Made a wrong turn... Once or twice.

Parfois, il lui arrivait d'ouvrir sa fenêtre en grand et d'y passer sa tête. Son regard était tourné vers le ciel, pas le moins du monde intéressée par les rues. Elle aurait tout le temps d'essayer de se frayer un chemin parmi la foule plus tard. La jeune mutante cherchait quelqu'un que le ciel ou même les trottoirs ne pouvaient lui apporter. La barmaid se mordit la lèvre, son regard parcourant les différents nuages cotonneux. C'est avec un grand sourire qu'elle referma la fenêtre. Elle avait envie d'être optimiste, évidemment, sa soeur n'apparaîtrait pas dans un couloir en lui demandant si elles se connaissaient. Mais la perspective d'habiter déjà dans la même ville qu'elle était un grand pas.

La vie n'était qu'un immense jeu d'échec et elle n'était pas idiote, elle savait très bien que sur l'échiquier, elle n'était qu'un pion. Seulement, elle se pensait du bon camp. Les transmutants étaient avant tout l'évolution. Les humains pouvaient les tuer en masse, ça ne changerait rien. On n'arrête pas l'évolution, la race des homo sapiens s'éteindrait et ils devraient faire face. Pourvu que Skylar ne soit pas l'une d'entre eux : une chasseuse. Même avec la plus grande détermination du monde, sa soeur ne pensait pas une seconde qu'elle pourrait la sauver dans ce cas-là. Il n'y avait qu'à voir la cruauté de leur père. Non et non, c'était impossible. Pourquoi se fatiguer à changer de prénom si on était innocent ? Dans ce monde où l'homme de base domine, nous sommes en tord dès que nous avons un don appelé mutation.

Diana n'était pas du genre à craindre de se faire harceler ou de se faire draguer dans la rue. On ne peut pas dire qu'elle jouait la prudence niveau goût vestimentaire. Elle portait un haut échancré jusqu'au bas du dos. Il était d'un blanc nacré qui ne lui collait pas au corps, mais avait une petite transparence. Son jean était, comme à son habitude, un slim qui mettait ses courbes en valeur. En voyant son bus filer au loin, elle se mit à harponner le sol de ses petits talons en trottinant. Par chance, le chauffeur l'attendit et elle put monter juste à temps. La jeune femme brune reprit son souffle en remerciant le conducteur et elle s'appuya à une barre avant de monter ses cheveux dans une queue de cheval qu'elle serrait bien. La jeune mutante montrant alors le haut de son dos où figurait un tatouage de papillon qui symbolisait sa liberté.

Avec la grâce qui allait aux bons jours, elle descendit du bus comme si elle venait de descendre les marches de Cannes. Peterson était le nom de famille de sa mère, il lui arrivait de louer le fait qu'elle ne portait pas le même nom de famille que sa soeur depuis cette tragique nuit où sa mère avait été tuée par son ancien amant.

« Diana Peterson... Cinq minutes d'avance. T'as réussi à avoir ton bus pour une fois ? »

Elle offrit un simple rictus amusé à son collègue et pris place au bar tout en lui échangeant quelques banalités. Les informations étaient toujours aussi cinglantes pour les mutants et Diana faisait tout pour ne pas perdre la face. C'est là que l'un des habitués au bar eut encore des paroles malheureuses. Mais la jeune femme avait tissé des liens plus amicaux avec certains des clients, elle se permit de lui jeter quelques gouttes d'eau au visage.

