i. êtes-vous originaire de radcliff ?
Yép, j'y ai vécu jusqu'à ce que je quitte le lycée. Mes parents ont déménagé quelques années après. Je garde un bon souvenir de mon enfance,c'est pour ça que je suis revenu ici depuis quelques semaines. Je tente de retrouver mes repères mais les choses semblent avoir bien changé depuis le temps. 

     ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
Non, pas encore. Je tente de me faire discret depuis toujours et de paraître aussi normal que possible. Même si je cautionne pas leurs agissements, je peux comprendre leurs motivations. J'espère ne pas avoir à en affronter un de sitôt mais je me fais pas trop d'illusions. Ils finiront par m'identifier.


     iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
Jamais volontairement. Je veille à contrôler ça un maximum. Je réalise bien qu'il est inoffensif et à vrai dire, je vois même pas à quoi il me sert. Il m'arrive souvent de pas réussir à le maîtriser dès que je fais face à une émotion trop forte et négative. J'ai toujours peur de perdre totalement le contrôle et de me faire griller mais c'est encore jamais arrivé.

     iv. pensez-vous que les mesures mise en place par le gouvernement sont suffisante ?
J'en sais rien. A vrai dire, j'ai confiance en personne. Ni au gouvernement, ni aux autres mutants, ni aux humains. Je pense pas qu'ils soient capables de protéger qui que ce soit. Personne ne le peut. Je n'ai pas de solution miracle après mais voilà, je pense que tout le monde est largué et que l’extrémisme est jamais une réponse à ça.

D'aussi loin que je me souvienne, Jimmy n'avait jamais été très vaillant. Il se faisait piquer ses barres chocolatées dans la cour de récré puis racketter au collège le peu d'argent de poche que notre pauvre mère lui filait. Fallait toujours que je fasse le ménage pour lui et que je recadre les gosses de sa classe. On avait cinq ans d'écart lui et moi. Je devais bien assumer mon rôle de grand frère. Après, forcément, je ne pouvais pas toujours être là. Quand j'ai quitté le lycée, je pouvais plus trop garder un œil sur lui. Les choses se sont naturellement empirées pour lui et il a fini par réagir d'une façon inattendue... Les parents des mômes venaient trouver les miens pour les disputer avec des motifs sordides. On a mis longtemps avant de comprendre ce qui clochait chez lui d'ailleurs. Quand je dis « on », c'est surtout moi. Mes géniteurs ont rien voulu savoir. Pour eux, c'était des accidents. T'as déjà vu un gamin qui hurle à la mort en prétextant qu'on est entré dans sa tête ? Ils traitaient ses victimes de menteurs et voilà. Incapables de s'avouer que Jimmy avait un don – ou un défaut, j'avais jamais réussi à me positionner tout à fait dans un camp ou l'autre par rapport à ça. Il savait pas le contrôler. Un jour, il a répondu à toutes les questions qui me traversaient l'esprit et j'ai pigé ce qu'il faisait subir aux autres. Il ne me l'a jamais fait à moi – encore heureux ! Mais il était capable de rentrer dans le crâne de n'importe qui. C'était dangereux et on était largués lui comme moi. Il était terrifié par ce qui lui arrivait et j'avoue que j'étais aussi pas mal impressionné. Je me suis convaincu qu'il allait finir par maîtriser ça et me suis appliqué à lui faire comprendre ça. A part quelques gamins effrayés, il n'y avait  rien eu de tellement grave après tout. J'avais toujours intrigué par sa spécialité sans même m'apercevoir de la mienne. Beaucoup de choses déconnait quand je passais à proximité et on avait pris l'habitude de rire avec ça. Du genre que j'avais assez de plomb dans la tête pour dérégler les trucs. J'ai réalisé ce que j'étais que des années plus tard – le même jour, la même heure où Jimmy a définitivement perdu toute maîtrise.

