« Les mecs matent déjà mon cul avant de s'intéresser à ma personnalité... »répliqua Israël avec un ton blasé.

Qu'est-ce qu'il croyait lui ? Que ces ex avaient était charmés par sa personnalité ? Si cela avait été le cas, ils seraient sans doute encore là, et sa vie ne serait pas autant parti en couilles. Enfin, vraisemblablement. Il aurait continué à vivre sa vie loin de Radcliff et n'aurait jamais rechuté dans les bras de Kylan. Il l'aurait oublié tout simplement. Mais la vie n'était jamais aussi simple. Il eut un léger soupir à cette pensée. Pourquoi les mauvaises pensées étaient-elles en train de revenir dans son cerveau ? Il ne voulait pas penser à ça. Il voulait rire encore. Il claqua la langue en entendant encore les remarques de Kylan. Tss. Et lui, il se croyait supportable ? Franchement, c'était l'hôpital qui se foutait de la charité !

Il haussa un sourcil en entendant Kylan le comparer encore aux femmes. Il se retint de lui répliquer qu'il l'emmerdait profondément et que la veille, ça l'avait pas gêné de coucher avec lui. Mais le beau brun enchaîna avec une facilité déconcertante sur... Meetic. Israël se redressa tellement l'idée lui paraissait aberrante. A tâtons, il attrapa ses lunettes, qu'il posa sur son nez avec précipitation. Merde, il blaguait pas ! Il était vraiment en train de l'inscrire sur un site de rencontre ? Il leva les yeux au ciel à sa question.

« 99 ans et plus, bien sûr. T'es con. Je sais pas, moi ! J'ai jamais choisi mes amants en fonction de leur âge. Mets 35 ans et plus. »lâcha-t-il en se levant du canapé pour arriver à côté de Kylan, s'accroupissant à côté du fauteuil.

Il n'avait jamais songé à s'inscrire sur un site de rencontres. Tout simplement, parce qu'il savait que les gens s'intéresseraient à lui pour sa célébrité même si elle était un peu défraîchie, et pas à lui en soi. C'était ce qu'il craignait à chaque rencontre, à chaque fois qu'il éprouvait de l'attirance pour quelqu'un. Au moins avec Kylan, il ne pouvait pas craindre ça. Son colocataire n'avait jamais lu ses livres et n'avait pas changé de comportement depuis leur rencontre au lycée. En fait, vivre avec Kylan, c'était un peu oublier que le temps passait. C'était l'éternel adolescent. Il lui jeta un vague regard, il sentit son cœur rater un battement. Connerie d'amour.

« Je suis sûr que dès que tu auras créé mon compte, y'aura au moins une groupie pour me proposer un rencard. Pour ça que c'est chiant ces sites. C'est un repère à dépressifs lecteurs et désespérés ! C'est trop chiant. Je veux pas qu'on m'aime pour un bouquin que j'ai écrit y'a quinze piges. »rala-t-il en se laissant tomber par terre appuyant sa tête sur l'accoudoir du fauteuil. « Je rêve de rencontrer un illettré dans ton genre Kylan. Ce serait parfait. Illettré, sportif, et pas envahissant. »

Israël laissa sa tête appuyé contre l'accoudoir. Il avait l'impression que l'effet de ce qu'il avait pris était un peu en train de descendre. Il était encore un peu en haut, mais moins. Il rentrait sans doute dans la phase la plus longue des effets, celle où les effets sont encore là, mais plus ténus, plus agréable dans leur subtilité. Le moment qu'il préférait en fait. Il ferma doucement les yeux. L'odeur de Kylan était aussi quelque chose qui lui plaisait. C'était comme une légère flagrance. Un parfum délectable. Bordel, il aimait même sa sueur. Cette attirance était définitivement insupportable. C'était pire que la drogue comme addiction. Y'avait pas de cure de désintox pour arrêter d'aimer un connard ? Il ouvrit les yeux en entendant Kylan, un léger sourire s'ancrant sur ses lèvres. Il aimait vraiment quand on lui disait qu'on se foutait de son bouquin. Au moins, ce n'était pas pour son supposé génie que Kyl' le supportait.