« Arrête de dire que c'est une bonne chose. Et si ta fille se révélait être mutante ? Tu la noierais comme un petit chien ? Que cela te plaise ou non, la mutation, on en descend tous. » Elle lui désigna ses deux joues. « Si on t'as retiré tes dents de sagesse, ce n'est pas pour rien idiot. C'est parce qu'avec l'évolution nos mâchoires se sont réduites, tu n'avais plus autant de place que nos ancêtres. » Elle se pencha vers lui et souffla comme s'il était un traître à son propre sang. « Je ne vois pas de balle entre tes deux yeux pourtant... »

Il balaya les paroles de la jeune femme d'un air bougon et son collègue releva Diana au bar. C'était à son tour de prendre les commandes des arrivants. Elle avait beau décidé de ne faire plus que barmaid, elle avait toujours en mémoire sa façon de vendre les cosmétiques. Il était assez évident de trouver des arguments et elle pouvait être une porte-parole redoutable pour qui était prêt à l'écouter. Son regard était toujours rivé vers la télévision alors qu'elle se plaçait de quelques pas vers une jeune blonde qui s'était installée dans un coin du bar. D'une voix mielleuse et mélodieuse, elle entreprit d'ouvrir la conversation pour prendre sa commande.

« Bonjour, vous avez choisi ? »

Diana se déplaça un peu pour faire face à cette nouvelle cliente qu'elle n'avait jamais vu auparavant, avant d'être frappé par ses deux yeux bleus : Skylar. Sa soeur aînée eut l'impression d'être frappée de pleins fouets, ayant l'impression d'être observée par les deux mêmes yeux qu'elle croisait dans le miroir chaque matin. Elle retrouva rapidement le sourire, ne sachant pas vraiment comment il était sage d'agir. La réponse était pourtant évidente : elle était une cliente, elle devrait la traiter comme n'importe qui et ne pas paraître agaçante avec des regards insistants.

Made a wrong turn... Once or twice.

Contrairement à sa sœur, Diana avait toujours eu le choix. Elle avait choisit d'abandonner Will pour retrouver cette petite tête blonde à qui elle faisait enfin face aujourd'hui. La première fois qu'elle avait découvert Faith, c'est comme si le ciel s'était effondré sur elle. La jeune fille savait qu'elle n'avait pas le droit de la haïr pour ce que Faith avait bénéficié et ce que Diana n'avait jamais eu : un père. Pourtant, vu quel homme il s'était révélé être, la barmaid s'estimait heureuse qu'il n'ait pas souhaité parfaire son éducation. Anciennement Skylar, sa sœur ne pouvait que se demander quel genre de monstre avait pu être éduqué par un père assassin et qui prend plaisir à tuer. Cela aurait été du moins le schéma normal dans une famille où la chasse prime. Mademoiselle Peterson s'accrochait à un ultime espoir, le fait que le gène mutant vienne bien du côté du père. Quelle ironie, n'es-ce pas ? Celui qui œuvrait à leurs pertes en auraient engendrés deux d'entre eux et comble de l'ironie, ce serait son génome à lui le responsable et pas aux femmes qu'il avait souillé de son être. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la jolie barmaid avait une idée bien noire de ce qu'avait pu être l'homme qui aurait dû lui servir de père, mais elle s'en fichait. S'il avait voulu soigner son image, il n'avait qu'à être là. Au lieu de ça, il l'avait non seulement abandonné, mais aussi assassiner sa mère de sang-froid. Les prunelles de Skylar la ramenait à ce visage dur et froid qu'elle avait affronté cette nuit-là, mais aussi à son propre regard. Déterminé, froid mais avec une pointe de courage doublé d'un instinct de survie hors du commun. Elles auraient toutes deux s’appeler Cunningham, par chance, Diana avait prit le nom de sa mère, rejetée par le chasseur.

Dans un monde où les mutants deviennent incontestablement la proie, il n'était pas bon de porter le nom de famille d'un chasseur alors que vous êtes vous-même mutant. Grâce à sa profession, elle savait mieux que personne à quel point les informations pouvaient circuler vite, quelles soient vrais ou non, elle ne voudrait pas être approchée par des chasseurs. Le regard que sa sœur lui porta la foudroya presque sur place. Drôle pour une jeune fille dont le principale problème de santé tourne autour de l'électricité, n'est-ce pas ? Ce regard vide de sentiment allait sûrement la hanter plusieurs nuits et les bras de Will ne serait pas là pour la réconforter. Instinctivement, Diana fronçait les sourcils, comme pour marquer que sa sœur était inconvenante envers elle ; bien sûr, cette dernière s'en ficherait. Pourquoi s'en préoccuperait-elle après tout ? Pourvu que des rumeurs sur le fait qu'elle soit mutante n'est pas circulé. Était-ce la raison de sa présence ici ? Vérifier que Diana était belle et bien une cible à abattre ? Peu importe, elle était trop proche du but pour tout abandonner maintenant. Il lui fallait des certitudes et non des avis poussés par la crainte d'être démasquée et pourchassée.

