Ce soir, c’était show time ! On était samedi, à une heure où les gens raisonnables sont déjà partis se coucher, et à l’heure où les plus dangereux enfilaient leur manteau de nuit. Pour l’occasion, Parrish avait  revêtu sa parure de gala – enfin, sa paire d’énormes rangers et son increvable veste en cuir -, et s’était allumé un cigare en attendant tranquillement à la sortie d’un night club. Il n’aimait pas trop ce genre d’endroit, en général : il avait beau avoir l’air d’un rustre, il n’aimait pas l’idée d’avoir à payer une fille pour qu’elle vienne se déhancher tout contre lui en petite tenue alors que, clairement, elle préfèrerait pouvoir s’abstenir. Les types qui avaient besoin de ça devaient vraiment avoir des trucs à se prouver, et les filles étaient bien courageuses de s’y tenir sans avoir envie de leur couper les … Bref. Toujours était il qu’on l’avait prévenu qu’un dégénéré était actuellement dans la boite de nuit, et qu’il ne tarderait pas à en sortir, heure tardive oblige. On lui avait envoyé une photo et une description de sa façon de s’habiller : il ne pourrait pas le louper. En même temps, il n’était pas du genre à échouer, surtout dans les cas comme celui-ci : ce dégénéré était à peu près tout ce qu’il aimait chez un futur cadavre. Une petite frappe violente, qui dealait surement un peu de drogue ou des armes non homologuées, avec un pouvoir à la con, potentiellement dangereux. Bref, même humain, il aurait eu envie de le buter. Sa dégénérescence n’était que la cerise sur le gâteau.

Il expira la fumée épaisse et odorante de son cubain en validant une liste mentale en marmonnant : il avait une arme blanche et une arme de poing, au cas où le type cherche à s’enfuir. Il avait aussi des menottes et de la corde si il devait l’emmener quelque part pour le descendre loin des regards indiscrets. Son portable, si il avait besoin d’appeler des renforts, mais ça, c’était peu probable : il avait décidé de faire cette chasse seule, c’était pas pour réveiller Penny et Will à 4 heures du matin. Il préférerait galérer tout seul. Et encore, il préférerait ne pas galérer du tout, si possible. Une belle petite balle dans la tête, sautage de caisson, merci au revoir. Sauf qu’en général, ces petits rats n’étaient pas aussi faciles à choper que ça. Ce serait trop beau. Un mouvement de foule et des rires firent lever les yeux à Parrish, qui chercha sa victime dans la foule : il y avait des filles avec plus d’extensions capillaires que de vêtements, des types avec plus de poudre dans le nez que de neurones, et la fine équipe titubait devant le club dans un joyeux capharnaüm, surveillée indulgemment par un binôme de videurs qui veillaient à ce qu’aucun d’entre eux n’ait, par exemple, l’idée de s’allonger au milieu de la route ou de poignarde un petit camarade. Dans la mêlée, Parrish repéra sa cible, qui semblait encore dans un état décent. Tant mieux, la chasse n’en serait que plus intéressante, au final. Dans l’obscurité, il suivit la joyeusement bande jusqu’à un quartier résidentiel, puis tira un coup de feu en l’air. La petite bande sursauta de concert, cherchant l’origine du coup de feu puis, dans un mouvement de fuite bien rôdée, chacun partie en courant – ou en titubant- de son coté. Son mutant ainsi isolé, Parrish se lança a sa poursuite à travers un dédale de rues sombres et fumantes, tout en gardant une distance de sécurité entre lui et le gus avec un piercing à l’arcade. Parce que malgré son expérience pour la traque, Parrish manquait d’une info capital, qui l’empêchait de se jeter sur sa proie comme un lion : la nature du pouvoir du dégénéré. On lui avait dit qu’il était dangereux, sans lui préciser si il crachait du feu, créait des trous noirs ou exsudait de l’acide. Alors à tout prendre, Parrish préférait se montrer prudent plutôt que de mourir bêtement. Il avait d’autres projets à réaliser encore, dans sa vie. Remontant son glock devant ses yeux pour viser l’homme qui s’éloignait à présent tranquillement, un geste un peu au dessus de sa tête lui fit lever les yeux et son arme : il avait de la visite …

