Sujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius) Sam 23 Juil 2016 - 19:23
My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius
« Alors ne fais rien »
Ne rien faire ? Ne rien faire, ç'aurait été l'abandonner définitivement, le délaisser à son sort et ne pas chercher à inverser les choses. Marius avait beau lui dire, l'implorer de ne rien faire, Hippolyte ne pouvait s'y résoudre sans avoir l'impression de se trahir et de trahir tout ce en quoi il croyait, à commencer par son fils. Car malgré les apparences, malgré la déception qui avait maintes fois animée son regard, la fierté s'y était parfois glissé, timide, masquée par la froideur mais bien présente. Il avait brièvement brillé dans ses yeux lorsque Marius lui avait fièrement annoncé qu'il avait remporté son premier match de hand, elle avait tressailli lorsqu'il avait gravi les échelons, elle s'était reflétée dans le regard de Samuel lorsqu'il l'avait tenu dans ses bras pour la première fois. La toute première et unique fois. C'était donc trop dur de se résoudre à ne rien faire, de garder en bouche le goût amer de l'échec, de laisser Marius partir avec une image en demi teinte sinon complètement terne de son existence. Et les rôles s'inversaient, entre un fils résigné et bien trop calme et un père hurlant et crachant son mécontentement sans se soucier un seul instant de l'impact que pouvaient avoir ses mots.
A bout. Il était à bout et pourtant déterminé à se battre quoi qu'il lui en coûte. Déterminé à s'en aller si ça pouvait permettre à Marius d'aller mieux, même s'il devait en souffrir, même s'il devait se résigner à ne plus jamais s'immiscer dans sa vie... Mais c'était sans compter la détermination de cette bourrique qu'était Marius. Alors il hésita. Une simple pression sur un bouton et une infirmière se précipiterait pour aider le malade à se relever. Lui n'aurait qu'à récupérer ses affaire et s'en aller, comme si de rien n'était, faisait une croix définitive sur les ruines d'une relation aussi tumultueuse qu'un cyclone. Son esprit lui hurlait que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire, mais son corps, guidé par l'instinct, s'y refusait. Et quelque part, dissimulée derrière un rationalisme effroyable, une conscience animée par les sentiments et la spontanéité tentait de se faire entendre. Marius a besoin de toi. Aujourd'hui plus que jamais, il a besoin de ta présence, de ton soutien, de son aide. Il a besoin des choses que seul un père peut lui apporter. Il a besoin d'une épaule sur laquelle pleurer, d'une oreille attentive à laquelle tout confier, il a besoin d'un père qui le prendra dans ses bras s'il fait un cauchemar... Marius a besoin de tout ça parce qu'il a besoin d'un père. Et ça, il n'y a que toi qui puisse le lui offrir. Alors fais-toi violence, au moins une fois dans ta vie. Cette conscience, aussi inexistante et détestable soit-elle, venait de l'empêcher de commettre une nouvelle erreur. L'erreur de trop. Celle qui aurait pu lui coûter quelques mois précieux avec Marius, une erreur qu'il aurait faite par facilité, par refus de changer pour qui que ce soit. Victoire n'était pas parvenu à faire de lui autre chose que l'homme froid et taciturne qu'il était. Elle était simplement parvenu à le rendre plus doux, plus humain... Peut-être Marius arriverait-il enfin à en faire un être humain comme les autres et non un robot sans âme ?
Il avait retiré sa main de la télécommande, attrapé son fils par le col et projeté contre le mur, la colère et l'angoisse annihilant toute trace de douleur chez lui. Etait-il donc le seul à refuser que Marius se laisse aller aussi facilement ? Le seul à refuser qu'il se laisse mourir ? Le seul... A vouloir le voir vivre ? S'il avait pu, il aurait échangé sa place avec son fils sans la moindre hésitation. Il avait vécu deux fois plus longtemps, accompli beaucoup de choses dans sa carrière, brisé la vie de ses enfants... Il pouvait bien s'en aller satisfait et chargé de regrets. Mais pas Marius. Pas si tôt. Pas maintenant. Jamais. Son regard se fit plus froid encore, plus dur que jamais, et il le toisa de haut malgré la dizaine de centimètres qui les séparait. Non Martial n'était pas au courant. Parce que Martial avait disparu, Martial était introuvable, il n'y avait qu'une seule certitude : Martial était en vie. Mais pour combien de temps ?
« Inverse les rôles deux petites secondes, Marius. Tu caches ta malformation cardiaque à ton frère depuis six ans. D'après toi, il n'y a vu que du feu... Alors qui te dit que lui non plus ne peut pas te cacher quelque chose d'aussi grave ? Tu ne me feras pas croire que tu ne remuerais pas ciel et terre si c'était le cas... »
Mais il était fatigué, de plus en plus épuisé par tout ça. Les soucis plissaient son front, l'angoisse faisait naître des rides au coin de ses yeux, la fatigue creusait les cernes... Soudain, il avait l'impression de paraître bien plus vieux qu'il ne l'était. Se laissant tomber dans son fauteuil, il lâche quelques aveux à Marius, des choses dont il se serait bien passé, d'ailleurs. La question du jeune homme, lâchée presque par réflexe le laissa songeur un instant.
« C'est ta mère, oui... Elle ne m'a pas... Vraiment donné d'explication. Simplement qu'étant chasseuse, elle se devait de faire son devoir. Elle serait bien étonnée d'apprendre que cette mutation qui a surgie de nulle part a disparue depuis. Enfin ce n'est pas important. »
En réalité ça l'était. Car ce qu'Hippolyte ne disait pas à Marius, c'est que sa mère projetait de le tuer, de le faire passer de vie à trépas avant même que son cœur ne s'en charge. Mais il était trop tôt pour que Marius l'apprenne, trop tôt pour qu'il haïsse plus encore sa mutation, trop tôt pour qu'il réalise qu'en plus de l'ignorer, sa mère projetait de l'assassiner. Et malgré tout, Hippolyte savait que Victoire aimait son fils. Il savait qu'elle ne ferait pas ça de gaîté de cœur, mais ça ne changeait rien à ce qu'elle avait l'intention de faire. Un long silence s'installa alors entre eux, durant lequel Hippolyte fut partager entre la quiétude de ce moment de suspension et l'angoisse de ce qui allait surgir derrière. Il s'attendait à ce que Marius l'accule plus encore sous la culpabilité, qu'il lui assène à n'en plus finir qu'il voulait mourir et qu'il y arriverait coûte que coûte... Il s'était attendu à tout, sauf à la phrase que prononça le jeune homme en reprenant la parole. Relevant la tête en écarquillant de grands yeux, il se demandait s'il avait bien entendu. Que tu le veuilles ou non, tu es mon héros, tu sais. Un peu. C'était l'aveu d'un petit garçon qui admire son père. Lorsque les jumeaux avaient eu six ans, Hippolyte avait commencé à les responsabiliser, à les traiter comme des adultes et à bannir tout ce qui avait attrait à l'innocence de l'enfance. Seulement, forcé était de constater qu'à 27 ans, Marius était encore un enfant. Un petit garçon qui cherchait ses repères, son chemin, qui s'était égaré dans le noir et avait désespérément besoin qu'on tende vers lui une main salvatrice pour le ramener dans la lumière. Mais tout ça, tous ces aveux prononcés d'une voix presque timide, lui retournèrent l'estomac. Il avait cette boule dans la gorge qui menaçait de le submerger, des larmes qui tentaient de quitter le refuge de ses paupières pour évacuer ce chagrin qui ne cessait de grandir en lui. Le héros raté d'un enfant brisé, voilà ce qu'il était. Pourquoi sa mère le détestait-elle ? Parce qu'il était né avec un gène mutant. Tout était parti de là, d'un simplement morceau d'ADN que ses parents lui avaient légué, et qui avait été le premier domino d'une longue, trop longue chaîne, qui semblait s'être achevée avec la tentative de suicide de Marius. Comment pouvait-il encore le voir comme un héros avec tout ça ? Silencieux, Hippolyte ne savait pas quoi répondre à ça. Marius parlait avec une justesse et une franchise qui se passaient de tous commentaires. Lorsqu'il sortit son lapin en peluche de sous son oreiller, un léger sourire fendit le visage ravagé par la tristesse d'Hippolyte. Voilà bien l'attitude d'un enfant terrifié, rassuré par la présence d'une peluche, et ce même si le petit ventre jadis doux et rebondit de Chester était plus rugueux qu'autre chose maintenant.
