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 My heart is slowly shattering for you (hipporius)

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Marius Caesar
Marius Caesar

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SUR TH DEPUIS : 24/01/2015
MessageSujet: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:15

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



Je ne l’aime pas, ce chat. Clairement… je ne l’aime pas. En près de six semaines, j’ai fait des efforts sur bien des plans. Je me suis trahi, jour après jour, en me forçant à rentrer dans un moule que j’ai haï, détesté, rejeté avec violence et détermination pendant plus de vingt ans. En près de six semaines, j’ai piétiné minutieusement des années de rébellion, les moindres détails de ma personnalité. Mais accepter ce chat qui a toujours représenté à mes yeux la haine et le mépris que me vouait mon père… c’est hors de mes capacités. Et si je me retiens de le faire passer par la fenêtre, c’est bien pour ne pas réduire à néant tous mes efforts de ces dernières semaines. Adossé à la baie vitrée du bureau de mon père, je regarde Radcliff, surplombée par la tour Caesar, et j’essaye de me mettre à la place de mon père. Pleinement. Sans y parvenir. Je peux jouer à être lui, je le fais même avec une facilité déconcertante. Mais je ne suis pas lui, je ne serai jamais comme lui. Et ce n’est pas moi, ce mec qui fait semblant d’être intelligent et intéressé par les problématiques pharmaceutiques. Ce n’est pas moi, ce mec qui vient en costard tous les jours, qui se laisse étrangler par une cravate, par un costume. Ce n’est pas moi, non plus, cet adulte pseudo-responsable qui joue avec la vérité pour mieux se perdre dans une réalité artificielle parce qu’il ne supporte plus ce qu’il a fait de sa vie et ce qu’il a passé des années à détruire.

Je n’aurais jamais dû essayer de me changer à ce point. Je n’aurais jamais dû me sentir capable de quoique ce soit. Six semaines, et je me prends pour un PDG, je m’invente une vie, je m’invente une intelligence, je m’invente des capacités. Et je me foire, complètement. Je l’ai bien vu, à la réunion qui s’est achevée il y a deux heures. J’ai bien vu à quel point j’ai beau faire et me cacher derrière des mensonges et des illusions, je reste un imbécile, un parasite et pire que tout, une déception. Parce que le contrat sur lequel on travaille, Poppy, mon père et moi, depuis un bon mois, le contrat vient de tomber à l’eau juste parce que j’ai dit, pensé une connerie. J’écrase mon front sur la vitre glacée, en inspirant lentement. Je me sens seul, horriblement seul dans cette tour d’ivoire que je me suis imposée. Et mes battements de cœur tonnent comme pour me rappeler que… et bien qu’il continue à battre, que je continue à vivre. Est-ce que mon père était seul, lui aussi, lorsqu’il passait ses nuits ici à se plonger dans son travail pour mieux faire comme si je n’existais pas ? Est-ce qu’en restant ici, alors que la réunion est terminée, alors qu’Astrid et Adaline m’attendent certainement pour que je passe leur dire bonjour, je suis comme lui ? Je deviens comme lui ?

Un rire nerveux me secoue sans que je ne le veuille à l’idée que non, je ne serai jamais mon père. On est trop différent, tous les deux. Lui… lui il est intelligent. Moi… moi je suis une catastrophe. Le pire, c’est que je sais que mon père est en train de rattraper le coup, là, trois étages plus bas. Que lui et Poppy se démènent pour rapiécer un contrat que j’ai mis en lambeaux en une poignée de secondes. Je serre le poing. Entre ça et le sport que j’ai repris alors que tous mes médecins me hurlent que c’est une très mauvaise idée, entre ça et mes échecs de plus en plus répétitifs lorsque je tente de renoue avec mon seul talent, je me demande bien ce que je vaux. Incapable d’attendre le verdict, j’hésite à redescendre en salle de réunion mais la main posée sur la poignée, je me rends bien compte que… ce serait empirer les choses que de m’en mêler maintenant. Autant pour le fils prodigue, autant pour les compliments de mon père, autant pour sa fierté volée dans des mensonges… la vérité et la réalité ont finalement repris leurs droits… Je suis incapable de rester en place, incapable de partir, incapable de bien des choses. Et forcément je commence à tourner en rond, dénouant ma cravate déjà desserrée, sortant un livre de la bibliothèque de mon père, le reposant immédiatement. J’en ai rien à faire des médocs, j’en ai rien à faire de la chimie. Tout ce que j’ai fait, ces dernières semaines, c’était prétendre que ça m’intéressait. Mais j’en ai rien à faire, bordel. Tout ce que je voulais, c’était la fierté de mon père, rien de plus, tout le reste n’était que… mes doigts jouent avec le cendrier posé sur le bureau, ouvrent un tiroir, jouent avec les feuilles qu’il contient. Le referment. Je guette l’ascenseur et les éclats de voix qui signaleront le retour de mon père et de sa secrétaire. J’ouvre un deuxième tiroir. Je le referme aussit…

Je l’ouvre à nouveau, attrapant la seule chose qu’il contient avec précaution. Je sais que je suis voué à mourir d’ici peu d’années. Je le sais et je le sais même un peu trop bien. Je m’y suis fait. Et vu mes ratés et mes erreurs, vu que je suis visiblement plus doué pour casser que pour construire, pour détruire que pour bâtir, pour mentir que pour véritablement être celui que les gens aimeraient avoir face à eux… C’est une connerie. La énième connerie de Marius. La plus grandiose, le summum des conneries. Mais… la seringue est dans le creux de ma main. Un coup d’œil en direction de la porte, un coup d’œil inutile. Je vais bientôt mourir. Mais si je donne un coup de pouce, le bientôt... se transformera en incessamment sous peu. Et je cesserai aussitôt d’être un poids lourd. Je sais que c’est une connerie. Je le sais. Mais… mais c’est tentant. J’inspire, repose la seringue sur le bureau avant de me passer une main sur le visage. « Mais qu’est ce que je suis en train de faire… » Mon murmure me réveille, me sort d’une léthargie qui m’angoisse. Je retourne observer Radcliff mais à peine ai-je atteint la baie vitrée que je me tourne à nouveau en direction du bureau de mon père. Je m’adosse à la baie vitrée, dos à la ville. Face au bureau. Face à la seringue qui me nargue. La première fois que j’ai pris le vaccin, c’était pour faire plaisir à Martial. La deuxième fois, on me l’a imposé pour me rendre inoffensif. Comme si je ne l’étais pas déjà. La troisième fois… la troisième fois, finalement, ce sera pour me tuer. C’est une connerie, Marius. Une de plus… un de moins… en comparaison avec celles que j’ai pu accumuler, on est peut être en haut du panier mais on est en haut d’un panier bien rempli. Je me mords la lèvre en revenant au contact, déboutonnant la manche de ma chemise pour la remonter lentement, sans quitter le liquide du regard. J’ai l’impression que ma première injection a eue lieu il y a une éternité. J’ai l’impression qu’à l’époque, j’étais un gosse, un petit gamin, et que maintenant… C’est une connerie, Marius. Je sors mon téléphone, sans y penser je commence à envoyer un message à Astrid, ne m’arrête que de justesse. Ça risquerait de l’alerter. Ça risquerait de l’inquiéter. Elle risquerait d’entendre un appel au secours, elle… J’efface, verrouille le téléphone et le repousse plus loin, pour ne pas être tenté de faire une connerie.

Ou du moins, une connerie supplémentaire. Je serre les dents en sentant la pointe de métal s’immiscer dans ma chair, je serre les dents en appuyant sur la seringue, je serre les dents en retirant l’aiguille, je serre les dents… en attendant la sentence. Et elle ne vient pas sous la forme à laquelle je pensais. Des éclats de voix. Enfin. Déjà. Qui me réveillent. Qu’est ce que j’ai fait ? Putain qu’est ce que j’ai fait ? J’entends mon père discuter avec Poppy. J’entends ses pas malgré la moquette du couloir. J’entends sa main se poser sur la poignée. Et c’est lorsqu’il ouvre la porte que la douleur explose. Gratuitement. Elle me renvoie brutalement six ans, six petites années en arrière, sur un terrain de hand. Ma main vient saisir mon cœur dans un hurlement muet, j’ouvre les yeux stupéfaits en direction de mon père qui vient d’entrer dans la pièce. Ça fait mal. Putain que ça fait mal. La douleur se diffuse dans mon bras, s’étire jusqu’à mes phalanges, recule pour revenir en force et contraindre mes genoux à s’abattre sur le sol, oblige mes doigts à lâcher la seringue. « Papa… » Je sais que mon regard est suppliant. Je sais aussi qu’il est porteur d’excuses. Parce qu’il ne va rien comprendre, à me voir tituber comme ça, avec cette seringue qui roule au sol. Il ne peut pas comprendre que je ne m’excuse pas simplement d’être suffisamment con pour avoir fait foiré un contrat mais que je m’excuse d’avoir menti, d’avoir prétendu être un fils que je n’étais pas, d’avoir prétendu qu’il était un père dont je rêvais. Chaque battement de cœur difficile explose dans ma poitrine et me voit me recroqueviller un peu plus, dans des larmes salées qui s’empressent de fuir mes yeux crispés de douleur. Deux tambours lents qui battent à mes tempes, j’entends mes ventricules lutter pour continuer à pomper mon sang et l’envoyer dans mon organisme. Tout est contracté, effet du vaccin, effet de la disparition de ma mutation. Mon cœur reprend son poids, reprend sa maladie, cesse de fonctionner, se resserre et se referme encore plus comme si une main le comprimait dans ma poitrine. Qu’est ce que j’ai fait, bordel ? Où est ce que j’ai foutu mon téléphone ? « Désolé… » Je tente de parler. Pour m’excuser. « Astrid… désolé… » La douleur reflue, pour me laisser reprendre mon souffle mais je suis incapable de me décontracter. Incapable d’ouvrir les yeux. J’aurais aimé l’embrasser. Juste une dernière fois.

Lui dire combien je l’aime. Pourquoi est ce que je ne lui ai pas envoyé ce foutu SMS, hein ? J’essaye de me mettre à quatre pattes, concentré pour atteindre le bureau, les muscles contractés dans l’attente de l’attaque qui portera le coup de grâce. « Mon portable… juste… Astrid. Je l’aime… je l’aime tellement Papa… Je… » La douleur explose à nouveau, vrille mes tympans, me rend sourd et me vole mes forces pour me faire m’écrouler à nouveau et me recroqueviller davantage encore. Mais qu’est ce que j’ai fait, hein ? Je le savais que mon troisième vaccin me tuerait. Je le savais. Et pourtant, je me le suis injecté. Comme ça. Sur un coup de tête. Parce que j’en avais marre. Martial va me haïr. Martial va me détester. Et mon père… « Désolé… j'ai menti. »


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Hippolyte Caesar
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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:21

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



Le dossier échoua sur la table en verre et glissant vers le gros homme dégarni qui fixait son adversaire avec un dédain évident. Pas un regard sur l'épais volume qui avait demandé plus d'un mois de travail et les efforts combinés de plusieurs personnes. Tout ce qu'il voyait face à lui, c'était le dirigeant déchu d'une entreprise sur laquelle il espérait mettre la main depuis des années.

« C'est non, monsieur Caesar. Si tant est que vous vous souveniez de votre nom... Voyez donc avec votre empoté de fils pour réparer les dégâts qu'il a provoqué... Je ne signerai pas ce torchon... »

Se penchant en avant, Hippolyte planta ses poings dans la table tout en fixant l'autre d'un regard froid. Amnésique ou non, il n'avait rien perdu de sa prestance ni de son charisme. Seulement, il suffisait de savoir qu'une heure auparavant il ne connaissait pas le nom de ce type pour savoir que toute sa personne était désormais une imposture.

« C'est fâcheux, Gregson, très fâcheux... Car voyez-vous, et peut-être est-ce une chose dont Marius a oublié de vous parler, c'est votre entreprise qui nous a approché pour ce projet... Il a été approuvé par plusieurs de vos dirigeants... Ne croyez-vous pas que refuser un contrat qui pourrait vous rapporter des milliers de dollars pour une raison aussi puérile serait mal vu ? »

Le sourire de requin de Gregson se tarit, tandis qu'il cherchait une faille chez le Caesar. Mais rien ne le ferait revenir en arrière : devoir supplier son adversaire lui coûtait déjà énormément, il n'allait pas en plus lui céder ! Tout ce qu'il voulait, c'était une signature au bas de ce fichu contrat... Que tout cet argent et ce temps ne partent pas en fumée à cause de l'inexpérience de Marius.

« Vous avez de bons arguments, pour quelqu'un qui sait à peine lacer ses chaussures tout seul... C'est la petite qui le fait à votre place ? Vous savez les choisir... » dit-il avec un regard vers Poppy.

Poussant à nouveau le dossier dans sa direction, Hippolyte posa un stylo dessus en luttant pour ne pas en planter la plume dans l'oeil de Gregson.

« Les lacets de chaussure ne sont peut-être pas mon fort, Gregson, mais je sais au moins respecter les gens qui m'entourent, ce qui ne semble pas être votre vas... Allez-vous signer, oui ou non ? »

Un long silence s'installa entre eux, durant lequel on aurait pu se demander s'ils n'étaient pas en train de jouer bêtement à celui qui baisserait les yeux le premier... Ils auraient pu, s'ils n'avait pas été en train de jouer une partie de l'avenir de leurs entreprises respectives.

« Je vais signer... Mais nous allons revoir le budget à la baisse... Que ça serve de leçon à votre fils, on ne prétend pas être un adulte quand on est à peine sortit du bac à sable... »

Il ouvrit alors le dossier à la dernière page, le data et y apposa sa signature. Sans plus cérémonie, il se leva, remis sa veste en place et serra la main du Caesar avec une rigidité et un mépris à faire peur. Bientôt, le bureau ne fut qu'hanté par sa présence, et Hippolyte poussa un profond soupir en se passant une main sur le visage.

« A défaut d'être une réussite, ce projet ne serait qu'un échec partiel... Estimez nos pertes sur ce projet et le déficit que nous enregistrons déjà, mademoiselle Weston... Et je veux un compte-rendu détaillé dès demain de l'état des actions de l'entreprise. Nous n'allons pas perdre quelques centaines de dollars... Ça se chiffre en milliers voire en millions, et je n'aime pas du tout la tournure que prennent les choses... »

Hippolyte avait toujours eu horreur de perdre ou d'être dans une situation délicate. Il était habitué à gagner, à charmer son auditoire et à n'avoir besoin que d'un bref exposé pour convaincre et signer. Il était habitué à la réussite, et ce qu'il soit amnésique ou non. Ils quittèrent alors la salle de réunion, discutant de ce projet délicat dans lequel il venait de se lancer. L'ascenseur les déposa au dernier étage, où Hippolyte devait retrouver Marius. Quelque part, il était en colère contre le jeune homme, il avait envie de le traiter d'idiot, d'incapable et d'inconscient... Mais n'avait-il pas fait de son mieux ? N'avait-il pas dû jouer à un jeu dangereux avec un type malhonnête qui de toute manière cherchait depuis le début une faille à exploiter ? Marius avait commis une erreur, mais qui ne l'aurait pas faite à sa place ? L'homme qu'Hippolyte était avant n'aurait pas hésité une seule seconde, dardant son regard empli de déception sur son fils pour mieux persifler des horreurs pour le réduire en miettes. Mais avec ces nouveaux souvenir totalement factices que Marius cherchaient à construire, son père était plus indulgent, plus... Humain. Et il n'avait finalement pas envie de rabaisser son fils alors qu'il devait déjà s'en vouloir horriblement. La main sur la poignée, il donna une dernière instruction à Poppy avant d'entrer dans la pièce.

« Le problème est réglé. En partie. Il reste encore des détails à voir, mais nous avons signé. Je sais que tu t'en veux, Marius, mais cette erreur va nous coûter cher, je ne veux plus que tu signes quoi que ce soit en mon ab... Marius ? Est ce que tout va bien ? »

Il était là, tétanisé dans un fauteuil, la main crispée sur le cœur et le visage livide. Le sang d'Hippolyte ne fit qu'un tour, et en deux enjambées il fut auprès de Marius. Une seringue roula au sol alors que le jeune homme s'y effondrait à son tour. La panique s'empara du père tandis qu'il voyait son enfant se débattre avec ce qui semblait le faire souffrir.

« Marius ! Maris, je t'en prie, dis-moi ce que tu as ! Qu'est ce que... Bon sang Marius, que t'es-tu injecté ? »

D'un geste fébrile, Hippolyte ramassa la seringue vide, sur laquelle était écrit « NH24 »... Un vaccin... Oui mais un vaccin pour quoi ? Tout ce dont il se souvenait, c'était de l'instabilité de la solution et de ses effets néfastes. Marius était-il en train d'en faire les frais ?

« Espèce d'idiot... Pourquoi est ce que tu as fais ça ? J'allais tout arranger ! Merde ! Marius réponds-moi ! »

Péniblement, Marius parvint à articuler le nom de sa petite amie, sans qu'Hippolyte ne comprenne pourquoi. Son portable... Sans réfléchir, le Caesar attrapa le téléphone et le fourra dans les mains du jeune homme. Soulevant sa tête, il la posa sur ses genoux pour l'aider à respirer puis hurla.

« Poppy ! Appelez les secours, vite ! Marius a fait un malaise ! »

Un malaise... Comme s'il s'agissait simplement de ça... Posant deux doigts contre la gorge de Marius, Hippolyte sentit alors les battements irréguliers et faiblards de son cœur. La tétanie, la rigidité, le rythme cardiaque dissident... Son fils était en train de faire un infarctus.

« On s'en fiche, Marius... On s'en fiche des mensonges, parle-moi, c'est tout ce que je te demande... Continue à me parler, reste éveillé, respire...Je t'en prie reste éveillé... »

La panique était là, palpable, s'insinuant dans ses veines comme ce poison un mois auparavant, faisant dégringoler des sueurs froides le long de son dos et trembler tous ses membres. Jamais il ne s'était sentit aussi dépassé et impuissant. Allait-il donc rester là, tandis que son fils était en train de mourir dans ses bras ?

« Les secours arrivent... Tu vas t'en sortir Ma... Marius ! Réponds-moi ! Marius ! »

Mais sous ses doigts, l'irrégulière pulsation avait cessé. Comme un roulement de tambour que l'on aurait interrompu, le cœur du jeune homme venait de s'arrêter. La panique laissa place au désespoir et à l'impuissance. De fichu dossier, ce putain de contrat, ces foutus dollars perdus... Rien de tout ça n'avait plus d'importance. Il préférait voir son entreprise sombrer dans le néant, perdre tout ce qu'il avait plutôt que d'enterrer son fils. Retirant sa veste, Hippolyte l'a plaça sous le crâne de Marius pour éviter qu'il ne s'étouffe avec sa propre langue, puis arracha sans ménagement les boutons de la chemise du jeune homme.

« Je ne te laisserai pas mourir comme ça, Marius... Ce n'est pas comme ça que les choses fonctionnent... Putain... Tu n'as jamais rien su faire comme tout le monde... »

Posant ses mains sur le thorax du jeune homme, il entreprit de faire repartir son cœur en en imitant le mouvement. Qu'importe s'il devait faire cela pendant cinq, dix, trente minutes... Ce qui était certain, c'est qu'il ne s'avouerait pas vaincu tant que Marius ne serait pas revenu à lui. Parce qu'il ne pouvait pas mourir... Parce que son père ne voulait pas le laisser partir.
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:23

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



Je ne compte plus les crises que j’ai pu faire depuis six ans. Toutes plus rapprochées les unes que les autres, menaces violentes ou juste des avertissements, je ne compte plus le nombre de fois où mon cœur a pu se rappeler à mon bon souvenir, que ce soit au détour d’un footing, dans une discussion un peu animée ou en conséquence d’un effort physique brutal et incontrôlé. Mais celle qui me foudroie au moment même où mon père ouvre la porte… j’ai l’impression qu’une main vient de me traverser la cage thoracique pour comprimer mon cœur sans la moindre pitié. Douleur. Brutale. Qui fauche mes jambes, qui me fait m’écrouler comme une marionnette dont on aurait coupé les fils. Des larmes dégringolent mes joues, je n’entends qu’à moitié mon père confirmer qu’il a rattrapé le coût, comme il a pu, que les dégâts sont importants et que je ne suis qu’un imbécile. Abruti. Une déception. Un idiot. Un… « Marius ? Est ce que tout va bien ? » J’ai du mal à respirer. Je n’arrive qu’à m’excuser. Encore et encore. Parce que c’est tout ce que je sais faire, au final. Des conneries et des excuses. Qui arrivent tard. Toujours trop tard. Toujours lorsque le pire est fait, lorsque je me suis trompé, lorsqu’il n’y a plus rien à faire pour rattraper le coup. « Marius ! Maris, je t'en prie, dis-moi ce que tu as ! Qu'est ce que... Bon sang Marius, que t'es-tu injecté ? » Je ne peux pas lui répondre, même si j’arrive à comprendre ses mots mais la douleur qui enfle, se cristallise comme des coups de poignard et contracte tous mes muscles. Je me recroqueville, comme je peux, dans des excuses, toujours des excuses. Je suis désolé, Papa. Je suis désolé, Martial. Je suis désolé Astrid. Je suis désolé, Aspen. Je suis désolé Moira. Je suis désolé, Seth… la liste pourrait se rallonger à ne plus en finir mais je n’arrive pas à réfléchir. Et lorsque la douleur reflux, une première fois, je prends mon inspiration, comme sortant la tête de l’eau. Une respiration sifflante, alors que je grelotte sous la sueur qui perle à mes tempes. « Espèce d'idiot... Pourquoi est ce que tu as fais ça ? J'allais tout arranger ! Merde ! Marius réponds-moi ! » Astrid. Il faut que je l’appelle, il faut que je lui dise que je l’aime, il faut que je m’excuse. Mes pensées sont éparses, perdues, mes mains peinent à saisir mon téléphone, tremblent tant et si bien que je m’y reprends à quatre fois, cinq même, pour déverrouiller l’écran, trouver le raccourci. Et mes tremblements de terreur, le contrecoup de ce que je sais être un avertissement, juste un avertissement, le dernier, le téléphone m’échappe et glisse à quelques centimètres. Je tends la main pour l’attraper mais mon cœur se resserre dans un étau et mon gémissement difficilement contenu voit ma main agripper le bras de mon père pour le serrer de toutes mes forces. Inutilement.