« Ils commencent même à le faire étudier au lycée... T'imagine pas le nombre de drogués que je vais faire naître dans les générations futures. »murmura-t-il pour toute réponse.

Il attrapa son paquet de cigarettes dans sa poche, et en glissa une entre ses lèvres. Il eut un léger rire en l'entendant lui demander sa date de naissance. C'était malin comme question. Il espérait qu'il ne profiterait pas de cette information pour encore appeler Loukás. Il releva un peu la tête, appuyant son menton sur l'accoudoir.

« Faut pas se fier à Wikipedia... On t'a pas appris ça à l'école ? Et sinon, c'est le 21 novembre 1982, bizut. »répondit-il avec un sourire narquois.

Il eut une seconde d'hésitation pour le pseudonyme.

« Israël G., c'est plus honnête. Ne me fais pas passer pour une pute, s'il te plaît. »

Et il eut un grognement en voyant la pop up. C'était un soupçon répugnant. Comment pouvait-on trouver ce genre de femme attirante ? Elle était vulgaire, et refaite de partout. Sans déconner, c'était plus flippant que bandant, enfin, surtout pour un pédé. Il détourna les yeux blasé. Il se souvint qu'il n'avait pas encore allumé sa cigarette, il pallia donc à cette erreur, et d'un savant mouvement de pouce alluma son briquet.

« Franchement, voir un mec photoshopé qui me montrerait son cul, ça me fait pas triper. C'est juste chiant. »lâcha-t-il en soufflant sa fumée vers le visage de Kylan, sans vraiment s'en apercevoir. « Déjà que je fantasme pas sur les mecs que tu me commandes... »

Je fantasme que sur toi, espèce de con.

Israël leva les yeux au ciel en entendant Kylan lui parler de la « qualité » de ses commandes. Il n'avait aucune crédibilité après ce qui s'était passé cette nuit. Alors l'écrivain en lui filant son briquet ne put que rétorquer.

« Oh oui, parce que tu as beaucoup de goûts concernant les hommes ! En même quand on voit la gueule de tes plans cul féminin, on peut se poser des questions... »lâcha-t-il narquois.

C'était petit et méchant, mais merde, l'homme qu'il aimait était en train de l'inscrire sur meetic après avoir couché avec lui, c'était quand même une sacrée vie de merde ! Il aurait préféré une subite et improbable déclaration d'amour. Mais non. Ce con ne pensait définitivement qu'avec sa bite. Et même castré, il continuerait à penser comme ça. C'était absolument déprimant. Il tira une longue latte sur sa cigarette, puis eut une légère toux.

Et ensuite vinrent les stupides questions de ce formulaire d'inscription. Bordel, Kylan allait tout savoir de sa conception du monde, de la famille et toutes ces conneries. Qu'il ne voulait pas d'enfants. Ni se marier. Et plein de connerie de ce genre. En quoi cela aidait-il à trouver l'âme sœur que de savoir que son style de musique préféré était le jazz ? Sérieusement ? Israël enchaînait soupir sur soupir. Et quand tout cela fut fini, il haussa un sourcil en entendant Kylan exploser de rire. Il se leva un peu pour observer la cause de l’hilarité. Nouveau soupir, complètement blasé. Il aurait presque préféré une groupie. Puis jeta un regard plein de défi à Kylan, peut-être un peu charmeur.

«Bien sûr que je suce, mais si sa bite est à l'image de son orthographe, c'est clair que j'en aurai pas envie. »dit-il avec un ton catégorique, mais en insistant particulièrement sur le début de sa phrase.

C'était idiot. Kylan se fichait sûrement de savoir s'il suçait. Il lui demandait uniquement pour se foutre de sa gueule. Parce que c'était drôle de charrier le pote pédé après lui avoir fait sauvagement l'amour. Parce que c'était bien de penser qu'on était pas comme lui. Israël n'arrivait pas à trouver cela très drôle. La situation était plutôt pathétiquement minable pour lui. Il attrapa l'ordinateur de Kylan, et tapa rapidement une réponse.

