendre 5 centimètres, j’suis sur qu’il m’arriverait aux chevilles maintenant… et quand on a que des chaussettes super héros comme moi, on peut pas se permettre d’avoir un pantalon trop court…

Bon, en vrai, il avait bien quelques paires de chaussettes noires ou blanches, mais il avait juste envie de faire rire un peu Clem’ et qu’elle arrête un peu de s’inquiéter. La connaissant, ça devait carburer sévèrement dans sa petite tête, et il n’avait pas envie qu’elle s’angoisse alors qu’ils auraient du se réjouir. Ils allaient enfin sortir ensemble, c’était juste trop bien, non ? Bon, sur le papier, ça allait pas changer énormément de choses : ils allaient continuer de s’asseoir à coté en classe, de déjeuner ensemble, de faire leurs devoirs ensemble , de ne pas faire leurs devoirs ensemble…. Simplement maintenant quand il aurait envie de lui prendre la main dans les couloirs du lycée, il n’aurait plus à se retenir. Pour les bisous, ils aviseraient : il ne voulait pas qu’elle se sente gênée par des démonstrations d’affection en public. Lui, il s’en fichait bien. Il aurait pu porter des Tshirt « J’aime cette fille => » tous les jours sans la moindre honte, tellement c’était vrai. D’ailleurs, il allait se mettre à blaguer la dessus quand les mains de Clem vinrent se poser sur ses épaules, lui clouant le bec presque instantanément. Il la laissa s’approcher en retenant sa respiration, comme si le moindre souffle menaçait de la faire s’envoler, alors qu’un sourire timide et tendre s’étirait sur ses lèvres à mesure qu’elle rapprochait les siennes. Ses mains à lui vinrent trouver tout naturellement leur place sur la taille de la jeune fille, alors que le souffle de cette dernière provoquait des décharges électriques dans tout son corps et des chatouilles dans son ventre. Il ne lui répondit pas tout de suite, préférant d’abord effacer les quelques millimètres qui séparaient leurs lèvres pour l’embrasser enfin, vraiment, l’enveloppant dans ses bras comme un gros nounours avide d’amour et de tendresse. Leur baiser ne dura pas si longtemps, clairement pas assez longtemps au gout de Dhan, mais il se réconforta en se disant que ce n’était que le premier d’une très, très, trèèèèèès longue série. Il rouvrit les yeux qu’il avait fermé le temps de leur baiser, avant de prendre le visage de Clem en coupe, un sourire stupide toujours sur les lèvres.

- Alors là, tu vas voir ce que tu vas voir…

Il se mit à embrasser la totalité du visage de l’adolescente de petits bisous légers, commençant par son nez, son front, ses tempes, avant d’accélérer et de couvrir ses joues et tout le reste de sa peau de baisers, rajoutant un mot entre chacun d’entre eux.

- Je … te… promet… d’être … Le … meilleur… Petit… Meilleur… Ami… de… la… Terre… entière… juré craché… Tu … Te... Débarrasseras… plus… jamais… de… moi… t’es… foutue… !

Il gloussa un peu, puis l’embrassa à nouveau, sur la bouche cette fois, moins timidement, avant de la serrer très fort contre lui, le nez calé dans ses cheveux décoiffés par leurs embrassades. Mais ça, il s’en fichait bien.

- Bon alors, du coup on se le fait, ce film ? Le Mordor va pas se conquérir tout seul, monsieur Sacquet ptit hobbit !

© Grey WIND.