Parce que la main se resserre sur ma poitrine, me fait suffoquer, me fait m’étrangler, me fait m’excuser dans des mots aussi faibles que moi. Papa, je suis désolé. Si désolé. D’avoir menti, d’avoir profité de ton amnésie pour monter une escroquerie illusoire, pour avoir risqué ton entreprise, ton argent, ta réputation dans un jeu de menteurs que je n’ai pas réussi à gagner, pour une fois. J’ai triché, j’ai menti, et même à ça, je n’ai pu conclure que par un échec, grandiose. J’essaye de repousser ses doigts sur ma gorge mais mon bras tétanisé retombe mollement et je ne peux que plonger mes yeux humides dans les siens. J’ai menti. S’il n’y avait que ça. « On s'en fiche, Marius... On s'en fiche des mensonges, parle-moi, c'est tout ce que je te demande... Continue à me parler, reste éveillé, respire...Je t'en prie reste éveillé... Les secours arrivent... Tu vas t'en sortir Ma... Marius ! Réponds-moi ! Marius ! » Rester éveillé.

J’ai essayé, vraiment. Pendant un instant, j’ai voulu puisé dans son regard la force nécessaire pour continuer à respirer. Pendant un instant, j’ai voulu me raccrocher à ses rétines. Mais j’ai lâché prise. Forcément. Mon cœur a un soubresaut. Un dernier. Et je ne vois pas mon père arracher ma chemise pour commencer un massage cardiaque, je ne vois pas les secours arriver, je ne les sens pas me réanimer, je ne sens pas mon cœur repartir une fois. Deux fois. S’arrêter quatre, cinq, six fois pendant les heures qui suivent. Je ne vois pas l’inquiétude de mon père, sa panique, ses regards.

La seule chose que je vois, c’est le plafond blanc de l’hôpital lorsque j’ouvre les yeux. Le bip régulier de l’électrocardiogramme qui s’est emballé plus d’une fois pendant mon inconscience vrille mes tympans. Et je me sens lourd. Si lourd. Comme si… je n’ai plus ma mutation. Pour la première fois depuis des mois, mon poids est celui d’un être humain normal. Pour la première fois depuis des mois, aussi, mon cœur est obligé de battre de lui-même, de charrier seul et à son rythme maladroit mon sang aussi dense que la normale. Je n’ose pas bouger. La terreur de redéclencher une crise et la douleur qui va avec me tétaniser. La seule chose que je fais, que j’arrive à faire, c’est tourner la tête sur le côté. Une silhouette est endormie sur une chaise, une silhouette sur laquelle on a jeté une couverture. Un grognement, j’essaye de me redresser. Mes muscles crient à l’agonie, je me demande si Aspen était dans le même état lorsqu’elle s’est réveillée. Je me demande aussi si elle est au courant. Si Martial est au courant. Je me laisse retomber sur l’oreiller, dans un grincement de lit. Je grimace, jetant un regard anxieux à mon père. Qu’est ce que j’ai fait ? Je pourrais expliquer la logique de mon raisonnement mais même moi, je me rends compte qu’il ne tient pas la route. Qu’au final, j’ai juste pris la fuite au lieu de me battre. Qu’au final, je me suis encore une fois trahi. Une fois de plus. Et que ça ne me ressemble pas. Pas du tout. Mon cœur s’emballe, gentiment, en réponse à mon inquiétude. Connard, il va réveiller mon père, avec ses bips stridents. Il va le réveiller, il va… je croise les prunelles de mon père.

Je détourne le regard. Il va me demander pourquoi. Et je ne pourrai pas lui répondre. Parce que dans son monde, je suis supposé être le fils parfait, ou presque. Dans son monde, je lui ai dit qu’il était un père génial, que je ne lui avais jamais rien caché, que je ne lui avais jamais menti, que… que j’étais mon contraire. Il faut que j’assume, je le sais. C’est bien l’une des rares leçons que mon père, mon vrai père, m’a enseignées. Mais je n’ai pas envie d’assumer, pas cette fois. Pas alors que rien ne peut me permettre de justifier cette énième connerie. Celle de trop. « Tu n’aurais pas dû rester. » A ce niveau là, ce n’est même plus un murmure. C’est une supplique. « Combien… combien de temps ? » Je ne le regarde pas. Je garde obstinément la tête tournée de l’autre côté de la pièce.

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Hippolyte Caesar
Hippolyte Caesar

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SUR TH DEPUIS : 26/05/2015
MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:24

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



Il la détestait, cette panique qui s'insinuait dans ses veines et cherchait à le paralysait, il haïssait son impuissance et sa faiblesse, il aurait voulu être capable de plus, d'anticiper, d'éviter ce genre d'événement... Quelque part, Hippolyte ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable de ce qui était en train d'arriver à Marius. Car si le jeune homme n'avait pas eu à signer ce contrat, il ne se serait pas injecté ce vaccin dans les veines. S'il n'avait pas eu la procuration de son père, il ne serait jamais retrouvé dans ce bureau, n'aurait jamais de malaise... Il ne serait pas en train de mourir. Trop de choses dépendaient finalement de cette foutue signature, de cette putain d'amnésie qui altérait son jugement et qu'il ne supportait pas. Par sa faute, Marius était là, gisant sur le sol de son bureau, et s'il ne faisait rien, il allait y rester.

Il ne pouvait s'y résoudre, quand bien même l'évidence abjecte s'imposait-elle à son esprit. Qu'allait-il rester de cette soirée, sinon le fantôme de Marius et de ses propres erreurs, planant au dessus de sa tête comme une épée de Damoclès ? Qu'on prenne sa vie plutôt que celle de son fils, qu'on lui fasse subir mille tourments, qu'on le condamne à l'enfer pour ses péchés, aucune souffrance n'égalerait celle d'un père enterrant son enfant. Alors la fatalité, Hippolyte l'emmerdait copieusement. L'inéluctabilité des choses, il était prêt à l'accueillir d'un geste obscène, comme Marius savait si bien le faire. Parce qu'il ne le laisserait pas mourir, parce qu'il le sauverait, quoi qu'il lui en coûte.

Les mains jointes sur le thorax de Marius, Hippolyte comptait scrupuleusement chaque geste, insufflant à intervalles réguliers l'oxygène qui manquait à son fils maintenant que tout son organisme semblait s'être arrêté. Il ne sentait pas sa récente blessure se rouvrir sous l'effort, il ignorait la faiblesse de son corps pour donner toute son énergie dans le sauvetage de Marius. Pourtant, à mesure que les secondes s'écoulaient, la fatigue le gagnait, et à force de surconsommer son oxygène, il commençait à voir des éclats lumineux danser devant ses yeux. Mais rien ne le forcerait à s'arrêter. Le cœur de Marius était reparti une fois, pour mieux s'arrêter quelques secondes après, forçant son père à tout recommencer. Il ne pouvait pas mourir... Pas si jeune... Et alors qu'Hippolyte s'évertuait à faire battre un cœur inerte, des images vinrent lui marteler l'esprit. Des visages qui s'éclaircirent, des noms qui lui revinrent en mémoire... Comme si on venait de déverrouiller un cadenas invisible dans sa tête pour lui redonner accès à ses souvenirs.

Et alors qu'il luttait contre le vertige qui menaçait de le faire tanguer, Hippolyte sentit qu'on le tirait en arrière. Les voix des secouristes lui parurent lointaines, comme si on lui avait parlé à travers une cloison épaisse.

« Arrêtez ! Laissez-moi je dois... Je dois le sauver ! C'est mon fils ! Lâchez-moi ! »

Tremblant de tout son être, Hippolyte luttait contre les bras puissants des deux secouristes qui le maintenaient à l'écart, tandis qu'un autre appliquait les électrodes d'un défibrillateur sur la poitrine de Marius pour faire repartir son cœur. Et à chaque impulsion de l'appareil, d'autres souvenirs revenaient se heurter violemment dans l'esprit d'Hippolyte. Tout y était... Cette journée qu'il aurait préféré oublier, quand ses frères l'avaient jeté à l'eau, sa première rencontre avec Victoire, son mariage, la naissance des jumeaux, les promesses qu'il avait faites à Marius sans jamais avoir pu les tenir, les disputes... D'innombrables disputes sans queue ni tête, qui les avait finalement conduit aux frontières de la relation père et fils qu'ils n'avaient jamais réellement su entretenir tous les deux. La déception le frappa, la rancoeur lui laissa un goût amer, mais c'est la culpabilité qui l'emporta. Car à tous ces souvenirs qui déferlaient dans son esprit jusqu'à lui en donner mal au crâne, il y avait ceux que Marius s'était efforcé de créer depuis deux mois. Une connivence qu'il avait inventé, une confiance qu'il avait simulé... Il avait donné à un parfait inconnu l'espoir d'être un type bien et un père exemplaire. Ce ne sont pas tant les souvenirs qui marquèrent Hippolyte...

Ce fut surtout une constatation simple et qui pourtant lui paraissait invraisemblable : Marius avait essayé d'être quelqu'un d'autre. Il avait tenté d'être celui que son père avait toujours souhaité qu'il soit, pour leur donner une seconde chance, pour... Pour que son père soit simplement fier de lui. Il avait donc fallu tant de choses pour qu'Hippolyte comprenne que son fils ne le haïssait pas, bien au contraire. Il avait vu les bêtises, entendu les injures... Il était resté aveugle à la détresse et avait fait la sourde oreille lorsque Marius lui demandait simplement un peu d'attention.

Mais parce qu'il avait retrouvé ses souvenirs, ou du moins une grande partie, Hippolyte était à nouveau lui-même. Et au milieu de cette incompréhension et de cette culpabilité, il sentit la colère enfler en lui comme un monstre écœurant d'avidité.

« Je... Je dois... Laissez-moi l'aider, bon sang ! »

Dans un regain d'énergie, il se débattit un peu plus, quand bien même se faisait-il plus de mal qu'autre chose. Les secouristes n'eurent finalement pas d'autres choix que de lui administrer un sédatif pour qu'il cesse de se débattre, avant de l'emmener lui aussi à l'hôpital, en état de choc.

Comme à son habitude, Hippolyte Caesar ne faisait pas dans la dentelle. A peine s'était-il remis du choc et du retour de ses souvenirs qu'il transgressait déjà le règlement de l'hôpital. On lui avait dit que Marius ne pouvait pas recevoir de visite ? Quelle bonne blague... Il ne quitta pas l'établissement plus de quelques minutes par jour, à peine le temps de fumer une cigarette pour se détendre. Au bout de deux jours, les infirmières arrêtèrent de tenter de le dissuader de rester, ne lui proposèrent même plus de se reposer et se contentèrent de lui apporter deux repas par jour. Qu'importe si on lui en tenait rigueur après le réveil de Marius... Personne ne l'empêcherait d'être là au moment où il ouvrirait les yeux. Et pendant ces quelques longues et abominables journées, Hippolyte passa de la terreur la plus noire à l'espoir surréaliste. A la moindre amélioration, il s'attendait à voir Marius se réveiller, mais dès que l'électrocardiogramme s'emballait, il voyait déjà le médecin lui annoncer l'heure du décès.

Il n'avait pas beaucoup dormi, depuis l'incident. Pas plus de deux heures par nuit, à vrai dire, mais la fatigue avait fini par avoir raison de ses nerfs. Il s'était alors endormi dans son fauteuil et n'avait pas bronché lorsqu'une infirmière avait posé sur lui une couverture en laine. Un sommeil bien mérité, mais qui fut de courte durée. Car ce bip régulier qui le berçait dans l'illusion que Marius était stable venait de s'emballer, et il ne lui en fallu pas plus pour se réveiller. Il pensa au premier abord que son fils était en proie à une nouvelle crise d'arythmie, mais lorsqu'il ouvrir les yeux, ce fut pour croiser le regard de Marius. Celui d'Hippolyte se durcit, glacial et réprobateur. Sans le moindre mot, il retira la couverture dont on l'avait couvert et croisa les bras, sans lâcher Marius du regard. Comme lorsqu'il était enfant et qu'Hippolyte attendait de lui qu'il avoue tout, il se contentait de le fixer sans ciller. La colère d'Hippolyte n'était même plus quantifiable, elle était si présente qu'elle en devenait palpable. Elle émanait de lui comme les tentacules du Kraken, prêtes à fondre sur Marius pour l'étrangler et lui passer l'envie de recommencer.

Par quoi devait débuter, d'ailleurs ? Les mensonges ? L'abus de confiance ? La tentative de suicide ? Ou les questions ? Hippolyte était partagé entre l'envie d'acculer plus encore son fils ou au contraire d'y aller en douceur. Quelque part, peut-être y avait-il encore en lui des vestiges de celui qu'il avait été pendant plus d'un mois ? Ce père idéal, à l'écoute, sincère, intéressé... Ce père que Marius idéalisait... Mais la colère était bien trop inscrite dans ses entrailles pour qu'il puisse l'ignorer. Alors il laissa son fils parler mais ne répondit pas. Il laissa simplement son indicible colère décroître un peu avant de répondre.

« Je n'aurais pas dû rester, en effet...

Il se leva, laissant un nouveau silence s'installer entre eux, et s'approcha du lit de Marius, le dominant d'un regard plus glacial encore.

« Seulement je l'ai fais. Parce que la dernière fois que tu t'es retrouvé dans cet hôpital, tu m'as confié que tu aurais aimé que je sois là à ton réveil. Alors je suis là. »

Il détailla le visage de Marius, s'attardant sur la lividité de son teint, puis fixa l'électrocardiogramme.

« Quatre jours et... Dix huit heures. Cinq arrêts cardiaques. »

La dureté de ses mots et la franchise à couper au couteau avec laquelle il les prononçait avait quelque de presque injuste, de réprobateur, quand Marius aurait probablement préféré que son père le rassure. Tournant à nouveau les yeux vers lui, Hippolyte ne pu garder plus longtemps cette expression haineuse sur son visage. Le masque se fissura, laissant place à l'incompréhension et à la douleur... Au soulagement également. S'il avait eu la sensibilité d'un humain ordinaire, il aurait probablement fondu en larmes pour évacuer tout ce stress accumulé. Mais sa sensibilité à lui tenait dans une petite cuillère, et c'est tout juste si son regard sembla s'humidifier sous l'émotion.

« Pourquoi... Pourquoi, Marius ? Ta vie a donc si peu d'intérêt à tes yeux ? »

N'as-tu pas honte d'être aussi égoïste ? Se retint-il s'ajouter.
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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:24

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Hippolyte & Marius



La panique persiste dans ma poitrine, comme une conséquence durable de cette douleur aiguë qui m’a transpercé la cage thoracique et dont le fantôme plane encore autour de moi. J’angoisse, à la seule idée d’avoir à nouveau mal comme ça. J’angoisse et c’est ce qui me retient de bouger, ce qui me tétanise. Ce qui fait s’emballer mon rythme cardiaque, aussi. Je n’ai pas entendu mon père hurler, je n’ai pas vu les secouristes l’éloignent de force, lui injecter un sédatif pour le calme. Je n’ai pas senti sur mon thorax ses mains qui remplaçaient mon cœur dans l’attente des secours et qui ont voulu continuer à le remplacer de crainte qu’il s’arrête. La seule chose que je vois, c’est le noir. C’est la nuit. C’est la présence de mon père à mon chevet, endormi malgré ses insomnies, recouvert d’une couverture. Mon angoisse augmente, les bips de l’électrocardiogramme s’emballent, ses prunelles s’ouvrent et se posent sur moi. J’imagine que si je m’étais hasardé à les fixer plus longtemps, j’aurais vu une panique à l’idée qu’une fois encore les médecins aient à relancer mon cœur mais non, je tourne la tête en me ramassant sous mes draps comme pour disparaître. J’ai honte. Putain que j’ai honte. J’ai honte d’avoir fait ça, honte de lui avoir imposé ça, honte d’avoir cédé à une certaine facilité, honte, honte, honte encore. Honte d’avoir peur que ça recommence alors que mon cœur fragilisé une fois encore est fatigué.

Je n’ose pas regarder mon père. Glacial, réprobateur, le peu que j’ai pu voir dans son regard me projette des années en arrière. Ce regard… bon sang, ce regard je n’y ai pas eu droit depuis plus d’un mois, depuis son réveil à lui dans cet hôpital. Et il ne m’avait pas manqué. Je l’entends bouger et forcément, c’est plus fort que moi, je finis par revenir le regarder. Qu’est ce que j’ai fait ? Qu’est ce qu’il va penser de moi, maintenant ? En deux décisions, j’ai réduit à néant près de six semaines d’efforts. Des sanglots se logent dans mes veines, mon rythme cardiaque se stabilise, toujours rapide, toujours tendu, toujours en écho avec mes pensées et ma culpabilité. La colère qui voltige autour de mon père est palpable, je ne peux que la sentir, que la voir, que la mériter. C’est peut être pour ça, finalement, que je m’oblige à le fixer du regard. Son silence me terrifie, comme lorsque j’étais gosse. Il me déstabilise, me force à réfléchir, me force à reconsidérer ma connerie, mes actes, l’erreur monumentale que j’ai faite. Chaque respiration m’angoisse, je me sens cloué au matelas par mon poids anormalement… normal. Et je finis par craquer. Il n’aurait pas dû rester. Parce que sa présence me fait peur, parce que je n’en vaux pas la peine, parce que j’ai envie d’être seul, parce que… la curiosité me pousse encore plus loin, une curiosité morbide qui ne laisse pas de place au doute. Combien de temps suis-je resté inconscient, depuis combien de temps me suis-je injecté cette connerie dans les veines ? « Je n'aurais pas dû rester, en effet... Il s’approche, j’ai ce réflexe enfantin de vouloir reculer mais mon corps refuse de répondre, cloué par la fatigue et sa faiblesse éreintante. Je me sens faible, vulnérable, sans comparaison avec ces cicatrices qui marquent mon torse. Parce que cette fois, c’est mon cœur qui est sur la brèche fragilisé comme jamais. Je savais quels seraient les risques, en plus. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Et j’ai peur de ce que les médecins constateront dans les semaines à venir, j’ai peur de savoir quels dégâts ont été causés par le vaccin cette fois. Oh… non, mon père n’aurait pas dû rester, pas pour voir son fils mortifié. Et pourtant, le père que j’ai créé artificiellement est resté parce qu’il a dû penser que son fils, ce mensonge bâti de toute pièce, en valait la peine. Je me mords la lèvre en rentrant la tête entre les épaules. Son regard me tétanise plus sûrement que la panique, je n’arrive plus à détourner les yeux. Et je pressens aussi que son silence va s’achever sur quelque chose que je ne vais pas apprécier. Du tout.

