Kylan & Israël

 

Quand Israël passa la porte de l'immeuble, il était presque huit heures. Si ses yeux n'avait pas été gonflés, et bleuis par les coups, il aurait sans doute eu des cernes. Il n'était plus tout jeune, les nuits blanches, passé un certain âge, ça laisse des traces. Mais il s'en foutait d'avoir la gueule démontée, d'avoir le corps usé réclamant du repos. Il savait que l'heure du changement avait sonné. L'heure de son changement. Trop de claques prises pour rester sans bouger. Il claqua sans ménagement la porte de l'appartement en rentrant. Sans doute pour réveiller Kylan. Pour attirer son attention. Pour pouvoir enfin mettre les choses au clair, définitivement.

Cependant, il ne resta pas dans le salon, il alla dans sa chambre, jetant son manteau sur le lit. Il aperçut son visage dans la glace de son placard, il eut une grimace. Ce n'était pas beau à voir. Ses lèvres avaient gonflées, son œil droit avait bleui alors que l'autre était gonflé, il avait du sang un peu partout, mais les plaies semblaient être localisées sur sa tempe, et sa joue. Il verrait cela plus tard. Ce n'était pas des plaies trop graves. Il avait ses propres priorités, même si elles ne paraissaient pas vraiment logiques au reste du monde. Il jeta une vieille valise sur son lit, et commença à y lancer sans aucune logique ses affaires, loin de son ordre habituel. Il ne releva la tête qu'en entendant Kylan, qu'en le voyant dans l'encadrement de la porte de sa chambre. Il s'arrêta dans son mouvement compulsif. Il le fixa, le discernant assez mal en raison de ses blessures. Il ne savait pas bien s'il était heureux de le voir ou révolté. Fallait-il qu'il claque la porte pour exister à ces yeux ?

« Kylan, je m'en vais. »dit-il simplement en regardant le beau brun.

Ce trop beau brun qui le hantait, qui lui faisait perdre le fil de sa vie, qui l'empêchait d'avancer maintenant qu'il avait bien gravi la pente. Il devait partir. L'oublier. Se le sortir de la tête. Lui dire la vérité aussi. Lui dire tout ce qu'il ne voulait pas dire de peur de le perdre. Mais s'il ne le disait pas, ce serait lui qui finirait par se perdre dans ce mensonge qui était en train de le détruire, de le ravager, de le brûler.

« Je reviendrai chercher mes autres affaires plus tard. Je paierai le loyer de ce mois-ci. »ajouta-t-il d'une voix enraillée par la fatigue.

Il ne savait même pas où il allait crécher. A l'hôtel sans doute. Le temps de se trouver un appartement minuscule et abordable. Le temps de finir ses projets. Le temps d'avancer un peu plus. Il fallait qu'il s'en aille. Il le savait. Il avait besoin de cette séparation. Il avait besoin de se couper de ce qu'il n'obtiendrait jamais. Il devait arrêter de se faire du mal, et pas simplement en évitant de croiser un mec violent dans la rue à 3 heures du mat'. C'était un autre masochisme qu'il devait éradiquer.

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Kylan avait été réveillé à huit heures du mat' par le bruit de la porte qui claquait... pfff il avait encore le temps avant d'aller bosser merde... il commençait son service à 11h aujourd'hui. Mais bon, maintenant qu'il était réveillé, il avait faim, il fallait donc qu'il se lève, il enfila juste un jogging et comme souvent, il restait torse nu. Lorsqu'il sortit de sa chambre, il remarqua la gueule abîmée de son coloc... hé ben, il aurait mieux fait de ne pas sortir cette nuit. Au départ, il s'apprêtait à se moquer de lui, mais n'en eut pas vraiment le temps. « Kylan, je m'en vais. » Il sortait à nouveau ? Dans cet état ? S'il devait se casser c'était pour aller à l'hosto histoire de vérifier s'il n'avait pas pris un trop vilain coup. « Je reviendrai chercher mes autres affaires plus tard. Je paierai le loyer de ce mois-ci. » Il fronça les sourcils. Quoi ? En fait il quittait l'appart ? Mais pourquoi ? Et surtout, comment Kylan allait se procurer sa weed si Israël n'était plus là ? Et qui ferait la cuisine ? Qui ferait le ménage ? Israël était le meilleur coloc qu'il avait eu jusque là... le plus patient surtout. Il ne pouvait pas partir comme ça. Il le fixa dans les yeux avec un air un peu bête due à son incompréhension.