Clementine avait l’impression que rien, strictement rien, ne pourrait la faire cesser de sourire et de rire à cet instant. Oui, trois oui, mille fois oui, qu’elle voulait être bien plus qu’une amie pour lui. Après tout, depuis des années, ils étaient plus que des amis, depuis des semaines ils avaient inconsciemment laissé tout cela derrière eux pour se tenir la main et découvrir un nouveau territoire. Sauf que, très certainement, ils avaient joué avec les limites et les frontières. Et que la demande de Dhan venait de les pousser au-delà de la frontière, venait de la pousser dans une prairie d’herbe verte à la couleur éclatante de soleil. Et même si la nuit était clairement tombée, Clementine avait l’impression de rayonner. Et son cerveau tournait à plein régime, essayait d’attraper du bout des doigts des pensées survoltées qui s’agitaient de partout, rebondissaient contre les murs de son esprit comme des balles en caoutchouc projetées dans une sphère. En un mot comme en dix, voire vingt, cent, mille, Clementine était heureuse. Et elle était bien, bon sang qu’elle était bien, perdue dans les bras de Dhan. De son Dhan. A le regarder dans les yeux, à lui sourire, à se perdre dans ce haussement d’épaules qu’elle trouvait juste adorable. Ou hypnotisant. Ou quelque chose dans le genre. Et bon sang, il fallait à tout prix qu’elle se calme parce qu’elle était incapable de penser des choses cohérentes. - Bah ! depuis la dernière fois que j’en ai enfilé un, j’ai dû encore prendre 5 centimètres, j’suis sûr qu’il m’arriverait aux chevilles maintenant… et quand on a que des chaussettes super héros comme moi, on peut pas se permettre d’avoir un pantalon trop court… Un éclat de rire jaillit des lèvres de Clementine, qui posa d’ailleurs aussitôt sa main sur sa bouche pour mieux se faire taire. « Elles sont très bien tes chaussettes, ne dis pas de bêtises… et puis au pire, je pourrai mettre une robe assortie, avec des imprimés de super-héroïnes. » Un clin d’œil, Clementine se secoua mentalement. Qu’elle était bête à déjà s’inquiéter pour ces petits détails, alors que sincèrement, elle n’avait vraiment pas à s’en faire. La soirée était définitivement parfaite, Dhan l’était plus encore et elle, elle était bien, vraiment bien, pour la première fois depuis… longtemps. Un an. Plus d’un an.

Et elle était si bien, d’ailleurs, qu’elle se sentait pousser des ailes, la faisant jaillir hors de sa timidité comme une petite souris timide. S’ils pouvaient… s’ils avaient envie de… Clementine se sentit rosir davantage encore, se hissant sur la pointe des pieds pour prendre les devants, pour une fois. Grande timide, grande trouillarde, elle puisa dans les yeux de Dhan de quoi la rendre aventurière. Des câlins, ils s’en étaient déjà faits et plutôt deux fois qu’une. Les batailles de chatouilles, ils ne les comptaient plus. Poser la tête dans le creux entre son épaule et sa nuque, c’était une habitude si fermement ancrée qu’elle ne s’imaginait pas regarder un film autrement. Enlacer leurs doigts en se jetant un regard complice, c’était si naturel qu’elle n’y prêtait plus vraiment attention. Ou alors qu’elle n’y avait pas prêté attention avant ces derniers mois, quand ces marques d’affection avaient commencé à voltiger avec l’ambiguïté dans une danse séductrice qu’elle n’avait pas eu conscience de faire. Mais… mais effleurer leurs lèvres dans une explosion de sensations… le souffle de Clementine se fit peau de chagrin, et l’adolescente abandonna les épaules de Dhan pour l’accrocher à sa nuque lorsqu’il fit à son tour disparaître la distance qui les séparait. C’était mieux que dans ses rêves. C’était mieux que tout ce qu’elle aurait jamais pu imaginer. Parce que c’était Dhan, déjà, parce qu’ils étaient sur le parking d’un centre de jeux d’arcade, parce qu’ils étaient appuyés à la vieille casserole de Dhan, parce qu’elle était dans ses bras et que rien, ni personne, ne pourrait l’atteindre tant qu’elle y demeurerait, elle en avait l’intime conviction. - Alors là, tu vas voir ce que tu vas voir… Le regard de Clementine se fit curieux, avec cette lueur malicieuse qui n’y avait pas pétillé depuis l’accident de voiture. - Je … te… promets… d’être … Le … meilleur… Petit… Meilleur… Ami… de… la… Terre… entière… juré craché… Tu … Te... Débarrasseras… plus… jamais… de… moi… t’es… foutue… ! Si elle se laissa faire au début, elle céda rapidement à la tentation de jouer sur la fin, cherchant à intercepter les baisers de Dhan avec ses lèvres, se tortillant dans ses bras moins pour fuir que pour le jeu. Elle ferma les yeux, calée contre lui. - Bon alors, du coup on se le fait, ce film ? Le Mordor va pas se conquérir tout seul, monsieur Sacquet ptit hobbit ! Son sourire s’étira sur ses lèvres sans qu’elle ne le prémédite. Elle laissa s’écouler quelques secondes, juste pour profiter, avant de s’écarter, attrapant la main de Dhan. Hors de question de le lâcher. Une moue taquine, elle leva le bras, tourna sur elle-même comme si c’était Dhan lui-même qui avait initié le mouvement de danse. Avant de pencher la tête sur le côté, d’une moue faussement vexée. « Je préfère être Eowyn ! Comme ça, tu peux être Faramir… » Incontestablement ses deux personnages préférés dans ce roman qu’elle avait lu, relu, et rerelu des dizaines de fois sans s’en lasser, se perdant dans les paysages de la Terre du Milieu. Surtout qu’elle devait être agaçante à connaître les films, et les versions longues, en VO ou en portugais, sur le bout des doigts jusqu’aux petites subtilités de l’elfique. Lâchant la main de Dhan, elle créa dans son esprit une épée au bout de sa main et mis faussement en joue Dhan. « Arise! Arise! Riders of Theoden! Spears shall be shaken! Shields shall be splintered! A sword day! A red day! Ere the sun rises! » Un frisson dégringola sa colonne vertébrale lorsqu’elle récita en anglais une de ses répliques préférées du film. S’ils commençaient à envisager de voir un des films de la trilogie, ils n’allaient pas dormir. Mais ce n’était pas un problème. Volant un baiser sur les lèvres de Dhan, enhardie par sa joie très certainement, Clementine se réfugia du côté passager, s’appuyant un instant sur le toit du véhicule. « Qu’est-ce que tu crois qu’ils vont dire, au lycée ? »