Non, mille fois non, elle n'avait pas le droit de devenir paranoïaque. Mais le regard de Faith sur la sortie l'inquiéta, si elle était vraiment une chasseuse, elle calculait seulement les chances que sa cible se tire en courant. Sans s'en rendre compte, l'écran de télé commençait déjà à grésiller. Elle était trop proche et en proie au stress. Aussitôt, elle serra dans sa poche plusieurs petits élastiques en caoutchouc. Cela avait le don de lui brûler la peau, mais aussi de masquer un temps léger ses pouvoirs quand ils ne faisaient que s'échapper un peu à son contrôle. Il fallait dire qu'avec ou sans sa sœur, la moitié du bar devait compter de futurs chasseurs ou même des chasseurs confirmés. Un nouveau électrochoc sembla la percuter quand la voix de sa sœur s'adressa directement à elle, c'était nouveau, étrange, pas forcément bien, seulement bizarre pour le moment. En plus son flot de paroles semblaient incohérent. Elle lui offrit le même sourire que Faith lui avait offert et aborda le reste de la salle d'un regard.

« Vous savez... Si vous essayez de me décrire ce qui, pour vous, est un ami. Pour moi, il s'agit de la description d'au moins un quart de ma clientèle. Je ne sais pas ce que fait votre connaissance dans la vie, mais si ce n'est pas un chasseur, dite lui de se comporter autrement. »

Directe et franche, peut-être un peu trop d'ailleurs, mais cette description semblait confirmer ses doutes sur ce qu'était devenue la petite tête blonde qu'elle avait découvert quelques années auparavant.

« Diana... » grommela un homme. « C'est pas parce qu'on peut pas blairer ces saloperies de mutants que l'on est tous des tueurs. Arrête de faire des raccourcis, tu gâches mon plaisir de v'nir dans ce bar, putain. »

La jolie brune semblait particulièrement agacée par l'homme et lui offrit un large sourire hypocrite. Elle lui glissa un clin d’œil et pointa son col de l'index.

« Avant de l'ouvrir, tu feras gaffe aux tâches de sang la prochaine fois... »

L'homme apeuré d'avoir laissé une marque de son dernier meurtre se tordait le cou pour voir si ce que la serveuse avançait était vrai. Il se leva rapidement de son siège et avança à vive allure vers les cabinets. La barmaid soupira, exaspérée par sa propre clientèle et fit mine de rien en souriant aimablement à Faith.

« Il ne devrait pas tarder, ne vous en faites pas. Le bar n'est pas si grand que ça. » affirma-t-elle un sourire en coin. Elle se pinça les lèvres et reprit. « Voulez-vous que je vous serve un verre d'eau avant de faire votre choix ? » Elle n'avait pas la moindre envie que sa sœur se dérobe à elle malgré le risque qu'elle vienne pour la tuer avec son soi disant ami. Son regard loucha sur un homme qui venait de s'adosser au bar. Non seulement il avait la tête du tueur parfait, mais en plus, elle n'appréciait pas le moins du monde la façon dont il semblait fixer dans leur direction. S'il le fallait, ce serait horrible, mais elle se défendrait contre la personne qu'elle était venue rencontrer en arrivant en ville. Son sourire presque forcé se reposa sur sa cliente.

Made a wrong turn... Once or twice.