« Seulement je l'ai fait. Parce que la dernière fois que tu t'es retrouvé dans cet hôpital, tu m'as confié que tu aurais aimé que je sois là à ton réveil. Alors je suis là. » Je pâlis. Déjà que je ne dois pas être très en forme, mais je me sens clairement blêmir lorsque le véritable sens de ses mots parvient à mon cerveau, dessèchent ma bouche, se love dans ma poitrine pour lacérer mes tripes. Il se souvient. Il se souvient de tout. De lui. De moi. De tout le reste. Alors je suis là. Alors il est là. Je sens une larme dégringoler ma joue. « Quatre jours et... Dix huit heures. Cinq arrêts cardiaques. » Cinq arrêts cardiaques. Quatre jours et dix-huit heures. Cinq arrêts cardiaques. Cinq. Le chiffre reste au dessus de moi, comme pour me forcer à me rendre compte de tout ce que ça signifie. Plus de quatre jours. Et pendant ce temps là, mon père se souvenait de tout. S’est souvenu de tout. Absolument tout. « Pourquoi... Pourquoi, Marius ? Ta vie a donc si peu d'intérêt à tes yeux ? »

Je ne peux pas en supporter davantage, je ferme les yeux en me mordant la lèvre pour que la douleur me rende sourd. Si ma vie n’a que peu d’intérêt à mes yeux ? Je n’en sais rien, rien de rien. J’ai Astrid, Adaline, Samuel, Moira, Martial, Aspen, Seth, une multitude d’amis, de famille. Et je suis balloté par tout ça, balloté par mes doutes et mes remords, par mes pensées et mes déductions, balloté par une solitude qui m’empoigne les tripes pour me faire me rendre compte que… que je suis coincé. Coincé dans un cercle vicieux d’échecs et de mauvais choix. Pourquoi ? « Je sais pas… » Oh… si je le sais. Mais tout ce que je pourrai dire ne sera pas recevable. J’essaye de me redresser, en déglutissant. Mais je capitule et ma main habituée finit par trouver la télécommande qui redressera le lit de lui-même. « On a déjà eu cette discussion sur ma vie, tu sais. » Je suis fatigué. Et ça se sent dans ma voix. « Bien sûr que tu le sais. Tu te souviens, hein ? Tu te souviens de tout, tu… » Je serre les dents, comme je peux. Je ne veux pas avoir cette discussion, pas maintenant. Je veux me rendormir, je ne veux pas me réveiller pour contempler mes conneries. « Ne me déteste pas, s’il te plait. » Je ferme les yeux, une fraction de seconde, glisse mon regard vers le fauteuil où il était endormi. Pour ne pas le regarder lui. Surtout pas lui. « Martial est au courant ? Tu l’as mis au courant ? Cinq arrêts cardiaques c’est… beaucoup. » Ils ont sûrement se demander à chaque fois s’ils arriveraient à faire repartir mon cœur. « J’ai fait une belle connerie, hein… »

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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:25

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Si tous les souvenirs étaient déjà revenus ? Pas encore. Il en était même certains qui ne reviendraient jamais, purement et simplement oblitérés par le choc et l'empoisonnement. Il ne se souviendrait jamais du jour où il avait demandé Victoire en mariage, jamais de ce pique-nique en famille où elle l'avait traîné de force lorsque les jumeaux étaient enfants, il ne se rappellerait pas les avoir aidé à fabriquer un radeau pour traverser l'étang au bord duquel ils s'étaient installé... Comme une punition injuste qu'on lui imposait pour sa mauvaise conduite, il ne se rappellerait jamais de ces moments heureux... A l'inverse, il l'entendait à nouveau, la détonation de son arme lorsqu'il avait tiré sur Marius. Ce souvenir là faisait partie des premiers à lui être revenu et à avoir ébranlé la personne qu'il était devenu en l'espace d'un mois. A présent, tout se mélangeait. Des hurlements de Marius à son calme olympien pendant quelques semaines, de leurs échanges de sms plus que houleux aux blagues qu'ils s'étaient écrit à la naissance d'Adaline...

Pendant quatre jours, Hippolyte s'était demandé s'il n'avait pas simplement halluciné pendant un mois, s'il ne venait pas tout juste de sortir du coma... Il avait passé quatre jours au chevet de Marius à ressasser encore et encore les derniers événements, à recoller les morceaux, à laisser de côté ceux qui étaient trop abîmés pour être sauvés... A distiller le vrai et le faux dans tout ce que Marius avait pu lui dire. Et au milieu de tout ça, il y avait eu la peur, la terreur, même, de voir son fils demeurer ainsi dans un lit d'hôpital pour le restant de ses jours. Il lui avait promis 21 ans plus tôt qu'il courrait à nouveau après son accident, et voilà qu'aujourd'hui, il n'était plus certain de pouvoir faire la même promesse. Parce que Marius avait poussé son cœur bien trop loin, parce que... 21 ans plus tôt, il avait la volonté de se battre, de s'en sortir... Mais que restait-il du gamin combatif, hyperactif et nerveux ? Qu'était-ce donc que ce reflet déformé par la fatigue et l'éreintement que lui renvoyait l'inconnu qui gisait entre les draps ? Ce jeune homme, ce n'était pas Marius. C'était un lâche, un idiot, un menteur... Ce n'était pas son fils.

Hippolyte serra les poings, luttant pour ne pas exploser avant que Marius ait pu dire quoi que ce soit pour se défendre ou s'enfoncer plus encore. Alors il se contenta de répondre d'une voix glaciale à ses questions, lui avouant le plus brutalement du monde qu'il avait retrouvé la mémoire. Car oui, il se souvenait. Des mensonges pour atténuer ses erreurs d'enfant... Mais aussi pour montrer son père sous un meilleur jour. Et c'était ça qui gênait à ce point Hippolyte. Pourquoi ? Pourquoi avoir passé des années à hurler à qui voulait l'entendre que son père était un connard si c'était à présent pour le mettre sur un piédestal ? La larme qui roula sur la joue de Marius ne parvint pas à l'attendrir. Ce marbre, son père continua à le fixer, avec une lueur de déception dans le regard. Seulement, il n'était déçu parce que Marius lui faisait honte, il était déçu de le voir accorder si peu de crédit à sa propre vie. Et la réponse qu'il lui donna ne le satisfit pas.

« Quand on ne sait pas, on évite ce genre de connerie ! » Cracha-t-il sans même y réfléchir.

Je ne sais pas... C'était donc ça son excuse ? Attenter à sa propre vie et ne pas savoir pourquoi... La fatigue de Marius lui serra le cœur et la culpabilité revint s'imposer à lui comme un raz de marée, engloutissant une partie de sa colère. Elle faisait partie de ces choses que l'amnésie ou le retour des souvenirs ne parviendraient pas à effacer. Il y avait trop de choses à racheter, trop de moments de conflit qu'il aurait voulu oublier, trop de... Trop de choses ratées entre eux.

« Je me souviens de ça, oui. Mais je ne me souviens pas de tout... Il y a des choses qui ne reviendront pas, mais je m'y suis fais. En revanche, j'aurais préféré oublier ça, oublier que ta vie a si peu de valeur à tes yeux, oublier que tu te sens comme un parasite dans un monde qui ne veut pas de toi... Parce que tu te trompes, Marius. Tu te fourvoies à un point tel que je me demande si tu n'es pas tout simplement aveugle. Tu es incapable de regarder autour de moi pour voir le bien que tu fais. Tout ce que tu vois, ce sont tes erreurs et... Et c'est ma faute. »

A force de le rabaisser, de lui mettre le nez dans ses erreurs, de ne pas reconnaître à leur juste valeurs ses erreurs, Hippolyte avait grandement contribué au manque de confiance en lui de Marius. Seulement il n'était pas le seul responsable. L'ombre de Victoire continuait à planer au-dessus d'eux, et jamais Hippolyte n'avait été aussi en colère après son épouse. A vrai dire... Ils ne s'étaient jamais vraiment disputé. Ils n'en avaient pas eu l'occasion, soit parce que lui était trop occupé avec son travail, soit parce qu'elle était trop heureuse de voir en lui un allié face à l'hyperactivité de Marius. Ce mariage reposait sur un mensonge... Ou plutôt, il avait eu du sens jusqu'à l'accident de Marius et la naissance de Lily. Chacun avait mentit à l'autre ce jour-là, et par delà la hantise qu'Hippolyte éprouvait à l'idée que son fils puisse à nouveau faire un infarctus, il y avait l'idée que Victoire puisse s'introduire dans l'hôpital et ne l'achève plus rapidement encore que son cœur. Las, il retourna s'asseoir dans son fauteuil et se passa une main sur le visage. Lorsque Marius le supplia de ne pas le détester, Hippolyte releva vivement la tête et soupira.

« Je t'en prie, Marius, arrête avec ça... Je ne te déteste pas, je ne pourrai jamais te détester. Tu es mon fils et malgré tout ce que nous avons pu traverser, je... Je t'aime... Et c'est probablement la première fois que je te le dis à haute voix. Tu pourrais être un meurtrier, un idiot fini ou un scandale ambulant que je ne pourrais pas te détester. En revanche, je suis extrêmement déçu par ton attitude. »

La déception avait rarement été aussi grande. Marius leur avait inventé une vie, des souvenirs, s'était imaginé un rôle qui n'était pas le sien, avait évincé Lily de leur famille, et par dessus le marché tenté de se suicider.

« Martial n'est pas au courant, non... Je t'ai dis que je ne m’immiscerai pas dans vos histoires, mais tôt ou tard il faudra que tu lui parles. C'est lui ton confident, pas moi. Ce n'est pas mon rôle. Tu as fais plus qu'une belle connerie, Marius. Te rends-tu compte que si je n'étais pas arrivé à ce moment-là je... Personne n'aurait rien pu faire ? As-tu conscience que cette saloperie que tu t'es inoculé aurait pu te tuer ? Aucun acte ne reste sans conséquence. Je t'interdis de me dire que Samuel et Adaline seront très heureux avec leur mère. Que ça soit le cas ou non, grandir en sachant que son père est un crétin qui a préféré se foutre en l'air plutôt que de garder la tête haute... Je ne suis pas certain que ce soit très bon pour eux »

Hippolyte marqua un temps de silence. La colère le rendait plus bavard, le besoin de vider son sac également. Il n'en était qu'à l'introduction, et le développement ne sonnait pas beaucoup mieux. Quant à la conclusion... Elle ne plairait pas à Marius et déboucherait inévitablement sur un conflit de plus.

« J'ai besoin de comprendre, Marius... Pendant un mois, tu as endossé un rôle que tu as refusé de jouer pendant plus de vingt ans... Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? »

Alliée à la lassitude, il y avait une forme de résignation et de douleur dans sa voix... Car quelque part, il ne le reconnaissait pas, ce Marius, celui qui s'était pris pour son fils pendant un mois. Il l'avait désiré pendant tant d'années, tout ça pour se rendre compte qu'au fond...

Il n'en voulait pas.

Ce qu'il voulait, c'était le Marius qui hurle, qui injurie, qui saute partout, le Marius qui proteste, qui dit non, qui se rebelle, qui n'obéit pas... Un Marius bien plus enclin à vivre que celui qui s'était planté une seringue de poison dans les veines.
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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:25

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Hippolyte & Marius



C’est une douleur fantôme qui pulse dans mes veines, qui me cloue au matelas, qui m’immobile et enserre mes muscles, étrangle ma respiration. L’angoisse. La honte. Et une culpabilité plus que dévorante. Il n’aurait pas dû rester, mais il l’a fait. Parce qu’il se souvient. De tout. Je veux me rendormir, je veux disparaître, je veux ne plus exister au moment même où je comprends tout ce que ça implique. Il se souvient. De tout. L’angoisse, brûlante, accélère cette petite boule dans ma cage thoracique. Il s’approche, j’ai un mouvement de recul avorté par les draps, par ma fatigue, par mon incapacité à fuir. Par mon incapacité à le fuir. Par mon incapacité à assumer mon énième stupidité. Quatre jours. Dix-huit heures. Cinq arrêts cardiaques. J’essaye de comprendre tout ce que ça implique mais la terreur est là, nouée au creux de mes reines, dans mes tripes. La terreur de refaire un arrêt cardiaque et la honte de survivre. La honte d’être obligé de le regarder droit dans les yeux, la honte d’être obligé d’assumer tout ça, de devoir répondre à des questions, de me sentir obligé d’y répondre. Je t’en supplie, Papa, ne me demande pas pourquoi. Je t’en supplie, laisse moi. Laisse moi me rendormir, laisse moi m’en aller, laisse moi seul dans le noir. Laisse moi avec ces chiffres que tu m’as balancés, laisse moi avec tes… pourquoi. Je l’attendais : il tombe, comme un coup de massue. Et je ne le supporte pas, ce pourquoi. Je détourne le regard, je ferme les yeux, je sens des larmes dégringoler mes joues. Pourquoi ? Parce que je suis fatigué, voilà pourquoi. Parce que je n’arrive pas à trouver de sens à ma vie qui justifie ma survie. Parce que tout ce que j’arrive à faire, c’est à échouer. A décevoir. Je suis un échec ambulant, je suis une déception corrosive, je suis un fils raté, je suis un copain raté, je suis médiocre, je suis insipire, je suis désolé. Sauf que ça ne sert plus à rien d’être désolé lorsqu’on est condamné à regarder ses erreurs droits dans les yeux, ça ne sert à rien d’être désolé lorsqu’il ne nous reste qu’une chose à faire : inspirer un grand coup et avancer. Toujours se relever, remettre un pied devant l’air et avancer. C’est fatiguant, si épuisant lorsqu’on accumule les chutes. C’est fatiguant, si fatiguant d’avoir toujours à poser une main au sol, d’avoir à s’arracher à la gravité pour se redresser sur ces jambes qui ploient sans cesse pour nous projeter à terre. Quatre jours, une éternité. Que je n’ai pas vue passer parce que je n’étais pas là. Inconscient, évanoui, quatre jours qui ont disparu de ma vie mais que j’ai imposés, infligés aux autres. Ce n’était pas une solution, de me vacciner. Mais ça a été ma solution, une belle connerie. Pourquoi est ce que j’ai fait ça ? Je mens, je mens encore lorsque je dis que je ne sais pas.

Je pourrais tenter de lui expliquer, mais même à moi, mon raisonnement parait aussi bancal que stupide. Je tente de me redresser, mes muscles refusent de répondre, mon cœur hurle sa douleur dans ma poitrine. La colère de mon père est plus douloureuse encore lorsque je croise son regard. Elle enserre ma poitrine, me réduit à néant, me confirme ce que je sais, détruit mes défenses, détruit tous les mensonges et les faux-semblants que je pourrais avoir l’intention de construire à la va-vite. Je suis à nu, sous sa colère, sous la déception de ses yeux qui me lacèrent la poitrine. « Quand on ne sait pas, on évite ce genre de connerie ! » Je ferme les yeux, inspirant difficilement pour contenir le sanglot qui s’est substitué à ce qui aurait dû être un cri de colère. Pourquoi, en même temps, pourquoi est ce que je devrais lui répondre ? Il ne comprendrait pas… parce qu’il ne s’est jamais senti aussi… impuissant, aussi insignifiant, aussi défaillant que moi. On a déjà eu cette discussion sur ma vie, elle s’est déjà finie avec moi au bord d’un précipice. « Je me souviens de ça, oui. Mais je ne me souviens pas de tout... […] » Je me mords la lèvre.

Une confirmation, voilà ce que c’est. La confirmation que non seulement, je me suis trahi en tentant de fuir comme un lâche mes responsabilités, mais qu’en plus, le père factice que j’ai créé dans un mensonge tout aussi lâche que le reste, ce père artificiel s’est évaporé. Pour laisser place à l’ancien. Pour laisser place au vrai. Pour laisser place à… la déception que je lui inflige chaque fois que je fais quelque chose. « […] Tout ce que tu vois, ce sont tes erreurs et... Et c'est ma faute. » Je blêmis, j’ouvre instantanément les yeux pour le fixer et répliquer dans un souffle étranglé un « Dis pas ça… c’est pas ta faute » Oh… si c’est de sa faute. Je le sais, je ne le sais que trop bien, je le comprends très bien aussi. Les torts sont partagés, mais entre lui et ma mère, je ne saurais dire qui est celui qui m’a détruit le plus pour faire de moi un adulte fendillé sur toute la longueur. Carence affective, manque sévère de confiance en soi, dévalorisation constante et instabilité mentale… je suis en ruine, je suis une construction branlante qu’un rien fait s’effondrer mais qui se prend malgré tout pour un monument solide. J’aurais préférer oublier ça, oublier que tu te sens comme un parasite dans un monde qui ne veut pas de toi. Ca fait mal, de se prendre à bout portant une si crue et si terrible vérité. C’est comme ça que je me sens, au plus profond de moi. Un parasite, un boulet enchaîné au nom des Caesar, voué à les ralentir, à les rabaisser, à les faire chuter. Un boulet au pied de Martial. Ne me déteste pas, Papa. Je le suis du regard, lorsqu’il retourne s’asseoir, avant de fermer les yeux. Moi aussi, j’aurais préféré qu’il ne s’en souvienne pas. Il aurait même mieux fallu que je ne vienne pas le voir, que ce soit Martial qui arrive le premier. « Je t'en prie, Marius, arrête avec ça... Je ne te déteste pas, je ne pourrai jamais te détester. Tu es mon fils et malgré tout ce que nous avons pu traverser, je... Je t'aime... Et c'est probablement la première fois que je te le dis à haute voix. Tu pourrais être un meurtrier, un idiot fini ou un scandale ambulant que je ne pourrais pas te détester. En revanche, je suis extrêmement déçu par ton attitude. » Les larmes glissent sans que je ne puisse les retenir. Je n’arrive pas à savoir ce qui me frappe le plus, ce qui me fait le plus mal, ce qui me fait le plus de bien, ce qui me panique le plus, ce qui me fait encore plus me sentir misérable. Je ne sais pas ce qui me mortifie le plus entre le Tu es mon fils, le Je t’aime et le Je suis extrêmement déçu. Parce que si, à force, je suis supposé être habitué au dernier, ce n’est pas le cas des deux premiers.

Ce n’est vraiment pas le cas des deux premiers. D’une main tremblante, j’essaye de me redresser. Une nouvelle fois. Je me souviens d’un Marius de six ans qui voulait à tout prix aller courir alors que ses jambes ne répondaient plus. Je me souviens d’un Marius de six ans qui bondissait sur ses pieds à chaque chute pour mieux l’ignorer et se jeter à nouveau dans la bataille. Qu’est ce qui m’a détruit comme ça, pour que je sois complètement las de devoir me battre, encore et encore, contre mes échecs, contre mes faiblesses, contre mes chutes ? Qu’est ce qui m’a détruit suffisamment pour que je veuille rester à terre, pour que je veuille me projeter encore plus bas ? Plus j’y pense, plus le je ne sais pas quitte le domaine du mensonge pour devenir une vérité. Une vérité acide, corrosive, une vérité qui ronge ma chair, une vérité qui creuse son chemin dans ma cage thoracique. Je me redresse, comme je peux. Je suis extrêmement déçu par ton attitude. « Je… je suis désolé, Papa. » Je le suis, vraiment. Et le fait que je tente de soutenir son regard, le fait que je n’y arrive pas, le fait que je revienne à la charge pour à nouveau échouer en est à la preuve. Je tente de me maintenir assis, mes mains ficelées de perfusion tremblant sous l’effort. Je suis désolé, Papa. Mais ce n’est pas le seul à qui je vais devoir des excuses, loin de là.

« Martial n'est pas au courant, non... Je t'ai dit que je ne m’immiscerai pas dans vos histoires, mais tôt ou tard il faudra que tu lui parles. C'est lui ton confident, pas moi. Ce n'est pas mon rôle. Tu as fais plus qu'une belle connerie, Marius. Te rends-tu compte que si je n'étais pas arrivé à ce moment-là je... Personne n'aurait rien pu faire ? As-tu conscience que cette saloperie que tu t'es inoculé aurait pu te tuer ? Aucun acte ne reste sans conséquence. Je t'interdis de me dire que Samuel et Adaline seront très heureux avec leur mère. Que ça soit le cas ou non, grandir en sachant que son père est un crétin qui a préféré se foutre en l'air plutôt que de garder la tête haute... Je ne suis pas certain que ce soit très bon pour eux » Je ne sais pas si c’est le fait d’avoir réussi à rassembler suffisamment de volonté pour m’asseoir ou la violence de ses mots, mais je me crispe, je serre les dents, je pince les lèvres comme toujours lorsque je ne suis pas d’accord. Si je me rends compte des conséquences que tout ça aurait pu avoir ? Je me mords la langue pour me taire, pour ne pas à mon tour être trop franc avec lui. Je me mords la langue, j’essaye de ne pas penser à mes enfants, à ces petits bébés qui sont des mini-moi, à ces malheureux qui ont hérité d’un père instable aux gènes défaillants, à mes deux rayons de soleil. J’essaye de ne pas penser à Astrid. Surtout, ne pas penser à Astrid. Ne pas… « J'ai besoin de comprendre, Marius... Pendant un mois, tu as endossé un rôle que tu as refusé de jouer pendant plus de vingt ans... Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? » Je relève la tête.