© Grey WIND.

Dhan avait l’impression qu’il ne s’arrêterait plus jamais de sa vie de sourire. Il avait attendu ce moment depuis des semaines, des mois même, et enfin il touchait au but, et mieux encore que tout ce qu’il espérait. Il souriait en observant Clémentine déclamer sa citation préférée, il souriait en la voyant tourner sur elle-même, radieuse, resplendissante. Et maintenant, il avait hate de rentrer et de s’affaler sur son lit, d’allumer la télé et de pouvoir la prendre dans ses bras pour entamer un marathon qui les tiendrait éveillé jusqu’aux premières lumières du jour. Ils l’avaient déjà fait une demi douzaine fois auparavant, mais cette fois ci serait différente : ce serait leur première soirée en amoureux, alors même si ils faisaient exactement la même chose, ce serait obligatoirement mieux que les précédentes, il en était persuadé. Il laissa la jolie jeune fille s’agiter encore un peu, avant de se pencher un peu plus vers elle pour que leur baiser volé se prolonge un peu, en vain. Tant pis, il lui en piquerait d’autres plus tard, des tonnes, tous les jours. Ce serait juste trop bien.

Il s’installa un peu fébrilement devant le volant, passant une main dans sa chevelure un peu sauvage, cherchant ses clés nerveusement dans les poches de son blouson avant de mettre le contact. La question de la rouquine lui tira un petit sourire, mais c’était avant tout ses yeux qui s’illuminèrent alors qu’il lui répondait tranquillement :

- Ils diront surement que c’est pas trop tôt. Et que j’ai vraiment trop d’la chance.

Parce que sortir avec Clèm, c’était quand même quelque chose d’exceptionnel, et foi de Dhan Stevens, il ne gacherait jamais cette opportunité unique. Il serait le meilleur petit ami de la Terre, le plus cool, le plus sympa, le plus attentionné, et puis pour le reste … Il apprendrait au fur et à mesure, promis, juré, il y mettrait tout son cœur en tout cas. Le moteur de la vieille voiture crachota un peu avant de se mettre à ronronner, et Dhan accéléra en trombe pour ramener Clémentine devant chez elle. Ils allaient passer le pas de la porte, et quand elle aurait le dos tourné, il lèverait ses deux pouces en direction du père de Clém’, qui se doutait déjà plus ou moins des desseins du jeune homme depuis des lustres, et qui lui avait déjà donné sa bénédiction sur le sujet. Et ça, c’était plutôt cool. Et ils monteraient à l’étage, ils s’installeraient dans la chambre, et ils se blottiraient l’un contre l’autre comme ils l’avaient toujours faire pendant des années, et comme ils le feraient de nombreuses fois encore, il comptait bien là-dessus …

THE END

© Grey WIND.