Diana n'était pas le genre de personne à jouer à la manipulation, tout du moins, elle le faisait sans s'en apercevoir. Elle avait cette incroyable faculté de persuader les personnes qui l'entouraient du bien fondé de ses idées. C'est pourquoi barmaid était une place de choix pour la nouvelle mission qu'elle s'était donnée. Elle n'aimait pas la violence et encore moins ce qui se profilait à l'horizon : une guerre. La jeune femme comptait bien sur son don naturel pour tenter d'apaiser les esprits. C'est certain qu'à petite échelle, cela ne changerait pas la donne. Mais ce n'est pas parce que son but semblait impossible qu'il fallait qu'elle mette un terme à ses idées. Il suffit parfois du soulèvement d'un seul homme pour que les choses changent. Évidemment, comme les trois quarts de la population, Diana ne voulait pas être de ces héros qui sacrifiaient leurs vies pour les autres, elle se pensait trop lâche pour arriver à faire quelque chose d'aussi héroïque. Si elle maîtrisait mieux son pouvoir, il y aurait peut-être des chances qu'elle arrive à ses fins. Mais un grand pouvoir implique de grandes responsabilités et elle ne s'en pensait pas digne. Les bleus qui marquaient son corps était la preuve de sa fragilité et du fait qu'elle ne méritait pas son don.

L'humanité se trompait d'ennemi, il ne s'agissait que d'une nouvelle forme de racisme. Persuadé d'être l'espèce la plus évoluée - encore faudrait-il le prouver -. Ils ne pouvaient pas encaisser que l'évolution continue vers une nouvelle forme de l'homo sapiens sapiens, mais en plus évolué. La mutation est le cours normal des choses. C'est inévitable. Par ailleurs, cette guerre n'avait aucun sens. La vie trouve toujours son cours. Je ne pouvais nier que j'avais une certaine fascination pour le premier film Jurassic Parc, mais ils ont entièrement raison. Si on prend la mutation comme n'importe quelle maladie, cette dernière peut être portée par ce que l'on nomme le plus souvent : un porteur sain. C'est pourquoi, même s'ils arrivaient à leur fin, la mutation reviendrait toujours. Cela fait déjà des décennies que nous évoluons sans même nous en rendre compte. Si on prenait seulement l'exemple du panda. Il doit manger des quantités hallucinantes de bambous, tout bêtement parce qu'il y a longtemps, le panda était un carnivore qui a dû s'adapter à son environnement, mais son estomac n'a pas encore évolué, contrairement à sa mâchoire. Tout ceci était, est et restera de la mutation.

C'était plus qu'idiot, puisqu'au fond, il ne s'agissait toujours que d'une seule et même espèce, contrairement à ce qui s'était passé dans l'évolution avant que l'homo sapiens sapiens gagne. A cette époque, il y avait deux arbres phylogénétiques. Il y avait donc bien deux espèces distinctes de l'être humain. Là, il s'agissait tout simplement de la même espèce qui trouvait un autre cours à son évolution. Cette guerre ne devrait même pas germer dans les esprits, que faisait les scientifiques ? Pourquoi ne tentaient-ils pas de rassurer la population ?

Diana s'apercevait à peine que si Faith était bel et bien là pour la tuer, elle ne faisait que lui donner des instruments et des arguments pour confirmer le fait qu'elle était mutante. Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'une petite serveuse se permettait d'afficher devant sa clientèle qu'être un chasseur était une mauvaise chose. C'est vrai qu'avec un peu de recul, il lui arrivait de se poser la question. Si elle n'avait pas été mutante, les aurait-elle craint ? Aurait-elle voulu aussi leurs exterminations ? Probablement pas avec l'éducation qu'elle avait et son esprit aiguisé. Mais la peur était naturelle chez l'être humain.