Demetria. Ce n’était même pas vraiment surprenant. En découvrant l’identité de sa camarade surprise, le chasseur se détendit, un petit peu. « Demi » comme l’appelait ceux qui pouvaient se targuer de l’avoir rencontré plusieurs fois sans finir en paté pour chaton était du genre efficace, comme traqueuse. Peut être trop efficace, dans ce sens où elle semblait vraiment Adorer ça, la traque. Ce n’était pas juste un devoir qu’elle accomplissait, elle semblait vraiment prendre son pied à éradiquer les dégénérés. Parrish ne jugeait pas les raisons pour lesquelles les hunters accomplissaient leur devoir, chacun avait la sienne. Cependant, lui avait toujours essayé de garder une certaine distance avec l’accomplissement de sa tache : trop y prendre gout, c’était la porte ouverte à tous les excès. Et donc à de potentielles imprudences, à de potentiels échecs. Et l’échec, il avait vraiment horreur de ça. Il redescendit lentement son arme contre sa jambe, alors que plus bas dans l’allée le mutant poussait des râles plaintifs en se tenant la poitrine. Il trouvait toujours ça un peu pompeux, les armes de jet. C’était du show, et ça ce tuait que rarement du premier coup. Il était du genre Balle dans la tête, merci au revoir, mais bon chacun son style et en tout cas, elle ne l’avait pas loupé.

- Je pense surtout que tu as pas pu t’empêcher de faire la maligne.

Qu’il grogna avec un demi sourire, avant de lui poser la main sur le bras, légèrement. C’était une façon comme les autres de lui dire bonjour, et il savait que la jeune femme ne se laissait pas n’importe qui la toucher de manière trop familière. Là, c’était juste poli, il préfèrait ne pas la mettre mal à l’aise. Il observa la mutant glapissant de loin, décidant de s’approcher pour le voir de plus près : une fois bien sur que le mutant était bien celui qu’il visait, il le descendrait à bout portant avec son silencieux. Pas besoin d’affoler tout le voisinage pour un déchet pareil. Le dégénéré essaya de reculer en voyant la montagne de muscles et de cicatrices s’avancer vers lui, son arme luisante à la main, marmonnant quelque chose que le chasseur ne se fatigua même pas à écouter. Ils étaient tous pathétiques au moment de la mort, celui là ne serait probablement pas plus spirituel. Il lui décocha un coup de pied dans le ventre pour le faire terre, lui écrasant son énorme ranger dans le foie, avant de froncer les sourcils. Quelque chose clochait avec ce type. Quelque chose d’évident.

- Demi, vient voir ça…

Sans plus de cérémonie, Parrish attrapa le mutant par le col, le jaugeant d’un œil mauvais, avant de le lancer aux pieds de la traqueuse, visiblement contrarié :

- Un métamorphe. Un putain de changeur de merde. Notre électrifieur doit être plus malin que prévu si il débauche des gars pour se faire passer pour lui. Il a du se carapater par derrière pendant que celui là se mêlait à leur bande de trouducs. R’garde, celui là est blond. Le notre a normalement les cheveux noirs comme du charbon.

Il renifla d’un air agacé, saisissant à nouveau le mutant comme un vulgaire pantin pour s’enfoncer dans une ruelle adjacente bien plus sombre et calme. C’était qu’il n’appréciait que très moyennement de se faire flouer, Parrish, et que le mutant latino, il comptait bien l’ajouter à son tableau de chasse. Un fois sa victime aculée contre le mur, il tourna la tête vers la jolie brune qui se tenait à coté de lui :

- T’en dis quoi toi ? On le coupe en morceaux de plus en plus petits jusqu’à ce qu’il nous dise où est son boss ? Ou tu as une idée plus efficace ?