«  Très cher Super kékette, il s'avère que je suce, oui. Mais avant que vous puissiez profiter de ce plaisir, il faudrait que vous appreniez au moins à orthographier le mot «sucer ». Merci de votre compréhension, et allez bien vous faire enculer ailleurs. Cordialement, Israël. »

L'écrivain reposa l'ordinateur sur les genoux de son colocataire. Il n'avait pas cliqué sur « envoyer », laissant cette joie à Kylan. Il eut un léger soupir. Puis il se leva, attrapant sa tasse pour aller se faire un autre thé. Il regardait ce beau salaud dans son fauteuil.

« Kylan, je n'ai pas besoin de quelqu'un d'autre que lui dans ma vie. Cela ne marchera jamais. Je finirai toujours par penser à lui. »lâcha-t-il avec amertume.

Nouveau soupir. Entendre un mec comme Kylan lui donner des conseils sur la façon d'appréhender sa vie avait quelque chose de salement drôle. Enfin, il fallait apprécier l'humour noir, parce que clairement, là, c'était risible pour quelqu'un de cynique. Ce que l'écrivain était alors. Il eut un léger ricanement. Depuis quand Kylan voulait devenir son coach personnel ? Franchement, il n'avait que le corps pour l'emploi, il n'avait pas une once de psychologie ou de diplomatie.

« Faut croire que j'aime souffrir.... Tu serais opé' pour m'envoyer un dominateur la prochaine fois, plutôt que Loukas ? »dit-il en faisant traîner le « souffrir » de façon exagérée.

Il remplit rapidement sa bouilloire, et la mit à chauffer. Hm, Kylan se rhabillait. Dommage, il ne pourrait pas se rincer l’œil plus longtemps. Il esquiva les restes d'assiettes brisées pour s'appuyer contre le plan de travail. Il fallait qu'il nettoie ça. Sinon Kylan allait laisser ça pendant des jours traîner... Et puis, c'était un peu son carnage. Il faudrait qu'il rachète des assiettes. Au moins, il aurait une bonne raison de foutre les pieds dehors. Il releva la tête à la question de Kylan, lâchant un soupir faussement exaspéré.

« Prends moi plutôt juste un paquet de clopes. Je te rembourserai. »répondit-il avec un léger sourire.

Puis Kylan sortit. Son sourire s'effaça. Il versa l'eau dans sa tasse. Il ferma les yeux, sa tasse entre les mains. Il devait effectivement se prendre en main. Avancer. Trouver quelque chose pour avancer. Il but une gorgée de thé. Il savait ce qui pouvait le faire avancer. Il n'y avait qu'une chose. Une seule chose : écrire. Mais pas ces daubes qui lui permettaient de payer son loyer. Non, écrire vraiment. Il ouvrit les yeux, esquivant les morceaux d'arcopal. Il déposa sa tasse, nettoya son massacre d'assiettes. Il reprit sa tasse, et se dirigea dans sa chambre.

Il découvrit avec un œil lucide les livres par terre. Il se baissa pour les ramasser doucement. Il les rangea avec presque de l'amour pour chacun d'eux. Puis glissé entre deux pages, il y avait une enveloppe qu'il n'avait jamais postée. Il la posa sur son bureau. Il finit de ranger l'endroit. Il hésité à aller s'installer devant son ordinateur, mais finalement, il fouilla dans un tiroir, trouvant un carnet vierge. Il prit un stylo. Il s'assit par terre. Il resta plusieurs secondes face à la page blanche, le stylo dans sa main tremblante. Il avait peur d'écrire. Peur de savoir ce qu'il voulait écrire. Peur des conséquences s'il écrivait tout cela. Mais pouvait-il encore fuir ? A force de s'échapper, il avait peur de ne plus vraiment savoir ce qu'il évitait. La réussite ? La vérité ? Le bonheur ? Il était tant que tout cela s'arrête. Il était tant qu'il aille de l'avant. Qu'importait les conséquences. Il voulait redevenir lui-même et plus ce pauvre pantin dépressif. Il était plus que cela. Il serait plus que cela.

Parfois quand on a juste envie de se foutre en l'air, il y a quelqu'un qui vous attrape et vous fout une grande claque. Lorsqu'on est sensé être un génie, ça fait mal...