elle a claqué la porte au petit matin, valise en main. elle n'a pas jeté un regard en arrière, n'a pas prononcé le moindre mot, a préféré fuir. il n'entendra plus jamais parler d'elle sinon pour des questions judiciaires. lliago avait sept ans lorsque sa mère s'en est allée. elle ne veut plus le voir, ni lui, ni son père ; ils sont pareils de toute manière. il n'a rien hérité d'elle, ni son physique, ni son caractère. en tout cas c'est ce qu'elle affirme. pourtant c'est évident qu'il a ses yeux. enfin c'est ce qu'il croit. ça fait bien trop longtemps qu'il ne l'a pas revue. elle l'a abandonnée aux mains d'un tyran. bourreau d'enfance. il est alcoolique, violent, il n'a d'yeux que pour sa propre petite personne. il ne travaille pas. ils vivent misérablement. tant et si bien que lliago en vient à fréquenter plus les rues que sa propre maison. mais il l'aime, son père, malgré tout. parce qu'il est tout ce qui lui reste. très vite, il est devenu ami avec des individus peu recommandables. en grandissant il a donc rejoint un gang de rue et ce serait qu'un euphémisme de dire que son casier judiciaire est bien rempli. des délits mineurs, au pire quelques actes de violence envers autrui, mais rien d'autre. rien qui ne l'ait empêché d'atteindre le lycée, mais non sans peine. lliago n'est pas un génie, ce qu'il a obtenu, il l'a eu en travaillant, tard le soir. c'est de cette époque que lui viennent ses insomnies à répétition. il s'y est fait. mais tout de même. au lycée, il a rencontré un garçon.

james.

un gars de la haute, qui s'est retrouvé dans le lycée de secteur à la mort de ses parents. héritier d'une fortune colossale, il se pavanait dans les couloirs, lançant des regards méprisants à quiconque croisait son chemin. lliago a très vite décidé que l'enquiquiner était une bonne occupation. ce n'est que plus tard qu'il a compris qu'en l'absence de figure paternelle, il a projeté son besoin d'affirmation sur l'autre adolescent. un besoin de se rebeller, de s'affirmer, de montrer qu'il est devenu grand. c'est un peu naturellement, et par hasard, qu'ils en sont venus à se fréquenter en dehors de l'école durant leur dernière année de lycée. relation qui a vite évolué, trop vite. ils sont devenus amants, mais évidemment, lliago n'était rien d'autre qu'un gamin des rues aux yeux de james qui l'a vite rejeté, dès son déménagement pour l'université. c'est cette rupture, douloureuse, qui a poussé lliago à s'en aller, à couper les ponts avec son père qui, il l'avait deviné, le chasserait aussi tôt qu'il apprendrait l'homosexualité de son fils. il a donc quitté brooklyn sans un regard en arrière. direction los angeles.

ucla.

il déteste james. il le déteste toujours. mais il doit bien avouer que sans lui, il serait encore un perdant, un gamin des rues sans but et sans ambition.

qui es-tu lliago ? quel est ton principal atout ? que veux-tu faire de ta vie, lancastre ? quelle est la seule chose que tu saches faire ?

tant de questions. mais la réponse est claire. la seule chose qu'il ait jamais connue. les déboires familiaux et toutes les souffrances qui vont avec. claire comme de l'eau de roche, sa vocation s'est tracée sous son regard. il doit aider ceux qui sont dans le cas où il a jadis été. ces gamins sans avenir, abandonnés de tous. c'est lui qui devra les aider. et sensibiliser le reste du monde à cette cause.

avec l'arrivée des mutants dans le paysage médiatique américain, lliago s'est donc improvisé sauveur des mutants dits originels, incontrôlables par leurs parents. c'est dans le cadre de ses recherches, effectuées en même temps que ses périodes d'enseignement à l'université de radcliff, qu'il a rencontré l'un des plus grands spécialistes de la génétique mutante.

atlas kirk.

