i. comment êtes-vous entré parmi les hunters?

Comment ne pas sourire devant une telle question ? Il me suffirait presque vous susurrez : Callahan. Et là, l'évidence s'impose, la réponse devrait même se créer toute seule dans votre tête. Mais, comme je veux que vous soyez averti complètement, que vous ne ratiez pas une miette de cette compréhension qui, ne s'installe visiblement que partiellement dans votre tête, je vais être plus clair : Cal-la-han. C'est mieux ? Un effort voyons, ne sentez vous pas cette peur ? Cette appréhension qui remonte doucement dans le cheminement de vos veines pour affluer vers votre cerveau ? Certain dans ma famille tâchent notre nom, moi je le redore. Je suis l'héritier d'une grande et dangereuse famille de hunter, je suis né Hunter, j'ai mangé, bu, dormi, apprit, souffert, détesté, détruit, violenté en hunter. J'ai hurlé, déchiqueté, détruit,écorché, démembré, tué parce que je suis un hunter. La seule chose que mon père m'ait apprit depuis que j'ai eu la capacité de comprendre la signification des mots c'est d'être un chasseur de dégénérés.

ii. avez-vous déjà effectué votre devoir de chasseur ?

Evidemment, que je l'ai fait. Je l'ai fait depuis que j'ai eu l'âge de le faire, même avant. Ma vie tourne principalement autour de l'élimination des créatures anormales qu'on appelle salement et affectueusement les mutants ou dégénérés. Ce sont des parias, des malades, des êtres anormaux dotés d'une excroissance d'esprit diabolique. Ils sont des véritables déjections de la natures, des erreurs que l'on doit effacer. Oui, j'en ai déjà tué, oui j'ai déjà rendu service à l'humanité en éliminant par poignée. Je continuerai jusqu'à égorger moi-même le dernier dans cette ville.

iii. les mesures du traité de protection des mutants vous font-elles peur ?

Ces mesures pour protéger ces mutants sont à mes yeux les plus grosses illusions jamais crées. Ce sont de simples mots balancés sur un bout de papier officiel cherchant vainement à protéger des personnes dangereuses par une simple vitre de verre au premier coup de poings. Pensez t-il réellement pouvoir nous stopper avec de simples phrases ? Pensez-t-il réellement pouvoir entraver notre ferveur justifiée par la justice elle-même ? Je trouve ces décrets ridicules, ça ne change rien et je sais que ça n'a jamais été leur but, c'est un leurre pour les rassurer, pour qu'ils croient qu'ils sont protégés. Mais, jamais ils ne le seront, jamais le sentiment de sécurité pourra légitimement apaiser leurs esprits. Alors, ai-je peur ? Non, je ne suis pas effrayé par ces mots. Leurs menaces je ne les crains pas.

iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?

Quelle aubaine ! Laissez-moi vous étaler tout le plaisir que cette nomination m’a fait. Un homme aux valeurs puristes à la tête de notre ville était pile ce qu’il nous fallait pour réduire la masse de dégénérés grouillant dans cette ville. Bien que, en étant plus qu’honnête il agit comme simple soutient, levier à nos idées. Il permet de rendre légal ce que les autres ont tentés de rendre illégal. C’est une bonne chose, vraiment, il sait où il doit aller et où doit aller cette ville. Il est temps maintenant de lever les armes et il est certain que cet homme nous y poussera. Nous prônons la protection de ceux qui n’ont pas les moyens de le faire face à ces êtres mutés. C’est un bon leader, cherchant la sécurité de son peuple.