Rien n'assurait à la mutante brune que l'homme qui était un client régulier, était bel et bien un chasseur. Elle avait de sérieux doutes, mais que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Mademoiselle Peterson ne voulait rien savoir de toutes ces horreurs, non, jamais elle ne voudrait y être mêlé. C'était paradoxal venant de la personne qui espérait tant devenir proche de sa demi-soeur. Mais elle était ainsi, très attachée aux valeurs familiales. Le regard de Skylar la perturba, elle semblait mauvaise envers l'homme qui s'était caché dans les toilettes. Cela semblait être une bonne chose, mais Diana était bien trop impliquée personnellement au sujet de sa soeur pour être persuadé que ses conclusions n'étaient pas le fruit de ses espérances. Elle se pinça les lèvres quand cette dernière alla rejoindre les toilettes à son tour. Cette action presque précipitée l'intrigua, mais c'était sans compter la façon dont Faith la prévenait. Théoriquement, elle pouvait très bien s'enfuir par la fenêtre des toilettes qu'une simple barmaid ne lui en tiendrait pas rigueur, surtout pour un verre d'eau. Pour Diana, il s'agissait de sa soeur, mais cette dernière l'ignorait totalement. Elle retourna donc au bar pour lui faire son simple verre d'eau, cherchant les mots pour pouvoir tenter d'entamer une conversation quand la petite blonde serait revenue.

Alors qu'elle venait de poser le verre pour sa soeur, l'alarme à l'incendie se déclencha. « C'est pas vrai... » murmura-t-elle. Un léger vent de panique se fit dans le bar, l'un des habitués agrippa même le bras de Diana. « T'imagine ? Tu feras moins la maligne s'il s'agit d'un mutant pyroman ! » La barmaid se pinça le nez alors que chacun se rendait vers la sortie. « Fais quelque chose pour ton haleine, parce qu'elle est mutante, je te jure. » L'homme pestiféra et commença à se tourner vers la sortie à son tour. Le patron lui fit signe de faire attention à ce qu'il n'y ait plus personne dans le bar. Après qu'elle ait acquiescé, il prit la poudre d'escampette. Courageux le boss. Trop distraite par cette alarme, elle en avait oublié l'homme au bar. Après avoir vérifié la salle d'en bas, la jolie brune remonta et croisa ce dit client.

« Vous devriez être déjà... » Son souffle en fût coupé alors qu'une effroyable douleur se manifestait dans son bas ventre. Son regard trouble s'attarda sur l'endroit de la douleur, alors que l'une de ses mains se posaient naturellement sur la cause de cette profonde gêne.

« Bons baisers de Détroit ma douce... » Diana tenta de regarder l'homme dans les yeux, comme si elle comptait le reconnaître. Tueur de mutants ? Ou était-ce une raison politique ? Alors que l'homme retirait son couteau pour le planter dans son coeur encore palpitant, du mouvement le perturba et il poussa simplement la pauvre Diana qui dégringola dans les escaliers. Son sang se répandait sur le sol, mélangé à l'eau qui tentait d'éteindre un feu invisible.

La jeune femme se sentait partir dans les tréfonds dans un sommeil sans réveil. Pourtant, ses pensées étaient prises par un autre problème. Qu'arriverait-il si elle tombait dans le coma avec toute cette eau ? Si quelqu'un était encore dans le bar, il risquait d'en mourir électrocuté.

Made a wrong turn... Once or twice.

