Pour être tout à fait honnête, c’était la première fois depuis quelques années maintenant qu’Aspen avait l’impression que les fêtes de fin d’année allaient se passer d’une manière à peu près décente. Par fêtes de fin d’année, elle voulait bien sur dire son anniversaire ainsi que celui de Lorcan, la fête des fondateurs, Noel et le jour de l’an. Bon, elle n’allait peut être pas festoyer à chacune de ces occasions, mais elle avait bon espoir que cela se passe mieux que l’année précédente. Ça n’allait pas être dur, en même temps, vu le bordel que cela avait pu être en décembre dernier.

Comme chaque année, elle s’était acheté un calendrier de l’avent, et en avait fait expédier deux de New York à Calista et Lorcan. C’était la tradition, et leur offrir chacun un calendrier était sa manière à elle de s’excuser de passer tellement de temps loin d’eux en ce moment, et plus particulièrement de Lorcan qui se remettait encore de son agression du mois précédent. Elle l’avait promis, elle l’avait juré, elle prendrait des vacances pendant le mois de décembre pour passer du temps avec eux, mais aussi avec tous les amis qu’elle avait du délaisser à cause de son travail. Même ses collocs, elle ne les voyait qu’en coup de vent, les week end où elle rentrait faire ses lessives et changer de sac, et si elle achetait leur pardon à coup de lait de poule fait maison, elle aurait largement préféré rester avec eux en cette période de fête en famille. Et comme sa famille, c’était un peu compliqué en ce moment, elle n’avait jamais tant eu besoin de se réfugier auprès de ses amis.

Après avoir passé plusieurs jours à jongler entre Lorcan, Priam, Salomé, Kaisa et Gray, entre autre, elle s’était décidée à venir au marché de noël de la ville, toute seule, à la recherche de cadeaux pour tout ce beau petit monde : sa prime de fin d’année venait de tomber, elle avait de quoi mettre des fortunes sous le sapin sans sourciller : le défi, ce serait de trouver un cadeau vraiment personnalisé pour chacun, et ce n’était pas si facile que cela. Bravant le froid et les quelques flocons qui voltigeaient dans l’air frais, son bonnet fermement enfoncé sur sa petite tête rousse que l’humidité de la neige faisait boucler à outrance,engoncée confortablement dans son long manteau blanc,  elle passait de maisonnette en maisonnette devant chaque forain, occultant ceux qui vendaient des décorations de noël, elle n’allait quand même pas offrir des boules de noel ou des guirlandes ( !), pour se concentrer sur ceux qui vendaient des bijoux faits main, des chocolats et autres sucres d’orge. La gourmande qu’elle était devait résister à l’envie de s’en prendre, rien que pour elle, alors qu’elle chantonnait en chœur les chants de noel qu’elle entendait dans les haut parleur : elle avait fait partie des chœurs d’enfants itinérants de la paroisse, plus jeune, puis de l’orchestre junior, alors ce genre de chants lui rappelaient un tas de souvenirs. De bons souvenirs, d’ailleurs. Après quelques minutes d’errance –ok, peut être une bonne heure en réalité-, elle s’arrêta devant un stand de bonnet et autres accessoires pour les cheveux en souriant : il y avant des bonnets de père noel, des cornes de renne, des coiffes avec des auréoles d’ange, bref, à peu près tout ce qu’il fallait pour faire une séance de selfie assez géniale. Elle attrapa un des serre tête à auréole puis sortit son téléphone portable pour se prendre en photo avec, et l’envoyer à Sam et Kaisa pour leur dire de rappliquer et de venir la rejoindre pour la fin de l’après midi. Elle avait envie d’aller faire du patin à glace, d’entendre la chorale chanter, de saluer le père noël – mais pas de monter sur ses genoux ! – bref, elle avait envie de redevenir une jeune femme espiègle et sans souci, au moins le temps de cette après midi …

 

 
Kaisa lui avait répondu d'un smiley mort de rire et d'un autre qui tirait la langue, alors que Sam lui avait envoyé un pouce en l'air suivi d'un mms de paquets cadeaux emballés, les siens probablement. Satisfaite de ces réponses, Aspen avait rangé son téléphone dans sa poche alors que le vendeur lui annonçait que l'auréole était un best seller et qu'il ne lui en restait pas beaucoup, qu'il serait dommage qu'elle passe à coté parce que ça lui allait drolement bien. Aspen hésita, se contemplant dans la petite glace ronde qui ornait l'un des murs du mini chalet, glissant une mèche de cheveux derrière son oreille. Bah, peut être pouvait elle demander qu'il lui mette un serre tête de coté, qu'elle reviendrait chercher plus tard ? Ce n'était pas impossible ça, non ? Elle allait d'ailleurs poser la question quand une voix douce dans son dos la fit sursauter. Avant de se retourner, elle releva les yeux en direction du miroir, et reconnut dans le reflet une partie du visage du Callahan. Son cœur loupa un battement, mais au moins elle n'eut pas l'air si surprise que cela quand elle se retourna en sa direction, son auréole oscillant dangereusement sur sa tête.