Clairement, Demi avait quelque chose d’un peu taré, mais Parrish trouvait ça suffisamment distrayant pour ne pas y prêter grand cas. Qu’elle s’amuse avec ses proies comme une chatte sadique, lui il s’en tapait pas mal : il n’était pas du genre à juger les méthodes de ses congénères, encore moins quand ces derniers étaient aussi efficaces que Demi. Il ne put s’empêcher de sourire devant la mine contrariée de la Donzelle quand elle reconnut s’être faite bernée tout autant que lui, et il relâcha leur victime pile au bon moment pour que les armes de la grande brune viennent se ficher dans chacune de ses épaules, punaisant le mutant sur le mur comme un papillon de nuit sur une toile blanche. Aouch, ça devait faire mal, ça. Son inquiétant rictus s’élargit alors que la chasseresse expliquait les règles du jeu au mutant agonisant, dont les yeux roulaient dans leurs orbites, mus par la douleur et une terreur certaine. Demetria avait une voix aussi langoureuse que dangereuse, et Parrish se demanda si elle allait réussir à se retenir de buter le mutant avant qu’il ait eu le temps de leur avouer quoi que ce soir. Le chasseur se pencha un peu vers le dégénéré alors que sa partenaire commençait son macabre compte à rebours. Il ne fallait pas qu’elle le tue, pas tout de suite, pas avant qu’il n’ait expiré un nom, une adresse, n’importe quoi. Son oreille abimée proche de la bouche du mutant, il l’entendait haleter comme une bête traquée, puis murmurer quelque chose qu’il n’arriva pas à saisir. Il grogna, jetant un œil à Demi qui continuait son décompte derrière lui :

- Tu peux la mettre en sourdine ? Monsieur se sent d’humeur bavarde apparemment, mais il a perdu un peu sa voix, le pauvre chaton

Qu’il rajouta d’un air rigolard, tout en s’appuyant mine de rien sur l’une des armes de Demi, juste assez pour qu’elle se tourne un peu dans les chairs du mutant qui glapit, s’éclaircissant la gorge par la même occasion :

- Un hangar… Il y a… Un hangar ou il se cache quand il se sent chassé… Comme ce soir… Ils sont plusieurs… Beaucoup … Ils vont vous buter si vous y allez…

Parrish plissa les yeux devant cette demi réponse, reculant pour laisser la place à la jeune femme tout en marmonnant dans sa barbe :

- T’entends ça Demi, ils sont beaucoup et on va se faire buter… T’y crois un peu à tout ça ? J’pense que tu devrais lui demander combien qu’ils sont en vrai et où il est ce hangar… il a l’air sensible à tes charmes, chui sur qu’il te dira tout, ce joli cœur.

Le géant fixait la chasseresse et sa proie d’un air amusé : il était venu pour un bête mutant, il en aurait pour sa soirée, si ils partaient ensemble en ballade pour en buter une petite dizaine. C’était des soirées comme il les aimait tout particulièrement, y avait pas à dire …


[/quote]

marry the night

I'm killing them all, I put my soul on the line, I purify sins that I committed in life. I'll follow them all and I'll be bringing them down, wherever they go, I'm right behind. There's nowhere to go, your head on the line, there is no hope, you're running out of time. So where will you go, when I will murder your soul ?

Spoiler:

Décidément, cette soirée s’annonçait riche en rebondissement. D’abord l’apparition de Demi, puis la disparition de sa proie, et maintenant la révélation de l’existence d’un petit nid de mutants à quelques pâtés de maisons de là. A présent il fallait qu’ils se décident, et vite : peut être que d’une manière ou d’une autre, les mutants avaient été prévenus de leur présence, par l’absence du mutant qu’ils avaient sous la main par exemple. Parrish réfléchissait à toute allure : six individus, dont trois mutants. Cela signifiait soit foncer dans le tas et buter tout le petit groupe façon strike, ou réussir à isoler les dégénérés de leurs petits camarades et les éliminer discrètement. La situation était délicate pour le chasseur, qui renaclait toujours à tuer des non mutants. Cependant, si ils épargnaient les humains, ils prenaient le risque qu’ils appellent des renforts, ou pire, la police. Et il n’avait clairement pas la patience d’expliquer aux forces de l’ordre qu’ils n’étaient là que pour neutraliser les menaces dégénérées et protéger les citoyens de la ville. Ils allaient donc devoir la jouer fine. Il se gratta l’oreille du canon de son arme nonchalamment, alors que Démétria mettait fin à l’existence risible et répugnante du mutant dans un chuintement métallique presque mélodieux. Il étira ses lèvres dans un rictus vaguement moqueur quand la chasseuse se plaignit pour sa robe, avant de répondre tout à fait galamment :

- Tu es tout à fait séduisante même couverte de sang de dégénéré, si ça peut t'rassurer. Et puis je suis sur qu’il n’y a rien qu’un très bon teinturier ne puisse rattraper, lui fait juste de la thune et une bonne excuse.