Diana avait ce petit côté moralisateur a en faire craquer plus d'un. L'une des phrases qui se retrouvait le plus souvent dans sa bouche et mourrait sur ses lèvres était sûrement : « Ça ne se fait pas, c'est tout. » Elle ne condamnait jamais son entourage, voyant toujours une petite lueur d'espoir pour chaque être vivant au monde. Par contre, elle ne se privait jamais de dire quand elle n'était pas d'accord avec les moeurs d'autrui. La jeune brune était aussi capable de tourner le dos à quelqu'un, mais à part son père, elle n'avait jamais plus ressentit de haine pour quiconque. Elle estimait que c'était ce genre de sentiment qui tuait à terme. Parfois ça coûtait beaucoup, mais il fallait savoir sourire de façon hypocrite et garder les vengeances pour d'autres. Certains ne cherchent que la provocation dans l'attente d'une réponse, ça leur prouve qu'ils ont du pouvoir et qu'ils peuvent faire mal. Diana ne leur donnait pas cette satisfaction, mieux vaut ignorer les simples d'esprits. Ceux qui blessent pour se sentir puissant ne sont que des imbéciles qui n'ont pas compris la valeur de la vie. Être du bon côté comme elle avait aussi ses inconvénients. Seulement, il suffit d'un merci ou d'une reconnaissance quelconque pour se dire que cela en valait vraiment la peine. Parce que, contrairement aux âmes vils, elle le méritait. Peu importe le nombre de crétins qui occupaient cette Terre, tant que des gens bien prouvaient que l'humanité n'était pas encore condamnée. L'individualisme lui donnait des boutons d'urticaires, mais elle devait composer avec cela aussi. Restait-il encore à apprendre à connaître Skylar et de quel côté cette dernière se postait le plus.

La jeune barmaid n'avait pas encore en tête le fait qu'elle avait sûrement perdu son travail et donc son excuse pour rester en ville. Pouvait-elle en trouver un autre ? Elle en doutait sérieusement, les gens de cette ville étaient frileux à engager des inconnus au bataillon, il fallait dire que les histoires avec les mutants faisaient qu'ils étaient tous prêts à sortir leurs fourches et leurs torches pour combattre les nouveaux monstres : les mutants. Quelle chance cette politique en place, combien de mutants s'étaient déjà donné la mort, préférant le suicide à une exécution faite par un chasseur ? Cependant, en vue des récents événements, trouver du travail ne serait bientôt plus un problème. Diana ne pouvait que regarder l'une des sources d'eau se déverser sur elle, alors qu'elle mourrait à petit feu. Son sang chaud se mêlait de façon désagréable à l'eau froide et alors que son esprit se vidait de toute pensée, la douleur s'estompait, laissant place au froid. Elle mourait, gardant une bête pensée pour Will. Elle ne ressentait même pas les tremblements et les spasmes qui parcouraient son corps, ses paupières étaient tellement lourdes qu'elle se décida à enfin lâcher prise et les fermer. Plus aucun son n'avait d'importance.

Autre chose que les gouttes d'eau l'avait touché, ses paupières frétillèrent soudain et elle aperçut avec horreur que c'était sa soeur qui se tenait à ses côtés, complètement trempée. La voix de cette dernière semblait lointaine bien que la barmaid faisait un effort surhumain pour tenter de reprendre connaissance. Non, si elle se laissait mourir, elle tuerait la seule famille qu'il lui reste. Elle tenta d'ouvrir les lèvres, mais les sons qu'elle produisait étaient baignés d'incompréhension. Mademoiselle Peterson voulut se relever, serrant les dents, elle sentait que sa demi-soeur appuyait sur la blessure. Bien que c'était pour l'aider, cela lui faisait atrocement mal. Elle tenta d'une main faible d'écarter la main de sa bienfaitrice, une décharge électrique était un risque trop grand pour la jeune blonde. Son regard troublé s'accrochait à celui de Faith, quelle ironie d'échanger des mots avec elle dans une telle situation, mais elle allait devoir se débarrasser d'elle pour sa sécurité, Diana en avait les larmes aux yeux. Parce qu'après ce qu'elle allait lui dire, elle ne la reverrait sûrement jamais.

La pauvre serveuse la vit s'éloigner avec soulagement, bien qu'elle ne comprenait pas un traître mot de ce que sa soeur tentait de lui dire. Elle n'hallucinait pas, qu'est-ce qui lui prenait ? Diana préféra fermer les yeux, commençant à être troublée par sa vision qui, si elle l'écoutait, lui disait qu'elle bougeait. Elle ressentait à peine son corps, bien que lorsqu'elle fit l'effort de rouvrir les yeux, elle se demanda si Faith l'avait porté jusqu'à une table. Elle se crispa quand son idiote de sœur recommença à mettre ses pattes sur sa blessure. La barmaid ne savait pas si elle avait le temps pour ça, mais elle le risqua quand même.