S'ils pouvaient faire un deal ? Résigné, Hippolyte hocha la tête. Il ne regardait même pas le lapin s'agiter dans les mains de Marius, il le regardait lui, tétanisé à l'idée de le voir à nouveau s'effondrer sous une attaque de son cœur. A ce rythme là, c'était la sien de cœur qui ne tarderait pas à prendre des vacances. Et la condition que posa Marius manqua bien de le lui arracher pour de bon. A nouveau, il sentit une boule désagréable se coincer dans sa gorge et les larmes menacer de montrer cette facette de lui qu'il refusait de montrer à qui que ce soit. Si larmes il devait y avoir, il préférait que ce soit chez lui, seul, sans personne pour le prendre en pitié ou le juger. Relevant la tête pour fixer le plafond dans dissimuler son regard brillant d'émotion, il se contenta d'écouter Marius. Il voulait se battre... Du moins essayer... Et si malgré tous ses efforts il n'y arrivait pas ? S'il était une fois de plus déçu par les actions de son père ? Les rôles s'étaient définitivement inversés d'une bien étrange façon. Tu acceptes que je vais mourir... Il sentit l'odieuse, l'insidieuse goutte salée rouler le long de sa joue, sans qu'il puisse faire quoi que ce soit pour la retenir. La seconde ne tarda pas à suivre et, dans un élan de pudeur visant à sauver le peu de fierté qu'il lui restait, Hippolyte se pris la tête entre les mains, comme si ce geste pouvait suffire à masquer son chagrin. La question de Marius resta alors un long moment sans réponse. Un long moment durant lequel son père se serait volontiers donné des gifles pour se ressaisir.
Lorsqu'enfin il releva la tête, ne restait de sa douleur que le contour de ses yeux rougis par les larmes. Il avait honte, tellement honte de se laisser aller à ce point ! Il resta là un long moment, fixant le bord du lit, incapable d'affronter le regard de Marius de peur d'y voir une énième déception.
« D'accord. On va faire ça. Tu me promets de ne plus recommencer et je... Je vais essayer d'être un meilleur père. D'être plus présent, plus conciliant. D'être le héros que tu m'as dépeint pendant un mois. Je vais essayer d'être ce type et de ne pas trahir ta confiance. De te donner au moins une raison de te battre pour toi et pour personne d'autre. »
Le discours idiot d'un imbécile. Il se sentait profondément con de dire ça, tout en ayant pas trouvé d'autres mots pour le dire. Au moins c'était honnête et spontané, pour une fois. Tout ce qu'il voulait, c'était pouvoir passer quelques mois avec Marius sans avoir à se battre ou se disputer avec lui. Qu'il puisse garder de leurs derniers moments des souvenirs de complicité et d'entente. Qu'il n'ait pas à regretter de l'avoir une fois de plus rejeté. Il se leva alors, jeta un œil à la fiche de soin accrochée au pied du lit et la parcouru rapidement. Lorsqu'il releva les yeux, un sourire presque attendrit étirait ses lèvres.
« Après ton accident, il y a vingt et un ans, tu posais toujours la même question... Quand est ce que je vais sortir ? Quand est-ce que je vais marcher ? Quand est-ce que je vais faire du hand ? J'ai l'impression de vivre ça à nouveau... Quelque part... »
Il reposa alors la fiche et revint s'asseoir, se passant une main sur le visage en soupirant.
« Je ne sais pas quand tu pourras sortir, il va falloir voir ça avec ton médecin. Il va sûrement vouloir programmer une intervention et... Si tu es certain de ton choix, il va falloir lui expliquer fermement pourquoi tu t'y refuses. Si tu es vraiment sûr... Je peux t'aider à le convaincre, si tu veux. Histoire que tu n'aies pas à te battre pendant des jours avec lui. »
Il n'en revenait pas d'être en train de proposer à Marius de l'aider à ne pas se faire soigner. C'était définitivement le monde à l'envers !
« Ils vont te faire faire quelques examens maintenant que tu es réveillé, et ils vont devoir attendre que tu sois vraiment stabilisé. Je dirais que d'ici une semaine ou deux, tu devrais être sur pieds. A condition que tu te tiennes tranquille et que tu ne fasses pas de bêtises... »
A nouveau, son regard se fit plus dur et son ton plus froid. Hippolyte entendait bien surveiller Marius jusqu'à sa sortie de l'hôpital, que ça lui plaise ou non.
« Je ne te l'ai même pas demandé mais... Comment te sens-tu, maintenant ? »
Sujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius) Sam 6 Aoû 2016 - 18:46
My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius
Ca n’a pas de sens. Une bouffée d’angoisse, un réveil paniqué, une présence désirée et pourtant rejetée… bordel, que ma vie n’a pas de sens, que cette discussion n’a pas de sens, que… que ma relation avec cet homme, là, devant moi, n’a plus aucun sens. Pendant des années, il m’a méprisé. Puis ça a été l’ignorance, pleine et complète, provoquée de mon proche chef. Et maintenant, il me maintient qu’il ne me déteste pas, il me maintient qu’il ne me méprise pas, il me maintient qu’il se fait du souci à moi, qu’il ne supportera pas que je crève, que ma vie vaut le coup d’être vécue, que je vaux la peine d’exister… Tout cela n’a vraiment aucun sens, putain, et ça me tue d’être le seul à m’en rendre compte. Il ne veut pas me voir crever ? Il ne sait plus quoi faire ? Et bien qu’il ne fasse rien, merde, qu’il ne fasse rien, qu’il reste juste là, à côté de moi, qu’il soit présent, histoire de rattraper ces vingt ans gâchés par son indifférence et son dégoût, qu’il profite juste au maximum de ces mois, vaguement années qu’il me reste et puis basta, j’en ai marre. Et s’il est incapable de me regarder dans les yeux, et bien c’est tant pis pour lui, vraiment. J’hausse les épaules, résigné, blasé, fatigué. Avant de m’enfuir, dans une ultime attitude bravache, stupide et têtue. Non, je ne le laisserai pas gagner sur ce terrain là, il est hors de question que je le laisse m’abandonner une nouvelle fois, si quelqu’un doit se barrer de cette pièce, ce sera moi, juste pour le principe de ne pas lui laisser le dernier mot.
Même si c’est pour m’écrouler. Pendant une fraction de seconde, je me demande s’il va me laisser là, dans ma douleur, recroquevillé à terre. Mais c’est sous-estimé le sang Caesar qui nous consume tous les deux de la même manière, dans une colère violente, brutale et obstinée. De toute évidence, vu sa poigne sur mon épaule, vu son sifflement à mon oreille, il n’apprécie pas vraiment d’être de l’autre côté du chantage et de la menace. Et bien tant pis pour lui, encore une fois. Je fatigue, je fatigue vraiment mais je me débats, comme je peux. C’est le jour et la nuit avec mon réveil, déjà, et je n’arrive même plus m’en étonner, ma capacité à sauter sur mes pieds après chaque chute me désespérant chaque fois un peu plus. Il n’a rien compris, vraiment rien : que je vais bientôt mourir, je vis, ironiquement, avec ça depuis six ans et je saisis plus que bien l’urgence de la situation. Ce n’est pas un jeu, et je suis peut être un imbécile, mais mon attitude se tient, j’en suis certain. « Inverse les rôles deux petites secondes, Marius. Tu caches ta malformation cardiaque à ton frère depuis six ans. D'après toi, il n'y a vu que du feu... Alors qui te dit que lui non plus ne peut pas te cacher quelque chose d'aussi grave ? Tu ne me feras pas croire que tu ne remuerais pas ciel et terre si c'était le cas... » Je pâlis, instantanément, lorsqu’il me force à réfléchir et à envisager une situation contraire. Je secoue la tête. Comme un gosse effrayé. « Non. Non. Tu mens. » Ce n’est pas qu’il ment, c’est que ce n’est pas une situation possible. Même s’il a raison : Martial m’en voudra à mort le jour où il se retrouvera face à mon cercueil. La seule chose c’est que… « Martial va bien. Il me… Martial va bien, j’en suis certain, tu racontes que des conneries. Qu’est ce que… » Je le repousse, je me débats, vraiment, autant contre lui que contre moi-même et ce doute qu’il a instillé en moi. Certainement volontairement. « Arrête de dire des trucs dans le genre, t’es qu’un connard, c’est pas vrai, Martial va bien et il n’y a aucune raison d’inverser les rôles… » Je suis pathétique parce que ma mauvaise foi est plus qu’évidente. Je montre les crocs, je nie la réalité et en faisant ça, j’affiche clairement à quel point les arguments de mon père ont fait mouche. Martial malade, cette simple perspective me donne envie de courir le voir, de le traîner dans cet hôpital pour qu’il fasse des examens, de l’envelopper dans du papier bulle pour l’empêcher de se faire du mal. Martial malade, c’est ma hantise depuis que je me sais moi-même malade. Et mon père est un gros sadique de me foutre le nez dedans. Avec le savoir faire qu’il a dans le domaine.