Il se pencha vers le corps encore chaud, puis le délesta de son porte feuille : pas qu’il ait spécialement besoin de monnaie, mais sans carte d’identité sur lui, l’identification du corps prendrait facilement 36 à 48 heures de plus. Et c’était toujours ça de pris.

- J’espère que t’es pas fichée, t’as du foutre de tes empreintes absolument de partout … Bon du coup, on y va, et après ? On les butte tous, ou juste les mutants ? Parce que ça m’fait chier de tuer des civils, mais hey, si c’est des pro mutants … Y a complicité, ou association de malfaiteurs, nan ?

Voilà, il suffisait juste de modifier l’histoire, juste un peu, et déjà le peu d’état d’âme qu’il pouvait avoir trouvait un accord tacite avec sa conscience, et tout devenait plus facile.

- Menteuse… Bien sur que tu aimerais que ça dure toute la nuit, tu prends grave ton pied là.

C’était que ce n’était pas franchement désagréable pour tout dire, surtout en sa compagnie. Il y avait plus chiante et moche que Démétria, clairement. D’un geste du bras, il l’invita à ouvrir la marche, remettant le cran de sécurité de son arme, qu’il gardait toujours à la main. Il aurait le temps de jouer de la gachette bien assez tot, pas besoin de se faire remarquer avec un coup tiré dans le vide par inadvertance….

Elle était marrante, Demi, avec ses airs de geisha sanglante. Elle prenait ses airs de grande dame du monde, de jolie femme précieuse, et la nuit tombée elle se retrouvait à jouer les charcutières en robe de créateur. Non vraiment, il y avait une sorte de décalage entre son image et sa personnalité qui amusant beaucoup Parrish, qui haussa les épaules quand la jeune femme lui rappela qu’elle n’était pas du genre à se faire pincer bêtement. Il se laissa conduire jusqu’à la magnifique voiture de Demi, sifflant d’admiration devant la beauté de la carrosserie, qui devait dissimuler un moteur tout aussi intéressant. En même temps, il n’imaginait pas la chasseuse se baladait dans un break familial ça aurait été totalement improbable.

- Pour vouloir être présentable, il aurait fallu que je veuille être en mesure de charmer quelqu’un. Or ce genre de chose m’indiffère totalement, alors que c’est ton fond de commerce, hein ?

Il ne savait pas spécialement l’étendue des activités de la jeune femme, mais il était évident qu’elle passait plus de temps avec le gratin de la société que lui. Au pire, il lui laissait avec grand plaisir la place… Il attrapa les clés avec dextérité, un petit sourire aux lèvres, avant de tenir galamment la portière à la jeune femme qui lui lança un pic digne d’une première section de maternelle :

- Au pire, tu as surement l’assurance qui va avec, hein princesse ?

Dans un vrombissement de moteur, il démarra la voiture pour filer dans la nuit en direction de l’entrepot. Il savait bien où l’endroit se trouvait, il espérait simplement qu’ils n’arriveraient pas trop tard. Il attrapa une cigarette dans la poche de sa veste pour l’allumer à l’allume cigare, callant la barre de nicotine entre ses dents en grognant :

- Bon, On se débrouille comment ? Tu toques à la porte et tu leur demande si ils ont un moment pour parler de Jésus notre Sauveur, et je les assomme dès qu’ils mettent un pied dehors, ou tu as quelque chose de plus élaboré en tête ?

S’il avait été seul, il aurait probablement dégoupillé une petite grenade lacrymo la dedans, et aurait fini le travail avec une arme automatique, façon règlement de compte entre gang. Mais quand il était en si agréable compagnie, il renaclait à jouer les petits chefs barbares. Alors si Demetria avait une idée, il s’y pliera docilement. Sinon, et bien ils feraient à sa manière, alors qu’il éteignait les phares à l’approche de la zone d’activité glauque et mal éclairée …