Il est raconté à qui bon veut l'entendre, que la mémoire d'un être humain ne se souvient que des événements de sa vie à partir de l'âge de ses cinq ans. Sauf, bien sûr, si un événement traumatisant survient avant ce seuil. Malheureusement, ce fut le cas pour le jeune Matthias Callahan. Ce jour-là l'église était sombre, tout aussi sombre que les expressions des convives présents dans ce lieu divin. Le bois du cercueil, lisse et propre enveloppait le corps de sa mère. Trois ans c'est bien trop jeune pour comprendre que la vie peut nous soutirer les choses que l'on aime sans qu'elle vous y prépare. Apprendre la douleur par la mort de quelqu'un de proche est quelque chose de terrible. L'arrachement fut net, précis et douloureux. Les larmes coulaient sur les joues de Matthias défiant toute la volonté qu'il s'afférait à rassembler pour rester digne. C'était un monstre qui avait tué sa mère. Ces monstres dont on lui avait parlé depuis qu'il avait commencé à entendre et comprendre les choses de la vie.

On lui avait dit, qu'ils étaient dangereux et qu'il fallait les tuer, tous. C'est d'ailleurs ce que faisaient les parents de Matthias, avec leurs amis. On les appelait les hunters, des chasseurs de dégénérés. C'était l'un de ces monstres, qui avait arraché le dernier soupire de sa mère, lui retirant ainsi une partie de lui-même.

Les chants funèbres n'apaisaient en rien la tristesse présente dans son cœur. Debout, à quelques mètres du corps inerte de sa protectrice, il sentait progressivement la colère de son père se propager à son petit corps encore frêle. Il n'oublierait jamais son visage, jamais il n'oublierait son expression digne, ponctuée de colère et de tristesse. Jamais, tous deux, ils ne seraient en paix tant qu'on n'aurait pas retrouvé cette infâme créature qui avait osé ébranler leur monde. Mais, encore bien trop jeune pour comprendre les futurs sentiments qui l'animeraient avec le temps,  sa colère et avec l'éducation de son père. Il laissait pour l'instant, en silence, quelques perles salées glisser le long de ses joues rougit par la tristesse.

« Maman dort maintenant »

Le temps s'échappa mais, il fut vite mis à profit pour parfaire son éducation de hunter. La perte d'un être cher vous reste dans les entrailles et s'il était bien trop jeune ce jour-là, pour laisser éclater la violence qu'avait engendrée en lui, la mort de sa mère, elle transparaissait aujourd'hui largement dans ses entraînements. Son père s'unit quelques temps après l'événement de sa vie, avec une autre femme, une amie de la famille. Le jeune Callahan, n'avait jamais accepté cette nouvelle présence. Jamais, personne ne pourrait remplacer sa véritable mère, et cette femme encore moins. Il trouvait que quelque chose n'allait pas chez elle, comme une horloge mal réglée, chacun de ses mots résonnaient à ses oreilles comme des tic-tac disharmonieux et agaçants. Il ne l'acceptait pas, il ne l'aimait pas et cette hostilité devint rapidement réciproque.

L'union de cette femme et de son père donna naissance à des jumeaux. Salomé et Noeh. L'indifférence qui animait Matthias à leur égard n'avait rien de normal, mais, aussi rien de bien surprenant. Il ne leur accorda aucune importance pendant une dizaine d'années. Ne désirant pas s'encombrer de leurs existences.

Matthias n'était pas de nature très bavarde, obnubilé par la simple idée de s’entraîner pour un jour accompagner réellement, son père dans une chasse. Se terrer dans le silence était pour lui la clef de la concentration, puis, il ne voyait pas l'intérêt de communiquer avec les autres, de se lier avec des êtres, de se sentir proche d'un tiers. Il pensait pouvoir se soustraire à toutes ses banalités humaines.

Au fils du temps et des entraînements, il devint bon, très bon. Il excellait dans les arts de combat et dans l'escrime, maniant les armes blanches et à feux avec une précision extraordinaire. Il savait parfaitement comment inspirer la peur, il la cultivait, la développait.