Je le regarde aller s’asseoir, je l’écoute me sortir que le héros que j’ai toujours vu en lui, bien malgé lui, bien malgré moi, bien malgré ma colère et mon désespoir devant son mépris affiché. Incapable d’être le héros que j’attends, incapable d’avoir une discussion normal, rien à construire, que des ruines, que des destructions, il réduit à néant sous mes yeux tous mes espoirs. En gros sadique. Tout me réduisant à l’impuissance d’un s’il te plait bien lancé. Je m’assois. J’obéis, sans rétorquer, sans réfléchir, harassé par la fatigue, par ce cœur irrégulier dans mes veines. Assommé, aussi, par la confirmation que je viens d’avoir. Alors c’est vraiment ma mère qui a tenté de le tuer, et presque réussi ? « C'est ta mère, oui... » Ca fait mal. Ma mère, c’est une garce, c’est une pétasse indifférente, stupide, superficielle et violente dans ses regards mais c’est ma mère. Et… et comme avec mon père, je ne pense pas jamais vraiment abandonné. Moi. Ca fait mal d’avoir la confirmation que celle qui t’a donné la vie a voulu prendre celle de ton père. Et pourquoi ? « Elle ne m'a pas... Vraiment donné d'explication. Simplement qu'étant chasseuse, elle se devait de faire son devoir. Elle serait bien étonnée d'apprendre que cette mutation qui a surgie de nulle part a disparue depuis. Enfin ce n'est pas important. » J’ai envie de vomir. Etant chasseuse. Je laisse de côté le fait que sa mutation a disparu – est-ce seulement possible, comme connerie, ça ? – pour rebondir immédiatement. « Pas important ? Tu te fous de ma gueule ? Mais vous êtes de gros tarés, c’est pas possible… tu trouves ça normal ? Et quoi, tu l’applaudiras aussi si elle tente un jour de me poignarder ? Où alors elle sera plutôt du genre à se montrer plus inventive ? Et elle se contentera toujours de ne faire que son devoir ? » Je me fais agressif, pour la simple raison que je ne comprends pas. Que je n’assimile pas. Que… putain, j’ai beau avoir vingt-sept ans, apprendre que ma mère a réellement tenté d’assassiner mon père… je secoue la tête.
Ca n’a aucun sens. Rien n’a de sens, bordel, strictement rien n’a de sens. Ce que j’ai dit moi-même ? Mais on n’en a rien à faire de ce que j’ai dit, l’important, c’est ce que je veux croire. Et contrairement à ce que lui, il peut dire, qu’il le veuille ou non, lui il est mon héros, il l’est un peu, il le restera malgré tous ses efforts parce que si son côté héroïque a survécu à mon enfance, s’il a survécu à un coup de feu, alors je ne vois pas ce qui pourrait le faire tomber maintenant. Plus maintenant. J’essaye de m’écouter parler mais c’est mon cœur qui parle et pas mal tête, c’est le gamin qui parle, et pas le pseudo-adulte, c’est le fils qui parle, pas le fils-indigne. J’aurais préféré que tout tourne autrement, mais voilà, c’est comme ça, c’est la vie et puis voilà. J’attrape Chester, plus pour m’occuper les mains qu’autre chose. J’ai besoin de jouer avec quelque chose, j’ai besoin de m’activer sur quelque chose, continuellement, même lorsque je viens de me réveiller. Je suis épuisé.
Je vais bien. Non, je ne vais pas bien. Et je le sais. Mais je veux aller bien. Ou plutôt, je veux que les gens pensent que je vais bien. C’est le principal. Faire illusion, donner l’illusion que tout va bien, c’est l’important. Je garde les yeux fixés sur mon lapin, laissant invisible le sourire qui fend la tête de mon père devant mon attitude de… devant mon attitude de gamin. On peut faire un deal ?, j’espère que cette question m’est soufflée par Chester parce que sinon… parce que sinon je ne sais pas, vraiment pas d’où elle vient. Le silence répond à mon deal, je garde les yeux obstinément baissés sur mon lapin que je torture. Mais il a l’habitude. Alors que moi, je ne me suis toujours pas habitué au silence. Je m’apprête à me rétracter dans un laisse tomber déçu quand son « D'accord. On va faire ça. » me cueille à l’estomac. Et instantanément, je relève la tête pour voir mon père… démoli ? Très sincèrement ? « Tu me promets de ne plus recommencer et je... Je vais essayer d'être un meilleur père. D'être plus présent, plus conciliant. D'être le héros que tu m'as dépeint pendant un mois. Je vais essayer d'être ce type et de ne pas trahir ta confiance. De te donner au moins une raison de te battre pour toi et pour personne d'autre. » Je ne tente même pas de sourire. Je n’en ai pas besoin. J’ai la gorge nouée par l’émotion. Je vais essayer d’être un meilleur père. Putain, il l’a dit. Il l’a dit. Une larme dégouline ma joue. Que je ne tente même pas de cacher. Je reste silencieux, incapable de répondre quoique ce soit à… ça… Je l’observe se lever, jeter un coup d’œil à la feuille de soin que j’aurais pu moi-même consulter. Et son sourire attendri me déstabilise. « Après ton accident, il y a vingt et un ans, tu posais toujours la même question... Quand est ce que je vais sortir ? Quand est-ce que je vais marcher ? Quand est-ce que je vais faire du hand ? J'ai l'impression de vivre ça à nouveau... Quelque part... » Quelque part, oui, parce que malgré tout, j’ai bien changé. « Je ne sais pas quand tu pourras sortir, il va falloir voir ça avec ton médecin. Il va sûrement vouloir programmer une intervention et... Si tu es certain de ton choix, il va falloir lui expliquer fermement pourquoi tu t'y refuses. Si tu es vraiment sûr... Je peux t'aider à le convaincre, si tu veux. Histoire que tu n'aies pas à te battre pendant des jours avec lui. » Un tressaillement.