Depuis le temps que je clame haut et fort que je suis un cadeau du ciel, je me suis dit qu'il faudrait que je le montre un peu plus littéralement...

Elle sourit, avant d'ôter le serre tête pour le garder dans ses mains un peu rougies par le froid. Elle avait réussi à éviter Noeh depuis qu'elle était rentrée de New York pour rester au chevet de Lorcan : ce n'était pas bien dur en même temps, elle n'avait pas quitté la chambre d'hopital, si ce n'était pour aller prendre une douche, dormir un peu et changer de vêtements. Par la suite, elle était restée avec Gray et Kaisa presque tous les soirs, à l'exception de la veille où elle était avec Salomé. Et tout état de cause, elle avait fait en sorte de prendre le moins de risque possible afin de ne pas croiser Noeh en passant trop près de chez lui ou de son lieu de travail. C'était un peu bête, parce qu'elle lui avait assuré qu'ils n'étaient pas fachés, et puis elle savait aussi que Ciaran avait été gentiment contraint de s'éloigner du jeune homme, mais … Elle n'était jamais tout à fait sur du comportement qu'elle devait adopter vis à vis de lui. Et maintenant que Pietra était partie, comme ça, sans trop d'explication, plaquant plus ou moins délicatement le jeune homme au passage... Elle ne savait pas trop quoi lui dire. Oui, voilà, elle ne savait juste pas de quoi parler. Heureusement pour le moment, il lui donnait matière à répondre, alors elle allait s'y accrocher jusqu'au bout :

hmm, et bien si je compte faire des cadeaux, autant que les principaux intéressés puissent être surpris non ? Donc je fais mes repérages toute seul, c'est plus sur. Et puis comme Lorcan est encore un peu fragile sur ses jambes... Me voilà.

Mouais, pas besoin de mettre Lorcan dans la boucle, elle ne savait même pas si Sam avait tenu Noeh au courant de l'état préoccupant dans lequel avait été son ancien meilleur ami pendant des jours entiers. Se balançant d'un pied sur l'autre, l'air visiblement peu à l'aise, elle tourna la tête vers les autres couvres chefs avant de reprendre :

Et toi, tu as trouvé le courage de sortir le nez de ta couette, enfant de l'été ? Ou alors tu as été contraint par quelqu'un, c'est plutot ça non ? Ou alors tu cherchais un chapeau pour offrir ou cacher tes oreilles?

Elle se saisit d'un cache oreille en forme d'oreille de lutin et l'enfonça sur la tête de Noeh avant de reculer d'un pas. C'était ridicule, mais ça lui permettait de meubler. Et de ne pas parler de Pietra. Suuuuurtout pas.

ça te va pas si mal, pour un truc ridicule. J'espère que tu as rendez vous avec des collègues du lycée. Ou des étudiants. Tu vas devenir leur mascotte affublé de ce truc, c'est sur !

Ne pas parler de Pietra. Ne pas parler de James. Ne pas parler de leur dernier baiser. Courage, Aspen, tu peux le faire, tout le monde crois en toi !
 

 
Il avait l'air d'être en forme, et cela lui faisait chaud au cœur. Elle savait par Sam qu'il n'en avait pas mené large pendant des jours entiers, à errer comme une âme en peine dans le salon de sa sœur, alors forcément, le voir ici avait quelque chose de surprenant et de réconfortant. Aussi, Aspen, gracieuse, ne chercha pas à se faire évasive sur l'état de santé de Lorcan, ni a faire la moue : ils étaient en terrain neutre, et c'était assez rare pour être appréciable:

hum, il est encore parfois un peu fatigué, et il a une jambe encore fragile, mais globalement il va mieux. On a bon espoir pour qu'il puisse reprenne le boulot rapidement, parce qu'il devient fou à rester chez lui à ne rien faire...

Ils avaient un souci avec l'inactivité, chez les Wolstenholme. Ils détestaient ça, et Calista et Aspen avaient du déployer des trésors de persuasion pour que Lorcan accepte de se reposer suffisamment longtemps. Elle pouvait comprendre sa frustration, elle même n'avait pas vraiment suivi les conseils des médecins pendant sa convalescence, alors Lorcan... C'était clairement utopique.

je me doutais bien que tu ne serais pas sorti de ton plein gré. Mon pauvre.