« Tu te casses parce que tu t'es fait taper sur la gueule ? Si y a que ça je peux aller m'occuper du ou des cons qui ont fait ça hein ! » Il afficha un petit sourire en coin... franchement, il n'avait jamais vraiment levé la main sur personne, mis à part quand on le cherchait en premier, mais ce n'était pas son genre de déclencher une bagarre... enfin, il pouvait faire un effort pour que son coloc / dealeur / domestique reste. Et puis il n'avait pas envie de rechercher un nouveau coloc, les autres mecs de Radcliff étaient nuls comme coloc... Eremon par exemple : il ferait un très mauvais compagnon, il passait son temps à lui crier dessus et n'avait comme utilité que d'être un bon partenaire de jeux vidéo ! Et puis les types d'avant s'étaient barrés au bout de quelques mois parce qu'ils ne supportaient pas le bordel et le caractère puéril de Kylan. Israël était le tenant du titre ! Il avait réussi à supporter le serveur pendant plus de deux ans ! Ça relevait du miracle... « Pourquoi tu pars, d'abord ? À cause du bordel que je laisse tout le temps ? Mais j'aime pas ranger... et puis c'est un appart de mecs, pas besoin de ranger ... » Toujours à se comporter comme un gosse, il avait pris son habituel air de gamin qui se faisait réprimandé. Il ne voulait pas être seul encore, il détestait être tout seul dans son appart. À chaque fois que ses colocataires se cassaient, il se sentait con dans un appart un peu trop grand pour une personne seule. Et puis pas question de l'admettre, pas question de demander à maman de venir lui faire à manger ou faire le ménage, elle allait encore lui faire tous ces reproches qu'il détestait genre que c'était un bon à rien, qu'il aurait pu faire tellement plus de sa vie etc. etc...

Kylan & Israël

 


Israël savait qu'il aurait à s'expliquer, à expliquer pourquoi il partait. Comment lui expliquer qu'il ne partait pas « à cause » d'un mec qui lui avait tapé la gueule, mais « grâce » à ce même mec, qui lui avait ouvert les yeux assez violemment pour qu'il se décide à agir. A stopper l'hémorragie. Il devait arrêter de se faire du mal. Pour une fois dans sa vie, il devait prendre soin de lui. Il devait se donner les moyens de dépasser cette mélancolie permanente. Il ne voulait pas déraper une nouvelle fois. Il ne voulait pas qu'un jour Kylan le trouve sur le sol du salon. Pourtant, s'il restait, c'était ce qui arriverait. Le jour où il ne supporterait pas de le voir avec une fille. Le jour où il n'aurait pas assez de force. Le jour où il perdrait encore le contrôle. Mais rien que le voir sourire lui faisait déjà regretter sa décision.

« Cela n'a rien à voir. Je me suis déjà fait casser la gueule. Je me la ferai encore casser. Ce n'est pas ça. J'm'en fous des coups. Ma peau finit toujours par cicatriser. Le problème est ailleurs, Kylan. »répondit-il d'une voix lasse.

Il savait que cette discussion serait sans doute la plus dure de sa vie. Si on lui avait dit que la rupture sentimentale la plus difficile qu'il vivrait serait celle d'une relation pas même entamée. C'était ridicule. Il s'apercevait de la bêtise de sa venue ici, deux ans plus tôt. Avait-il vraiment cru qu'on pouvait vivre avec son premier amour sans sombrer à nouveau ? C'était stupide. Il aurait dû passer son chemin. Ne pas raviver les plaies, ne pas laisser l'improbable se produire, ne pas se laisser apprivoiser par Kylan.