J’ai gagné. Et ça me déroute de remporter une victoire face à lui. J’ai gagné. Je n’en reviens pas. Si je suis sûr ? « Je… » Je rien du tout. « Ils vont te faire faire quelques examens maintenant que tu es réveillé, et ils vont devoir attendre que tu sois vraiment stabilisé. Je dirais que d'ici une semaine ou deux, tu devrais être sur pieds. A condition que tu te tiennes tranquille et que tu ne fasses pas de bêtises... Je ne te l'ai même pas demandé mais... Comment te sens-tu, maintenant ? » Je me mords la lèvre. Comment je me sens ? Franchise ou mensonge ? Je peux t’aider à le convaincre. Je n’arrive même pas à savoir si c’est une vraie paix qui s’instaure entre nous ou si c’est juste une accalmie inespérée. Mais je… je suis partagé entre l’envie de le rassurer et être franc. Sachant que les deux sont incompatibles. « Je ne sais pas. » Merci pour cette réponse, Marius. « Physiquement, je me sens… lourd. » Je réfléchis. Je pèse mes mots. « Je ne me rendais pas compte à quel point je… » J’ai du mal à respirer. « A quel point ma… » ma mutation ? Je n’arrive pas à articuler ça. « Est-ce que tu vas réessayer de me tuer ? » Cette question m’obsède dès qu’on aborde le sujet. Quand bien même elle semble stupide, articulée comme ça. « Est-ce que Maman va essayer de me tuer ? Est-ce que vous auriez raison, au final ? Je suis même pas capable de survivre sans… sans ça… » Ce n’est pas une réponse à sa question, je sais. « Ecoute Papa, je sais pas comme je vais, comment je me sens. Il faut que je voie le médecin, que je sache… à quel point ça pue. Avant mon premier vaccin, il me donnait… six, sept ans. Puis il y a eu les vaccins. Et c’est descendu à trois ans. Et là… j’arrive vraiment pas à savoir. Mais… j’ai honte. Et je suis fatigué. Et… j’ai plus envie de penser à tout ça. » Quand est ce que je vais sortir ? Je prends mon inspiration. « Mais si tu me dis qu’en étant sage, je ne devrais pas tarder à sortir, alors je suis sûr que je vais vite m’échapper d’ici, tu me connais… » Hors de question que je reste dans le coin, dès qu’ils auront le dos tourné, je m’échapperai. Et il le sait très bien. Enfin… je crois. J’espère, même, sinon il va être déçu. Pour changer. « Ne t’inquiète pas, je me débrouillerai avec le médecin, j’ai l’habitude de les gérer. » En quelque sorte. « Mais… euuuh… mais je te demanderai s’il me gonfle, si tu veux. » Histoire qu’il ne se vexe pas. Malgré ma ferme volonté de me montrer indépendant et autonome. Je n’ai pas besoin de ton aide, Papa, ça doit être écrit sur ma gueule. « Est-ce que je peux avoir un verre d’eau ? » Je libère Chester, avant de sauter sur mes pieds pour aller me le chercher moi-même, mon verre d’eau. Indépendant. Mais actuellement loin d’être autonome : je m’effondre presque immédiatement alors que mon cœur se met soudainement à décrocher dans ma poitrine, comme pour se venger de la maltraitance que je lui impose depuis mon réveil. De justesse, je m’appuie au mur le plus proche, au fauteuil, à l’épaule de mon père. Je ne vais pas bien. Il faut que je me rebranche aux machines pour savoir ce qu’il se passe. Pour savoir si mon cœur vient encore de décider de me lâcher.
J'espère que tu auras de quoi répondre voire conclure, peut être, non ?
Hippolyte Caesar
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SUR TH DEPUIS : 26/05/2015
Sujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius) Dim 28 Aoû 2016 - 20:34
My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius
Martial va bien... Malgré la froideur de son regard et sa détermination à faire entendre raison à Marius, Hippolyte sentait ses propres convictions fondre comme neige au soleil. Il ne fallait pas qu'il lui dise que son jumeau avait disparu... Qu'il le laisse dans l'illusion que Martial était simplement trop occupé par son travail, ailleurs, indisponible... Mais pas qu'il avait disparu. Il ne fallait pas que le cœur de Marius soit à nouveau malmené, d'autant qu'Hippolyte connaissait son cadet bien mieux qu'il ne le l'aurait cru : si Marius apprenait que son frère était introuvable, il remuerait ciel et terre pour le retrouver, quitte à y laisser sa peau ou anéantir les quelques mois qu'il lui restait. Hippolyte le savait car à sa place, il aurait agit de la même manière. Il valait mieux pour Marius qu'il reste dans l'ignorance, même s'il devait par la suite en vouloir à son père. De toute manière, étant donné qu'il lui en voulait depuis des années, ça ne changerait pas grand chose au final.
« Je ne suis pas un connard, je suis réaliste, Marius. Tu ne supporterais pas que ton frère t'abandonne, alors arrête de penser qu'il se portera bien mieux sans toi, c'est ridicule. »
Seigneur, qu'il avait envie de le secouer pour lui remettre les idées en place... Jamais encore Hippolyte n'avait eu affaire à une telle tête de mule sans aucune logique ni instinct de survie. La situation commençait à le fatiguer, tant et si bien qu'il était presque tenté de lui dire de se jeter par la fenêtre, s'il tenait tant que ça à en finir. Il l'aurait fait, s'il n'avait pas eu peur que Marius le fasse, par pure provocation. Grimaçant lorsque ce dernier se mit à hurler que ses parents étaient définitivement tarés, Hippolyte ne flancha pas. Ca aussi, c'était une chose qu'il valait mieux que Marius ignore. Il n'avait pas besoin d'avoir la confirmation que c'était à cause de sa mutation que sa mère avait voulu le tuer... Tout comme il n'avait pas besoin de réaliser qu'en réalité, sa mère s'en voulait tant d'avoir engendrer un mutant qu'elle ne voyait pas d'autre solution que la mort pour le délivrer de ce dont elle se sentait coupable. C'était sûrement difficile à accepter, mais même si Hippolyte n'accepterait jamais le geste de Victoire, il parvenait tout de même à comprendre son raisonnement. Elle s'en voulait... Elle s'en voulait d'être formatée comme elle l'était, de toujours sentir l'ombre de son père planer au dessus d'elle, tout en ne pouvant renier l'amour infini qu'elle éprouvait à l'égard de ses enfants. Ce n'était pas par méchanceté qu'elle avait ignoré Marius pendant des années, mais bien pour le protéger. Pour lutter contre sa nature, contre ce que lui dictait son instinct. Quelque part, elle le protégeait ainsi, mais ça n'excuserait jamais son geste. Malgré tout l'amour qu'Hippolyte éprouvait pour cette femme, malgré la passion qui l'animait dès qu'il songeait à elle, il ne pourrait jamais la pardonner, et était prêt à tout mettre en œuvre pour que plus jamais elle ne s'en prenne à Marius. Après un long moment de silence, Hippolyte se décida à cracher quelques mots plutôt que tout révéler à son fils.
« Si ça peut te faire plaisir de penser que nous sommes des monstres, fais donc. Ce poignard, c'est moi qui l'ai pris, et c'est à moi et ta mère de régler cette histoire, mêle toi donc des tiennes. »
Deux caractères de cochon dans la même pièce. Deux incapacités notoires à courber l'échine devant l'autre. Deux foutus Caesar incapables de discuter gentiment sans envoyer paître l'autre ou lui demander de s'occuper de ses fesses au lieu de se mêler de ce qui ne les regardait pas. C'était bien là le noyau de leur mésentente : leur trop grande ressemblance. Et pourtant, contre toute attente, Hippolyte fut le premier à céder. Alors que tout son être lui hurlait de ne pas lâcher prise, de continuer à se battre contre le manque d'instinct de survie de Marius, il rendit les armes. Il accepta la décision de son fils, allant jusqu'à promettre d'être un meilleur père... Ou du moins d'essayer. Ces détestables larmes qui coulaient sur ses joues en témoignage de ce qu'il voyait comme une faiblesse, Hippolyte se maudissait de ne pas être capable de faire plus. Pourtant, ça semblait suffire à Marius, qui resta un long moment sans voix, comme s'il peinait à croire que pour une fois, son père accepte de jouer selon ses règles plutôt que de lui imposer quoi que ce soit. Seulement, Hippolyte avait envie de profiter d'un peu de temps avec Marius, il voulait croire en l'illusion qu'avait été leur relation pendant son mois d'amnésie... Il voulait tenter de construire quelque chose au lieu de continuer à piétiner des ruines.