Et donc il avait accepté une invitation quelconque. C'était une bonne chose, cela signifiait qu'il tolérait la présence de quelqu'un d'autre que Salomé, même si on lui avait un peu forcé la main. Aspen sourit laissa Noeh s'admirer avec son cache oreille bariolé : ça n'était pas si ridicule, en fin de compte. Elle secoua la tête alors qu'il précisait qu'il allait rejoindre un ami et juste un ami : bah, elle n'avait pas besoin de savoir ce genre de choses, bien qu'une espèce de soulagement l'envahit. Juste un ami, lalala. Elle gloussa en revanche en l'entendant projeter d'offrir cet horrible cache oreille à Matthias : l'ainé de Callahan n'était pas... un monstre de second degrés et d'auto dérision, alors l'imaginer avec ce genre de couvre chef était aussi amusant qu'improbable.

je ne sais pas, tu comptes survivre à ces retrouvailles ou pas ? Parce que ce coup ci tu pourras pas lui demander de ne pas te frapper parce que tu es handicapé, alors j'ai peur qu'il essaye de te le faire avaler, ton cadeau, surtout si tu lui offres ça devant tout le monde … Mais ça serait juste génialissime à voir !

Calmos, Aspen, c'est l'ambiance de Noël qui te rend aussi enjouée ? L'approche de ton anniversaire ? Le Froid ? Le sourire craquant et délicieusement mutin de Noeh alors qu'il... Oui, non, on respire,on revient à la réalité. Et donc à un ton plus calme et plus... neutre. Ne pas s'enflammer, peut être aussi ne pas avoir trop l'air d'être contente de le voir. Elle était consciente qu'elle avait le droit d'apprécier la compagnie de Noeh, en toute innocence, mais un nœud de culpabilité l'empêchait encore de s'enthousiasmer spontanément, comme elle aurait pu le faire auparavant. Ne pas avoir l'air intéressée. Surtout pas.

Oui hum, j'ai pris quelques jours de congés exprès. Je crois que mes collocs ont prévu un truc, mon père veut m'emmener au restaurant, et je vais surement fait un truc avec Calista et Lorcan... et Sam aussi. Enfin elle m'a demandé ce que je faisais le vendredi, alors je suppose qu'elle a un truc en tête.

Tout le monde avait prévu un petit truc pour son anniversaire, mais elle n'avais pas mentionné James. Pourtant, ce dernier avait déjà promis de l'amener en week end à Philadelphie, en amoureux, dans l'hotel le plus romantique de la terre, avait il promis. Pourquoi en avait elle pas parlé, du coup ? Elle ne savait pas. Enfin si, elle savait pertinemment pourquoi, mais elle refusait de se l'avouer.

Bon … Je suppose que si on continue à papoter, tu vas te mettre en retard, ahah ! En tout cas c'était chouette de te voir, hum, on se téléphone à l'occasion ? Je reste dans le coin encore un moment, on pourra … se recroiser, à l'occasion ?

Elle avait dit deux fois « à l'occasion ». Elle n'utilisait jamais cette expression toute naze. Pourquoi pas « à l'occas » pendant qu'elle y était ?

voilà voilà … Et bien à plus, alors !

Elle lui fit un signe de la tête, incapable de se décider à le prendre dans les bras ou non. Reposant le serre tête auréole sur l'étal du marchand qui n'avait rien compris de cet échange, Elle réajusta son énorme écharpe puis fit volte face, en direction de la petite scène où chantaient les enfants de la chorale. Il fallait qu'elle s'éloigne. Parce que son cœur battait bien trop vite quand elle se tenait près de Noeh, et qu'elle s'en voulait terriblement.
 

 
Fuir. Elle devait fuir. C'était terrible pour elle, de se sentir vulnérable pour si peu de choses : un sourire, un regard par en dessous des peaux qui se frôlent... Oui, elle s'en voulait un peu de devoir battre en retraite pour ne pas tomber pour quelques gestes anodins, qui lui faisaient tellement d'effet. Alors elle hochait la tête, souriait doucement, presque timidement d'ailleurs, alors qu'elle jetait des coups d'oeil vers sa future destination, pour éviter de croiser trop souvent le regard de Noeh, ce regard dans lequel elle se noyait si facilement. Elle ne voulait pas laisser son cœur céder la facilité à s'emballer, encore et encore, pour le même jeune homme : elle y était presque, elle était presque arrivée à s'en détacher, ce n'était pas pour retomber aussi rapidement, au bout d'une blague et deux oeillades et demi. C'était pour cela qu'elle avait reculé d'un pas, puis deux, et qu'elle avait fait volte face pour s'avancer seule à travers les étals. Elle avait clos les yeux à demi, murmurant une sorte de prière muette « ne me suis pas, ne me suis pas, ne me suis pas... »

… Loupé.