il n'est pas sans lui rappeler james, avec son attitude supérieure et son regard méprisant. mais il a grandi, lliago, et il n'a plus besoin d'une figure paternelle. cependant il sent bien qu'un pas de travers et il s'amourachera du scientifique, si ce n'est pas déjà le cas. alors il s'entête à le repousser, à lui faire comprendre que leurs rapports sont strictement professionnels.

tout commençait à aller de l'avant dans sa vie, se traçant sans qu'il ait à faire quoi que ce soit. son nom commence à être connu et de plus en plus de parents de mutants originels frappent à la porte de son cabinet. il s'est fait des ennemis aussi. chasseurs, rebelles. aucun groupe ne peut tolérer la parole qu'il prêche entre les murs de son bureau. acceptation de soi, d'autrui, harmonie. utopie, qu'ils disent. pourtant, il le sait, si l'on éduque bien la jeune génération, aucune guerre n'aura à éclater.

mais depuis deux semaines, rien ne va plus dans la vie de lliago. on l'a appelé pour une consultation de routine, en urgence à l'hôpital. un accident de la route. deux parents dans le coma, deux enfants sous le choc, un conducteur ivre. oui mais pas n'importe quel conducteur. le père de lliago. il a succombé à ses blessures, non sans avoir insulté son fils une dernière fois, faisant resurgir ses vieux démons. t'es qu'un moins que rien lliago, t'as pas d'avenir les mots du père se mêlent à ceux de james, et lliago perd la boule. il ne se déplace même pas pour l'incinération.

quelques heures après son départ de l'hôpital, ça le submerge, comme une immense vague, il est en pleine rue, un café à présent à ses pieds. la colère, la tristesse, l'insouciance, la joie et l'ennui. tout à la fois et rien en même temps. sa gorge se nous, son estomac se sert, et il rit. il s'assoit finalement sur un banc. livide. il a vu assez de mutants pour connaître les symptômes. et puis il s'est assez souvent demandé quel serait son don s'il en avait un. il n'avait pas pensé à l'empathie. la télépathie oui, pas l'empathie. c'est insoutenable, il a l'impression d'être fou. il a étudié la bipolarité, et soudainement tous ces symptômes lui semblent étrangement familiers. il rentre, non sans peine, jusqu'à son appartement qu'il ne quittera plus.

toc. toc. deux coups frappés à sa porte.

atlas

il n'a pas mis les pieds à l'université depuis plusieurs jours. il a appelé l'établissement pourtant, leur a annoncé le décès de son père, qu'il prenait des congés.

atlas, qu'est ce que tu fous là? et puis il s'approche, et ça le submerge encore. comme à chaque fois qu'il s'approche de la fenêtre ou qu'il va faire les courses, la musique sur ses oreilles pour essayer d'étouffer le bruit extérieur.

solitude, colère, mélancolie.

ça lui sert le coeur.

pourtant, il a toujours l'air si enjoué en sa présence ?

pourquoi t'es si malheureux ?

alors il lui explique. l'immortalité. un fardeau sans nom. un camarade au don maudit.

il ne revient pas de la semaine, abandonne lliago à son propre sort.

lorsqu'il revient c'est l'euphorie qui lui soulève le coeur.

tu reviens comme une fleur, et heureux en plus de ça

il a pris le vaccin. il est guéri.

ils vieilliront ensemble.

il ne le dit pas, mais ils le pensent tous les deux.

la mutation l'a éloigné de tous, mais l'a rapproché d'atlas, et il se demande si ce n'est pas un bon compromis, finalement.

qui es-tu lliago ?
étudiant en psychologie,
doctorant en psychologie de l'enfance,
professeur titulaire en psychologie spécialisé dans celle de l'enfance et de l'adolescent,
bénévole à l'hôpital de radcliff,
chercheur en psychologie de l'enfance et de l'adolescence,

il a été tout ça, mais maintenant, il est simplement

mutant

voilà ce qu'il est.