Attentif, il laissa Marius répondre à ses question en apparence si simple, mais dont il redoutait la réponse. Le jeune homme n'avait pas besoin de finir sa phrase pour que son père comprenne qu'il parlait de sa mutation. Bien sûr... Capable de changer sa densité à sa guise, il devait peiner d'autant plus à respirer que son don n'était plus là pour alléger un peu le poids qui pesait sur son cœur. Et la question fatidique frappa Hippolyte en plein dans l'estomac. Allait-il de nouveau tenter de tuer Marius ? La réponse lui parut aussi logique qu'absurde : jamais. Jamais plus il ne serait capable de lever la main sur Marius, que ce soit pour le secouer ou lui tirer une balle dans le ventre. Une grimace se peignit sur ses traits déjà bien fatigués alors que s'imposait à lui le souvenir de cette humide journée de juin où il avait commis l'irréparable. Mais comment expliquer à Marius que toute cette histoire remettait en cause tout ce qu'il était depuis trente ans ? Que depuis il n'avait pas chassé un seul mutant ? Qu'il commençait à reconsidérer l'éventualité d'un vaccin efficace ? Que si la mutation de Marius l'aidait à survivre, elle était sûrement plus une bénédiction qu'une malédiction ? Inspirant un grand coup, Hippolyte se pencha en avant et posa les coudes sur ses genoux.
« Non. J'ai commis l'une des plus grosses erreurs de mon existence en laissant ces idioties prendre le dessus sur ma raison. Tu es mon fils, Marius, mutant ou non. Et je... Je pense que cette histoire m'a fait prendre conscience de plusieurs choses. Tu as fais parler de toi de bien des manières, depuis que tu es enfant, mais je n'ai jamais entendu dire que tu aurais pu d'une manière ou d'une autre user de ta mutation contre quelqu'un d'autre. Quelque part... Elle t'est bénéfique, si elle aide ton cœur à mieux battre... Laisse-moi simplement le temps de m'y faire, d'accord ? Quant à ta mère... »
Il marqua un temps de pause. Hippolyte était un très bon menteur, il usait de supercheries au quotidien dans son travail, mais ce mensonge-là était trop gros. Lui dire que non, sa mère ne retenterait jamais rien, c'était trop.
« Sincèrement, je n'en sais rien. Je ne l'ai pas revue depuis qu'elle m'a... Je ne sais pas ce qu'elle a dans la tête. Je ne sais plus très bien qui j'ai épousé, alors ne me demande pas une réponse plus précise que ça. »
Bien que plus optimiste que la vérité, cette réponse était d'un défaitisme tire-larme qui frisait le ridicule, aux yeux d'Hippolyte. Pourtant, c'était vrai : il avait le sentiment de ne plus reconnaître Victoire, de ne plus savoir qui elle était réellement. Vacciner définitivement Marius aurait pu être une solution, il aurait été débarrassé de sa mutation et sa mère n'aurait plus eu de raison « valable » de lui en vouloir, mais ce qu'il ajouta acheva de convaincre Hippolyte. Les vaccins, tels qu'ils existaient, étaient nocifs, c'était à cause d'eux que l'espérance de vie de son fils fondait comme neige au soleil. Qu'allait-il lui rester, cette fois ? Un an ? Six mois ? Peut-être moins ? Les mâchoires serrées, Hippolyte luttait contre l'envie d'aller mettre le feu aux anciens laboratoires Holgersen. Quelle idée de faire une publicité démentielle pour un vaccin prétendument révolutionnaire alors qu'il était bourré d'effets secondaires ?
« Écoute... Marius... J'aimerais que tu me promettes une chose, juste une seule. Et après nous n'en parlerons plus, nous parlerons de ce que tu veux... Promets-moi que tu ne toucheras plus à ces vaccins. Si tu tiens vraiment à te débarrasser de ta mutation, laisse-moi le temps de trouver un remède plus stable, qui ne mettra pas ta vie en danger, mais si ta mutation t'aide à survivre... Alors laisse la où elle est. Laisse-la faire son œuvre. »
Renier trente années de convictions solides comme un roc pour sauver une seule personne... Oui, mais pas n'importe laquelle. Contrairement à Victoire, Hippolyte pouvait encore tourner le dos à tout ça pour sauver Marius, même s'il lui faudrait certainement plusieurs années pour accepter de ne pas brandir un revolver face à un mutant. Mais Marius voulait parler d'autre chose, alors... Alors autant qu'ils évoquent quelque chose de plus positif, comme sa sortie. Un léger rictus vint éclairer la mine contrariée d'Hippolyte. Comment dire poliment à son père « fiche-moi la paix, je me débrouillerai tout seul » et « tu as vraiment cru que je me tiendrais tranquille ? ». C'était trop demander à Marius d'être un patient exemplaire, et nulle doute qu'il ficherait le camp dès qu'il en aurait l'occasion. L'essentiel, c'est qu'il admettait avoir honte de ce qu'il avait fait, et qu'il promettait de ne pas recommencer. S'il y avait bien une chose qu'Hippolyte voulait croire, c'était ça.
« Très bien, je te laisserai te débrouiller, puisque tu as l'air de connaître l'endroit... Et reste assis je vais... MARIUS ! »
A peine avait-il eu le temps de se lever pour aller chercher un verre d'eau que Marius, un peu trop téméraire, s'était écroulé au sol, se retenant de justesse à l'épaule de son père.tétanisé. Tremblant d'une angoisse qu'il ne maîtrisait plus, Hippolyte posa deux doigts sur la carotide humide de sueur de Marius. Arythmie cardiaque... Les prémices d'un nouvel infarctus ? Sans plus attendre, Hippolyte hissa Marius sur le lit et entreprit de rebrancher la machine qui contrôlait son cœur et sa perfusion. C'est l'instant que choisit une jeune infirmière pour frapper à la porte, probablement pour savoir si tout allait bien.
« Bonjour, monsieur Cae... Mais enfin qu'est ce que vous faites à mon patient ? Ecartez-vous tout de suite ! »
Lui jetant un regard glacial, Hippolyte lui désigna un tiroir, près de la porte, qui devait normalement contenir de quoi enrayer le rythme anarchique du cœur de Marius.
« J'essaye de lui sauver la vie, étant donne qu'apparemment, vous êtes incapables de le faire ! Trouvez-moi des bêta bloquants, il fait de l'arythmie... Et bougez-vous, pauvre idiote ! »
Rendu plus désagréable encore qu'à l'accoutumée, Hippolyte s'empara de l'aiguille de la perfusion qui pendait toujours lamentablement en déversant son contenu sur le sol, il la remis en place dans le cathéter solidement attaché à la main de Marius et se pencha vers lui.
« Marius... Marius ! Tu m'entends ? Réponds-moi... »
Ses pupilles répondaient, mais l'arythmie semblait pour le moment l'empêcher de prononcer le moindre mot. Quelques secondes plus tard, l'infirmière tendit à Hippolyte une seringue emplie d'une solution de bêta bloquants, qu'il s'empressa de lui injecter via la perfusion. Le regard rivé sur l'électrocardiogramme qui s'affolait, Hippolyte avait l'impression que son propre cœur allait s'échapper de sa poitrine pour aller finir sa course dans un endroit où on ne le mettra pas à rude épreuve.
« Aller... Ralentis... Ne me fais pas ça, Marius, pas maintenant... Je suis désolé, c'est de ma faute... Je n'aurais pas dû partir, tu serais resté allongé... Je t'en prie, accroche-toi... »
S'il n'avait pas joué au con, Marius n'aurait pas renchérit. S'il n'avait pas cherché à fuir, Marius ne l'aurait pas rattrapé. S'il l'avait aimé comme un père aime son fils, Marius n'aurait pas eu à ce point envie d'en finir, et il ne parvenait pas à s'ôter cette idée de la tête. Pourtant, en l'espace de cinq jours, c'était la seconde fois qu'Hippolyte sauvait la vie de son fils, comme s'il tentait de rattraper en moins d'une semaine vingt et une années de brimades et d'ignorance.
Au bout de quelques minutes qui parurent durer une éternité, le cœur de Marius fini par retrouver un rythme stable et régulier. Sans quitter l'écran du regard, Hippolyte cracha à l'infirmière qui se dandinait maladroitement derrière lui.
« Fichez le camp... Et dites au médecin de faire son travail et de venir au plus vite où j'irai moi-même le trouver... »
Comme si elle avait attendu cela avec impatience, la jeune femme s'éclipsa en vitesse sans demander son reste. Baissant les yeux vers Marius, Hippolyte était partagé entre le soulagement et la colère.