J’ai besoin de comprendre. Je n’ai pas envie. Je n’ai pas envie de m’expliquer, je n’ai pas envie de devoir m’expliquer, même. Et pourtant… et pourtant je vais devoir le faire, je le sais. Et le pire, c’est que je sais aussi que je vais finir par le faire. Parce que Marius qui s’injecte un vaccin pour se tuer parce qu’il n’en peut plus de tomber et de devoir se relever, ce n’est pas moi. Parce que le Marius qui se laisse malmener sans réagir, ce n’est pas moi non plus. Parce que le Marius qui chute et qui ne se relève pas, ce n’est pas moi. Ce n’est pas celui qu’Hippolyte Caesar a élevé. Ce n’est pas celui qu’Hippolyte Caesar a saisi par le col pour le remettre debout, alors que tous les médecins disaient qu’il ne marcherait plus jamais. Je sais qu’il faut que j’assume. Je sais qu’il faut que je parle. Je sais qu’il faut que je prenne une décision. Je sais que… « Je le savais, tu sais. » Je déglutis, luttant contre les larmes, luttant pour garder la tête haute. Et assumer. Et me relever. Parce que c’est ce que je sais faire, c’est la seule chose que je sais faire. C’est la seule chose qu’il m’a apprise. C’est la seule chose pour laquelle ne l’avait jamais déçu. Jusque là. « Que si je restais seul, j’allais mourir. Mais c’est… c’est ce que je voulais, Papa. Je… je pensais… je pensais pas à Samuel. Je pensais pas à Ada. Je pensais juste que… » J’ai du mal à parler. Et pourtant, je m’obstine. Parce que c’est bien la seule chose que je sais faire. Parce que c’est bien la seule chose qu’il m’a donnée : mon obstination. « Pendant vingt ans, j’ai voulu être moi. J’ai voulu que tu m’aimes comme j’étais, j’ai voulu essayé de… que ça fonctionne entre nous. J’ai cru que c’était toi le problème, c’était Maman le problème. Que puisque Martial m’aimait quand même, alors ce n’était pas tout à fait moi le problème. Mais… mais quand tu m’as dit que tu ne te souvenais plus de rien… j’ai cru… j’ai pensé que c’était peut être le moment de tenter une autre approche. Et en fait… la seule chose à laquelle j’ai pensée lorsque… lorsque mon cœur m’a lâché, ça a été que… j’ai pas dit à Astrid que je l’aimais. C’est qu’au final… je ne sais pas ce qui cloche, mais que c’est pas toi. C’est moi. Et c’est pas moi. C’est… autre chose. Je me suis dit que ce serait plus simple que je ne sois plus là. » Ma voix se brise, comme un petit esquif perdu dans la tempête et projeté contre des récifs. Il est en loque, le bateau, et pourtant il s’obstine à repartir sur l’eau, il s’obstine à affronter les larmes qui le frappent, mon cœur qui bat comme un ultimatum. « Je suis désolé. Pour… » J’éclate en sanglots, le bateau coule et je me prends la tête entre les mains. « J’suis désolé, tellement désolé… j’arrive pas… j’arrive plus… »

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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:26

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



Il y avait chez Hippolyte Caesar cette aura de noirceur plus dense qu’un trou noir, un magma de de froideur transcendé par son mépris et son charisme, quelque chose que l’on voyait rarement chez un individu lambda. Pourtant, lorsqu’il était d’humeur neutre – il était après tout difficile de parler de bonne humeur avec un homme comme lui – il ne montrait pas la moindre animosité. Simplement une volonté de fer et l’assurance d’un conquérant victorieux. Lorsqu’il était dans un bon jour, il lui arrivait même de se montrer bienveillant.

Mais lorsqu’il était en colère… C’était une toute autre facette de sa personnalité qui s’exprimait. Un visage impassible, sculpté dans un marbre qui aurait traversé les siècles sans que rien ne vienne le fissurer, un éclat de fureur dans le regard, qui semblait le consommer de l’intérieur, et la rigidité de ses gestes qui trahissait son envie d’exploser. Car Hippolyte Caesar avait rarement été aussi en colère de toute son existence. L’affaire Malaria ne l’avait pas mis dans un tel état, l’attitude d’Andreas non plus, pas plus que les multiples bêtises de Marius. Car dans tous ces cas-là, il avait une certaine maîtrise de la chose, un pouvoir de décision ou la possibilité de retomber sur ses pattes. Cette fois… Il était impuissant, le contrôle de la situation lui filait entre les doigts comme du sable fin et il se sentait chuter sans pour autant voir le fond.

Marius avait tenté de se suicider. Le constat était simple à établir mais si difficile à accepter… Il avait tenté d’effacer son existence, de provoquer une issue qui de toute manière se rapprochait à grands pas de semaines en semaines. Et malgré tout ce qu’il pouvait dire, Hippolyte ne pouvait s’empêcher d’éprouver une incommensurable culpabilité à l’idée d’être en partie responsable de tout ça. Et elle s’insinuait dans son esprit, pernicieuse, pervertissant ses souvenirs pour faire de toutes ses bonnes actions autant de décisions qui avaient conduit Marius à se vacciner. La seule conclusion qui lui venait ne lui plaisait pas : si Marius avait été élevé par un père plus patient, plus présent, plus compréhensif… Jamais il n’aurait tenté de mettre fin à ses jours. Jamais il n’aurait eu l’impression d’être un moins que rien ne méritant rien de plus. Jamais il n’aurait eu besoin d’agir ainsi pour hurler sa détresse au monde entier. Seulement voilà… Hippolyte avait beau tourner et retourner les choses dans tous les sens, il savait pertinemment que même si on lui avait donné l’occasion de se racheter et de tout reprendre, il n’aurait pas agis autrement. Parce qu’il était comme ça, le Caesar, sévère, intransigeant, injuste et parfois même cruel. Parce qu’il comprenait bien des choses, mais pas l’être humain.

Mais il n’était pas le seul à tout remettre en question. Car celui qu’il voyait dans ce lit, sanglotant pathétiquement en tentant de se fondre dans les draps pour disparaître, ce n’était pas Marius. C’était un lâche, que son fils aurait mis à terre sans le moindre problème, vingt et un ans plus tôt. Un pauvre idiot qui avait baissé les bras depuis longtemps et choisissait la solution de facilité plutôt que de se battre. La colère au bord des lèvres, Hippolyte se contentait de plus en plus difficilement, toisant Marius avec un regard plus assassin que jamais. Lorsque, las, il retourna s’asseoir, concédant à Marius des mots qu’il ne lui avait encore jamais dis, il s’était quelque peu calmé… Seulement ça, c’était sans compter les piètres excuses de son fils, qui le firent démarrer au quart de tour.

« Je te jure, Marius, que si tu t’excuses encore une fois sur ce ton pitoyable, je prends mes affaires et je te laisse tout seul ici, c’est bien clair ? Je préfère t’entendre me conspuer ou me dire d’aller me faire foutre plutôt que tes jérémiades… Bon sang mais qu’as-tu fais de Marius ? Qu’as-tu fais de celui qui m’horripilait mais se relevait après chaque chute, plus vif et déterminé que jamais ? Regarde-toi… Tu détestes tellement ce que tu essayes d’être que tu arrives à… A ça… Secoue-toi, bon sang ! Ce n’est pas à toi de te haïr pour ce que tu es ! »

Il se tut, la voix étranglée par ce qui aurait pu ressembler à un sanglot qu’il n’avait pas eu un regard aussi glacial. Hippolyte n’était pas seulement en colère contre Marius. Pas seulement après lui-même. Il en voulait à la Terre entière, à cette putain de fatalité qui avait affublé Marius d’une pathologie cardiaque, comme un ironique doigt d’honneur pointé en direction de son père, dépourvu de cœur et de bonté d’âme. Il en voulait à Victoire comme jamais, mais elle n’était pas là pour qu’il lui fasse part de sa rancœur, déchirée par l’amour qu’il ne pouvait s’empêcher d’éprouver à son égard. C’était bien trop d’émotions violentes et contradictoires qui le saisissaient en même temps à la gorge. Alors, trop bouleversé et bouillonnant de rage pour dire quoi que ce soit d’autre, Hippolyte laissa le silence s’installer entre eux, immobile dans son fauteuil alors qu’il se consumait d’impatience à l’idée que Marius réponde enfin. Lorsqu’enfin la réponse tombe, ses doigt se crispèrent sur son bras, ses ongles s’enfonçant d’en sa chair à travers sa chemise. Froide, mesurée, bouillonnante en son sein, sa colère frappa Marius de plein fouet.

« Es-tu en train de me dire que j’ai eu tort ? Que j’aurais dû te laisser mourir sur le plancher de mon bureau ? Es-tu réellement sûr d’avoir envie de ça, Marius… »

Quelque part, il ne voulait pas connaître la réponse. Il ne voulait pas avoir la confirmation que Marius préférait mourir que se battre, que plus rien n’avait de sens pour lui, que… Il valait définitivement mieux que son frère ne lui dise pas que Martial avait disparu. A cet instant, Hippolyte compris qu’il lui faudrait ruser jusqu’à ce son aîné soit retrouvé. Dans son état de faiblesse, Marius n’aurait pas supporté que son jumeau, la moitié de son âme lui soit arraché… Et s’il lui fallait mentir pour assurer la survie de son fils, Hippolyte était prêt à prendre ce risque.

Seulement cette fois, les larmes de Marius ne lui donnèrent pas envie de le secouer ou de lui donner trois paires de claques. Au contraire, elles le touchèrent bien plus, son visage se détendit au fur et à mesure qu’il voyait Marius s’effondrer. Il n’avait pas besoin d’imaginer ce que Marius avait pu ressentir au moment de mourir, l’impuissance, le fait de ne pouvoir dire ses sentiments à la femme qu’il aimait… Il n’avait pas besoin car il savait exactement ce que Marius ressentait. Et plus que jamais, il compatissait et éprouvait le curieux besoin de le prendre dans ses bras pour le réconforter. Seulement, il n’en fit rien, parce que ça ne lui ressemblait pas, que ce n’était pas lui, que… Pourtant, la situation s’y prêtait. Marius perdait pied, incapable de retrouver l’équilibre qu’il avait toujours eu, il était perdu, sans personne pour le guider… Et c’était à lui de l’aider. A son père de tenter pour une fois de faire les choses bien et d’accepter son fils tel qu’il était et non pas tel qu’il voulait qu’il soit. C’en était trop… Bien trop pour lui de voir Marius se briser.

Alors il se leva, s’agenouilla prêt du lit, dégagea les mains de Marius et pris son visage entre les siennes. Son regard s’était adoucit, mais il demeurait toujours la même détermination.

« Il n’y a pas de problème, Marius, que des solutions. Rien qu’une multitude de choix qu’il n’appartient qu’à toi de faire pour te relever. Regarde-moi et ne baisse pas les yeux. Je refuse que tu me dises encore une fois que tu es désolé et que ta vie n’a pas d’importance. Si je dois te traîner par le col pour te relever, je le ferai autant de fois qu’il le faudra. Il y a vingt et un ans, je t’ai promis que tu marcherais à nouveau. J’ai tenu ma promesse. Aujourd’hui, je veux te promettre que tu sortiras de cette chambre la tête haute… Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ton cœur aille mieux. Mais je ne peux rien sans ton aide. »

Alors, avec une douceur peu commune chez un homme comme Hippolyte, il relâcha le visage de Marius et se contenta simplement de l’enlacer avec une maladresse presque touchante.

« Si tu as besoin de pleurer, fais-le maintenant… Mais je veux que tu me promettes qu’après, tu ne pleureras plus jamais pour ça. Que tu vas te battre et emmerder tous les obstacles qui se dresseront sur ta route… Parce que je sais que tu en es capable. Qu’au fond de toi c’est ce que tu veux. Je sais que le Marius que j’ai toujours connu se serait battu contre la Terre entière pour rester debout. »

Il y avait une conviction inébranlable dans sa voix. Une détermination à pousser Marius vers le haut, qu’importe ce qui pourrait se passer. Des disputes, ils en essuieraient plus d’une, des désaccords également… Mais il était hors de question de baisser les bras maintenant. Pas alors qu’ils avaient parcouru tout ce chemin en quelques mois à peine.
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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:27

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



J’ai envie de me rendormir. J’ai envie de me réfugier dans l’inconscience, pour disparaitre, pour faire disparaitre mon père et sa colère. La honte… la honte me saisit aux tripes avec violence. Elle me frappe dans la poitrine. Quatre jours, cinq arrêts cardiaques, les chiffres voltigent et me harcèlent, trop heureux de me heurter de plein fouet pour me laisser le moindre répit. Et le pire, finalement, le pire dans tout ça c’est que je ne peux même pas chercher à me justifier. J’aimerais pouvoir me rendormir et remonter le temps. Vraiment. Je ne sais pas quelle solution je choisirais si j’en avais la possibilité, mais j’aimerais remonter le temps pour soit me vacciner plus tôt et ne pas lui laisser la possibilité de me sauver, soit écraser cette seringue sous mon pied et chercher une fois de plus, encore une fois, à accuser le coup sans vaciller. J’aimerais remonter le temps, juste pour ne pas avoir à subir une fois de trop le regard, la colère et surtout la déception de mon père qui me cloue au matelas bien plus efficacement que mon épuisement. Sa colère. Etouffante. Brûlante. Dangereuse. Il y a dans son regard quelque chose de terrifiant dans des moments comme celui là, quelque chose auquel j’ai toujours été extrêmement sensible et vulnérable, en ne pouvant me défendre que par l’insolence, la vulgarité et la provocation, comme pour me prouver et lui prouver que je ne me laisserai pas faire par ma peur. J’essaye de me redresser. Je suis extrêmement déçu par ton attitude. J’essaye de me redresser, j’essaye de prendre sur moi, de repousser la fatigue, de repousser mes craintes, de repousser ma honte pour me battre et ne pas rester allongé devant lui. Surtout ne pas rester allonger. Je me souviens d’un temps ou les mots impossible et jamais n’avaient aucun sens pour moi. Ou la défaite n’était qu’un concept abstrait avec un goût dégueulasse que je m’empressai de cracher dans les WC. Je suis extrêmement déçu par ton attitude. Cette simple phrase me donne envie de vomir, me donne envie de mourir, me donne envie de disparaître. Je t’aime, tu es mon fils, en revanche… J’essaye de m’asseoir, avec lenteur, avec douleur, avec une volonté farouche de le regarder autrement dans les yeux. Je suis désolé Papa. Mes excuses, j’essaye de les lui donner en signe de paix, comme dans une tentative désespérée d’apaiser sa colère. Elles sont bien belles, mes excuses, elles sont bien belles mais elles ne servent à rien. Juste à faire couler des larmes sur mes joues, juste à s’échapper dans un souffle comme des petites pucelles effarouchées. Juste à fuir. Je suis désolé, Papa, je suis tellement désolé. Je ne sais même pas exactement pour quoi je m’excuse, je veux juste… « Je te jure, Marius, que si tu t’excuses encore une fois sur ce ton pitoyable, je prends mes affaires et je te laisse tout seul ici, c’est bien clair ? » Je le foudroie du regard, par réflexe. En réponse instinctive à ce ton, cette voix, cette attitude brutale. Je le foudroie du regard avant de me recroqueviller et de chercher à me reculer. « Je préfère t’entendre me conspuer ou me dire d’aller me faire foutre plutôt que tes jérémiades… Bon sang mais qu’as-tu fais de Marius ? Qu’as-tu fais de celui qui m’horripilait mais se relevait après chaque chute, plus vif et déterminé que jamais ? Regarde-toi… Tu détestes tellement ce que tu essayes d’être que tu arrives à… A ça… Secoue-toi, bon sang ! Ce n’est pas à toi de te haïr pour ce que tu es ! » J’ouvre la bouche, sans savoir quoi répondre. J’ouvre la bouche pour la refermer presqu’aussitôt sans sortir le moindre son. Cette voix étranglée… je cherche dans les yeux de mon père un soutien, je n’y trouve qu’une attitude glaciale qui me transperce les tripes. Ce n’est pas à toi de te haïr pour ce que tu es. Ca veut dire quoi, ça ? Qu’est ce qu’il entend par là ? Si ce n’est pas à moi, c’est à lui de me haïr ? C’est à Astrid ? A Martial ? A Sam et Ada ? Si ce n’est à moi de me haïr, alors qui,, qui serait la personne qui me haïr au point de vouloir ma mort ? Je tente de croiser les bras, mais les perfusions limitent mes mouvements, entravent mes gestes, avortent la tentative. Et laisse le silence revenir.