« Kylan... Arrête. Ce n'est pas ça. Je m'en fiche de ton bordel. Ça fait deux ans que je le range. »murmura-t-il dans un souffle.

Les larmes lui montaient aux yeux. C'était tellement dur d'avouer la supercherie. D'avouer pourquoi il était resté si longtemps là où les autres auraient fui après quelques semaines seulement. Tout simplement parce qu'il n'était qu'un putain de menteur manipulateur. Parce que ça l'arrangeait bien de se complaire en regardant une image de son glorieux passé. Parce que Kylan était resté le même et que ça lui faisait du bien de croire que lui aussi n'avait pas changé depuis leur première rencontre. Seulement, c'était faux. Il en avait pris plein la gueule, il avait chuté, et il était décidé à ne pas tomber encore. C'était trop douloureux.

« C'est de ma faute si je pars. Parce que j'ai jamais été honnête avec toi, et parce que c'est plus possible depuis qu'on... »

Sa voix se brisa. Depuis qu'il avait été « son trou de baise » comme avait si bien résumé Colt. Il n'avait été que cela. Il passa nerveusement une main dans ses cheveux. Ils étaient collés par le sang. Il arrêta rapidement. Il eut un rire nerveux.

« C'est toi qui m'a dit que ce mec que j'arrivais pas à me sortir de la tête, il fallait que je le quitte, que je l'oublie, pas vrai ? Alors, je suis tes conseils, parce que si je continue de vivre avec toi, Kylan, je pourrai pas t'oublier, et ça me détruira. Je nous ai menti trop longtemps. »avoua-t-il alors que les larmes diluaient le sang encore présent sur ses joues.

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« Cela n'a rien à voir. Je me suis déjà fait casser la gueule. Je me la ferai encore casser. Ce n'est pas ça. J'm'en fous des coups. Ma peau finit toujours par cicatriser. Le problème est ailleurs, Kylan. » Il s'en foutait ? Bah putain, trop bon trop con, il dépassait presque que Kylan au niveau de la connerie là, non ? Même si ça cicatrisait, ce n'était pas cool d'être blessé... il avait dû prendre un coup sur la tête pour penser ce genre de choses... ou être définitivement masochiste. Bon, il ne partait pas à cause de sa baston et visiblement, pas non plus à cause du foutoir. « Kylan... Arrête. Ce n'est pas ça. Je m'en fiche de ton bordel. Ça fait deux ans que je le range. » Mais alors c'était quoi le putain de problème ? Il l'avait supporté pendant deux ans, qu'est-ce qui changeait soudainement ? Il n'avait rien fait de spécial dernièrement... hormis le fait de coucher avec lui... ou de l'inscrire sur meetic... ou de lui offrir un strip teaser pour son anniv qui n'était pas son anniv... ce n'était pas si grave tout ça quand même ? Si ? « C'est de ma faute si je pars. Parce que j'ai jamais été honnête avec toi, et parce que c'est plus possible depuis qu'on... » Kylan leva les yeux au ciel. Comme si l'honnêteté était quelque chose d'important. Tout le monde mentait, c'était des conneries de reprocher le manque d'honnêteté à une personne. En tout cas, lui, il mentait tellement sur ses sentiments que désormais il était persuadé que ces mensonges étaient vrais. « C'est toi qui m'a dit que ce mec que j'arrivais pas à me sortir de la tête, il fallait que je le quitte, que je l'oublie, pas vrai ? Alors, je suis tes conseils, parce que si je continue de vivre avec toi, Kylan, je pourrai pas t'oublier, et ça me détruira. Je nous ai menti trop longtemps. » C'était quoi le rapport avec lui ? Pourquoi il le mêlait à cette histoire ? Il lui fallut quelques secondes de réflexions (et il détestait réfléchir) pour comprendre qu'en fait, ce que disait Israël, c'était qu'il était amoureux de lui. Il afficha des yeux ronds lorsque l'information monta à son cerveau. Le mec qu'il aimait depuis dix-sept ans c'était lui ?? Mais il était con où quoi ? Personne ne pouvait et ne devait tomber amoureux de lui !!! C'était interdit ! Enfin c'était vivement déconseillé plutôt. Pour tomber amoureux de Kylan, il fallait être encore plus con que lui. En tout cas, c'était ce don le ténébreux était persuadé. Il avait inconsciemment peur du rejet et paradoxalement, il ne voulait pas qu'on s'entiche de lui... Pfff tout ça était tellement compliqué que son cerveau était à deux doigts d'afficher "Erreur 404" ... Mais non il devait réagir. Il sortit de son apparente léthargie après quelques secondes.