« Marius... Tu m'entends ? Tu es vraiment un imbécile congénital... »
C'était une façon plus ou moins subtil de dire qu'il était aussi bête que son fils. Le lâchant finalement, Hippolyte s'éloigna pour aller chercher le verre d'eau qui avait failli coûter la vie à Marius, puis il le lui tendit.
« Tu sais que si tu tiens vraiment à sortir... Il va falloir que tu arrêtes de jouer les casse-cou. A force de me faire peur comme ça, ils vont en enterrer deux d'un coup. »
Sujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius) Mar 30 Aoû 2016 - 23:16
My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius
Il ment, il ne peut que mentir. Il est là, il est de retour le connard qui n’a toujours voulu que me mettre des bâtons dans les roues. Je suis aveuglé par la confiance que j’aie en Martial, je suis aveuglé par l’amour fraternel et fusionnel que j’ai pour mon frère jumeau, je suis aveuglé par l’angoisse insupportable qu’il arrive un jour quelque chose à mon frère sans que je ne puisse rien y faire. Parler à Martial de cette épée de Damoclès au dessus de ma nuque, c’est rendre plus concret le fait que lui aussi puisse souffrir de la même pathologie. C’est con, comme raisonnement, mais c’est le mien et pour me rassurer, je n’ai que la certitude que mon père mente. Que la volonté farouche d’être convaincu que mon père ne fait que mentir. « Je ne suis pas un connard, je suis réaliste, Marius. Tu ne supporterais pas que ton frère t'abandonne, alors arrête de penser qu'il se portera bien mieux sans toi, c'est ridicule. » C’est ridicule ? « Et ta tronche à toi, elle est pas ridicule peut être ? » Je rétorque immédiatement, plus pour dire quelque chose que parce que c’est le fruit d’une longue réflexion. De toute manière, c’est une réplique totalement random, qui n’a aucun sens une fois remise dans son contexte et qui n’a pour elle que le fait de sonner plutôt bien. Ce qui est déjà pas mal, venant de moi. Dans tous les cas, si je rétorque sans réfléchir, c’est juste pour occuper mes pensées, juste pour oublier à quel point mon père a raison, à quel point la perspective de savoir un Martial malade me terrifie et me met minable.
Il n’y a aucune raison d’inverser les rôles. Martial reste en bonne santé. Moi je reste malade. Et mon père, mon père reste cet homme qui se dresse entre moi et la vie d’adulte, mon père reste malgré tous ses efforts et tous les miens mon plus grand héros, mon père reste mon cauchemar, mon père reste et c’est tout ce qui importe actuellement, malgré sa colère, malgré tout ce qu’il peut me dire, malgré son regard. S’il te plait, j’obéis. Sans rétorquer. Je m’assois. Et avec Chester dans les mains, je me sens redevenir ce petit garçon que je n’ai jamais cessé d’être. Ma mère a tenté de tuer mon père. Mon père a tenté de me tuer. D’ici à ce que ma mère tente de me tuer à mon tour, il n’y a qu’un pas, qu’un temps, qu’un délai infime. Ce n’est pas important. Etant chasseuse… Il me donne envie de vomir, j’ai presque l’impression qu’il lui pardonne, qu’il ne lui en veut pas. Mon agressivité n’est qu’un moyen de gérer tout ça, au même titre que mon immaturité, au même titre que mon inconséquence, que mon impulsivité. Que tout ce qu’il peut me reprocher. Et son silence, son silence doit être son moyen à lui de gérer ce conflit constant entre lui et, ce conflit en rien résolut, ce conflit qui s’envenime sans se régler, exacerbé par ces six ans de silence, exacerbé par mes hospitalisations à répétition, exacerbé par ses hospitalisations, exacerbé par… « Si ça peut te faire plaisir de penser que nous sommes des monstres, fais donc. Ce poignard, c'est moi qui l'ai pris, et c'est à moi et ta mère de régler cette histoire, mêle toi donc des tiennes. » J’ouvre les yeux. Conflit. Si ça peut te faire plaisir. Je secoue la tête, mâchoire crispée. « Va te faire foutre. » Mêle toi donc des tiennes. Parce que ça ne me regarde pas peut être ? Aux dernières nouvelles, je suis le mutant de la famille, je suis la brebis galeuse du troupeau, je suis surtout la brebis galeuse de la meute de loup. Il me rejette. Et je me demande pourquoi ça m’étonne encore, finalement, parce que c’est ce qu’il a toujours fait avec moi. Il me rejette ; ça ne me regarde pas parce que je ne fais pas partie de leur petite famille parfaite, parce que je suis celui qu’ils sont obligés de traîner parce qu’ils l’ont conçu mais dont ils ne veulent pas. J’exagère, je sais, je suis dans le faux, je le sais aussi. Inconsciemment. Mais ça ne m’empêche pas de le penser, ça ne m’empêche pas d’avoir mal à la seule idée que ça puisse être la réalité.
Le fait est que je n’aurai jamais confiance en lui, même alors que son inquiétude pour moi est palpable, concrète et bien présente, indubitable. Je n’aurai jamais confiance en lui, tout comme je n’aurai jamais confiance en moi. Ni même confiance en quiconque. Même Martial, et je m’en aperçois de plus en plus, je n’ai pas confiance en lui. Pas vraiment. Pas lorsqu’on parle de moi. Je ferme les yeux. Un instant. Je vais bien. Bien sur que je ne vais pas bien. Mais je veux maintenir l’illusion. Et la lutte est âpre pour le lui faire comprendre. Pour lui faire comprendre que je n’ai pas envie de guérir, que je n’ai pas envie de me disperser à me battre sur tous les fronts. Pour aller mieux, il ne faut pas qu’on me découpe en morceaux pour rajouter au mieux un pacemaker, au pire, rafistoler mon cœur. Pour aller mieux, il faut d’abord que j’arrête de me détester, j’imagine. Et ça… ça, je peux y arriver que s’il est là, à me convaincre que j’ai raison d’espérer que les choses puissent s’améliorer entre lui et moi.
J’ai gagné. Si tu es certain de ton choix. Bien sûr que j’en suis certain. Je le maintiens depuis des mois maintenant, ce n’est pas maintenant que ça va changer. Pas maintenant. Devoir attendre que tu sois vraiment stabilisé. J’ai quand même fait une sacrée connerie. Je n’arrive même pas à me rendre réellement compte que j’ai fait ça. Comment te sens-tu, maintenant ?. Je vais bien. Je ne sais pas. Trop de choses se bousculent dans ma tête, je suis incapable de savoir comment je vais. Comment je gère, tout ça. Mon père, ma mère… je n’arrive pas à détacher mes pensées d’eux. Est-ce qu’il va essayé de me tuer, une nouvelle fois, maintenant qu’on a tous les deux la preuve que le vaccin n’est vraiment, vraiment plus une solution viable pour moi ? Cette anomalie génétique que je me traîne, je n’ai plus le choix, je suis obligé de l’accepter. Si ça fait comme les fois précédentes, d’ici un mois à peu près, ma mutation sera de retour. Et tout ce qu’elle implique. « Non. J'ai commis l'une des plus grosses erreurs de mon existence en laissant ces idioties prendre le dessus sur ma raison. Tu es mon fils, Marius, mutant ou non. » Vingt-sept ans, et j’en ai les larmes aux yeux de l’entendre dire ça. Je crois que je ne vais jamais m’y habituer. Et je compte bien ne pas m’y habituer, je compte bien redécouvrir cette affirmation à chaque fois qu’il la dira. « Et je... Je pense que cette histoire m'a fait prendre conscience de plusieurs choses. Tu as fait parler de toi de bien des manières, depuis que tu es enfant, mais je n'ai jamais entendu dire que tu aurais pu d'une manière ou d'une autre user de ta mutation contre quelqu'un d'autre. Quelque part... Elle t'est bénéfique, si elle aide ton cœur à mieux battre... Laisse-moi simplement le temps de m'y faire, d'accord ? » Que répondre à ça ? Moi, ça fait 6 ans que j’essaye de m’y faire, et plus ça va, moins je m’y fais. Alors… « D’accord. ».