Je n’ai pas envie de me battre. Plus envie. Je suis trop sonné par ma connerie, trop sonné par mon réveil, trop sonné par sa présence pour réussir à avoir envie de me battre pour quoique ce soit, pour qui que ce soit et surtout contre qui que ce soit. Il n’a pas tort : je me demande ce que j’ai fait du petit Marius de six ans, de celui de quatorze ans, de celui de vingt et un ans. Je me demande même ce que j’ai fait de celui de vingt six ans, vingt sept ans… Je détourne le regard, incapable de fixer mon père lorsqu’il reprend, lorsqu’il me confirme que Martial n’en sait toujours rien. Que j’ai fait plus qu’une belle connerie, que… que bien trop de choses. J’ai besoin de comprendre. Je relève la tête à ce moment là. Il a besoin de comprendre ? Moi j’ai besoin de… de tranquillité. Je n’ai pas envie de m’expliquer, même si je sais que je vais finir par le faire. Je n’ai pas envie de parler, je n’ai pas envie de poser des mots maladroits sur un raisonnement aussi stupide qu’incohérent qui persiste à avoir des relents de logique à mes yeux. Je sais que j’ai faux mais je suis incapable de voir à quel endroit je me fourvoie. Je sais juste que… Si je me rends compte que j’aurais pu y passer ? Je le savais. Je prends sur moi pour articuler ces trois mots et surtout pour garder la tête haute, ravaler cette honte lancinante. Pour continuer à le regarder dans les yeux. Et il m’en faut, de la volonté, pour ne pas être balayé par la colère de mon père qui me frappe de plein fouet, vague glacée et destructrice. « Es-tu en train de me dire que j’ai eu tort ? Que j’aurais dû te laisser mourir sur le plancher de mon bureau ? Es-tu réellement sûr d’avoir envie de ça, Marius… » J’ai la gorge sèche, je suis incapable de ne pas fermer les yeux lorsque je m’entends répondre un ferme « Oui. Je crois que j’ai eu envie de ça. » aussi honnête que brutal. Si j’ai eu envie de sentir mon cœur s’arrêter ? Oh oui… dans une connerie immense, dans une lâcheté infinie, mais oui, je suis en train de lui dire que lorsque j’ai planté cette seringue dans mon bras, j’avais pris ma décision. Sans savoir que deux secondes plus tard, je la regretterai. Que je suis con, putain que je suis con. Parce que oui, j’ai eu envie de ça. Ce n’est que lorsque j’ai pensé à Astrid que… je m’effondre. Ma voix se brise, disloquée sur les récifs. Maladroit, je suis maladroit et confus lorsque je tente de parler, lorsque je sens mes mots être malmenés par ma fatigue, ma trouille et cette confusion grandissante dans mon esprit. Martial, mes parents, pendant vingt ans j’ai cru… j’ai tenté, j’ai cherché, j’ai pensé, j’ai… des excuses, encore des excuses. Parce que c’est la seule chose sensée que je puisse dire, au final, même s’il refuse de les entendre. Ma tête se perd entre mes mains, des sanglots écorchent ma trachée, je m’effondre, pour la deuxième fois de ma vie, devant mon père. Je m’effondre, véritablement. Psychologiquement et physiquement. Je me suis dit que ce serait plus simple si je n’étais plus là. C’est là, finalement, c’est là le cœur du problème. C’est que je n’arrive pas à me sortir de la tête que le monde tournerait mieux si je n’étais pas là pour foutre la merde. C’est là, le cœur du problème, parce que ça n’a pas de sens, parce que je ne suis pas important, parce que je ne vaux rien donc je ne devrais pas me sentir aussi important au point que mon existence influe sur les autres mais je ne peux pas m’empêcher de penser que sans moi, mon père ne serait pas déçu, sans moi, Martial ne se traînerait pas un boulet, sans moi, Astrid n’aurait personne pour lui briser le cœur, sans moi, sans moi… je me recroqueville comme je peux, incapable d’arrêter de pleurer. Comme un bébé. Parce que je suis un gosse, un gosse qui tente d’être adulte, un adulte qui refuse de cesser d’être un gosse, un gamin immature qui se débrouille pour avoir des responsabilités qu’il ne peut ni assumer, ni accepter. Parce que… les mains de mon père me dégagent la tête, je me débats sans grande conviction et je me retrouve obligé de le fixer dans les yeux. Je suis ridicule. Si ridicule que j’en ai presque un sourire aux lèvres, un sourire qui n’a rien de joyeux mais qui porte toute la moquerie du monde à mon encontre. « Il n’y a pas de problème, Marius, que des solutions. » Je secoue la tête. Comme un gosse. Je suis un gosse. « Rien qu’une multitude de choix qu’il n’appartient qu’à toi de faire pour te relever. Regarde-moi et ne baisse pas les yeux. » Parce qu’il me le demande au moment même où je tente à nouveau de me dégager, je ne peux m’empêcher d’obéir. « Je refuse que tu me dises encore une fois que tu es désolé et que ta vie n’a pas d’importance. Si je dois te traîner par le col pour te relever, je le ferai autant de fois qu’il le faudra. Il y a vingt et un ans, je t’ai promis que tu marcherais à nouveau. J’ai tenu ma promesse. Aujourd’hui, je veux te promettre que tu sortiras de cette chambre la tête haute… Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ton cœur aille mieux. Mais je ne peux rien sans ton aide. » J’ai tenu ma promesse. Mon murmure s’étrangle entre mes lèvres. « Tu m’as abandonné » Un murmure qui résonne comme un hurlement de détresse. Il ne peut rien sans mon aide ? Je ne peux pas l’aider, je peux à peine m’aider moi-même sans que tout foute le camp. Je peux à peine me gérer moi-même, je ne peux pas l’aider à soigner mon cœur parce que « Je ne veux pas que mon cœur aille mieux… ». Mes murmures sont pour moi, malingres, timides. Ils sont surtout écrasés par les bras de mon père qui se referment sur moi. Je me raidis, instantanément. Perdu. Ça me projette des années en arrière, vingt-et-un ans, tout simplement, dans une autre chambre d’un autre hôpital mais… « Si tu as besoin de pleurer, fais-le maintenant… Mais je veux que tu me promettes qu’après, tu ne pleureras plus jamais pour ça. Que tu vas te battre et emmerder tous les obstacles qui se dresseront sur ta route… Parce que je sais que tu en es capable. Qu’au fond de toi c’est ce que tu veux. Je sais que le Marius que j’ai toujours connu se serait battu contre la Terre entière pour rester debout. » Si tu as besoin de pleurer. Je passe un bras maladroit dans le dos de mon père pour enfouir ma tête sur son épaule. Sauf que je ne pleure pas. Ou plus. Du moins, je ne sanglote plus lamentablement, c’est déjà ça. J’essaye juste de… de me calmer. Tu vas te battre. Je me recule, pliant les jambes pour m’asseoir en tailleur, luttant contre cette fatigue qui m’implore de m’allonger. « J’en ai marre de me battre, Papa. » Je suis sérieux. Très sérieux. « Je sais pas si je veux… je suis incapable de savoir ce que je veux. Je t’ai toujours craché à la gueule des non et des je ne veux pas, je t’ai toujours hurlé des je fais ce que je veux mais je ne suis pas foutu de savoir ce que je veux, au juste. C’est… ridicule… Je sais juste, au final, que je suis terrifié. » Je remonte mes genoux contre ma poitrine, me refermant sur moi-même. « Y’a bien trois mois, plus, tu m’as mis au défi de te regarder dans les yeux et d’oser te dire que je n’étais pas mort de peur à chaque nouvelle attaque. Je t’avais pas répondu. » Ma mémoire est capricieuse : elle me renvoie des informations brutes que je n’avais même pas conscience d’avoir enregistrées. Mon père. Je le revois me dire ça, alors que je me liquéfiais, mon petit Samuel dans les bras. « La vérité, c’est que je suis une grenade, Papa. Que lorsque je vais mourir, je vais exploser et je ne veux pas que quiconque soit à côté de moi à ce moment là. Mais… tu comprends pas. » Je pose mon menton sur mes genoux, pour tenter de le regarder. « T’énerves pas. » Cette fois, ce n’est pas une supplique. C’est un ordre. Immanquablement, Marius refait surface. Comme toujours. Même lorsque j’aimerais rester au fond du gouffre dans l’obscurité, je ne peux pas m’empêcher de remonter. Le français vient tout seul, intrus dans la conversation, comme pour chasser d’autres intrus indésirables qui pourraient nous entendre. « Je ne voulais pas arrêter le handball. Je n’ai jamais voulu arrêter le handball, c’était la seule chose dans laquelle j’étais doué, c’était le seul domaine dans lequel j’étais vraiment doué et c’était l’une de mes rares certitudes. Quand on m’a dit que… que c’était foutu… quand on m’a dit que je devais arrêter, j’ai… pété un câble. Et je suis allé te voir parce qu’il fallait que je m’énerve sur quelqu’un, il fallait que quelqu’un me blesse pour que j’ai mal et que j’oublie ça. Et… j’ai découvert ma… mutation. J’ai remonté la pente parce que je ne voulais pas que Marty se doute de quelque chose. J’ai recommencé le sport, j’ai trouvé une solution… Puis… six ans après, ce mec m’est tombé dessus parce que j’étais un mutant et m’a tabassé. Et tu es revenu. Et Sam. Et Ada. Et tu m’as tiré dessus. Et j’ai à nouveau dégringolé dans un trou. Et je suis obligé de cohabiter avec une mutation que je déteste, que tu détestes, que Marty déteste, que Maman doit sûrement détester… j’en ai marre de me battre, sérieusement… » Mes bras resserrent leur emprise autour de mes genoux. « A quoi rime ma vie, Papa, tu peux me le dire ? C’est une succession d’échecs. Me battre et emmerder tous les obstacles, j’ai l’impression de faire que ça depuis… depuis vingt et un ans. Vingt et un ans, putain, que je fais des doigts d’honneur à tout et tous ceux qui se foutent sur mon chemin. Ma vie est… une décharge. » J’hausse les épaules, incapable de trouver le mot qu’il faut. « Même Martial n’en peut plus de moi. Même Martial s’éloigne, et je me retrouve à la dérive parce que soit je rejette les gens, soit ils m’abandonnent parce que je ne vaux pas le coup. J’aimerais bien arrêter de me battre pour rester debout, juste m’asseoir et attendre que ça passe mais… mais même ça j’en suis incapable. Je me relève juste pour dire fuck, parce que je suis comme ça. Et c’est pas la solution. » Je secoue la tête. « T’as tort, tu sais. Il n’y a pas de solution, il n’y a que des problèmes. Je veux dire… Il n’y a pas une solution miracle, il n’y a que des tentatives et… des échecs… en l’occurrence. » Je suis amer. « La dernière fois, tu m’as remis sur pied pour m’abandonner juste derrière. Qui me dit que tu ne vas pas recommencer ? »

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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeDim 12 Juin 2016 - 11:27

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



« Oui. Je crois que j’ai eu envie de ça. »

Un coup de poignard en plein coeur. C'était une chose de se douter de ce que Marius avait en tête, c'en était une autre d'en avoir la confirmation. A le voir toujours se relever, brandir fièrement ses convictions, injurier ceux qui lui faisaient du tort, on imaginait difficilement le malaise qui pouvait se cacher derrière tout ça. C'était finalement bien mal le connaître que de penser un seul instant que son mal-être soir apparu dans un claquement de doigts. On aurait pu dire à Hippolyte qu'il se battait pour une cause perdue, qu'il avait largement de quoi être heureux sans avoir à revenir sans cesse vers Marius. Seulement, la réalité était différente. Il avait la réussite professionnelle, la fortune, l'intelligence, le talent, la famille... Et il y avait Marius. Celui qu'il avait échoué à comprendre, à aimer, à encourager, à chérif, celui avec qui il n'arrivait pas à dialoguer sans quiproquo et hurlements. Marius était l'incarnation de son incapacité pathologique à comprendre les êtres humains qui l'entouraient et à leur témoigner de l'affection. Si Marius n'avait pas été son fils, s'il n'avait pas eu la certitude que les choses pouvaient s'améliorer entre eux, il n'aurait pas fait le tiers des efforts qu'il avait fourni en l'espace de quelques mois. Il avait cru voir du changement... Il avait cru sentir que les choses allaient mieux... Il n'avait pas vu la détresse dans le regard de son fils, aveuglé par le sentiment d'avoir enfin résolu un problème qui lui encombrait l'esprit depuis deux décennies.

Il avait cru pouvoir résoudre son équation et celle de Marius, sans prendre en compte une variable importante : une vie humaine et un caractère, c'était bien différent de la rigidité cadavérique des nombres. Serrant le jeune contre lui comme si c'était la dernière fois qu'il en avait l'occasion, Hippolyte se figea en entendant le murmure étouffé de Marius. Tu m'as abandonné. Abandonné à la solitude, à l'injustice d'une mère qui l'avait ignoré parce qu'elle savait, depuis le début, qu'il était mutant.

« C'est vrai. Je t'ai abandonné parce que c'était plus simple de voir un coupable en toi qu'en moi ou ta mère. »

Elle savait... Depuis tout ce temps elle savait. Les choses auraient-elles été différentes, si Hippolyte avait su en même temps que Victoire ? Aurait-il défendu Marius, ou bien aurait-il encouragé son épouse à mettre son plan à exécution ? Ce dont il était sûr, c'est de ce qu'il voulait maintenant : que Marius se batte. Ce n'était même pas négociable. Seulement... « Je ne veux pas que mon cœur aille mieux… » Il ne pourrait pas le forcer à se battre s'il n'en avait aucune envie. Ses doigts se resserrèrent sur la chemise de Marius tandis qu'il luttait pour ne pas le secouer et lui arracher de force la promesse qu'il se relèverait quoi qu'il arrive. Alors il se contenta de retourner s'asseoir dans le fauteuil, fixant Marius sans dire un mot, comme un alligator avec sa proie. Il l'écouta, sans dire un mot, accueillant chaque phrase comme une ronce supplémentaire qui venait lui perforer les entrailles. C'était bien beau de vouloir être présent après la bataille, de vouloir rafler tous les honneurs quand il avait tout fait pour qu'ils en arrivent là. Et il ne s'énerva pas. Lorsque Marius lui lança qu'il ne comprenait pas, son père ne broncha pas, car il avait raison. Il ne comprenait l'attitude de son fils, il ne l'avait de toute manière jamais comprise.

Mais il écouta, et sa pensée fit le reste. Pourquoi les choses avaient-elles dégénéré, 21 ans plus tôt ? Parce qu'il était absent et n'avait pu protéger son fils du fanatisme de sa mère. Pourquoi avaient-elles à nouveau dégénéré, 6 ans plus tôt ? Parce qu'Hippolye avait refusé d'écouter Marius, ignoré sa détresse, piétiné son mal-être. La culpabilité, il l'avait ignorée jusqu'à ce que cette balle fichée dans l'abdomen de son fils ne le réveille. Et alors seulement elle était venue le gangréner, l'étouffant à présent qu'il se rendait compte que chacune de ses décisions et de ses brimades avaient irrémédiablement conduit à cette chambre d'hôpital. Lorsque Marius eut fini de parler, un long silence s'installa entre eux. Silence qui suffit à Hippolyte pour prendre une décision qu'il aurait aimé ne jamais avoir à prendre, qu'il aurait préféré écarter dès le début. Mais avant de l'imposer sans conditions à son fils, il avait d'autres choses à lui dire.

« Tu ne sais pas ce que tu veux maintenant... Mais qu'est ce que tu voulais, à l'époque ? Pour quoi te battais-tu ? La vérité, Marius, c'est que je ne peux pas te dire que je l'aime, cette mutation que tu portes en toi. Mais je ne peux pas non plus la détester. Elle fait partie de toi, de ton génome, et... La haïr reviendrait à te haïr toi. J'ai... Tu sais très bien que jamais je ne me pardonnerais ce que je t'ai fais. Tu as peur et c'est normal. Mais rien ne t'oblige à subir ta situation. En réalité, je ne comprends pas pourquoi tu refuses de te faire soigner si tu as à ce point peur du moment où ton coeur te fera à nouveau faux bond. »

Il se passa une main sur le visage, las et sentant soudain ses quatre ou cinq pauvres heures de sommeil en l'espace de quatre jours lui peser sur les épaules. Martial... Il était toujours question de Martial avec Marius, et plus que difficile pour son père de lui annoncer que son frère avait été enlevé. Les médecins l'avaient prévenu : le moindre choc trop violent, même émotionnel, pouvait causer la mort de Marius. La moindre étincelle pouvait mettre le feu aux poudres. Seulement, Hippolyte savait certaines choses au sujet de son aîné que Marius ignorait. A commencer par l'identité du meurtrier de sa fiancé et de son enfant à naître, puisque c'était lui. Une raison plus qu'évidente pour laquelle les jumeaux s'éloignaient : les secrets, les non-dits, l'évitement faisaient partie des raisons pour lesquels ils étaient moins proches, Hippolyte en était certain.

« Martial a quitté les rangs des hunters pour toi. Tu l'ignores peut-être, mais ton frère n'a jamais réellement eu la conviction que les mutants étaient mauvais et... Il lui a suffit de savoir qui tu était pour prendre la bonne décision. Et ne vas pas culpabiliser en pensant qu'il a fait ça à cause de toi. Il l'a fait pour toi. Ne t'es-tu pas dit que lui aussi hésitait à te dire certaines choses ? Qu'à force de faire des cachotteries vous vous éloigniez l'un de l'autre ? Je ne suis loin d'être la personne qui te comprend le mieux, Marius, mais je te connais. Tu as besoin d'attention, et plus encore de celle de ton frère, alors... Ne le rejette pas. Ne rejette pas non plus ceux qui te tendent la main. Tu ne veux pas te relever tout seul ? Laisse donc les autres le faire pour toi. »

Parce qu'il savait ce qui allait venir, Hippolyte avait vu toute l'emphase de son discours mourir sous une vois atone. Certaines choses devaient être dites, et il savait qu'il n'avait ni le talent, ni la délicatesse pour les dire.

« Si tu ne sais pas pour quoi tu te bats, personne ne peut le faire pour toi. Il n'y a peut-être pas de solution miracle, mais il en existe une multitude d'autres pour t'aider à remonter la pente une troisième fois. Et je sais comment t'y aider. »

Il se pinça l'arrête du nez puis récupéra sa veste avant de se lever.

« Je ne t'abandonnerai pas lorsque tu seras à nouveau sur pieds. Je ne le ferai pas car je ne serai déjà plus là. La vérité, Marius, aussi absurde soit-elle, c'est que je suis le symptôme de ton mal-être. A chaque fois que tu as remonté la pente, je n'étais plus là pour briser tes efforts. J'aimerais qu'il y ait une autre solution, mais... Il n'y a pas que ton coeur qui gangrène ton existence. Autant mettre fin à cette mascarade maintenant pour que tu puisses t'en sortir. »


C'était ça, sa solution bancale. Couper les ponts. Rompre le contact, laisser Marius voler de ses propres ailes et ne plus jamais tenter de lui arracher les plumes les unes après les autres. C'était pourtant si... Simple, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Marius s'en sortait très bien sans lui, sans ses jugement, sans cette putain de balle qui avait sapé toute sa confiance en lui, sans le masque qu'il s'était forcé à porter pendant un mois pour faire plaisir à un père qui n'existait plus.

C'était ça, la solution. Prendre du recul, s'éloigner, ne plus rien faire qu'observer de loin pour s'assurer que Marius allait bien, mais ne plus s'impliquer. Et tout ça lui serait nécessaire pour retrouver Martial et Victoire. Pour sauver le premier et tenter d'entamer le dialogue avec la seconde pour la supplier de laisser Marius en vie.

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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeLun 27 Juin 2016 - 23:06

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« C'est vrai. Je t'ai abandonné parce que c'était plus simple de voir un coupable en toi qu'en moi ou ta mère. »

Je ne veux pas de cette discussion. Je sais où elle va mener, j’ai une vague idée, plutôt, d’où elle va mener et je ne veux pas y aller. Je préfère mille fois rester prostré dans mon coin à me lamenter sur mon sort, je préfère me rendormir, me planter une nouvelle seringue dans le corps, je veux m’évanouir, je veux fermer les yeux et ne plus rien entendre, je ne veux même pas me relever, poser un genou à terre pour me redresser et recommencer, encore et toujours à faire face à tout le bordel sans nom qu’est ma vie. Il m’a abandonné déjà une fois, comment est-ce qu’il veut que je lui fasse confiance là-dessus ? Il m’avait promis de prendre soin de moi, de m’aider à remarcher, et il m’a abandonné en même temps que ma mère, il m’a ignoré, dénigré, méprisé au lieu de me protéger. Il a fait de moi un adulte aussi instable qu’inexistant, un gosse dans un corps de plus d’un mètre quatre-vingt-cinq. Il n’y a pas de problème, que des solutions ? Je secoue la tête parce que c’est faux. Horriblement faux. Bien au contraire : il n’y a pas de solution, il n’y a que des problèmes, voilà la vérité. La vie n’est qu’une succession d’échecs, qu’une succession d’emmerdes, qu’une succession de chutes et je ne suis pas costaud : bien au contraire, je suis totalement cassé. Brisé. Epuisé. J’en ai marre, tellement marre de me battre contre tout. Je n’en peux plus, et il faut qu’il comprenne ça. Je suis à bout, je suis au bord du précipice et j’ai tenté de faire le grand saut juste pour être putain de lâche, pour une fois. Tu veux que je te promette qu’après ça, je vais arrêter de pleurer ? Mais regarde moi, Papa, j’ai vingt-sept ans et je suis en train de sangloter dans les bras de mon père parce que j’ai tenté de me suicider et parce que je ne trouve plus la moindre solution à ma vie qui implique ma survie. Incapable de savoir ce que je veux, incapable tout court : putain, ce mot résume à lui tout seul ce que je suis. Je me renferme sur moi-même, je me recroqueville en repliant mes genoux sur mon torse comme pour mieux me faire disparaître. Je ne veux pas que mon cœur guérisse parce que je ne veux pas aller mieux. Et même si je sais à quel point mes pensées ont quelque chose de morbide, je n’arrive pas à me les sortir de la tête.

La seule chose que je peux faire, au final, c’est tenter pitoyablement de lui expliquer. En essayant de le regarder, en essayant de… son attitude est glaciale, son silence est éloquent, je ne sais même plus où je vais chercher la force de continuer à parler. Tout ce que je sais c’est qu’à mesure que je parle, j’ai l’impression que trouver une logique à ces dernières années. Marius se prend des coups dans la gueule, Marius cherche les coups, Marius se viande. Et Marius se relève en faisant des fuck au reste de l’humanité… avant de se reprendre des coups dans la tronche et de tout recommencer. Cercle vicieux, avant au milieu de l’équation ce profond mépris que j’ai de moi-même. Sans parvenir à savoir si c’est à tort ou à raison. A quoi rime ma vie, putain ? Le français coule tout seul entre mes lèvres, je crois que je n’ai jamais dit tout ça à quiconque. Et forcément, je le dis à la seule personne qui ne puisse pas me comprendre. Et qui va forcément me jeter. Se foutre de ma gueule. M’engueuler. Me détester, me mépriser, comme d’habitude. Ecoute, Papa, écoute donc à quel point ton fils est vraiment un déchet, écoute donc à quel point ton fils est une loque et une lopette, est un petit con dans tous les pans de sa vie. J’hausse les épaules, je secoue la tête.

Et je conclus. La dernière fois qu’il m’a remis sur pied, ça a été pour m’abandonner. Et cette fois, qu’est ce qui me dit que ce sera différent ? Ma gorge me brûle, mes yeux aussi, je me sens lourd, tellement lourd que mon utilisation constante de ma mutation à la con devient une évidence. Et je me tais, les yeux fixés sur le grand, l’imposant, l’immense Hippolyte Caesar. J’ai honte, autant d’avoir échoué à crever que d’avoir tenté de le faire, autant d’être à ce point un déchet que ne pas arriver à vouloir être autre chose. De ne plus aspirer à être autre chose. « Tu ne sais pas ce que tu veux maintenant... Mais qu'est ce que tu voulais, à l'époque ? Pour quoi te battais-tu ? La vérité, Marius, c'est que je ne peux pas te dire que je l'aime, cette mutation que tu portes en toi. Mais je ne peux pas non plus la détester. Elle fait partie de toi, de ton génome, et... La haïr reviendrait à te haïr toi. J'ai... Tu sais très bien que jamais je ne me pardonnerai ce que je t'ai fait. Tu as peur et c'est normal. Mais rien ne t'oblige à subir ta situation. En réalité, je ne comprends pas pourquoi tu refuses de te faire soigner si tu as à ce point peur du moment où ton coeur te fera à nouveau faux bond. » Je me mords la lèvre. Pour quoi est ce que je me battais ? La réponse est tellement évidente que je la dis sans y penser. « Je me battais pour te faire chier. » Tellement évidente que j’alterne entre anglais et français sans plus savoir où me fixer. Tellement évidente que j’en viens même à me demander si ça ne cache pas quelque chose. « Pour exister, aussi. Il n’y avait que lorsque je dépassais les limites que Maman me regardait. Et que tu cessais d’être aussi monolithique. » C’est la vérité, crue. Brutale. Pourquoi je refuse de me faire soigner tout en ayant à ce point peur de ma mort ? Là aussi, la réponse est évidente. « Je veux pas être opéré parce qu’au final, mon cœur est la seule certitude dans ma vie actuellement. J’ai peur de tout ça, mais je crois que j’ai encore plus peur de survivre à tout ça, maintenant. Je veux dire… » Je soupire : je ne veux pas en parler parce que je me rends bien compte que tout ça c’est… stupide. Et totalement stérile. Et vain. Personne n’est dans ma tête, le seul qui y a sa place, c’est mon frère, et plus ça va, moins mon frère me comprend.