Mais faut que je raconte ce qui s'est passé entre. J'avais jamais été un grand bosseur, pas spécialement dissipé mais j'étais comme beaucoup d'autres garçons, provoquant et cherchant obstinément l'attention. Franchement, en dehors des radios qui grésillaient à mon approche, mon existence avait toujours été plutôt banale. J'avais décidé d'être flic pour suivre un pote et finalement, ça m'a plu. On peut même dire que j'avais trouvé ma voie. Peu de temps après que j'ai pris fonctions, j'ai rencontré Megan. Grande brune, un peu grande gueule. Elle avait manqué de frapper le mec qui avait percuté sa voiture – c'est le genre de nana qui me plaisait. J'ai pris son numéro et je l'ai rappelé. Quatre ans après, on était mariés. Ouais, j'aurais pu continué ma petite vie paisible et sans histoires. Mais ma mère m'a appelé un matin. Jimmy n'allait pas bien. J'ai pas hésité à poser plusieurs jours de congés pour aller le voir. Il était devenu à moitié fou, il marmonnait sans arrêt et se montrait violent avec n'importe quelle personne qui l'approchait. N'importe qui. Sauf moi. Je l'ai raisonné et j'ai tenté de comprendre son état. Il ne contrôlait rien du tout. Lors du repas, le soir de mon arrivée, il s'est mis à hurler sur nos parents avant de se recroqueviller dans un coin de la pièce. Je ne sais toujours pas ce qu'il a entendu dans leurs pensées mais ça l'a mis hors de lui. Nos géniteurs ont crié tellement fort que j'en ai eu mal aux tympans. J'ai jamais eu aussi peur de lui que ce jour-là .Il aurait pu les tuer, il allait les tuer. J'ai dû l'assommer pour qu'il s'arrête. Mes parents s'étaient évanouis et je ne savais quels dégâts il leur avait causé. Alors j'ai voulu appeler une ambulance. Mon pouvoir ne s'est pas vraiment manifesté en fait. Il avait toujours été là mais je l'ai conscientisé quand j'ai sorti mon portable pour appeler de l'aide. J'ai réalisé que ça clochait chez moi aussi. Je bousillais les ondes. C'était juste devant moi et j'avais cherché à l'ignorer. J'étais comme lui. On était différents tous les deux. Jimmy est rentré avec moi après cet incident. Et ça s'est dégradé entre moi et Megan. J'aime dire que c'est moi qui l'aies quitté mais la vérité, c'est qu'elle s'est cassée sans même me l'annoncer. Je déteste ça – être le dernier prévenu. Je pouvais pas vraiment lui en vouloir après mais j'ai relativement pas aimé qu'on règle le divorce de loin. Je l'ai revu qu'une seule fois dans ce but et elle m'a même pas adressé le moindre regard.

Jimmy allait pas mieux. Au début, j'ai cru à une amélioration quelconque mais ... De toute évidence,  ce n'était pas le cas. J'en étais arrivé à un point où je devais le surveiller quasiment 24h/24. Il pétait les plombs et j'avais déjà envisagé de le faire interner mais qu'est-ce qu'on allait lui faire subir?  Et qu'est-ce qu'on pouvait faire contre ça?

Et puis, c'est arrivé.

Il a fini par tuer quelqu'un avec son pouvoir. J'ai tout plaqué pour lui avant qu'on ne découvre comment et qui avait perpétré ça. On est parti. On avait pas de direction précise et on a vécu sur mes économies quelques temps. Je ne savais pas ce que je devais faire avec lui mais il déconnait toujours autant. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour qu'il évacue, pour qu'il se contrôle. Et puis, un jour, je l'ai retrouvé inerte, pendu au lustre, livide. J'aurais donné ma vie pour la sienne si j'avais pu mais de toute évidence, ça n'avait jamais suffit. Je n'ai jamais voulu revoir mes parents après ça. Je n'ai même pas assisté à son enterrement en fait. Ça fait que deux mois que ça s'est produit et ça commence à me rendre taré à mon tour. Je le vois en rêve régulièrement, j'enchaîne sur des crises de panique insupportables. Je suis revenu à Radcliff en pensant retrouver ce que j'ai perdu - ce que je suis et ce que je veux être. Mais j'ai pas réalisé qu'avec ma condition de mutant, c'était le dernier endroit où je devais foutre les pieds. Je suis arrivé bien après leur histoire de dépistage. Par contre l'incendie... Je me demande si je dois tenter de reprendre du service ou pas. Ça me semble trop dangereux. Sans parler de ma mutation, je pense que je suis pas assez stable pour passer le moindre test psychologique.Alors je tente de me trouver des petits boulots le temps de savoir ce que je vais faire pour la suite.