« Quant à ta mère... » Je cherche son regard. « Sincèrement, je n'en sais rien. Je ne l'ai pas revue depuis qu'elle m'a... Je ne sais pas ce qu'elle a dans la tête. Je ne sais plus très bien qui j'ai épousé, alors ne me demande pas une réponse plus précise que ça. » J’hausse les épaules. Une réponse plus précise que ça ? Ca ne servirait à rien. Je ne suis pas stupide. Ou du moins, pas au point de ne pas comprendre ce que cette absence de réponse sous-entend. Mon père est un politicien, un manipulateur, un menteur, lire les sous-entendus, ce n’est peut être pas autant une seconde nature chez moi que chez lui, mais ça l’est suffisamment pour que je sache ce qu’il ne dit pas. Si ma mère me recroise un jour, elle me tuera. Et elle n’hésitera pas. Je me demande si elle m’a un jour aimé, d’ailleurs. Non, il ne faut pas que je pense ça. Elle m’a forcément aimé, au moins quelques années, sans quoi je n’aurai pas de souvenirs d’elle en train de me prendre dans ses bras, je n’aurais pas d’images d’elle en train de sécher une de mes larmes, je n’aurais pas… j’inspire à fond. Il ne faut pas que je pense à tout ça. Pas maintenant. « Écoute... Marius... J'aimerais que tu me promettes une chose, juste une seule. Et après nous n'en parlerons plus, nous parlerons de ce que tu veux... Promets-moi que tu ne toucheras plus à ces vaccins. Si tu tiens vraiment à te débarrasser de ta mutation, laisse-moi le temps de trouver un remède plus stable, qui ne mettra pas ta vie en danger, mais si ta mutation t'aide à survivre... Alors laisse la où elle est. Laisse-la faire son œuvre. » Laisse la où elle est. Non. Elle m’écoeure de plus en plus, elle me répugne de plus en plus, elle a perdu de son attrait comic, elle a perdu de sa superbe, ma mutation. Etrangement, frôler plus de deux fois la mort à cause d’une mutation, ça vaccine contre l’envie d’être un super-héros. Mais… mais… « Si tu veux… » Mais je le laisse gagner là-dessus, parce qu’il a fait une concession tout à l’heure en acceptant d’arrêter de me parler d’opérations. Il faut que je me concentre sur autre chose, il faut que je nous concentre sur autre chose. Ma date de sortie, par exemple, en voilà une chose intéressante.
Parce que si je me tiens tranquille et si je ne fais pas de bêtises, je vais sortir d’ici une semaine ou deux. La bonne blague. Je suis toujours sage. C’est pour ça que je parle de m’échapper, et non de sortir. C’est pour ça aussi que j’ai à peine demandé à mon père un verre d’eau que je suis déjà debout pour aller le chercher. « Très bien, je te laisserai te débrouiller, puisque tu as l'air de connaître l'endroit... Et reste assis je vais... MARIUS ! » Et que mon cœur me dit fuck. La douleur est toujours aussi aigue, mes mains s’agrippent au support le plus proche, l’épaule de mon père. Mon père qui se lève, mon père qui est en grande forme face à l’infirmière. J’ai les yeux noyés de larmes, j’ai la tête qui tourne, j’ai cette douleur dans la poitrine qui n’en finit plus, j’ai cette peur qui revient, mes forces qui me quittent, mon anxiété qui enserre le bras de mon père pour qu’il ne me lâche plus. Patient. Ecartez-vous. Bêtabloquants. Arythmie. Idiote. J’ai un sourire débile aux lèvres. Idiote. Le mot préféré de mon père, je crois. Je lutte pour garder les yeux ouverts, pour le concentrer sur la voix de mon père, pour attendre que la crise passe. Alors ça va être ça mon quotidien maintenant ? « Marius... Marius ! Tu m'entends ? Réponds-moi... » Oui je t’entends Papa. Je t’entends très bien même, pas la peine de gueuler. J’arrive juste pas à parler, j’arrive juste pas à articuler, j’arrive juste pas à respirer. Mais tout va très bien. Tout va toujours très bien avec moi.
Même quand ça va mal. Surtout quand ça va mal. « Allez... Ralentis... Ne me fais pas ça, Marius, pas maintenant... Je suis désolé, c'est de ma faute... Je n'aurais pas dû partir, tu serais resté allongé... Je t'en prie, accroche-toi... » Je tourne la tête dans la même direction que mon père, sans parvenir à réfléchir suffisamment pour savoir ce qu’il regarde. J’ai mal. C’est joli, les lumières comme ça. J’ai mal putain. J’ai chaud aussi, j’ai la peau moite de sueur. Et finalement, au bout d’un temps interminable, la main qui joue avec mon cœur se décide à le lâcher. Et les bip-bip affolés commencent à se calmer. Et moi, je recommence à respirer. Tranquillement. « Marius... Tu m'entends ? Tu es vraiment un imbécile congénital... » Je ferme les yeux. « Je t’entends, c’est mon cœur qui déconne, pas mes oreilles. » J’ai la voix rauque. C’est marrant, j’ai même pas gueulé. Elle est juste rauque d’être desséchée. J’essaye de me redresser comme je peux, j’abandonne vite. « Et t’excuses pas, c’est pas ta faute, c’est… c’est moi, j’ai juste tellement pas l’habitude d’avoir un esclave pour m’obéir que j’ai oublié d’attendre. » Qu’est ce que je raconte ? Je ne sais pas trop. Des conneries pour changer. Peut être que mon cerveau n’a pas été assez oxygéné pendant ma crise. Peut être que je vais rester débile pour toute la vie maintenant. « Tu sais que si tu tiens vraiment à sortir... Il va falloir que tu arrêtes de jouer les casse-cou. A force de me faire peur comme ça, ils vont en enterrer deux d'un coup. » Une nouvelle fois, je tente de me redresser, avec un peu plus de réussite. Mais on ne va pas faire le foufou, je vais me contenter de ça. Et de mon verre d’eau. Je plisse les yeux, en respirant avec précaution. Deux corps au lieu d’un ? « Et bien… c’était marrant. Je l’ai pas vue venir, celle là. » J’ai comme l’impression d’avoir fumé une substance pas très très licite. Le contre-coup, de toute évidence. Le contre-coup. Bien sûr. Je me prends la tête entre les mains. « Je suis un imbécile congénital, oui. N’empêche qu’on va commencer à se demander si c’est pas Martial, l’adopté de la famille, si Maman, toi et moi, on est trois imbéciles. Et désolé, je ne sais pas ce que je raconte. Qu’est ce que tu m’as injecté dans les veines ? Du sirop de beuh ? » Je plisse les yeux. « Ca va aller, Papa. Je te promets que ça va aller. Je suis quasi sûr que je verrai Ada marcher. » Je fronce les sourcils. « Tu te souviens d’Ada, au moins, hein ? » On sait jamais. La mémoire, tout ça… « Et puis au pire, on peut toujours se renseigner pour savoir s’ils font des tarifs de groupe. Un cercueil acheté, le deuxième est offert. Louez le corbillard, le deuxième aller-retour à moitié prix. Si ça se trouve, il y a même des offres sur les caveaux familiaux… » Je m’arrête un instant dans mon monologue. « Tain, c’est glauque. » C’est supra glauque, oui. « Ca pourrait être une bonne raison de guérir, ça. J’ai l’impression que lorsque mon cœur déconne, mon unique neurone fatigue. D’ailleurs, je t’ai dit que j’avais envoyé une piste de résolution de l’équation de Yang-Mills à la RMS et à Quadrature ? » Pourquoi je lui dis ça ? Aucune idée. Peut être parce que je me rends compte que je ne vais vraisemblablement pas avoir le temps de résoudre l’équation du prix du millénaire que je m’étais fixé. Merde.
Sujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius) Sam 17 Sep 2016 - 13:59
My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius
« Et ta tronche à toi, elle est pas ridicule peut être ? »
Lassé de ce comportement, Hippolyte leva les yeux au ciel.