« Mais... pourquoi moi ?! T'es cultivé et intelligent... alors pourquoi tu t'abaisserais à ce niveau ?! C'est complètement con ce que tu dis. Faudrait vraiment être désespéré pour tomber amoureux de moi ! Y a plein de gays intelligent et cultivés ! En plus je suis pas gay. » Il passa une main sur son visage, l'air tellement dépité par la situation. Pfff il lui en voulait presque d'être amoureux de lui : à cause de ça il devait l'abandonner... relou ! Ce genre de choses chiantes n'arrivaient décidément qu'à lui ! Il était maudit ou quoi ? Bon d'accord, en règle générale, sa vie était plutôt calme. Mais là, la tournure que prenaient les choses ne lui plaisait pas du tout. « Y a pleins d'autres mecs, suffirait que tu tombes amoureux d'un autre, tout simplement. » D'accord, les sentiments, ça ne se commandait pas, mais comme il n'était jamais tombé amoureux, il ne pouvait pas le savoir ça. Pourquoi c'était à lui de faire les frais alors qu'il n'y était pour rien. Il soupira profondément. « J'aurais préféré que tu me dises que tu pars parce que je suis insupportable. Des fois c'est mieux de mentir. Là j'y suis pour rien... » C'était un peu comme sa mère qui avait cessé de s'occuper de lui parce qu'il était un transmutant... il n'y pouvait rien... Les gens étaient vraiment tous les mêmes... Bah ! Eh bien qu'il parte ! Il n'était plus à ça prêt ! « Je me trouverais un autre dealer du coup. » Il haussa les épaules en faisant mine qu'il s'en fichait de tout ça. Ce n'était pas vrai, mais c'était tellement plus simple de feindre l'indifférence pour ne pas perdre la face.

Kylan & Israël

 


Ce n'était peut-être pas partir le plus dur finalement, le plus dur, c'était d'affronter cet homme qu'il aimait. De supporter ses regards, son incompréhension, ses attitudes qu'il avait si longtemps apprécié. Pourtant, là, il n'arrivait pas à aimer son air idiot, son étonnement. Tout aurait été plus simple s'il l'avait compris avant, s'il n'avait pas eu à s'expliquer, s'il n'avait pas eu à lui avouer cet amour qui lui déchirait les tripes. Le silence qui s'étala sur de longues secondes lui glaça le sang. Il avait tellement imaginé ce moment, tellement de versions différentes, tellement de possibilités, les pires comme les meilleures se bousculaient dans sa tête. Il voulait que l'homme le retienne. Il voulait qu'il comprenne. Il voulait qu'il l'embrasse, qu'il lui dise qu'il n'était qu'un con et qu'il l'aimait aussi. Qu'il était mièvre ! Bien sûr rien de cela ne se passa. Et cela lui fit mal. Qu'il était con. Pourquoi avait-il tant attendu ? Cela ne faisait qu'ajouter de l'intensité à sa souffrance.