Elle n'eut même l'occasion de se retourner que déjà, Noeh était a ses cotés, tout près, et sa main frôlait la sienne, comme pour la retenir, la faire ralentir. Son cœur loupa un battement. Fichu cœur. Aspen rangea ses mains dans ses poches, haussant un sourcil, circonspecte : le marché de Radcliff n'était pas vraiment immense, il connaissait l'endroit, alors pour se perdre, il fallait être ivre ou de très mauvaise foi. Elle retint un soupir, plus par politesse qu'autre chose : elle pouvait bien survivre à une heure en compagnie de Noeh, non ? D'ordinaire, elle aimait même plutôt cela, alors pourquoi pas aujourd'hui ? Peut être parce qu'il y avait James qui lui trottait dans la tête, et que la façon dont elle se comportait avec le Callahan, et bien … Elle se sentait coupable. Il n'y avait rien entre eux, et pourtant, elle avait l'impression d'être malhonnête vis à vis de celui qui était plus ou moins son petit ami. Plutôt plus que moins, d'ailleurs.

hum, si tu n'as pas peur de perdre l'ouïe à entendre la chorale chanter des chants de Noël, alors oui, tu peux me suivre... Tu n'es pas du tout du tout venu cette année ? Ce n'est pas sur ta route pour aller au lycée, pourtant ?

Elle avait continué à avancer, ses mains toujours dans ses poches, probablement parce que cela lui évitait la tentation de prendre le bras de Noeh pour le guider, alors que son regard glissait d'un stand à l'autre, caressant de ce dernier les chocolats et les petits cadeaux artisanaux que les forains présentaient au chaland.

tout le coin autour de la fontaine, on trouve les échoppes des restau de la ville, qui vendent des trucs chauds à manger, du lait de poule et des chocolat chaud, alors que le coté de l'aire de jeu est réservé aux enfants, ils peuvent faire un tour en poney ou aller sur les genoux du père noel... Ah, voilà, on y est !

Sous une tonnelle blanche recouverte de branches de sapin, de guirlandes électriques, de gui et de houx, une petite vingtaine de personnes de tout âge, du plus jeune aux cheveux blancs, serrés les uns contre les autres pour se tenir chaud, entonnait avec enthousiasme un « jingle bells » enjoué. Ils étaient tous habillés pareils, avec leurs grosses écharpes rouges et blanches et leurs bonnets de père noël, et enchainaient les chants sans discontinuer. Aspen s'installa parmi les badauds pour apprécier le spectacle, avant de se pencher un peu vers Noeh :

le chef de la chorale est mon ancien prof de violon, je crois que certains de nos camarades de lycéen y sont aussi... Regarde, la blonde au deuxième rang à droite, c'est Barbara, on était en littérature avec elle, elle était dans le club de natation … tu reconnais quelqu'un toi ?

La supercherie était subtile, mais elle espérait distraire Noeh suffisamment pour qu'il arrête de la regarder elle, et qu'il observe plutôt es chanteurs qui passaient à « Winter Wonderland ». Une bourrasque de vent vint leur glacer les os, et Aspen se serra contre Noeh, par reflexe, pour se protéger du froid. Oups. Et dire qu'elle ne voulait surtout pas qu'il s'approche, et la voilà qui reprennait de si mauvaises habitudes... Mais voilà, son corps semblait réagir indépendamment de sa volonté, alors qu'elle se maudissait intérieurement.

 
Il faisait froid. Evidemment qu'il faisait froid, on était au mois de décembre, il avait même neigé quelques jours plus tôt, recouvrant toute la ville et la végétation d'une fine pellicule blanche embellissant un peu plus la ville. Pour autant, était ce une raison suffisante pour se blottir ainsi, spontanément, contre son ex petit ami ? Certainement pas, pas selon Aspen en tout cas. Après tout, elle avait un gros manteau, une écharpe énorme, un bonnet tout doux et molletonné, elle n'avait PAS besoin des grands, rassurants et confortables bras du Callahan. Non mais. D'ailleurs, si lui ne s'était pas reculé, loin s'en fallait, préférant passer son bras tout sauf subtilement autour de sa taille – ridicule ! - , elle en revanche avait eu le bon sens de se décaler à nouveau, au moins d'un tout petit pas. Ça lui avait couté, bien sur, mais elle aurait préféré se casser un bras plutôt que de l'avouer. Elle toussota, dissimulant son trouble tant bien que mal, se concentrant sur les autres chanteurs que Noeh lui désignait, non sans mal, se hissant sur la pointes de ses petits pieds : évidemment, un grand gaillard venait de se poster pile devant elle avec son gamin sur les épaules, et elle ne voyait plus grand chose.