Et moins je le comprends aussi. Je veux le voir. Je veux juste tellement le voir, je veux juste tellement que tout redevienne comme avant, qu’on remonte le temps six ans en arrière et que je ne sois pas mutant, pas défaillant – ou moins qu’actuellement – et qu’on continue à être les mêmes, à être les deux facettes d’une même médaille, qu’on continue à se comprendre d’un regard, qu’on continue à être constamment l’un pour l’autre, l’un avec l’autre, qu’on… « Martial a quitté les rangs des hunters pour toi. Tu l'ignores peut-être, mais ton frère n'a jamais réellement eu la conviction que les mutants étaient mauvais et... Il lui a suffit de savoir qui tu étais pour prendre la bonne décision. Et ne va pas culpabiliser en pensant qu'il a fait ça à cause de toi. Il l'a fait pour toi. Ne t'es-tu pas dit que lui aussi hésitait à te dire certaines choses ? Qu'à force de faire des cachotteries vous vous éloigniez l'un de l'autre ? Je ne suis loin d'être la personne qui te comprend le mieux, Marius, mais je te connais. Tu as besoin d'attention, et plus encore de celle de ton frère, alors... Ne le rejette pas. Ne rejette pas non plus ceux qui te tendent la main. Tu ne veux pas te relever tout seul ? Laisse donc les autres le faire pour toi. » Je frissonne. Je te connais. « Ne fais pas l’erreur de croire que tu me connais… et tu te trompes sur Martial, en plus. S’il n’avait à ce point pas de conviction, pourquoi est-ce qu’il a mis six ans à quitter les Hunters, hein, tu peux me le dire ? Quelque part, je suis sûr qu’il me voit comme un monstre. Et je peux même pas lui en vouloir pour ça. Et depuis toujours Martial me cache des choses, ça… ça n’aurait rien dû changer entre nous. » Je suis… je ne trouve même plus de mot autre que fatigué. Comme lorsque je me suis réveillé avec deux cicatrices dans le bide. J’encaisse mal, très mal, trop mal. J’encaisse plus que mal cette douleur dans la poitrine, j’encaisse plus que mal le fait d’être obligé de regarder mes conneries dans les yeux et plus encore d’être obligé d’admettre le caractère inévitable du bordel monstre qu’est ma vie, actuellement.

« Si tu ne sais pas pour quoi tu te bats, personne ne peut le faire pour toi. Il n'y a peut-être pas de solution miracle, mais il en existe une multitude d'autres pour t'aider à remonter la pente une troisième fois. Et je sais comment t'y aider. » Je fronce les sourcils en le voyant se lever. Instinctivement, j’ai un mouvement de recul. « Ah ouais ? » « Je ne t'abandonnerai pas lorsque tu seras à nouveau sur pieds. Je ne le ferai pas car je ne serai déjà plus là. La vérité, Marius, aussi absurde soit-elle, c'est que je suis le symptôme de ton mal-être. A chaque fois que tu as remonté la pente, je n'étais plus là pour briser tes efforts. J'aimerais qu'il y ait une autre solution, mais... Il n'y a pas que ton coeur qui gangrène ton existence. Autant mettre fin à cette mascarade maintenant pour que tu puisses t'en sortir. » Quoi ? J’ai mal compris là. « Quoi ? » Symptôme de mon mal-être ? Il est sérieux ? Et… il n’y a pas que ton cœur qui gangrène ton existence. Je ne comprends pas. Ou si, je comprends très bien ce qu’il veut dire. Je ne serai déjà plus là. Il ne peut pas faire ça, il ne peut pas me faire ça. Je délie mes bras, je délie mes jambes avec une brusquerie épuisante. J’arrache, même, les capteurs qui sont collés à mon torse, la perfusion dans mon bras. L’électrocardiogramme hurle l’absence de rythme cardiaque, je suis debout, une main agrippant le poignet de mon père. Je ne sais même pas comment je me suis levé, je n’ai pas réfléchi une seule seconde. J’aimerai rester prostré à terre, recroquevillé au fond du gouffre pour ne pas tomber plus bas, pour ne pas rechuter plus bas mais… j’en suis incapable. Ce n’est pas moi que d’arrêter de me battre, même lorsque je suis à bout de force. « Fais pas ça, m’abandonne pas. Tu… t’as pas le droit. Je te l’interdis. » Je suis une loque et je me trouve quand même le cran d’interdire quelque chose à mon père ? Marius est toujours là, à sommeiller en moi. Réveillé par la menace de se retrouver seul à devoir gérer ses conneries. Ma voix oscille entre les larmes et l’autorité surréaliste pour toute personne ne m’ayant jamais vu sur le terrain en hand. Ou dans les bureaux Caesar ces dernières semaines. « Je t’interdis de m’abandonner, t’entends ? » Je suis un gamin capricieux. A vingt-sept ans. Malgré mes deux gosses. Je suis un gamin qui rythme ses syllabes par des coups de poing dans la poitrine de son père. « Je te l’in-ter-dis, compris ? T’es… tu racontes n’importe quoi, t’es pas un… et puis d’abord, un symptôme, c’est un signal d’alerte, ça a rien à voir la maladie, et si tu t’en vas sans m’aider à me soigner, bah tu ne seras qu’un lâche et un pharmacien de merde. »

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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeLun 4 Juil 2016 - 0:35

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La plupart des discussions qui animaient les deux Caesar se terminaient généralement en disputes intestines, lesquelles ne trouvaient jamais ni vainqueur, ni vaincu. Chacun campait sur ses positions, défiant l'autre jusqu'à avoir le sentiment d'avoir gagné, quand il ne faisait au contraire que renforcer les convictions de l'autre. Pendant des années, Hippolyte avait usé et abusé de son statut de père, traitant Marius davantage comme un employé en faut que comme son propre fils. Incapable de canaliser l'hyperactivité du jeune homme, il avait toujours trouvé plus simple de le punir pour le faire taire. Mais toutes ces discussions, ces tensions, ces disputes n'étaient rien comparées à ce qui se jouait en ce moment. Aucune d'elles n'avaient d'importance, car aucun d'elle n'impliquait la survie de Marius. Jamais aucune discussion n'avait à ce point été vitale, jamais Hippolyte n'avait eu à ce point le sentiment de marcher sur des œufs. Alors il restait là, rebondissant sur ce que disait Marius sans trouver la force ni les mots justes pour lui dire ce qu'il avait sur le cœur. Pourtant, il aurait aimé parler de bien d'autres choses avec lui, à commencer par tout ce qui s'était passé en un mois. Il aurait aimé le mettre en garde contre Victoire, lui dire qu'elle était la responsable de son accident vingt et un ans plus tôt, et qu'elle risquait de recommencer. Seulement... Délaissé par son jumeau, ouvertement méprisé par son père, comment Marius vivrait-il la confirmation que sa mère l'avait abandonné depuis des années ? Comment savoir s'il accepterait l'idée qu'elle était bien pire qu'une mère aveugle ? Pendant quatre jours, Hippolyte avait tourné et retourné dans son esprit ce discours bien ficelé qu'il comptait offrir à Marius, à l'instar de n'importe quel speech qu'il aurait tenu devant son comité de direction... Et puis il s'était dégonflé. Parce qu'en regardant Marius, en fixant ses yeux bleus brillant de larmes, il ne s'était plus sentit la force de le mettre face à la réalité.

Pour la première fois de sa vie, Hippolyte n'avait pas envie de traiter son fils comme un adulte mais comme le petit garçon apeuré qu'il refusait de ne plus être. Marius voulait exister aux yeux de son père ? Très bien ! Mais qu'il se prépare à l'avoir sur le dos, lui répétant inlassablement qu'il devait se soigner, car Hippolyte refusait de s'avouer vaincu. Ou plutôt... Il refusait de rester là les bras croisés. Il lui tournerait le dos ou s'acharnerait, il n'y aurait pas d'entre deux. Et chaque réflexion de Marius lui arrachait une grimace douloureuse supplémentaire. Chaque mot s'imprimait dans son cerveau à la manière d'un fer chauffé à blanc marquant la chair d'un condamné. Hippolyte n'était pas le genre d'homme à craindre la mort, mais il avait un certain instinct de survie et surtout, il croyait en la médecine moderne. S'il s'était retrouvé dans la situation de Marius, il aurait remis sa survie entre les mains des médecins, aussi ne comprenait-il absolument pas pourquoi le jeune homme avait peur à ce point.

« Bon sang, Marius... Personne ne te parle de te faire opérer dans une cave avec de vieux outils en fer rouillé... Et je ne te parle pas d'un sursis mais d'une véritable résurrection si tu voulais bien arrêter deux minutes d'être buté comme un âne ! De quoi as-tu peur, à la fin ? Pourquoi survivre te fait peur ? Tu as peur de te retrouver tout seul, c'est ça ? »

Si c'était le cas, il pouvait se rassurer. Étant donné la quantité de gâteaux, chocolats, jouets et autres conneries qui trônaient sur sa table de nuit, Marius était suffisamment entouré pour pouvoir organiser une conférence de presse afin de tous les mettre au courant. Hippolyte n'avait finalement qu'une envie : secouer Marius jusqu'à ce qu'il se réveille, le malmener jusqu'à ce que celui qu'il était tout au fond de lui se décide enfin à émerger pour brandir vaillamment son poing et le lui ficher en pleine figure. Alors il leva les yeux au ciel, fatigué d'entendre en boucle le même discours, ponctué de « tu ne me connais pas, tu te trompes » et tout un tas d'âneries qu'Hippolyte n'avait que trop entendu.

« Ton frère cache des choses à tout le monde. Je ne suis même pas certain qu'il soit honnête avec lui-même, mais je suis persuadé qu'il ne te voit pas comme un monstre. C'est toi qui te vois comme tel, Marius. C'est exactement comme ce que je te disais tout à l'heure. Tu es le seul à te détester, tu préfères ça plutôt que de haïr autre chose. »

Il était fatigué de se battre avec un mur, fatigué de retourner inlassablement les mêmes arguments et incapable d'en trouver de nouveaux que Marius ne chercherait pas d'une manière ou d'une autre à contrer. Et parce son dernier monologue avait achevé de piétiner ses dernières convictions, Hippolyte baissa les bras. Persuadé à présent d'être en grande partie responsable de tout ce mal-être qui rongeait Marius, sûr également de ne pouvoir rien lui apporter de bon, il en était réduit à se dire que la meilleure chose qui leur soit arrivée était finalement cette rupture, ces six années de vide dans leur relation chaotique. Il le vit, ce mouvement de recul qu'eut Marius lorsqu'il se leva. Il la sentie, la peur qui lui dévorait les tripes depuis le jour où il lui avait tiré dessus. Une nouvelle preuve de son échec cuisant en tant que père.

Seulement, Hippolyte s'était attendue à ce que Marius lui hurle de dégager, qu'il lui rit au nez ou encore qu'il lui dise « bon vent ! »... Mais certainement qu'il arrache sa perfusion et se lève pour le retenir. A aucun moment ce scénario ne s'était présenté à lui ni ne l'avait effleuré. Éberlué, Hippolyte regarda fixement la main de Marius qui enserrait piteusement son poignet, l'électrocardiogramme hurlant son désaccord derrière eux. Au bout de quelques secondes, alors que Marius lui interdisait de s'en aller, Hippolyte fronça les sourcils et lui offrir son habituel regard sévère.

« Puisque je te connais si mal, je ne vois vraiment pas ce que ça change si je reste... Retourne immédiatement te coucher avant de tomber... Et si c'est le cas, ne compte pas sur moi pour te ramasser. »

Lui lancer des piques, lui donner mille et une raisons de changer d'avis et le mettre à la porte, c'était puérile mais ce serait bien plus efficace que tout le reste. Pourtant, malgré son visage fermé, il ne pouvait ignorer la culpabilité qui grandissait dans ses entrailles, le gelant de l'intérieur comme un immense iceberg. Les sanglots de Marius lui étaient douloureux, de même que le sentiment d'avoir face à lui un enfant refusant que son père ne quitte sa chambre après un cauchemar.

« Arrête, Marius... Tu es ridicule, tu n'as plus six ans... », grommela-t-il alors que Marius ponctuait chaque mot d'un coup de poing.

Des coups désespérés, qui n'avaient plus la moindre force mais qu'il s'évertuait à asséner jusqu'à ce qu'Hippolyte lui saisisse fermement les poignets pour l'empêcher de continuer... Et jusqu'à ce qu'il le traite de lâche. Écarquillant les yeux, Hippolyte sentit la colère monter en lui jusqu'à lui laisser un goût amer dans la gorge.

« … Un lâche ? C'est moi... C'EST MOI LE LÂCHE ? Non mais tu t'écoutes parler, Marius ? »

D'un geste sec, il lâcha son fils et commença à arpenter la pièce comme un ours en cage.

« Je suis lâche parce que je refuse de regarder mon fils mourir ? Est ce que c'est moi qui refuse de me faire soigner pour une raison complètement ridicule qui me dépasse ? Est ce que c'est moi qui ai tenté de me suicider avec une solution ratée ? Hin ? As-tu réponse à tout ça, toi qui es si fort ? Bon sang Marius tu m'as reproché bien des choses, tu m'as reproché de t'avoir sauvé, et maintenant tu m'en voudrais de te laisser sans chercher à te soigner ? Tu ne veux PAS que je t'aide ! »

La retenue légendaire d'Hippolyte l'avait à présent abandonné, laissant place à la colère, à une rage et une impuissance qui le dépassaient, à un déferlement de sentiments contradictoire qui révélaient à la manière d'un ouragan la nature humaine qui sommeillait en lui.

« C'est ça que tu veux ? Me punir pour toutes les erreurs que j'ai pu commettre avec toi ? Tu veux que je reste là, à ton chevet, m'angoissant à chaque fois que ton cœur recommencera à dériver ? Tu veux vraiment me voir compter les jours qui te séparent du cerceuil ? Ou bien c'est l'idée de voir ton imbécile de père impuissant face à la tombe de son fils pendant que tu seras en train de croupir sous terre ? C'est ça ta façon de te venger ? »

La veste qu'il tenait dans les mains vola pour s'écraser lamentablement sur le fauteuil, tandis qu'il continuait d'arpenter la chambre à grand pas, sa voix rendue rauque par le manque de sommeil et la fébrilité.

« Je refuse de te regarder mourir, Marius. Il est hors de question que je reste là comme si ça ne m'atteignait pas. Que crois-tu que j'ai fais pendant quatre jours ? Tu me crois assez indifférent pour que j'arrive encore à fermer l’œil ? Qu'est ce que tu veux à la fin, Marius ? Qu'est ce que tu attends de moi... Dis-le moi parce que je suis perdu. »

Un aveu, une faiblesse, une certitude. Hippolyte était perdu et incapable de comprendre à la fois les intentions et les besoins de Marius. Peinant à retrouver le calme que lui imposait son esprit quand tout son corps lui hurlait le contraire, il prit le temps de respirer avant de reprendre.

« Rallonge-toi. Tu es encore trop faible, et si ta tension chute trop vite, tu vas faire un malaise. »

Ce n'était pas un conseil, mais un ordre qu'il valait mieux ne pas discuter. En bon pharmacien et habitué des hôpitaux qu'il était, Hippolyte savait où trouver dans la chambre des fioles de sédatifs pour neutraliser Marius s'il persistait à faire le mariole debout. S'approchant du lit, il s'empara de l'aiguille de la perfusion, qui continuait à délivrer sa solution pour le carrelage, et désigna le lit à Marius.

« Des solutions, tu n'en as plus une infinités, Marius. Soit tu fais ce que tu veux du temps qu'il te reste et je m'en vais... Sois je reste mais tu m'auras sur le dos et je ne te lâcherai pas. Et tu sais aussi bien que moi que de nous deux, je suis le plus têtu, tu ne me feras pas changer d'avis. »

Quelque part, Hippolyte préférait cent fois rester, quitte à subir encore et encore les « non » répétés de Marius, les disputes, les désaccords... Car si le silence et l'éloignement étaient plus simples à envisager, ils étaient à terme bien moins attrayant.
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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeJeu 7 Juil 2016 - 23:35

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



Il n’y a rien de plus douloureux, pour moi, que le rejet. C’est ma phobie, c’est ma hantise, c’est tout simplement le traumatisme qui ne me quitte pas et que je ne peux que tenter maladroitement de cacher aux autres pour qu’ils ne me voient pas tel que je suis, derrière mon sourire de gamin et mes cheveux ébouriffés. M’abandonner, m’ignorer, me rejeter ou m’exclure, c’est clairement ce qu’on peut me faire de pire, ça ne fait strictement aucun doute. Je sais que c’est normal, dans une moindre mesure. Mais je sais aussi qu’à ce niveau là, c’est pathologique, c’est une névrose que je me traine depuis mes six ans parce que mes parents n’ont pas été foutu capables de me prêter un peu d’attention autrement que pour m’engueuler ou me faire comprendre que je n’étais qu’une déception sans nom et sans limite. Lorsqu’ils daignaient prendre cette peine.

Il n’y a rien d’étonnant, lorsqu’on sait ça, lorsqu’on comprend ça à me voir faire le pitre à longueur de journée. A m’entendre parler fort. Me montrer. M’afficher en public. Me la jouer diva, m’obstiner à paraître et à être au cœur des conversations. J’aime entretenir autour de moi des critiques, des scandales, des rires et des colères juste parce qu’au moins, ça me donne le sentiment d’exister. Exister aux yeux des autres pour exister à mes yeux. C’est mal, ce n’est clairement pas bien, pas sain, mais c’est moi. Pleinement moi. Si désespérément moi. Au contraire de cette tentative de suicide, au contraire de ces larmes qui coulent sur mes joues, au contraire de toute cette situation qui ne se ressemble en rien à tout ce que j’ai pu vivre, à tout ce que j’ai pu opposer à mon père. En dehors du ton, qui monte, qui enfle, qui transforme cette conversation en dispute comme pour mieux retomber dans la norme rassurante du conflit. Il me donne des raisons de m’énerver. Il me donne des raisons de hausser le ton, cette fois. Je suis un déchet, je suis en ruine mais s’il y a une chose qui survit en moi, c’est bien cette terreur de l’abandon. Parce qu’il a beau dire qu’il va me remettre sur pied, je sais que ça va être pour m’abandonner. Encore. Parce qu’il ne sait faire que ça. Et parce que je ne mérite que ça. Le mérite… j’ai honte. Et mon estime de moi n’a jamais été aussi basse. Inexistante. J’ai peur de tout ça, j’ai peur de survivre. Et refuser que l’on m’opère, c’est la suite de ma tentative de suicide. Je suis mal, je suis mal dans mon être, mal dans ma vie, je suis en sursis depuis tant d’années que je n’envisage même plus la possibilité de survivre à tout ce bordel. J’ai peur de survivre. Et il faut qu’il le comprenne. Parce que Martial, lui, ne pourra jamais accepter ça. Il ne pourra jamais supporter l’idée que son petit frère se déteste à ce point, je le sais. Mais je ne me peux même pas m’en empêcher. « Bon sang, Marius... Personne ne te parle de te faire opérer dans une cave avec de vieux outils en fer rouillé... Et je ne te parle pas d'un sursis mais d'une véritable résurrection si tu voulais bien arrêter deux minutes d'être buté comme un âne ! De quoi as-tu peur, à la fin ? Pourquoi survivre te fait peur ? Tu as peur de te retrouver tout seul, c'est ça ? » Je secoue la tête avec l’obstination d’un âne bâté. Ou buté. Ou les deux, on n’est plus à une voyelle près. Peur de me retrouver seul ? Non. La réponse est simple, bien plus simple que ça. « J’ai pas d’avenir. J’ne m’vois pas d’avenir. » Je déglutis. Pas d’avenir. Quelque part, c’est une idée que je traîne depuis six ans. Avant, mon avenir c’était le hand. J’ai vaguement tenté de faire illusion avec mes cascades et les quelques dizaines de film dans lesquels j’ai pu prêter mon don pour le sport et la moto à des acteurs. Illusion. Je n’ai pas d’avenir. C’est un constat. Une réalité. Contrairement à Martial, contrairement à Moira, contrairement à Astrid, contrairement à mes bout’choux. Pas d’avenir. Juste… Je ferme les yeux.