Il fut blessé par ses mots, mais plus encore, il eut pitié de lui. Pitié de l'entendre demander « pourquoi », pitié de l'entendre parler « d'abaissement », pitié de le voir si débile. Il ne savait pas pourquoi il l'aimait lui. Il savait que c'était con, et impossible, il savait tout ça, mais l'entendre dans sa bouche, lui laissait un goût amer dans l'âme. Il serra légèrement les poings, essayant de rester un minimum digne. Son ego en avait assez pris dans la gueule, pas la peine d'en rajouter. Mais il ne pouvait s'empêcher de pleurer lamentablement. Parce qu'il était en train de perdre ce qu'il n'avait jamais eu. Perdre l'espoir même d'une relation avec cet homme qui le hantait depuis si longtemps. Et puis, il y eut le coup de grâce, celui qui brisa définitivement quelque chose en lui. L'histoire ne faisait que se répéter. Il regarda Kylan avec détresse. N'était-il vraiment que cela ? Pas même un ami ? Juste un putain de dealer ? Était-ce vraiment cela ? Avait-il perdu tant d'années pour entendre cela ? A sa tristesse, s'ajouta la colère. Contre lui-même, contre ce connard, contre l'humanité toute entière.

Il ne répondit rien, se contentant d'aller fouiller une boîte planquée derrière ses livres. Il attrapa un sachet bien rempli de Marie-Jeanne. Il s'approcha de Kylan, et le mit dans ses mains, sans vraiment faire preuve de délicatesse. Il ne pouvait pas cacher sa colère, sa déception. Après tout, Kylan n'était que le deuxième homme à profiter de sa faiblesse pour la drogue.

« Vu ta consommation, tu en auras pour au moins deux semaines. Cela te laissera le temps de trouver un autre dealer. Considère que c'est un geste commercial envers mon meilleur client. »lâcha-t-il avec une voix hargneuse.

Il resta là, devant lui, à le regarder avec rancœur.  Pourquoi l'aimait-il ce salaud ? Il avait beau chercher, il ne trouvait pas d'explication, encore moins en cet instant. C'était frustrant. Ne pas comprendre, être englué dans un sentiment qui était trop envahissant, trop paralysant. L'immobilisme de Radcliff en somme. Ce putain d'immobilisme qu'il avait cru fuir tant de fois.

« C'est con mais après deux ans à vivre avec toi, j’espérai au moins être plus qu'un simple dealer. Je sais pas, un ami au moins. Un être humain. Pas un réservoir à drogues. Je te demande même pas de m'aimer, hein. Ça, j'ai toujours su que c'était impossible, mais merde... T'es vraiment qu'un gros con, Kylan. »

Il marqua une pause, toisant l'homme avec peut-être un peu de mépris, mais surtout beaucoup de colère.

« Tu sais quoi ? J'en sais rien de pourquoi je t'aime. J'ai pas pu arrêter. J't'ai aimé quand on était au lycée. Je crois que j'admirai ta façon de ne rien en avoir à faire de rien. Je pensais que c'était peut-être de la force de caractère, mais maintenant, je sais ce que c'est, c'est juste une putain de lâcheté. T'es pire que moi. Vraiment, j'aimerai vraiment aimer quelqu'un d'autre. J'ai essayé tu sais. Deux fois. Quand j'étais loin d'ici. Seulement t'étais toujours dans ma tête. Toi, et la drogue, vous m'avez jamais lâché. Et quand j'ai voulu vous quitter définitivement, j'ai foiré mon suicide, et j'en ai pris pour 5 ans à entendre des psychiatres que j'étais qu'un toxicomane qui fuyait la réalité. Seulement, t'es aussi exactement ça. Un toxico qui fuit la réalité, Kylan. C'était tellement bien de pouvoir faire ça avec toi, pendant deux putain de longues années. Seulement, je peux plus rester comme ça, Kyl. Sinon, un jour, tu vas rentrer, et tu vas me retrouver mort dans le salon. Je veux pas te rendre responsable de ça, tu comprends, bordel ? J'veux arrêter de me détruire en m'accrochant au passé. Je veux t'oublier, Kylan. »

Il avait dit tout cela d'un trait. Sans prendre le temps de respirer. Il en avait le souffle court. Il ne savait même pas pourquoi il ressentait le besoin de dire tout cela, de faire tout ce mal. Il savait juste qu'il devait faire sortir tout cela, faire sortir tout ce qui nécrosait son esprit. Il resta là, le souffle accéléré, le regard hagard, dévisageant ce visage qu'il aurait voulu caresser une dernière fois avant de claquer la porte au nez du passé.