Brun, pas doué en sport, qui s'est pris un ballon une fois... Et on ne parle pas de Lorcan ? Hum, alors ça doit être Paul Moore, non ? Il est devenu comptable dans la boite de sa mère je crois, et il est même fiancé à la fille avec qui il sortait à l'époque du lycée, tu te rends compte ? C'est, ahem, attends ça va me revenir … Judith Taylor, future Judith Moore, qui a un ventre ééééénorme actuellement, le pauvre petit va subir la malédiction des enfants nés en décembre : une seule ration de cadeau dans l'année 

Et elle parlait, elle parlait, pour occuper le temps et l'espace, alors que les chants redoublaient de vigueur et que même Noeh semblait y prendre goût. Comme quoi, le miracle de noël...:mm

Manger ? Mais il est si à la bourre que ça, ton ami ? Je veux dire, tu étais pas sensé aller manger là bas ? Tu ne vas plus avoir faim …

Un autre argument bancal, elle connaissait la capacité surnaturelle de Noeh à engloutir des tonnes de nourriture, quand il en avait envie, et puis … Et puis elle n'était jamais contre un morceau de chocolat. Jamais.

bon, ok, mais du sucré. Le salé-gras va me rester sur l'estomac j'en suis sure... Chocolat chaud et chamalow ?

Rien qui ne se partage, ne se croque à deux ou autre, c'était soft, pas franchement sexy ? C'était ce qui lui paraissait le plus … innocent ? Sans danger ? Rien n'était sans danger avec Noeh, mais autant limiter les risques au maximum, n'est ce pas ? Aussi, elle laissa Noeh choisir sa propre boisson et son encas, un peu en retrait, sursautant en sentant son téléphone vibrer dans sa poche. James. Elle lui manquait, il avait hâte qu'elle revienne sur New York. Sa gorge se serra, alors qu'elle observait Noeh s'affairer à porter le petit plateau avec leurs boissons sans rien renverser, alors qu'elle s'asseyait sur le rebord d'une cloture : pourquoi se sentait elle attendrie par une scène aussi... quotidienne, mais n'arrivait elle pas à s'émouvoir autant de tous les efforts que James pouvait faire pour elle ? Stupide cerveau. Stupide cœur. Stupide Aspen. Elle attrapa le mug que Noeh lui tendait avec un sourire troubler, avant dy plonger le nez de si près qu'elle manquait de vraiment se barbouiller le visage de chantilly. Il fallait qu'elle arrive à se détendre un peu, elle avait l'impression d'avoir dix sept ans à nouveau. D'ailleurs, cette pensée la paniqua un instant : Ciaran était il en dans un coin, à l'abri des regards, en train de la détraquer à nouveau ? Elle releva les yeux en face d'elle, et tomba instantanément dans les prunelles du Callahan, et son cœur fit un bond. Pas de mutant dans le coin, rien qu'elle et son fichu cœur tout détraqué.

Alors, hum, ton boulot au lycée te plait toujours ? Avec les examens de milieu d'année, les ados doivent être insupportables, non ?

Elle but une gorgée de son chocolat, grimaçant en se brûlant le bout de la langue, avant de s'enfonçant un mini chamalow dans la bouche : elle avait l'impression d'être plus niaise de minute en minute, et elle devait se ressaisir. Ce n'était que Noeh après tout, juste ce bon vieux Noeh. Mais elle n'était plus sous emprise, lui non plus, et l'idée que tout ce qu'il pouvait dire ou faire était fait consciemment la perturbait, bien malgré elle ...