Martial. La lumière, la réussite, la perfection. Mon frère. Absent. Qui doit me détester ou avoir pitié de moi. Qui me détestera encore plus lorsqu’il saura ce que j’ai fait et ce que je lui ai caché. Marty me déteste, c’est à moitié une phrase jetée en l’air sans y penser. Mais c’est à moitié aussi ce que je pense vraiment. Il a mis six ans, six ans à se décider à quitter les Hunters. Je ne suis pas stupide au point de ne pas croire qu’il n’a pas été partagé, pendant au moins un temps, entre ses convictions et la nature difforme de son petit frère. « Ton frère cache des choses à tout le monde. » « Je sais » Bien sûr que je le sais. « Je ne suis même pas certain qu'il soit honnête avec lui-même, mais je suis persuadé qu'il ne te voit pas comme un monstre. C'est toi qui te vois comme tel, Marius. » Je déglutis. « C'est exactement comme ce que je te disais tout à l'heure. Tu es le seul à te détester, tu préfères ça plutôt que de haïr autre chose. » J’ouvre grand les yeux. Le seul à me détester ? Oh non… certainement pas. Il ne m’ôtera pas si facilement de la tête qu’il ne m’aime pas comme un père devrait aimer un fils. Peut être qu’il ne me déteste pas, mais les sentiments qu’il a pour moi doivent plus tenir de l’obligation et de la résignation que de l’affection sincère. Pas que ça me dérange, hein, je me contente de ça avec des étoiles dans les yeux mais… mais je refuse d’être dupe pour autant. Donc non, je ne le crois pas. Je concède juste d’une petite voix un las « bien sûr que je me déteste, pourquoi est ce que ça en serait autrement ? » qui veut tout dire. Je suis fatigué, fatigué d’avoir l’impression de me répéter, d’avoir l’impression de piétiner. Je veux me rendormir dans ce lit d’hôpital, je ne veux pas m’en réveiller tout en craignant de ne plus ouvrir les yeux. Je veux prendre Astrid dans les bras tout en refusant de la laisser s’approcher de moi de peur de la blesser. Je veux l’embrasser, me perdre dans ses cheveux, me perdre dans ses courbes, je veux remonter le temps, croquer la vie à pleines dents.

Mais je suis fatigué de me battre. Et plus rien ne peut me donner envie de relever la tête, j’en ai bien peur. Plus rien. Plus rien en dehors du rejet. Je ne t’abandonnerai pas parce que je ne serai plus là. Il vient de me foutre un coup de poing dans la rate. Ma tête, je la relève. Brutalement. Quoi. D’un bond, j’ignore les hurlements de mon cœur, de mes muscles, de mon corps pour arracher les électrodes et agripper le poignet de mon foutu connard de paternel. Hors de question qu’il se casse. Hors de question qu’il me laisse. Hors de question qu’il me tourne le dos. Pas maintenant. Pitié, pas maintenant. Je ne réfléchis pas, j’agis juste parce que mon cerveau turbine trop vite pour formuler ses pensées et conclusions en phrases. « Puisque je te connais si mal, je ne vois vraiment pas ce que ça change si je reste... Retourne immédiatement te coucher avant de tomber... Et si c'est le cas, ne compte pas sur moi pour te ramasser. » J’ai la bouche totalement sèche. Non. Non, il est hors de question qu’il s’en aille, ce n’est même pas négociable. Et je ne vais pas tomber. Parce qu’il faut que je le retienne. Et je suis suffisamment têtu pour repousser mes limites le plus loin possible malgré mon cœur qui s’emballe, le vertige qui s’installe. Il suffit que je cligne des yeux pour le repousser, me hurle mon obstination têtue que rien peut renverser. Mes poings, je les serre pour le frapper comme un gosse, pour marteler sans force sa poitrine. Je lui interdis de partir. Vraiment. « Arrête, Marius... Tu es ridicule, tu n'as plus six ans... ». Je n’ai plus six ans, vraiment ? Et bien c’st bien dommage. Parce qu’à six ans, il me disait encore que j’étais un champion, pas une misérable loque. A six ans, il croyait encore en moi. A six ans, ma mère me prenait encore dans ses bras. Je veux avoir six ans à nouveau. Et je ne veux pas qu’il m’abandonne. Pas encore. Pas maintenant.

Lâche. Pendant longtemps, le mot électrochoc, ça a été connard. Puis enculé. Maintenant.. « … Un lâche ? C'est moi... C'EST MOI LE LÂCHE ? Non mais tu t'écoutes parler, Marius ? » Ses mains, qui ont saisi mes poignets, me lâchent pour le laisser partir dans le reste de la pièce. Moi, je ne peux pas le suivre, je peine déjà à rester debout. Mais je contemple avec stupéfaction à quel point, lui comme moi, on est capable de partir au quart de tour sous l’injonction d’un seul mot. « Oui, c’est toi le lâche » Je crache, en réponse, juste pour entretenir sa colère. « Je suis lâche parce que je refuse de regarder mon fils mourir ? Est ce que c'est moi qui refuse de me faire soigner pour une raison complètement ridicule qui me dépasse ? Est ce que c'est moi qui ai tenté de me suicider avec une solution ratée ? Hin ? As-tu réponse à tout ça, toi qui es si fort ? Bon sang Marius tu m'as reproché bien des choses, tu m'as reproché de t'avoir sauvé, et maintenant tu m'en voudrais de te laisser sans chercher à te soigner ? Tu ne veux PAS que je t'aide ! » Je déglutis, ma main cherche un appui derrière moi pour me maintenir debout. Mes pieds nus sur le sol me tiennent un peu alerte. « C'est ça que tu veux ? Me punir pour toutes les erreurs que j'ai pu commettre avec toi ? Tu veux que je reste là, à ton chevet, m'angoissant à chaque fois que ton cœur recommencera à dériver ? Tu veux vraiment me voir compter les jours qui te séparent du cercueil ? Ou bien c'est l'idée de voir ton imbécile de père impuissant face à la tombe de son fils pendant que tu seras en train de croupir sous terre ? C'est ça ta façon de te venger ? » Si c’est ça ma façon de me venger ? Je reste muet, incapable d’avoir suffisamment de force pour m’intercaler dans sa fureur et attiser la mienne. Au moins, j’ai la satisfaction de voir sa veste retrouver le fauteuil. Et mes yeux continuent à le suivre, à suivre ses déplacements. Je fais un pas timide en direction de la porte. Pour m’y adosser. Un pas, un autre, je frissonne sous ma seule blouse d’hôpital et le pantalon léger qu’on m’a foutu sur les jambes. « Je refuse de te regarder mourir, Marius. Il est hors de question que je reste là comme si ça ne m'atteignait pas. Que crois-tu que j'ai fais pendant quatre jours ? Tu me crois assez indifférent pour que j'arrive encore à fermer l’œil ? Qu'est ce que tu veux à la fin, Marius ? Qu'est ce que tu attends de moi... Dis-le moi parce que je suis perdu. » Je le suis du regard, encore. Muet. Toujours. Ce que j’attends de lui ? Je n’en sais rien. Il n’est pas le seul à être perdu, dans l’affaire. Je me demande si je n’aurais pas préféré qu’il ne retrouve pas la mémoire pour ne pas l’entendre dire tout ça. Pour ne pas l’entendre s’énerver comme ça. Ce que je veux ? « Rallonge-toi. Tu es encore trop faible, et si ta tension chute trop vite, tu vas faire un malaise. » Je serre les dents, relève le menton. S’il croit que je vais lui obéir, vraiment. Si je fais un malaise, il ne me rattrapera pas, j’ai bien compris. Mais je crois qu’on a déjà parlé de l’intérêt que je porte à ma santé donc un bleu ou deux, je n’en ai rien à faire. Tant qu’il est là. Tant qu’il reste là. « Je vais bien. » Stupide réflexe. Stupide incapacité à rester silencieux plus longtemps alors que mon père ramasse ma perfusion. « Je refuse de m’allonger. » Il est où, déjà, le Marius de tout à l’heure qui chouinait ? Il est toujours là. Il s’est juste transformé en… autre chose. Et, putain, malgré tous mes efforts, je persiste à être incapable de rester à terre, il faut toujours que je me relève, même lorsque je ne veux pas me relever. Je refuse. « Des solutions, tu n'en as plus une infinité, Marius. Soit tu fais ce que tu veux du temps qu'il te reste et je m'en vais... Soit je reste mais tu m'auras sur le dos et je ne te lâcherai pas. Et tu sais aussi bien que moi que de nous deux, je suis le plus têtu, tu ne me feras pas changer d'avis. » Lui, le plus têtu ? Ma main s’agrippe à la poignet de la porte. « Il y a une troisième solution. Tu vas me voir mourir, Papa. Que tu le veuilles où non. Je suis un mutant, dans une ville de Hunters. » Je déglutis. Mon calme me sidère face à l’agitation de mon père. Les rôles sont inversés, de manière très très dérangeante. « Rentre toi ça dans le crâne. Je vais mourir. Et c’est toi qui n’as pas une infinité de solutions. Parce que soit on essaye de construire quelque chose pendant les mois qu’il me reste, soit tu recevras un courrier par la poste et tu le regretteras toute ta vie. Dans le pire des cas. Tu peux aussi totalement t’en foutre, auquel cas ça ne devrait pas te faire grand-chose de ne pas m’abandonner et de me regarder me débattre avec cette merde dans mon ADN. » Je n’ai jamais tenu tête à mon père de cette façon. Je l’ai toujours insulté, j’ai toujours crié, mais je ne lui ai jamais tenu tête… comme ça. « Peut être que je suis lâche, mais toi, bordel, toi… le problème, c’est pas que tu n’aies pas envie de voir ton fils mourir, c’est que pendant des années, t’en as rien eu à foutre de ma gueule, et maintenant, sous prétexte qu’on se reparle, tu te sens obligé de me faire chanter pour des trucs qui me concernent, qui ne concernent que ma vie. T’as perdu le droit de me donner des ordres il y a des années, Papa. » Qu’est ce que je suis en train de dire, là ? Je ne sais pas. « Le seul droit que tu as, maintenant, c’est de rattraper le putain de temps perdu. Parce que tu as un compte à rebours. Je suis fatigué, putain, fatigué de me battre. J’en ai ras le bol. Et toutes les menaces du monde ne résoudront pas ce problème de fatigue. Alors si tu crois que je vais te lécher les bottes et accepter une opération dont je ne veux pas, tu te mets ça où je pense. » Mon doigt d’honneur est éloquent. J’en profite pour tourner la poignée. « Et tu en profites pour te prendre la troisième solution dans la gueule : c’est moi qui me casse. » Je lui tourne le dos. Et fais un pas dans le couloir. Avant de perdre l’équilibre et de m’écrouler dans une flopée de jurons.

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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeJeu 14 Juil 2016 - 23:09

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« J’ai pas d’avenir. J’ne m’vois pas d’avenir. »

La rage au ventre, il ne chercha pas à comprendre et hurla.

« ARRÊTE AVEC CA ! Un avenir tu en aurais un si tu arrêtais de te morfondre en pignant comme un gosse, Marius ! Au lieu de t'apitoyer, tu ferais mieux de songer à tout ce que tu vas laisser derrière toi si tu refuses de bouger ton petit cul de poltron ! »

Il n'y avait que comme ça qu'Hippolyte savait réagir avec Marius. En le rabaissant, ou en l'ignorant. Parce que c'était plus facile, plus évident, qu'il en avait toujours été ainsi, mais surtout parce qu'il refusait de comprendre un traître mot de ce qui lui disait son fils. Pourtant ce n'était pas seulement la colère qui s'exprimait... Et encore moins le mépris. C'était la hantise. Une peur viscérale qui lui donnait la nausée, celle de ne pouvoir aider Marius et d'être impuissant le jour où son cœur lâcherait pour de bon. Si Hippolyte avait été capable de verbaliser ses émotions et de montrer autre chose à Marius que le visage glacial d'un homme d'affaire impitoyable, peut-être aurait-il en mesure de lui montrer à quel point toute cette histoire le touchait. Il avait peur, peur comme jamais, bien plus que le jour où Victoire l'avait poignardé, plus encore que celui où il avait appris que Marius était à l'hôpital, 21 ans plus tôt... Il avait peur car cette fois, il était totalement impuissant. Quoi qu'il fasse, son fils allait mourir. Et la seule façon qu'il avait trouvée pour le lui montrer... Était de lui hurler dessus. La fatigue et l'inquiétude ne faisant qu'exacerber sa colère, il ne cherchait même plus à se raisonner. Car cette fois, il avait le sentiment d'être véritablement en train de perdre Marius. De le voir lui filer entre les doigts parce qu'il avait choisi son chemin, lequel se terminerait inévitablement par un précipice, et ce bien plus tôt qu'il ne le pensait.

Et alors que Marius affirmait se détester, son père leva les yeux au ciel en faisant claquer sa langue avec agacement. Tout ceci était le résultat de ses années d'échec, de son incapacité à voir la nocivité de l'attitude de Victoire, de son absence, de toute son énergie qu'il avait mise dans son travail pour ne pas avoir à supporter les cris de détresse de son fils... De son incapacité complète à comprendre un raisonnement humain. Quoi qu'il fasse, peu importe le sens dans lequel Hippolyte retournait le problème, il en arrivait à cette conclusion : Victoire et lui seraient les seuls responsables de la mort de Marius. Quelque part, ils en seraient les assassins, pour n'avoir pas su lui donner l'amour et l'attention qu'il méritait. Marius avait beau dire qu'en tentant de rattraper le temps perdu la culpabilité qui pesait sur le cœur de son père s'amoindrirait, mais c'était le contraire. Hippolyte avait toujours mis un point d'honneur à être un homme fort et impitoyable, que peu de choses pouvaient atteindre, mais Marius avait toujours su, d'une manière ou d'une autre, réveiller en lui des sentiments aussi puissants et incontrôlables qu'une tempête. Personne ne savait le mettre à ce point en colère, personne n'arrivait à l'inquiéter de la sorte, personne n'arrivait aussi bien à l'empêcher de fermer l’œil, personne n'était en mesure de provoquer en lui un tel vent de terreur... Personne sauf Marius. Hippolyte ne voulait pas accepter la décision de son fils, car alors il savait qu'il devrait envisager l'avenir sans lui. Ce n'était pas juste, aucun parent n'aurait dû avoir à souffrir la mort d'un enfant. Il préférait cent fois des décennies de disputes et de colère à l'absence pure et simple. Que verrait-il dans quelques années, lorsqu'il regarderait les rares portraits de famille qu'il possédait ? Les regrets, l'amertume, la douleur... Il n'y aurait rien de positif, car il serait alors trop rongé par les remords pour songer un seul instant à ce souvenir des bons moments.

Arpentant la pièce comme un ours en cage, il se sentait au bord de la rupture, incapable de contenir plus longtemps ses émotions trop longtemps refoulées. Et finalement, il se figea lorsque Marius lui assura qu'il allait bien. Son visage se durcit plus encore mais sa voix s'était faite plus lasse, portant ainsi les cinquante six années de travail acharné qu'il traînait derrière lui.

« Non tu ne vas pas bien, Marius. Tu es malade. Ton cœur est malade. Mais s'il n'y avait que ton cœur... On peut le réparer, le soigner, t'accorder une deuxième chance... Mais ta volonté, elle, est brisée. Tu n'as pas envie de te battre, tu préfères t'endormir dans ce lit et ne plus te réveiller et ça... J'ai bien peur qu'on ne puisse pas le soigner. Parce qu'aucun remède n'en viendra à bout si tu ne te bats pas. Je ne sais plus quoi faire. »

Il était fatigué de se battre, lui aussi, à deux doigts d'accepter la fatalité et d'abandonner Marius à son sort pour ne pas avoir à le regarder dans les yeux le jour où il rendrait son dernier soupir.

« Il y a une troisième solution. Tu vas me voir mourir, Papa. Que tu le veuilles où non. »

Un coup de poignard en plein cœur. Détournant le regard, Hippolyte souhaita à cet instant être sourd, aveugle, insensible et surtout loin de cette horrible chambre aseptisée, loin de cet hôpital qu'il commençait à haïr de toutes ses forces. Il n'arrivait pas à savoir si Marius disait cela par résignation ou s'il était vraiment cruel au point de vouloir voir le visage de son père se décomposer lorsqu'il mourrait. Que voulait-il construire ? Il n'y avait rien à construire, pas mêmes des ruines à rebâtir. Il n'y avait ni fondations, ni même l'ébauche d'une architecture idéaliste. Rien qu'un champ de bataille stérile qui ne les avait jamais menés nulle part. A quoi bon s'accrocher à l'idée qu'ils puissent, en l'espace de quelques mois feindre une relation ordinaire entre père et son fils ? C'était de toute façon voué à l'échec. Relevant les yeux vers Marius, Hippolyte le suivit du regard alors qu'il se déplaçait vers la porte. Tout le discours de son fils sonnait comme la menace d'un glas, et il détestait ça. De quel droit se permettait-il de monnayer un ersatz de complicité en invoquant le peu de temps qu'il lui restait à vivre ? Profitant d'un minuscule moment de répit dans le monologue de Marius, Hippolyte lâche quelques mots d'un ton morne.

« Si nous faisons ça, Marius, ça ne sera qu'une ridicule mise en scène. Il n'y aura rien d'honnête là dedans, rien que deux imbéciles faisant semblant pour avoir l'impression de passer les derniers mois de ta vie dans l'entente et la joie. Je serai incapable de te regarder dans les yeux sans voir l'épée de Damoclès qui pend au dessus de ta tête. »

Mais déjà, Marius reprenait, plus acide que jamais, attisant plus encore la colère d'Hippolyte qu'il peinait de plus en plus à contenir. Il n'avait qu'une envie : secouer Marius, le gifler pour le réveiller, voire l'amener à lui en mettre une si ça pouvait lui permettre de se sentir mieux après. Seulement le nœud du problème était plus sournois qu'il ne l'aurait cru. Sans une bonne raison pour amener Marius à se battre, il pouvait d'ors et déjà choisir le bois du cercueil et les fleurs qui orneraient sa tombe. Cette raison de se battre, Hippolyte ne l'avait pas, ne la connaissait pas. A moins de pousser Marius à lui tenir tête, et ça il savait faire. Malgré des arguments qui se tenaient, Hippolyte serrait les poings, la rage au ventre, et fit un pas vers Marius lorsque celui-ci ouvrit la porte pour sortir de la chambre. Mais quel idiot ! Quel abruti fini ! Quel petit con inconscient ! Il n'avait pas fait un pas dans le couloir que déjà, ses jambes refusaient de le supporter davantage. Il s'écroula au sol en jurant tout ce qu'il pouvait, sous le regard atterré de son père. Etait-ce possible d'être bête et borné à ce point ? L'inquiétude menait une guerre farouche avec la colère, laquelle semblait pourtant gagné du terrain à mesure que les secondes s'égrainaient. D'abord immobile, Hippolyte se décida finalement à bouger.

Pendant un instant, il hésita. Il avait juré à Marius qu'il ne l'aiderait pas à se relever, il lui avait aussi dit qu'il s'en irait. Il n'avait qu'à appeler une infirmière et les laisser gérer son insupportable imbécile de fils, tourner les talons et ne plus jamais reparaître devant lui. Il pouvait même décider d'aller s'installer loin de Radcliff pour gérer ses affaires à distance pour être sûr de ne plus interférer dans sa vie. C'était facile. La main posée sur la télécommande permettant à un malade d'appeler une infirmière, il laissa son regard courir du bouton à Marius, et inversement. Rien qu'un geste et il pouvait mettre fin à cette mascarade sans queue ni tête.

Puis, sans savoir comment ni pourquoi il en était arrivé là, Hippolyte se retrouva à saisir Marius par le col, vérifiant qu'il n'y avait personne dans le couloir pour venir à leur rencontre. Il le souleva comme une poupée de chiffon, le poussa dans la chambre et claqua la porte derrière eux. Palpable, glaciale et impitoyable, sa colère semblait émaner de chaque pores de sa peau, comme un essaim furieux d'abeilles. En quelques enjambées, il fut Marius, l'agrippant à nouveau par le col et l'acculant contre le mur le plus proche en ne souciant plus de son état. Se penchant près de l'oreille de Marius, sa voix se fit doucereuse et presque menaçante.

« Ne commets pas l'erreur de te croire tout puissant sous prétexte que c'est toi qui a le doigt sur la détente, Marius... Et ne me fais pas regretter d'être resté. C'est un concours, c'est ça ? Tu as décidé de pousser ton corps dans ses retranchements pour en finir plus vite ? Tu n'as pas encore compris que dans six mois, tout au plus, tu serais six pieds sous terre ? »

Sans la moindre douceur, Hippolyte fini par lâcher Marius. Un à un, il fit craquer ses doigts avec une certaine nervosité qui ne lui ressemblait pas.