« Je ne sais pas... Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de lui demander. » fit-elle dans un gloussement étranglé alors que l'eau qui tombait sur elles masquait les larmes de la jeune femme dont toute vie quittait son corps. « Politique, je pense, parce qu'il a parlé de Détroit... Ou problème mutant... Skylar. » Elle affronta le regard de sa soeur, consciente d'avoir lâché une véritable bombe, ayant utilisé son véritable prénom. « Casse-toi le plus vite possible d'ici ! Fais en sorte que personne ne rentre ou n'ait de contact avec le bar ! Au moment même où je tomberais dans les pommes... Tout le monde mourra... » Comme pour souligner ses propos, la télé venait de s'éteindre tout comme les lumières du bar. Elle espérait seulement que l'évocation de son vrai prénom face assez peur à Faith pour qu'elle l'abandonne là. Il le fallait, parce qu'elle ne se remettrait jamais d'avoir tué sa demi-soeur. Elle avait conscience qu'elle avait prit aussi le risque que cette dernière décide de la tuer si elle était la digne fille de leur père, mais au moins, ce n'est pas la jeune barmaid qui aurait tué son sang.

Made a wrong turn... Once or twice.

On peut être sincère dans sa démarche de vouloir faire le bien, mais il y a toujours un moment où on plante. C'est inévitable. Naître dans un monde de haine finit toujours par engendrer d'autres haines. Parfois, elles sont encore plus opiniâtres que des cafards. Que celui qui n'a jamais voulu frapper sur personne jette la première pierre. La vérité, c'est qu'en voulant faire le bien, on fait inévitablement le mal. Ce qui est bien pour une personne est mauvaise pour une autre. Si le mal vainc toujours sur le bien, c'est pour cette raison. On ne peut pas tous être heureux. L'être humain et sa mutation ne sont pas si différentes. Diana voulait renouer des liens avec Faith, elle entrait carrément dans sa vie sans même lui demander son accord. La jolie serveuse pensait de manière positive. Elle pensait pouvoir peut-être avoir une bonne relation avec sa soeur, mais de quel droit ? L'univers de Skylar avait été si sombre qu'il était normal qu'elle ne veuille plus personne dans sa vie. Seulement, l'amour d'une soeur est-il contrôlable ? Mais qui pourrait prétendre être maître de ses sentiments au point de décider ce qu'il ressent devant telle personne ou devant telle situation. Si une telle personne existe, ce n'est pas un dieu, mais un monstre. Les sentiments peuvent vous plonger dans le désarroi le plus profond, et parfois, quand vous avez de la chance : ils amènent de l'espoir. Diana n'était pas dans la meilleure position pour comprendre à quel point elle allait souffrir de cette rencontre si elle survivait. Pour sauver sa soeur, elle faisait une croix sur elle, tout bêtement. La vérité est-elle vraiment mieux que le mensonge finalement ? Oui, mais c'est à chacun de savoir maîtriser cette vérité. On ne souffre pas de ce que l'on ne connaît pas. Or, Diana avait donné bien trop d'information à Faith, bien qu'elle n'avait trouvé que cela pour la sauver d'elle-même. La jolie brune était un danger pour son entourage, ses proches, sa propre famille. Un poison qui s'immisce doucement et vous tue lentement. C'est du moins de cette façon qu'elle se définit. Un grand pouvoir engendre de grandes responsabilités ; elle n'en voulait pas.