Le silence de leurs déplacements relevaient presque du surnaturel, le groupe de chasseurs semblaient survoler le sol. La traque était l'un de ses jeux préférés. Matthias se délectait de leurs expressions de surprise à chaque fois qu'il leur tombait dessus. C'était bon, un contentement salvateur cherchant à gommer cette douleur encrée en lui depuis la disparition de sa mère. Au loin, il avait déjà repéré sa cible après un bref coup de tête et un rapide signe de la main à ses confrères il s'élança furtivement sur son dégénéré, sa main droite agrippée sur le manche de l'un de ses couteaux. Il allait tuer, rendre justice à ce monde qui n'avait pas demandé de recevoir ces abominés.

Se rendre sur sa cible était une chose aisée. La bête se sentit pris au piège. Elle savait le massacre qu’il l’attendait, le plus amusant c’est quand ils cherchaient à s’enfuir à s’agripper aux maigres minutes qui leur restaient. Il était souvent bien plus rapide, il arracha un premier couteau à sa ceinture et le lança vers le fuyard, la lame se planta dans sa jambe. Le mutant chuta dans un cri rauque. Vacciné de toute pitié et de toute compassion, il s’avança l’expression sereine vers sa future victime rampant sur le sol. Il s’agenouilla près de cet être malsain, les lèvres closes. Les larme et la peur ne lui faisaient rien, ou peut-être lui inspiraient-ils encore plus dégoût.  Le couteau trancha l’air et l’épiderme de sa victime avec une violence extraordinaire. Il agissait toujours l’expression absente, les yeux grands ouverts, les traits de son visage durcis par la colère, la haine et le dégoût décuplé par leur terreur. Des petits écoulements de sang s’échappaient des coupures provoquées par sa lame, tâchant ses vêtements et l’endroit à l’entour, le liquide chaud rougeâtre à l’odeur âcre se déversa en flots pourpres sur le sol, mais le mutant se battait, refusait de mourir maintenant, il a suffi d’une simple pierre et d’un coup maladroitement mené pour entailler sa joue droite. Un cri de douleur filtra au travers de ses lèvres pourtant serrées par la haine qui brûlait son corps. Il mit plus de rage, plus de force, le travail n’était pas aussi propre qu’il le faisait d’ordinaire. C’était un véritable carnage, une bataille sans trêve, puis il vint à bout de la ferveur du mutant.  Un soupire clôtura son  spectacle. Il s’essuya les mains, lança un dernier regard dédaigneux sur cette carcasse décharnée par sa lame et tourna le dos. Un de plus sur sa liste, il allait retrouver les autres. Il laissa comme simple présent son mouchoir ensanglanté aux pieds du cadavre et ce dernier lui laissa comme souvenir une nouvelle cicatrice pour toute une vie.


« Tu t'occuperas de l'entrainement de Salomé pendant mon absence » Ce n'était pas une demande mais, bien un ordre. Depuis quelques temps il voyait son père l’entraîner, il ne savait pas réellement dans quel but, puisque c'était lui qui devait perpétuer leur héritage et il le faisait déjà très bien. Avec distance il les observait. Elle se défendait bien, rien de plus. Il n'avait jamais ressenti quoi que ce soit de fraternel envers les jumeaux, mais, il fallait avouer que Salomé avait quelque chose qui l'attirait, qui lui ressemblait légèrement. Noeh, quant à lui se contentait d'être aux antipodes des valeurs familiales, il ne dégageait pour le jeune homme, rien de bien attrayant, absolument rien chez lui pouvait justifier un quelconque élan familial de la part de l’aîné des Callahan.

Il accepta au début à contre cœur la demande de son père. Puis, au fil des enseignements dispensés il retrouvait en elle quelques facettes qui le caractérisaient également. Ils passaient beaucoup de temps ensemble, tellement qu'un lien indéfinissable commençait à se tisser entre eux. Salomé était sa sœur et elle était douée. Il l'invita à participer à ses chasses et il ne pouvait nier ce sentiment de fierté face aux agissements de sa sœur, face à ses talents, face à ses coups si bien portés. Il était dur avec elle, mais la dureté dont il faisait preuve n'était que la répétition de celle de son père pour leurs entraînements, peut-être en un peu plus accrue. Mais les fruits que ça portait était bien trop juteux pour qu'il se calme. Quand il l'emmenait avec lui dans ses chasses, il voyait briller, bien trop souvent, dans les yeux de la jeune fille, une lueur teintée d'admiration. Cela lui procurait une sensation étrange. Les autres le craignait pour ce qu'il était, elle, elle arrivait à trouver ça admirable. Au fond il adorait ça, il adorait lui apprendre les choses qu'il savait faire.