Peu importait chez qui il était invité, ce n'était pas très poli de dire que la maitresse de maison était piètre cuisinière, et Aspen lui lança un vague regard de reproche. Noeh et la délicatesse hein... Alors qu'il lui portait sa tasse, elle songeait au fait qu'elle n'allait probablement pas tarder à repartir. Elle allait passer les fêtes en famille, son anniversaire, et ensuite … ensuite, elle ne savait pas. Techniquement, son travail était encore ici, en ville, à quelques kilomètres de la d'ailleurs. Dans les faits, elle savait bien que c'était plus compliquer que cela. Elle était bien, à New York, elle s'y épanouissait, et si Lorcan et Cali n'étaient pas ici, elle n'hésiterait probablement pas longtemps à déménager. Bien sur il y avait aussi Kaisa, Gray et Sam, cela allait sans dire, mais elle pourrait très bien les visiter les week end, ou les semaines ou le travail exigeait qu'elle reviennent au bercail. Et Noeh... elle ne savait pas. Elle aurait aimé pouvoir dire que Oui, il lui manquerait bien trop, ou que non, vraiment, grâce à James, elle pourrait enfin l'oublier. Sauf que voilà, elle n'était plus certaine de rien, c'était ça, le problème. Elle ne guettait plus ses messages, comme l'été dernier. Mais elle était incapable de contrôler les battements de son cœur quand elle le sentait auprès d'elle. Alors pour garder contenance, elle écoutait Noeh avec attention, son mug bien calé entre ses deux mains gantées, assise sur la table de picnique, la tête légèrement penchée sur le coté. Evidemment, ce n'était surement pas la période la plus facile pour les enseignants : déjà, ils montraient eux même les premiers signes de fatigue hivernale, et ensuite les étudiants devaient être proprement intenables, comme ils l'étaient, eux, à l'époque. Elle imaginait Noeh rouler des yeux devant les babillages des jeunes filles qui s'enthousiasmaient en chantant des remix de chants de noël par leur boysband préféré, et les types qui s'amusaient à se bousculer dans les tas de neige. Comme si lui même ne s'était amusé à lui foutre de la glace dans les cheveux ou dans le dos, tiens !

- Pauvre chaton, ça doit être teeeeellement dur pour toi. Enfin, ça doit surtout être dur surtout pour toi de pas leur courir après pour les barbouiller de neige, non ?

Elle sourit d'un air attendu, avant de reprendre une gorgée de boisson, frissonnant un peu quand un coup de vent vint fouetter son visage, faisant voler quelques mèches de cheveux. Elle se recroquevilla un peu, rentrant le menton dans son énorme écharpe, soudainement pensive : Comment se passaient ses aller retour... Vaste question, surtout vis à vis de Noeh. Que pouvait elle dire ? Que devait elle taire ? C'était plus compliqué qu'il n'y paraissait.

- ça se passe bien oui... J'ai toujours la maison ici, et quand je suis là bas, je vis à l'hotel, ou je squatte chez des amis …

Ou je vis chez James, qui est plus ou moins mon nouveau petit ami. Oui, non, elle ne pouvait pas décemment dire ça. Pourquoi pas ? Aucune idée.

-Hum, il y a pas mal de neige, et surtout il fait vite très froid là bas, avec la proximité de l'océan... Mais l'ambiance dans les rues, la chaleur de la vie cosmopolite, ça fait que l'on s'en rend à peine compte.

En temps normal, elle en aurait fait des caisses, elle aurait parlé de ses sorties nocturnes de folie, des milliers de magasins merveilleux et des créateurs qu'elle avait rencontré, de ses nouveaux amis, de ses super collègues.... Mais avec Noeh, ça lui restait dans la gorge. Elle n'arrivait pas à lui en parler. Comme si elle craignait de lui faire trop de mal. A moins qu'elle n'ait peur, au contraire, que cela le laisse totalement indifférent. Elle médita sur la question un moment, silencieuse. Elle ne savait pas trop quoi lui dire, à Noeh. Elle n'avait pas oublié tout ce qu'il lui avait dit, sous l'emprise de Ciaran, ni même ce baiser qu'il lui avait offert sans rien demander en retour. Tout cela était compliqué, bien trop compliqué, et elle ne savait plus trop comment se comporter. Pourtant, évoluer auprès de Noeh avait été la chose la plus naturelle du monde pour elle, pendant si longtemps. Maintenant elle se tourmentait pour le moindre regard, pour un sourire, un sous entendu, cela en devenait ridicule. Dans un coin de sa tête, elle entendait Ciaran lui susurrer que le meilleur moyen de vaincre la tentation était d'y céder. Dans un autre, elle entendait sa propre voix lui énoncer toutes les humiliations qu'elle avait subi à cause de lui, ses trahisons, ses insultes... Ses mains se serraient contre le mug, alors qu'elle détournait le regard pour regarder bien en face d'elle, tachant de calmer son cœur au bord de l'implosion. Il ne l'aidait pas. Vraiment pas du tout.