Code by Fremione.

Israël disparut lorsque Kylan affirma qu'il allait devoir se trouver un autre dealer... il avait encore dit une connerie ? Bah, ça ne changeait pas par rapport à d'habitude... Enfin, finalement, il revint assez agacé et lui donna -de façon tout aussi agacée- un sachet de marijuana... « Vu ta consommation, tu en auras pour au moins deux semaines. Cela te laissera le temps de trouver un autre dealer. Considère que c'est un geste commercial envers mon meilleur client. » Ah cool. Il allait bientôt être en rade de joints à se faire. Pfff, mais en même temps, il ne voulait pas chercher un autre dealer... c'était chiant de chercher. Et puis, ce n'était pas comme si les fournisseurs se trouvaient à tous les coins de rues, surtout dans une ville comme Radcliff. Heureusement, il en connaissait un autre. Celui qui l'avait fourni avant qu'Israël revienne en ville... vu sa consommation l'autre n'aurait pas intérêt à lui tenir rigueur d'avoir changé de fournisseur pendant un moment. Le tiers des payes de Kylan passaient dans la drogue... En même temps, c'était sa seule façon de tenir avec un cerveau comme le sien. « C'est con mais après deux ans à vivre avec toi, j’espérai au moins être plus qu'un simple dealer. Je sais pas, un ami au moins. Un être humain. Pas un réservoir à drogues. Je te demande même pas de m'aimer, hein. Ça, j'ai toujours su que c'était impossible, mais merde... T'es vraiment qu'un gros con, Kylan. » Rho il cherchait la petite bête là ! Évidemment qu'il le considérait comme son pote ! Mais c'est pas quelque chose qu'on dit entre mec ! Pour le coup, Kylan leva les yeux au ciel prenant un air qui voulait dire « putain, t'exagère ». Ce que cette conversation l'énervait ! Il avait envie de s'enfermer dans sa chambre en lui claquant la porte au nez. Avec une journée qui commençait avec une telle ambiance, il y avait fort à parier que son service allait être des plus explosifs. Ce serait ses collègues qui allaient devoir supporter sa mauvaise humeur du coup.

Ouah, la suite fut vraiment digne d'un monologue théâtrale... chose qui l'agaçait terriblement. Il commença par parler de son caractère je m'en-foutiste en disant que c'était de la faiblesse. Qu'est ce que ça avait avoir ! Il n'avait rien fait et il prenait l'agro gratuitement comme ça ! Eh bah ça lui faisait une belle jambe de savoir qu'Israël le trouvait faible. Il pouvait bien dire ce qu'il voulait, ce n'était pas lui qui rentrait le matin avec la gueule violemment défoncé ! Et ensuite il évoqua une tentative de suicide... ben lequel des deux était le plus faible là ? Si ça ce n'était pas de lâcheté, qu'est-ce que c'était ?! Oh oui c'était facile de résoudre ses problèmes en se taillant les veines, c'était sûr que comme ça, il n'y avait plus de problème pour le mort, mais derrière, c'était les proches qui payaient cette faiblesse ! Et puis franchement, dire ce genre de choses c'était vraiment cruel, comme si Kylan était responsable ! Il n'avait rien demandé ! Surtout pas qu'on se suicide pour lui. Il ne voulait pas le rendre responsable ? Et bien il aurait mieux fait de fermer sa gueule parce que là, c'était trop tard. En lui avouant tout ça, Israël lui donnait la place de bourreaux, celui qui conduirait à son suicide... en gros, il devenait meurtrier en quelque sorte. Heureusement qu'il était trop con pour pousser la réflexion plus loin... enfin, il était con, mais était quand même pourvu de neurones qui cogiteraient sur ça, malgré lui. Il adressa un regard méprisant à Israël, si celui-ci le connaissait un peu, il saurait qu'il ne lançait jamais ce genre de regard à moins d'être vraiment furax... il préférait généralement jouer au con en rigolant ou en boudant, mais là... c'était aller beaucoup trop loin. Cette histoire ressemblait trop à la relation qu'il avait avec sa mère, elle aussi l'avait laissé pour une raison que Kylan ne pouvait pas contrôler. « Tu peux dégager c'est bon. J'ai même pas la force de jouer au con après ça. » Il lui rendit son sachet de marijuana. « Je veux plus rien venant de toi. Tu peux aller te faire foutre, te faire casser la gueule, je m'en fou complètement. Bonne chance pour la suite, avec tes bouquins pourrit ou je sais pas quoi. » Il allait retourner dans sa chambre en lui tournant le dos, mais se retourna finalement vers lui. « Oh et pardon d'avoir tenté de t'assassiner y a cinq ans dans ce cas ! J'aurais pu réaliser le crime parfait visiblement puisque je n'aurais même pas été au courant d'avoir tué quelqu'un ! »