Quand l'accident survint. Un sentiment douloureux secoua son échine. Un froid intense s'éprit de son corps. Les mots avaient claqué dans l'air comme un coup de fusil dans le silence de la forêt. Un dégénéré ayant contrôlé et failli tuer un Callahan. Noeh avait toujours été trop insouciant face à leur combat et voilà qu'il se retrouvait au cœur de la bataille, placé au milieu de celle-ci comme une vulgaire victime. La scène lui rappela immanquablement l'image de sa mère. La violence qui remontait lentement en lui tel un serpent glissant vers sa proie fit trembler sa main. Il fallait partir, se contrôler, garder le calme, ne pas se laisser emporter.

Il regardait Salomé, du coin de l'œil trébucher sournoisement vers une colère qui enfanterait une folie certaine. Il ne voulait pas que sa sœur sombre dans l'obscurité malsaine de la démence car, si elle le faisait, il la rejoindrait très certainement trop rapidement.

« J'ai vu les dégâts. » Cassant le silence qui régnait dans la pièce qu'il partageait avec sa sœur, il planta ses yeux azurs dans les pupilles brunes de Salomé. Ses dents découpèrent un morceau de pomme qu'il mâchouilla devant elle. Il se revoyait, debout face à son frère encore inconscient. Le visage assombri par la colère. Comment avait-on pu encore toucher à un membre de sa famille ? Comment ? Le coma de Noeh représentait un échec à sa quête. Il ne savait pas combien de temps il était resté planté devant la respiration lente de son frère, seul signe apparent de sa survie. Il ne le portait pas vraiment dans son cœur, mais, c'était comme si l'entaille s'était réouverte, que la plaie recommençait à saigner. Par respect, il était venu, mais aussi pour voir, pour voir ce qu'il restait encore de son frère. L'image de Noeh servirait de leçon, rien ne pourrait être arrangé tant que les mutants arpenteraient encore les rues.

Le silence faisait partie de leur relation. Mais, toujours aussi intensément, il observait sa sœur. Matthias attendait une réponse. Il craignait qu’elle sombre, et il devinait déjà que les mots qu’elle allait lâcher allaient les conduire vers des effusions de voix violentes.


Perché en hauteur il avait une vue plongeante sur la scène, à côté de son père il regardait la fin de l'acte. La voir ainsi penchée sur le mutant qui avait détruit Noeh lui renvoyait sa propre image de violence. Les giclures de sang sur l'herbe et les roches témoignaient de la véhémence qu'elle avait fait preuve pour ôter la vie du dégénéré. Violence miroir qui le gifla en pleine face. Il se mordit la lèvre et ne put cacher cette expression de surprise qui déformait les traits pourtant si impassibles de son visage. Qui était-elle vraiment ? Salomé s'était-elle perdue dans les méandres de la vengeance ? Il ne voulait pas qu'elle arpente les mêmes chemins que lui, il ne voulait pas qu'elle connaisse les mêmes douleurs que lui. Ses yeux devaient trahir son incompréhension. Elle lui était aussi étrangère qu'une inconnue. Son regard croisa furtivement le sien cette lueur qui tranchait le regard de sa sœur était le même que le sien au moment de tuer.

Il l’avait laissé filer sur les sentiers tortueux d’une psychose difficile à calmer, sans encore comprendre que les fondements de celle-ci étaient tout autres que ceux auxquels il pensait.