Ce n’était pas souvent que Maiken pouvait venir chercher sa fille Sigrid à l’école, mais quand elle en avait l’occasion, elle avait l’impression que c’était une petite victoire et elle s’en faisait une joie longtemps à l’avance. Aujourd’hui, elle avait pris son après-midi pour s’octroyer un peu de temps pour elle-même. Elle avait fait du shopping, s’était même accordé une petite visite au salon de beauté pour se payer un petit massage rapide qui l’avait laissée complètement détendue et d’une humeur bien meilleure que ces derniers jours. Elle avait eu énormément de travail depuis quelques semaines, et elle s’était mise une pression folle pour réussir à boucler tout ça. Mais dans le fond, ce n’était pas l’excès de travail qui l’avait épuisée : elle avait toujours aimé travailler dans l’urgence, c’était comme ça qu’elle était la plus efficace. Non, ce qui rongeait ses nerfs depuis des semaines, c’était l’absence de hunter autour d’elle. En-dehors de Felix, qu’elle avait revu quelques fois et qui s’était bien gardé de faire la moindre mention de ses activités de chasseur, elle n’avait pas revu un seul d’entre eux, plus personne n’était venu la voir avec les menaces habituelles. Ce calme apparent angoissait Maiken plus qu’elle ne voulait l’avouer, et elle ne parvenait pas à apprécier pleinement cette toute nouvelle liberté. Felix lui avait pourtant assuré qu’il ferait le nécessaire pour que Beatrix ne vienne plus la tourmenter, et elle avait fait de son mieux pour le croire, mais elle n’avait pas pensé que ce serait si efficace … Ni si soudain. Au lieu d’en profiter, elle avait l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de sa tête … Et le fil qui la retenait lui paraissait plus fin chaque jour qui passait. Mais elle avait fini par écouter Felix, par croire qu’il avait tenu ses promesses, et elle s’était enfin détendue. Le temps d’un après-midi, elle avait oublié mutants et chasseurs pour ne plus penser qu’à elle. Et à sa fille qu’elle allait pouvoir récupérer à l’école ! C’était une surprise qu’elle lui faisait, elle avait hâte de voir sa bouille surprise quand elle verrait sa mère au lieu de sa nounou au portail de l’école. Sigrid se plaignait bien assez souvent que Maiken rentrait trop tard du travail et qu’elle ne la voyait jamais – ce qui était tristement vrai. Mais elles allaient rattraper un peu du temps perdu aujourd’hui, Maiken allait lui faire des pancakes en revenant à la maison, et elles iraient sans doute se balader ensemble pour ramasser les dernières fleurs des champs … C’était un programme qui mettait le sourire aux lèvres de la jeune femme rien que d’y penser, et c’est d’une démarche légère qu’elle se dirigea vers l’école maternelle.

Elle se faufila au milieu des autres parents pour se retrouver devant le portail, et regarda autour d’elle. Elle constata avec un peu de désarroi qu’elle ne connaissait aucun des visages qui l’entouraient, elle n’avait jamais eu le temps de connaître les parents des petits camarades de Sigrid. Encore une chose qu’elle devrait faire ! Il fallait qu’elle se détache un peu de son travail pour participer un peu plus à la vie de sa fille. Qu’elle se mêle aux autres parents ! Ca ne pourrait pas lui faire de mal. Ce serait sans doute une bonne chose de savoir qu’il y avait d’autres personnes sur qui elle pouvait compter, chez qui elle pourrait laisser Sigrid quelques heures sans craindre pour sa vie à chaque instant. Elle eut un sourire un peu amer à cette idée : elle était tellement anxieuse que Sigrid révèle par accident qu’elle était mutante qu’elle aurait bien du mal à la laisser aller jouer chez d’autres enfants, même si elle connaissait les parents. Mais il faudrait qu’elle s’y résolve … Un jour. D’abord elle apprendrait à connaître tous ces gens, et ensuite elle verrait bien comment elle pourrait gérer le problème de la confiance.

Maiken ne fit pas attention à l’homme qui se plaça à côté d’elle, les yeux fixés sur la cour de récréation encore vide. Quand il s’adressa à elle, elle se tourna vers lui, un peu surprise. « Bonsoir Maiken » Elle le détailla rapidement, mais son visage ne lui disait absolument rien, elle était certaine de ne l’avoir jamais vu. Il semblait avenant, son sourire était amical et sa voix aimable. Immédiatement, elle pensa qu’il devait être un parent d’élève venu lui aussi attendre sa progéniture. Ici, elle ne pouvait pas s’attendre à quoi que ce soit d’autre. « Bonjour ! » Fit-elle avec un grand sourire. Autant se montrer sympathique tout de suite si elle voulait créer des liens ! « Je suis désolée, je ne sais pas si nous nous sommes déjà rencontrés. Votre enfant est dans la même classe que ma fille ? » Il connaissait son prénom, et ce détail était un peu incongru, mais cela ne l’inquiéta pas outre mesure. La ville n’était pas si grande, et il avait du l’entendre à l’école, ou ailleurs … Ca n’avait pas beaucoup d’importance, après tout. « Je ne viens pas souvent la chercher, je n’ai pas encore retenu tous les visages. » Ajouta-t-elle sur un ton d’excuse, sans se départir de son sourire.