Le terrain de jeu du chasseur repose en forêt, là où les animaux se dissimulent entre les arbres dans l’espoir de ne jamais pas être attrapés et en sortir vivants. Entrainé à pister et flairer les cachettes les plus dissimulées dans les ténèbres boisées, son fusil à l’épaule, il tuait le gibier qu’il ramènerait ensuite chez lui pour le faire cuire.
L’image plutôt archaïque de ses tueurs d’animaux ressemblait à ceux des contes d’enfants, et la vision populaire que la société pouvait en avoir. S’il en restait évidemment pour effectuer ce sport par pure passion de la tracte de gibier animal, les plus modernes traquait les anomalies de la nature. Mutants, ceux dont les capacités semblaient impossibles et pourtant présentes dans leur compétences et leur caractère. J’avais tout appris par mon père  à les combattre et les tuer, pour éviter à cette race dégénérescente de changer l’humanité en monstres. Ils n’avaient pas le mérite de vivre, pas le mérite d’être sur cette Terre, et cette idée extrême m’accompagnait depuis mes premiers entraînements, depuis que mon père m’avait désigné comme recrue de la famille pour faire perdurer le nom dans la troupe. Absolument pas bâtie sur des idées religieuses, ma famille se revendiquait chasseurs par simple conviction, simple envie. Notre volonté propre régissait nos actes. Chaque famille avait son lot de secrets malgré tout, et Marius en faisait partie. Mon frère était comme ceux que nous tuions quotidiennement, sans pouvoir expliquer d’où cette possibilité provenait. Je ne pourrais le tuer, même en ayant conscience de sa nature. Alors pourquoi le faire pour les autres finalement, n’était-ce pas stupide de condamner ceux qui ne l’avaient pas choisi, pas désirer ? L’idée se développait en moi, se propageant d’une certaine manière pour remettre en doute les fondements enseignés.

Je ne pouvais échapper à certains raids organisés. Ma non-présence entraînerait certainement un questionnement de la part des autres chasseurs, et il n’était pas question de passer pour le traitre et finir également par mourir également ; qui protégerait mon frère si je n’étais plus là ? Je n’accordais de confiance à personne pour le faire. Dans la forêt où je m’enfonçais, ce n’était pas un fusil que je tenais entre mes doigts, mais un pistolet chargé. En traque d’un fugitif, nous étions au moins trois sur sa piste à le chercher. Dans les profondeurs de la forêt sombre, difficile de localiser l’homme. Mes pas s’enfonçaient de plus en plus dans le sous-bois, prenant soin de ne pas avertir de ma présence par le bruissement des feuilles écrasées sous mes pieds. Un bruit me fit comprendre que je n’étais pas le seul dans les parages, et je brandis mon arme devant moi tout en me rapprochant du son entendu.
La silhouette ne ressemblait nullement à celle du fugitif que je recherchais. Bien au contraire, l’apparence était tout à fait charmante, de celle qu’aucun homme ne pourrait résister, les hormones bien trop bouillonnantes par l’apparition d’une femme dénudée dans la forêt. Nul besoin de préciser que son accoutrement la trahissait facilement, à moins que ce ne soit une folle dégénérée, ce qui ne fut guère ressenti par l’éclair de lucidité de celle-ci et sa réaction à mon approche. Il fut bien trop tentant de me permettre une remarque amusée sur mes traits face à une apparition de la sorte, mon arme désormais abaissée.

« Le nudisme dans les bois en hiver par une si jolie fille… cela vous prend souvent ?»

Retirant mon manteau avec rapidité, je ne le lui lançais pour  qu’elle puisse se vêtir de sorte de se couvrir pour éviter le froid  et la maladie, à moins que les mutants n’en aient pas eux-mêmes… Il était préférable qu’elle retrouve un peu de dignité, surtout que nous allions rejoindre la ville pour éviter que mes deux collègues ne la croisent. Sans pour autant montrer un semblant d'inquiétude sur mes traits, l'urgence et l'imprévu me faisaient prendre des décisions hâtives pour lui assurer une certaine survie.

« Mettez ça sur vous et suivez-moi. Dépêchez-vous. Il y a d’autres chasseurs ici, et s’ils vous voient, vous êtes finie. »

Ce qui la motivait à me faire confiance ? Rien, si ce n’était sauver sa vie…