Ce n'était pas facile pour Aspen, évidemment que cela ne l'était pas : après tout c'était Noeh en face d'elle, ou plutôt à coté, qui semblait s'enthousiasmer des maigres informations qu'elle lui donnait vis à vis de cette nouvelle vie, bien qu'un peu bouleversée par son retour en catastrophe pour venir s'installer au chevet de Lorcan. Tristement, elle avait l'impression que l'adage du loin des yeux, loin du cœur, fonctionnait un peu trop bien sur elle : tant qu'elle était à New York, elle arrivait à chasser Noeh de son esprit, à se perdre sans trop de culpabilité dans les bras chauds et confortables d'un James attentionné. Elle avait l'impression de guérir, comme de se remettre d'une vilaine grippe, d'une sale maladie d'amour, et pourtant il ne suffisait que de l'avoir auprès d'elle, à souffler sur son chocolat et à lui lancer des oeillades... Des oeillades à la Noeh, et elle perdait à nouveau ses moyens. Elle rechutait comme une droguée à qui on offrait une dose, un shot qu'elle n'arrivait pas à se refuser mais qui la détruisait un peu plus à chaque fois, après coup. Elle pouvait, pourtant, accepter son sort, lui donner ce qu'il voulait -après tout, elle le voulait aussi ? - mais à quoi bon ? Arriverait elle à se relever d'un énième coup du sort, d'une vilaine blague de la part d'un quelconque mutant, ou pire, le retour inopiné d'une Pietra rayonnante et triomphante ? Tout cela tourbillonnait dans sa tête comme les flocons qui venaient parfois s'accrocher sur ses longs cheveux roux. Elle n'avait pas tourné la tête vers Noeh quand il avait orienté tout son corps vers elle, se raidissant légèrement en entendant les premières phrases hésitantes du Callahan. Non, ce n'était pas le moment, ça ne le serait pas avant un bon bout de temps, genre, dans quelques mois, années, quand elle serait vraiment amoureuse de quelqu'un d'autre et que ses tentatives pourront être reçues avec une nostalgie complaisante. Là, c'était trop compliqué. Bien, bien trop. Elle rangea pour la énième fois une de ses mèches derrière son oreille, l'air pensif. Un peu fuyant, aussi.

- J'y ai repensé un peu. Mais bon, avec le boulot, puis Lorcan, c'était un peu compliqué alors …

Alors elle s'était refusée d'y penser, surtout en sachant que tout cela avait été orchestré sans qu'il le sache par un psychiatre mutant détraqué. Qu'l y pense tous les jours, lui, cela pouvait se comprendre, surtout qu'il devait bien se demander pourquoi il avait dit autant de bêtises en un laps de temps si court. Avec un peu de chance -bon, elle n'y croyait pas trop, mais bon -, il allait lui dire d'oublier tout ça, que c'était trop bizarre, même pour lui, et qu'il préférait qu'ils s'en tiennent au plan initial. Essayer d'être amis, aussi étrange que cela puisse leur paraître. Evidemment, il ne tiendrait pas ce genre de discours. A la place, il lui demandait des comptes. Genre, vraiment, il voulait comprendre, comprendre pourquoi elle l'avait mis dehors, pourquoi elle ne lui avait pas répondu. Elle soupira, probablement plus fort qu'elle l'aurait voulu, se refusant toujours à regarder Noeh. Avait elle besoin de le faire après tout ? Elle savait exactement quelle expression s'était peinte sur le visage de celui-ci.

- Je me tiens toujours à ce que je t'ai dit ce soir là. Tu dois être totalement chamboulé par ta rupture avec Pietra, et je suis … J'ai toujours été dans ton paysage, alors je suppose qu'il t'est plus facile de t'accrocher à ce qu'on a … Avait. Je le comprend, mais ce n'est pas … ce n'est pas raisonnable.

Ni pour elle, ni pour lui d'ailleurs. Mais comment lui faire comprendre ? Elle devait lui briser le cœur, surement, en lui disant ça. Peut être était il temps qu'elle le fasse une fois pour toute, pour ne pas prendre le risque qu'elle fasse n'importe quoi avec le sien, une fois encore.

- Je n'ai pas envie d'entendre à nouveau que tu tiens à moi, comme au bon vieux temps, de tomber dans le panneau et d'être déçue ou blessée à nouveau. Trompe moi une fois, honte sur toi. Trompe moi deux fois, honte sur moi. J'ai eu mon lot de retournement de situations façon Noeh Callahan, avec des promesses un jour et des insultes le lendemain, parce que tu as décidé que ma version de l'histoire ne te convenait pas. Tu m'as fait le coup ya dix ans, tu m'as fait le coup ya huit mois. Je peux pas... Comment veux tu que je te fasse confiance avec tout ça ? Peut être bien que j'aimerai, mais... C'est trop dur. Je n'ai pas envie d'avoir à penser à tout ce que je fais, tout ce que je dis, de me lever avec la boule au ventre à l'idée que ton ex revienne et que t'y retourne fissa. J'ai besoin de stabilité , de certitude, de quelqu'un qui, quand il me dit quelque chose, s'y tient, et assume. Assume notre relation et tout ce que ça implique …

Elle fit une pause, ses doigts tapotant sur sa tasse en rythme. Parler de James ou pas ? Elle avait du mal. Elle n'y arrivait pas. Après tout lui non plus n'en était pas là encore. Mais il était clairement plus avancé que Noeh, niveau confiance. Pour le reste...