« Serait-ce trop te demander que de bien vouloir te comporter comme un adulte au moins une fois dans ta vie, Marius ? »
Masquée sous la fatigue, la colère ne s'exprimait plus que sous les traits d'un agacement maîtrisé, et Hippolyte luttait contre l'envie de secouer Marius, de lui mettre le nez sur sa fiche de soin, pour qu'il se rende compte à quel point son état était préoccupant. Pour qu'il réalise qu'il allait mourir. Qu'il allait laisser derrière lui bien plus qu'il ne l'imaginait... Il avait envie de lui dire qu'il était égoïste, injuste, cruel... Mais ç'aurait été se moquer du monde que d'oser lui dire ça. Le regard glacial, il préféra simplement ajouter que si Marius voulait le prendre pour un monstre, il s'en fichait bien, ça ne l'empêcherait pas de dormir. Seulement, la réflexion du jeune homme lui arracha un sourire crispé.
« Tiens donc... Je ne t'avais pas entendu dire ça depuis au moins deux mois... Dire que j'espérais que ton vocabulaire ait enfin évolué... La prochaine fois, essaye donc d'innover. » Grogna-t-il, sur la défensive.
Ce n'était pas par manque de confiance ou méchanceté, qu'Hippolyte repoussait Marius. Enfin... A vrai dire, il ne faisait confiance à personne, n'étant même plus sûr de pouvoir l'accorder à la femme qu'il avait épousé. Il était hors de question qu'il confie cette histoire à qui que ce soit, tout comme il refusait de mettre des mots sur son malaise, sa faiblesse... Ne pas évoquer l'affaire lui donnait l'impression d'en avoir le contrôle, tout simplement. Pourtant, s'il était ferme et décidé en ce qui concernait Victoire, il fini par concéder à Marius que c'était à lui de choisir s'il voulait vivre... Ou non. La chose lui coûtait horriblement, et il se serait volontiers mis des gifles pour ne pas avoir su trouver les bons mots en temps et en heure pour l'inciter à se soigner. Hippolyte n'arrivait pas à se sortir de la tête que s'il avait écouté Marius six ans plus tôt, s'il avait fait l'effort de tenter de le comprendre, peut-être aurait-il subit l'opération depuis longtemps, peut-être ne serait-il pas un mort en sursis, peut-être... Peut-être que tout ceci ne serait pas de sa faute. Marius avait beau lui affirmer que sa malformation cardiaque n'était pas sa faute, son père restait sceptique à ce sujet.
En revanche, s'il y avait bien une chose qui était claire dans son esprit, c'était bien que jamais plus il ne serait capable d'attenter à la vie de Marius. Mutant ou non, il était son fils, la chair de sa chair, son enfant, un gamin qu'il avait vu naître, grandir, courir avant même d'avoir su marcher, parler avant même d'avoir su gazouiller... Un gamin qu'il avait rejeté par manque de compréhension, de temps, de volonté. Un gamin qu'il aimait sans avoir jamais été capable de le lui dire ou montrer. Marius et lui se ressemblaient bien plus qu'ils n'étaient prêt à l'admettre, parce que c'était plus simple de se rejeter que de s'accepter. Avec une mutation en jeu... C'était d'autant plus compliqué à accepter. A vrai dire, Hippolyte était toujours partagé entre le chasseur, qui lui hurlait que pour le bien de Marius, il n'aurait pas dû le rater en juin, mais le scientifique et le père s'opposaient fermement à cette idée, lui rappelant que la mutation de Marius lui permettait de rester en vie, qu'elle faisait office de béquille pour son cœur... Et qu'il était bien trop pacifique pour pouvoir nuire à qui que ce soit avec sa mutation. Quelque part, du quintette Caesar, c'était lui le moins monstrueux de tous. Secouant la tête, Hippolyte soupira de plus belle.
« Non, Marius. Ce n'est pas si je veux, c'est si toi tu veux. Si tu veux la garder, garde-la. Si tu veux t'en débarrasser, je t'y aiderai, mais c'est ton choix. Pour une fois, je... Je voudrais que ce soit qui décides, je t'ai trop longtemps imposé ma volonté. »
Ce qui était on ne peut plus vrai et pourtant, il mourait d'envie d'appeler un médecin pour lui ordonner de préparer le bloc opératoire en vue d'une intervention. Il en mourait d'envie, tout en sachant que ce serait la dernière erreur qu'il commettrait. Pourtant, lorsque le cœur de Marius s'emballa à nouveau, il regretta de ne pas avoir profité de son coma pour mettre en place une opération avec le chirurgien. Il regretta d'avoir décidé d'accorder son libre arbitre à Marius, persuadé qu'il était des mauvais choix de son fils. La panique le gagna, se cristallisant dans l'agressivité dont il fit preuve avec l'infirmière tandis qu'elle se précipitait vers le meuble contenant les médicaments pour lui ramener une dose de bêta-bloquants. Un soupir de soulagement franchi ses lèvres alors que Marius se mettait à grogner quelques mots, lui arrachant malgré lui un sourire.
« Ton esclave ne sera pas toujours là pour te sauver la vie, Marius... Deux fois en moins d'une semaine, c'est beaucoup... »
Fronçant les sourcils, il posa une mains sur l'épaule de Marius pour l'empêcher de trop se redresser, l'aida à se caler contre les oreillers, et lui tendit son verre d'eau. Imbécile, idiot, inconscient, tant de mots lui venaient à l'esprit et pourtant, il restait muet, se contentant d'observer son fils comme s'il avait peur qu'il se briser en un millier d'éclats de verre. Petite chose fragile et délicate, voilà bien une appellation qui n'aurait jamais convenu à Marius en temps normal, mais qui cette fois lui correspondait parfaitement. Haussant un sourcil, il écouta sans trop y faire attention le monologue sans queue ni tête de Marius. Apparemment, le manque d'oxygène le rendait véritablement con.
« Que veux-tu, deux imbéciles ne pouvaient pas engendrer deux enfants parfaits... Ce sont des bêta-bloquants, ça va calmer ton cœur et l'empêcher de s'emballer. Si tu délires, c'est tout à fait normal, ton cerveau a manqué d'oxygène ces derniers jours. A moins que tu ne préfères que je te dise que tu es juste un peu con ? »
Malgré des propos teintés d'un humour surprenant mais qui lui ressemblait bien, Hippolyte était nerveux, sur le qui-vive, incapable de se rasseoir tant il avait peur qu'à nouveau, Marius rechute.
« Je me souviens d'Adaline, oui. Et de Samuel, ne t'en fais pas. Et je compte sur toi pour les aider à souffler leurs premières bougies, tu leur dois bien ça. »
Sous couvert d'affection, la remarque était surtout une incitation au calme, à la mesure. S'il y avait bien une chose qu'Hippolyte ne supportait pas de voir, c'était bien ce teint cireux, ces cernes sous les yeux et cette transpiration qui perlait à la racine des cheveux de Marius. Dans un tel état, il prenait une dizaine d'années et donnait d'autant plus l'impression à son père d'avoir raté quelque chose avec lui. Haussant les sourcils, il se pinça l'arrête du nez.
« Tu ne veux pas non plus leur demander une épitaphe personnalisée ? « ci-git deux idiots, qui à défaut de se parler auront rendu l'âme ensemble » ? C'est sinistre, oui... »
Raide, glacial, Hippolyte ne plaisantait plus vraiment, si tant est qu'il ait jamais été capable de plaisanter un jour. Pourtant, il esquissa un sourire lorsque Marius lui appris qu'il avait envoyé un article à des revues scientifiques. Lui-même faisait ça, étant plus jeune, lorsqu'il s'ennuyait entre deux périodes de révisions intensives.
« Non, tu ne m'avais pas dit ça... Si je ne m'abuse, c'est celle sur laquelle tu travaillais, il y a quelques mois ? Enfin... Si tu veux, nous rediscuterons de tout ça plus tard. Il faut que tu te reposes, autrement, ton dernier neurone risque de mettre les voiles, et je n'ai pas envie d'avoir un légume à ma charge. Alors... Repose-toi. Ce n'est ni un conseil, ni une suggestion, Marius, s'il te plaît, ménage-toi. Je ne te dis pas ça pour te materner, ce serait bien trop ironique, mais simplement parce que je sais que tu as hâte de sortir d'ici. Et plus tu te ménageras, plus vite tu seras dehors, d'accord ? »