Diana n'était pas haineuse, elle n'en voulait pas aux chasseurs. Du moins, pas à tous. Pour quiconque qui connaissait son pouvoir et ses applications, il serait presque normal de la condamner à mort. Combien de personnes pourrait-elle tuer sans le vouloir ? Un nombre considérable. Une sorte de compte à rebours avait été lancé à partir de la seconde même où son grand-père s'était aperçu de sa mutation. L'heure de la mort serait-elle l'heure des règlements de compte avec soi ? On pense trop que la pire douleur est physique, celle qui touche les sentiments est bien plus douloureuse et reste ancrée à vie - si on survie, bien sûr -. On dit que tout passe avec le temps : la déception, la douleur et même les souvenirs vont disparaître. Qui sommes-nous pour décider si ce sont les mutants ou les humains qui doivent vivre ? Cette génération s'éteindra, tous autant qu'ils sont, d'autres réécriront leurs propres histoires. Poussière. Quoi qu'il arrive, c'est ce qui attends tôt ou tard Diana et Faith. Seulement, la petite serveuse ne voulait pas quitter ce monde en craignant pour la survie de son sang. Elle aurait aimé connaître Skylar avant, avoir une enfance heureuse avec sa petite soeur. Mais les coups de la troisième guerre mondiale sonnaient et aucune des deux jeunes femmes ne pouvaient y faire quelque chose. Où était l'insouciance dans le regard des deux petites filles qu'elles avaient été ? Malheureusement, Skylar avait été élevée de façon haineuse, Diana dans un cocon familial protecteur, peut-être trop. Quand bien même les deux femmes se liraient d'amitié, la jolie brune pourrait-elle vraiment apporter protection et sûreté à sa jeune soeur ? Elle n'avait pas les clefs. Elle ne les aurait jamais. La seule façon de le savoir, c'est d'essayer. Alors elle se fit une promesse muette à elle-même, si jamais elle survivait, elle ferait tout pour être là pour Faith. Même si cette dernière venait à la rejeter, elle veillerait sur elle de loin ; c'est ce que font les grandes soeurs, n'est-ce pas ?

Un sourire doux et triste apparu doucement sur le visage de la jeune fille. Une larme coulait le long de sa joue, masquée par toute l'eau qui s'écoulait pour éteindre un feu invisible. Elle contemplait sa soeur, se disant qu'elle serait sans doute le tout dernier visage qu'elle verrait dans cette vie. Elle déglutissait alors que la douleur physique se faisait moins présente, c'était maintenant le froid qu'elle ressentait : elle mourrait. Diana aperçu dans la lueur du regard de Faith, qu'elle venait de la perdre au moment même où le mot Détroit avait franchi ses lèvres. Quand sa soeur prit ses distances, elle serra la mâchoire, fixant le plafond, comme si elle espérait que le ciel lui tombe sur la tête. Oui, donner son prénom était le moyen de la faire fuir, mais aussi de la perdre, irrémédiablement.

Face à un regard tellement méprisant, Diana se montra blessée, comme si c'était Faith elle-même qui lui avait donné le coup de poignard. Elle sentit son coeur battait comme jamais, non pour survivre, mais montrer l'angoisse que cela faisait de perdre la vie et tout espoir. En temps normal, elle aurait ri. La jolie brune trouvait cela risible. Si, c'était la fin, du moins, c'est ce qu'elle venait à espérer naïvement. Trop de douleur, trop de fatigue et plus assez de sang pour se battre ou tenter quoi que ce soit. Elle avait obtenu ce qu'elle désirait, que Faith s'en aille. Alors que sa soeur fuyait, Diana perdait connaissance et réussit à lâcher une dernière phrase, comme pour lui dire de ne pas la retrouver. « L'ignorance rime avec soulagement, parfois il vaut mieux rien savoir ! » Son coeur eut un sursaut plus que désagréable qui cloua Diana sur place. Tous ses muscles lâchèrent : arrêt cardiaque. Des cris de stupeurs et de surprise se fit entendre autour du bar. Comme une mini-bombe, toutes les lumières venaient d'imploser, ce n'était même pas la peine de raconter le fait que les vitres en verre venaient de se briser en mille éclats.

Plus tard, alors que de plus en plus de personnes s'agglutinaient, seules des rumeurs couraient. Une ambulance avait filé vers l'hôpital, mais est-ce que la pauvre serveuse était en vie ? Personne ne le savait.