Alors qu'elle n'en mène pas vraiment large, Aspen songe qu'au moins, elle a réussi à ne pas se mettre à crier, ni à pleurer, deux réactions qui lui viennent à présent presque instantanément quand il s'agit de penser à Noeh et à leur histoire. Enfin ce qu'il en reste. Enfin ce qu'elle aimerait qu'il en reste, aussi. Bref, toujours était il qu'elle avait réussi à garder un semblant de dignité malgré le nœud qui engonçait sa gorge, et la nervosité qui agitait ses doigts. De quoi avait elle peur, au final ? Après tout, des conversations désagréables, elle en avait eu pléthores avec le Callahan, et elle ne s'était pas mise la rate au court bouillon à chaque fois. Bon, si, peut être un peu, en réalité, mais justement, elle aurait du être plus détachée que cela, mais … Elle ne savait pas comment Noeh allait bien pouvoir prendre son petit laïus. Elle l'imaginait aussi bien se fâcher que s'effondrer totalement, ou alors prendre cette expression détachée et insupportable de façade qu'il arborait parfois pour accuser le coup. C'est pour cela qu'elle ne voulait pas le regarder, fixant un point dans le vide, devant elle. Elle avait trop peur de voir ce qui pouvait se trouver dans les prunelles chaudes de Noeh à cet instant. Elle n'avait pas envie de sentir le poids de la rancoeur, accentuant un peu plus sa propre culpabilité de devoir être si dure avec lui.

Alors qu'il acquiesçait d'abord à sa première remarque, elle le sent s'agiter un peu à coté de lui, avant qu'il ne reprenne. Elle aurait voulu qu'il comprenne, qu'il abdique même, qu'il cesse d'insister, une utopie, une folie douce quand on connait l'animal. A nouveau, il parle de lui, de ce qu'il veut, ce qu'il espère. Désire. Il fait des promesses, il fait des confidences, il parle de lui, de lui et encore de lui, et un peu d'eux, aussi, ça agace un peu Aspen, parce qu'à nouveau, le Callahan tombe dans un de ses plus grands travers : il cherche à la convaincre sous couvert d'égoisme. Pas une seule fois il ne parle d'elle, et ça lui fait mal : je ne peux pas m'imaginer sans toi, je ne veux pas, je te promets, je suis prêt, je veux recommencer …. et elle, dans tout ça, alors ? La jolie rousse tourna enfin la tête, les sourcils froncés :

- Et moi alors, dans cette histoire ?

Elle marqua une pause, le temps que Noeh comprenne son erreur, avant de reprendre :

- Est ce que tu t'es posé la question de si j'étais prête, moi, à réessayer quelque chose ? Si j'en avais Envie ? Peut être que j'ai quelqu'un d'autre dans ma vie, en ce moment, t'y as pensé, à ça ? Parce que le tout c'est pas que Tu le veuilles, No', c'est p't'être aussi qu'on soit sur la même longueur d'onde. J'suis pas une activité qu'on prend ou qu'on arrête comme ça, moi aussi j'ai mon mot à dire.

Elle se tut, baissant les yeux, les relevant, cherchant inspiration et courage pour aller au bout de son raisonnement, de sa démonstration. Elle ne pouvait pas s'arrêter là, elle devait être honnête pour deux. Ensuite seulement, Noeh aurait l'occasion de se rattraper ou pas.

- Tu ferais quoi, si je te disais que là, maintenant, tout de suite, j'ai quelqu'un dans ma vie ? Genre, que ça pourrait devenir sérieux entre nous, qu'il est attentionné et persuadé qu'il peut me rendre heureuse ? Parce qu'il y déploie une énergie sans limite. Et que j'ai peut être bien envie d'y croire.

Allez, bats toi un peu, Noeh.. Prouve lui que ce n'est pas un caprice. Prouve lui que ce n'est pas juste lubie, qu'elle mérite plus que ça. Déppêche toi, hate toi, vite, parce qu'elle reprend une autre gorgée de chocolat, et que le niveau de sa boisson baisse dangereusement. Si tu n'a rien à y répondre, elle pourra s'en aller, le cœur léger, rassurée d'avoir fait le bon choix. Et tout sera perdu, une bonne fois pour toute … C'est le dernier round, le tout dernier, et ensuite, il n'y aurait plus de match. Plus jamais. Inconsciemment, Aspen avait hâte que cela se termine. Qu'elle soit fixée, une bonne fois pour toute, d'une manière ou d'une autre...