Il faisait un froid polaire à Radcliff, et Lorcan essaya d’accélérer le pas pour rentrer chez lui plus vite. Entre l’arrêt de bus et son appartement, il n’y avait que quelques rues, et il ne s’était jamais rendu compte de la vraie distance que cela pouvait représenter … Sans doute parce qu’il n‘avait jamais pris le bus depuis qu’il s’était installé dans ce quartier. Il n’en avait jamais eu besoin, il avait ses jambes et il avait sa voiture, il se débrouillait très bien sans avoir à se taper les transports en commun … Mais depuis qu’il n’avait plus l’usage de ses jambes et qu’il ne pouvait plus conduire, se déplacer était devenu bien plus ardu. Il était bien content d’être sorti de l’hôpital et de ne plus être cloué au lit, mais s’il avait espéré pouvoir mener une vie normale dès qu’il serait revenu chez lui, il avait vite déchanté. Il avait bien récupéré de toutes ses contusions, mais il mettrait encore de très longues semaines avant de pouvoir marcher correctement. Armé de ses béquilles, il découvrait donc la ville sous un nouvel angle, et ça ne lui plaisait pas du tout. Il n’avait jamais aimé rester chez lui à traîner, et il se forçait à sortir tous les jours, au risque de devenir fou entre ses quatre murs. Il n’était pas Calista, il n’était absolument pas capable de regarder une série toute la journée, même si la série était excellente. Il voulait courir, il voulait se dépenser … Mais il clopinait comme l’infirme qu’il était devenu depuis sa rencontre avec le hunter.
Aujourd’hui pourtant, il se serait bien passé de sortir. Il était allé chez le kiné pour une séance de rééducation, il avait du traverser toute la ville par ce froid, et il devait maintenant faire le chemin inverse, mais avec en prime une douleur lancinante dans toute la jambe. Il était d’humeur massacrante, et les
décorations de Noël tout autour de lui le laissaient de marbre. Il n’avait pas fait de
sapin chez lui et il n’avait pas l’intention d’en faire. S’il aimait cette période habituellement, parce qu’elle ouvrait la saison des sports d’hiver qu’il adorait par-dessus tout, cette année sa blessure au genou l’empêchait de profiter de l’euphorie ambiante. Il ignora donc les
enfants qui passèrent en criant devant lui, excités à la vue des
cadeaux dans les vitrines tout autour, et il soupira de soulagement en arrivant devant son immeuble. Une fois chez lui, il se laissa tomber dans son canapé avec un nouveau soupir et il ferma les yeux un instant. Il avait les mains gelées, et son genou lui faisait un mal de chien. Les séances de kiné se succédaient sans qu’il ne voie aucun progrès, par contre il devait ensuite supporter la douleur lancinante qui ne le lâchait pas pendant de longues heures. Ca irait mieux lui disaient les médecins, ça finirait forcément par aller mieux se répétait-il pour ne pas exploser … Il ne pourrait pas rester comme ça éternellement. Mais il ne supportait plus cet état lamentable qu’il se traînait depuis sa rencontre avec le hunter. Il voulait voir une amélioration, il voulait que ça aille vite, il n’avait aucune patience pour tout ça !
Une bonne dizaine de minutes était passée depuis qu’il était rentré, et il était toujours assis sur le canapé, sans bouger, quand on sonna à sa porte. Il jeta un regard noir à sa porte, vers cette personne qui avait vraiment mal choisi son moment pour le déranger. Là, tout de suite, il ne voulait pas bouger. Il avait encore besoin d’un moment avant de se lever, et il eut très envie de faire le mort. Il n’attendait personne, alors ça ne devait pas être bien important. Mais la sonnette retentit une nouvelle fois et Lorcan jura.
« J’arrive, une seconde ! » Gueula-t-il à la porte, avant de prendre appui sur sa jambe valide pour se relever. Une décharge le traversa quand il bougea son genou, mais il l’ignora et attrapa ses béquilles d’un geste brusque. Qui que ce soit, il allait essuyer sa bonne humeur ! En quelques bonds, il fut à la porte et l’ouvrit sans douceur.
« Qu’est-ce qu… » Lorcan eut un mouvement de recul, sa mauvaise humeur étouffée par le choc. Devant lui se tenait son père, la dernière personne qu’il s’attendait à voir devant chez lui.
« Qu’est-ce que tu fais là ? » Son exaspération était vite revenue, et la douleur l’empêchait de céder aux autres émotions, celles qui auraient pu prendre le pas devant son père en d’autres circonstances.