« Tu es un imbécile, Marius. Un foutu petit con dont je ne comprends ni les réactions, ni le but. Et je ne suis pas certain que tu saches ce que tu veux, toi non plus. Je ne te demanderai pas ce que tu ferai si les rôles étaient inversés, car tes réactions à mon égard me dépassent, mais si ton frère était dans ton cas. Si Martial refusait de se faire soigner, le laisserais-tu faire ? Tu es un paradoxe à toi tout seul et ça me fatigue. »

En proie à un mal de crâne grandissant et à l'envie irrépressible de sortir fumer une cigarette, Hippolyte se pinça l'arrête du nez en se laissant tomber dans un fauteuil.

« La vérité, Marius, c'est qu'il n'existe pas, le héros que tu attends. Ce père que tu m'as décris pendant un mois n'est qu'un rôle que je me suis efforcé de jouer, et bien mal, si tu veux mon avis. Nous sommes incapables d'avoir une discussion sans nous disputer, incapables de dialoguer ou de construire quoi que ce soit, puisque nous n'avons jamais fait que chercher à détruire quelque chose qui n'existe pas. Et je suis fatiguée de tout ça, Marius. Fatigué de me battre contre toi, contre ce que je suis. »

Il se prit la tête entre les mains, dans un effort désespéré pour mettre ses idées en place. La colère était toujours là, palpable, mais petit à petit, la lassitude prenait le dessus, temporisant la rage qui ne cessait de lui broyer les entrailles.

« Viens te rasseoir... S'il te plaît. Ne te fatigue pas davantage. Si tu tiens vraiment à sauver quelque chose pendant les misérables mois qu'il te reste à vivre, économise toi. Sinon ça ne sert à rien que je reste. A rien, Marius. »

Il releva la tête, croisant les doigts sous son menton pour fixer Marius avec un regard où dansait toujours la flamme de sa colère. Mais malgré tout, il la temporisait, pour une seule et unique raison : Martial avait été enlevé par des hunters mécontents de son retournement de veste et il était introuvable. Victoire avait tenté de le tuer, lui avait avoué avoir essayé d'assassiner Marius 21 ans plus tôt... Et était tout aussi introuvable. A l'exception de Lily, il ne lui restait plus que Marius. Si Hippolyte supportait bien mieux la solitude que son fils, il ne pouvait se faire à l'idée de les perdre un à un sans pouvoir faire quoi que ce soit.

« Je peux faire tous les efforts du monde, Marius, mais je n'arrive pas à accepter que tu puisses mourir du jour au lendemain. Tu n'as pas l'air de comprendre que je ne veux pas m'imaginer portant ton cercueil en terre, c'est... C'est trop dur... Ton frère ne me parle plus depuis des années, ta mère... Ta mère a essayé de me tuer il y a un mois... Et maintenant tu m'annonces que tu ne veux plus te battre ? »

Marquant un temps de silence, il se passa une main sur le visage et fixa un moment le plafond.

« Quelque part, j'aimerais ne pas avoir retrouvé la mémoire. Au moins tu aurais eu une pâle copie du père dont tu as toujours rêvé pendant quelques mois. Ça n'a aucun sens, Marius... Tu l'as dis toi même. Ce n'est pas parce que j'ai décidé de me faire du souci pour toi que du jour au lendemain je vais t'apporter ce dont tu as besoin. »

C'était certes défaitiste, mais surtout très honnête. Hippolyte n'avait jamais eu d'instinct paternel très poussé, et encore moins le manuel du père parfait entre les mains. Il avait souhaité protéger Marius de sa mère, mais n'était-ce finalement pas la maladie qui allait l'emporter ? Trouvant un intérêt tout particulier dans l'admiration du plafond, Hippolyte soupira une fois de plus. Partir ou rester, aucune des deux solutions ne lui convenait.
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MessageSujet: Re: My heart is slowly shattering for you (hipporius)   My heart is slowly shattering for you (hipporius) Icon_minitimeSam 23 Juil 2016 - 18:16

My heart is slowly shattering for you
Hippolyte & Marius



Je n’ai pas d’avenir. En voilà une certitude fermement implanté dans mon crâne d’idiot. Je n’ai pas d’avenir, je n’en ai plus depuis six ans. Incapable de se projeter dans le temps, incapable de se projeter dans dix ans. Je n’ai pas d’avenir. C’est un aveu. Atone. Un fait, même pas une question ou une déclaration à remettre en question. Et de toute évidence, ça, mon père refuse de le comprendre. Son hurlement me fait l’effet d’une gifle, et comme depuis toujours, je me redresse pour relever le menton et ne pas, ne surtout pas, baisser les yeux et lui laisser le droit d’avoir une quelconque ascendance sur moi. Insolent, insolent jusqu’au bout des ongles, même après une tentative de suicide, même lorsque je viens de lui faire comprendre que le peu d’estime que je me porte va au-delà d’une absence de confiance en soi. Je ne m’aime pas, je me déteste. Je n’ai pas d’avenir : pire encore, je ne vois pas le moindre intérêt à ma vie. Et ça, il le sait, mais il ne le comprend pas. Personne ne peut le comprendre. Parce que c’est incompréhensible. Surtout pour des hommes d’exception comme peuvent l’être Martial et mon père. Je me prends son cri de plein fouet, je me prends sa colère de plein fouet. Au lieu de t'apitoyer, tu ferais mieux de songer à tout ce que tu vas laisser derrière toi si tu refuses de bouger ton petit cul de poltron ! » Je serre les dents, je me pince les lèvres pour m’empêcher de répondre. Et je ferme les yeux. Résigné, quelque part.

Résigné à vraiment avoir cette discussion avec lui, résigné à l’écouter tenter de me faire entendre raison alors que je refuse de me laisser atteindre parce qu’il me dit. En parler à Martial ? Vraiment ? Non, il en est hors de question. Ne rejette pas ceux qui te tendent la main. La bile dans ma gorge me brûle l’œsophage. Non, je laisserai Martial en dehors de ça aussi longtemps que possible. Si je suis le seul à me détester ? Et bien peut-être, mais dans tous les cas, je me déteste suffisamment pour compenser les autres. Mais il ne comprend pas. Parce que personne ne comprend. Et jamais cette solitude intellectuelle dans laquelle je me suis progressivement enfermé, protégé par l’armure de mon inconséquence, de ma désinvolture, de mon immaturité, de mes pitreries, jamais cette solitude ne m’a paru aussi exacerbée qu’à cet instant. Bien sûr que je me déteste, comment est-ce que ça pourrait en être autrement ? Et il pourra claquer la langue autant qu’il voudra, il pourra même me faire un concert de claquettes et de beatbox, ça ne changera rien. Strictement rien. Comme ça ne changera rien au fait que de toute évidence, nous sommes tous les deux aussi épuisés l’un que l’autre par ce conflit constant, cette tension omniprésente à chaque fois qu’on est tous les deux dans la même pièce. Putain que son amnésie me manque, malgré son côté faux, malgré l’hypocrisie, malgré la comédie que c’était. Parce qu’au moins, on s’inventait une complicité, on se perdait dans… dans je ne sais pas quoi. Une pièce de théâtre ridicule qui suivait un script que j’avais écrit à sept ans avec mes mots maladroits et mes fautes d’orthographe. Tout ce qu’il reste, maintenant, ce sont mes fautes, leurs conséquences et leurs causes, comme des mouches qui nous tourneraient autour et qui hésiteraient à se poser sur le cadavre en décomposition de ma vie et de ma relation avec le reste de ma famille. Si je me déteste ?

Mais bien sûr que je me déteste. Il faut qu’il le comprenne, il faut qu’il le retienne. Tout comme il faut qu’il comprenne que non, je ne le laisserai pas partir. Pas m’abandonner. Que s’il le faut, je me lève, que s’il le faut, j’arrache toutes ces électrodes plantées dans mon torse, dans mes bras, que s’il le faut, je compte laisser les machines s’affoler à la recherche de mon pouls, que je vais rester debout le temps qu’il le faudra, que je le traiterai de lâche le nombre de fois qu’il le faudra. Lâche, c’est un lâche. Rien qu’un lâche, s’il m’abandonne encore. Je suis peut être illogique, je suis peut être incohérent, mais là-dessus, je sais ce que je veux, ou plutôt je sais ce que je ne veux pas. Oui, c’est lui, c’est lui le lâche. Et oui, justement, c’est ça, c’est ma façon de me venger. Je suis muet, je reste muet, je reste immobile, même, juste satisfait de le voir rester même si sa colère transparait dans chacun de ses mots, dans chacun de ses gestes, dans son agitation qui lui fait faire les cent pas devant moi. C’est lui qui s’énerve, c’est moi qui reste calme, c’est surréaliste. Tout comme ces mots que je crache avec aplomb, tout comme ce regard que je fixe dans le sien, tout comme cette fatigue que j’ignore, que je mets de côté pour ne pas m’effondrer. Jambes engourdis, cœur anarchique, volonté de fer. Je vais bien. Non je ne m’allongerai pas. Tu es trop faible. Non je ne suis pas faible, je refuse de l’être, je refuse qu’on s’apitoie sur mon sort, je refuse même qu’on en parle, je refuse, je refuse tant de choses que je n’ai pas fini d’en faire la liste. J’ai tenté de me suicider, en conséquence de quoi je suis plus diminué que jamais, alors non, il n’est pas question que je reste dans cet état là, malgré tous mes efforts pour rester prostré au fond du trou. Marius est incapable de ne pas se battre, de ne pas se relever, Marius est un battant même s’il ne se bat pas comme il faut. Parce qu’il ne fait jamais les choses comme il faut. Parce qu’il ne sait pas faire les choses comme il faut. Je vais bien. « Non tu ne vas pas bien, Marius. Tu es malade. Ton cœur est malade. Mais s'il n'y avait que ton cœur... On peut le réparer, le soigner, t'accorder une deuxième chance... Mais ta volonté, elle, est brisée. Tu n'as pas envie de te battre, tu préfères t'endormir dans ce lit et ne plus te réveiller et ça... J'ai bien peur qu'on ne puisse pas le soigner. Parce qu'aucun remède n'en viendra à bout si tu ne te bats pas. Je ne sais plus quoi faire. » C’est faux. J’ai envie de me battre. Pour mes gosses. Pour Astrid. Pour Martial. Je n’ai juste pas envie de me battre pour moi, et ça… ça c’est mon problème. A moi. Voilà tout. Même si je sais au fond de moi que mon père a raison, et que j’ai tort. Putain que j’ai tort. C’est juste que même en sachant que je me trompe, je n’arrive pas à voir les choses autrement. La faute à qui ? Je ne sais plus quoi faire. « Alors ne fais rien » je concède à mi-voix. Accepte, putain, accepte.

J’inspire à fond, je le laisse parler, je tente de l’écouter. Des solutions, tu en as une infinité. Non, des solutions, j’en ai un nombre limité. Très limité. Et comme j’exclus toutes celles qui impliquent de faire de moi un cadavre ambulant, je préfère aller directement à la case cadavre refroidi. Il y a une troisième solution, c’est qu’il accepte que je meure, qu’il accepte que j’ai accepté il y a longtemps de ne pas fêter mes trente ans et puis basta. Je déglutis. Il a parlé, c’est à mon tour de lui dire ce que j’en pense, avec un calme qui me sidère et me glace le sang, un calme qui est en écho avec mon sérieux. Infini. Je vais mourir. Rentre toi ça dans le crâne, Papa. Je vais mourir. Et tout ce que je lui demande, au final, c’est de me laisser le droit d’avoir un père pendant les quelques mois qui me reste et puis…, yolo. Voilà, yolo. Dans tout le sens que peut porter ce mot. Yolo. Le seul droit qu’il a, c’est de m’accorder ce que je veux, de rattraper le temps perdu, c’est d’écouter le tic-tac du compte à rebours et de s’en mordre les doigts. « Si nous faisons ça, Marius, ça ne sera qu'une ridicule mise en scène. Il n'y aura rien d'honnête là dedans, rien que deux imbéciles faisant semblant pour avoir l'impression de passer les derniers mois de ta vie dans l'entente et la joie. Je serai incapable de te regarder dans les yeux sans voir l'épée de Damoclès qui pend au dessus de ta tête. » J’hausse les épaules. « Tant pis pour toi » avant de reprendre, de plus en plus acide, de plus en plus blasé, de plus en plus lucide. Comme si je ne l’étais pas assez. Qu’il accepte les termes du contrat ou pas, je suis fatigué d’avoir à me battre avec lui, finalement. J’en ai ras le bol de me soucier de mon cœur, de me soucier des Hunters, de me soucier de mon père qui se réveille juste parce que je vais crever comme un chien. Toutes les menaces du monde ne marcheront plus sur moi, je n’ai plus le hand, je n’ai plus mon frère comme je pouvais l’avoir, je n’ai plus son fric, je n’ai plus d’espoir, plus d’avenir, plus de vie, il ne peut plus me faire chanter. Son seul point d’appui pour ça, c’est sa présence, mais il tombera plus bas que bas dans mon estime s’il m’abandonne encore. Et il le sait. Alors qu’il se mette mon doigt d’honneur là où je pense, c’est moi qui me casse, c’est moi qui le laisse, c’est moi qui prend ce qui reste de ma vie en main et qui fais mes propres choix.

Même si c’est pour chuter quelques mètres plus loin, dans le couloir. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine, la sueur dégouline sur mon front dans une pointe de douleur. La fatigue me fait trembler, des étoiles s’agitent mais je mobilise toute ma volonté pour rester conscient. Et j’attends. Une seconde. Deux. Trois. Quatre. Trop. J’attends : de pouvoir respirer, de pouvoir me mettre à quatre pattes, de pouvoir me relever. De me rendre compte qu’il ne me relèvera pas, comme il me l’a promis. Je ferme les yeux, pour prendre mon inspiration. Poser un poing sur le sol, poser mon genou sur le sol, m’accroupir. Et me mordre la lèvre. Non, je ne lui demanderai pas de m’aider. Non, je ne l’appellerai pas. Je ne geindrai pas. Je ne me plaindrai pas. Il en est hors de question. Même si le moindre de mes gestes menace de se transformer en chute ou en douleur aigue dans ma poitrine.

Et mon cœur, justement, fait un bond dans ma poitrine lorsqu’une main me saisit au col, m’envoie contre un mur et claque la porte, lorsque je me retrouve acculé, entre le regard de mon père, lorsque sa bouche persifle à mon oreille, sans me laisser la moindre chance de me débattre. « Ne commets pas l'erreur de te croire tout puissant sous prétexte que c'est toi qui as le doigt sur la détente, Marius... Et ne me fais pas regretter d'être resté. C'est un concours, c'est ça ? Tu as décidé de pousser ton corps dans ses retranchements pour en finir plus vite ? Tu n'as pas encore compris que dans six mois, tout au plus, tu serais six pieds sous terre ? » D’un geste faiblard, je profite de sentir sa prise se desserrer pour le repousser. Force de chaton, volonté de lion. « T’as rien écouté ? Je l’ai compris, bordel, mieux que toi ! » Je déglutis. Encore. « C’est pas un jeu, c’est… » « Tu es un imbécile, Marius. Un foutu petit con dont je ne comprends ni les réactions, ni le but. Et je ne suis pas certain que tu saches ce que tu veux, toi non plus. Je ne te demanderai pas ce que tu ferais si les rôles étaient inversés, car tes réactions à mon égard me dépassent, mais si ton frère était dans ton cas. Si Martial refusait de se faire soigner, le laisserais-tu faire ? Tu es un paradoxe à toi tout seul et ça me fatigue. » Je secoue la tête. « Martial est pas malade. Et Martial n’est pas au courant, me parle pas de Martial » Hargneux, teigneux, je montre les crocs dès qu’on parle de mon frère. Parce qu’en soi, c’est la seule chose que je peux répondre à tout ça. Parce qu’en soi… il n’a pas tort. Si un jour j’apprenais que mon frère allait mourir… je deviendrais fou. Fou de colère, fou de douleur, je le traînerais moi-même sur la table d’opération, je lui foutrais des baffes à n’en plus finir. Sauf que… « La vérité, Marius, c'est qu'il n'existe pas, le héros que tu attends. […] » Je relève les yeux vers mon père. Mon père. Nous sommes peut être incapables d’avoir une discussion posée, je ne suis pas d’accord avec lui. On a fait du chemin en quelques mois. Je suis sûr qu’en faisant des efforts, si j’arrive à corriger mes défauts, si j’arrive à être un peu moins raté, on pourra… « Viens te rasseoir... S'il te plaît. Ne te fatigue pas davantage. Si tu tiens vraiment à sauver quelque chose pendant les misérables mois qu'il te reste à vivre, économise toi. Sinon ça ne sert à rien que je reste. A rien, Marius. » S’il te plait. Je m’exécute. Immédiatement. C’est fou ce comme un simple s’il te plait réussit là où les ordres et les menaces, les agressions et les aboiements ont toujours échoué. « Je peux faire tous les efforts du monde, Marius, mais je n'arrive pas à accepter que tu puisses mourir du jour au lendemain. Tu n'as pas l'air de comprendre que je ne veux pas m'imaginer portant ton cercueil en terre, c'est... C'est trop dur... Ton frère ne me parle plus depuis des années, ta mère... Ta mère a essayé de me tuer il y a un mois... Et maintenant tu m'annonces que tu ne veux plus te battre ? » Mes doigts effleurent le lit, je m’y assoies lentement. Prudemment. « Alors c’est vraiment Maman ? Je… » Je me tais. « Quelque part, j'aimerais ne pas avoir retrouvé la mémoire. Au moins tu aurais eu une pâle copie du père dont tu as toujours rêvé pendant quelques mois. Ça n'a aucun sens, Marius... Tu l'as dis toi même. Ce n'est pas parce que j'ai décidé de me faire du souci pour toi que du jour au lendemain je vais t'apporter ce dont tu as besoin. » Je secoue la tête. Avant d’inspirer. Et d’hausser les épaules. Comme un petit garçon. Ce que je suis encore. Malgré mes vingt-sept ans. Malgré mes deux enfants. Malgré, malgré, malgré toutes ces années. Je suis un gosse. Et ça aussi, il n’a pas l’air de l’avoir compris. Je suis un gosse que l’on braque lorsqu’on lui hurle dessus, que l’on terrifie lorsqu’on le méprise, que l’on apeure lorsqu’on l’ignore, que l’on traumatise lorsqu’on ne lui parle pas. Je suis un gosse qu’il fait câliner pour faire parler, auquel il faut montrer sa faiblesse pour qu’il accepte d’entrouvrir ses mains pour montrer les écorchures qu’il s’est fait et qu’il faudrait soigner. Sauf que mes écorchures à moi, elles ne sont pas visibles. Sauf que mon père, lui, il n’accepte jamais de baisser d’un ton, d’être doux, d’être calme. Sauf qu’il n’a jamais vraiment tenté de m’apprivoiser. Avant maintenant. S’il te plait. « Moi j’ai besoin d’y croire. Que tu le veuilles ou non, tu es mon héros, tu sais. Un peu. Moi, j’ai besoin de croire que… on peut construire quelque chose. Que… Moi aussi, j’aurais préféré que tu ne retrouves pas la mémoire, parce que tu aurais été surpris par ma mort comme tout le monde et vous vous en serez vite remis. J’aurais préféré aussi ne pas me réveiller. J’aurais préféré ne pas être un mutant. Ne pas être malade. Ne pas faire… ce que j’ai pu faire pour que Maman me déteste. Mais voilà, c’est comme ça. C’est la vie. » Je soupire. Encore. Avant de tirer de sous mon oreiller une oreille, un museau, une patte, un lapin. Un Chester. Et un sourire triste s’étire sur mes lèvres.

Un Chester. Le Handball. A six ans, j’étais plus combattif que maintenant. « Merci d’être resté. » Parce que j’étais moi, déjà. Mais aussi parce qu’il était là. « On peut faire un deal ? » Gamin. Je pose Chester, mon vieux Chester, sur mes genoux, tourné dans la direction de mon père dont j’évite sciemment le regard. La patte de mon lapin s’anime dans mes mains pour faire coucou à mon père. « Tu restes, tu acceptes que je vais mourir et tu arrêtes de me faire une scène. » Je tire sur une oreille pour lui faire pencher la tête sur le côté. Toujours sans relever les yeux. « Et moi je cherche une bonne raison de me battre. » Enfin… j’essaye. « Mais il faut que tu comprennes que… j’ai fait une connerie, je sais. Je ne la referai pas une deuxième fois, certainement pas. Mais il n’empêche que je l’ai faite en toute connaissance de cause. Et que… ça veut dire que jusque là, je n’avais pas trouvé de… bah… de bonne raison d’exister, juste des bonnes raisons de disparaître. Donc… faut que tu essayes de… bah… trouver des trucs… originaux. sort of. Tu vois ? » J’ai quel âge déjà ? « Je vais sortir quand d’ici ? »


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Dernière édition par Marius Caesar le Sam 6 Aoû 2016 - 9:10, édité 1 fois
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My heart is slowly shattering for you (hipporius)

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