Kylan & Israël

 


Les larmes revinrent sur ses joues. C'était douloureux. Vraiment. Sentir ce qu'on avait construit, ce qu'on avait espéré se briser sous ses doigts. Il se coupait avec les bris de son amour et les envoyait à la gueule de Kylan. Si je ne peux pas t'avoir, au moins, je peux toujours t'attirer dans mon désespoir, non ? Israël avait peur de vraiment penser cela. Il avait peur de vouloir lui faire du mal en toute conscience. Non. Il ne le voulait pas. En voyant le regard de Kylan, il regretta ses paroles, il regretta sa connerie, il regretta de devoir partir. Il savait qu'il avait tout piétiné. Il n'aurait jamais dû. Il se sentait tellement minable. Projeter son mal-être sur les autres, c'était tellement commun, merde, il ne pouvait pas relever le niveau ? Non, il n'y arrivait pas. Il n'était qu'un connard égoïste et stupide. Pas meilleur que les autres, pas un foutu génie, juste un homme blessé. Il attrapa mécaniquement la drogue. Cette foutue drogue. Il aurait voulu le retenir, le serrer dans ses bras, s'excuser piteusement, mais non, il resta paralysé. Il avait eu l'impression de prendre un coup plus violent que ceux qu'il avait pris dans la gueule quelques heures plus tôt. Là, il n'y aurait pas de trace visible, pas moyen de laisser cicatriser. La blessure resterait quoi qu'il fasse. Parce que tout était fini.

Sa paralysie s'acheva, sa main alla attraper le bras de Kylan. Parce qu'il ne voulait pas qu'il parte comme ça. Il ne voulait pas qu'il parte tout court, mais cela était nécessaire. Il avait l'impression que tout était encore en train de se briser sous ses doigts. Il n'avait jamais su aimer comme il le faut. Il ne savait pas aimer sans faire de mal.

« Kylan.... Ce n'est pas toi. C'est moi le problème. Tu m'as jamais rien fait. T'es un con, mais... T'y peux rien si ça déconne dans ma tête... »murmura-t-il d'une voix désolée, peinée aussi.

Sa main descendit à celle de Kyl. Il se doutait que son colocataire n'aimerait pas ce contact de lopette, surtout en cet instant. Mais il avait besoin de savoir qu'il pouvait encore le toucher quelques instants. Il ne voulait pas partir en le laissant croire coupable de quoi que ce soit. Il n'était pas coupable.

« Je suis désolé... J'aurai pas dû dire tout ça... Mais je pouvais plus te mentir... »

Si, il aurait pu. Il aurait pu continuer, il aurait pu trouver mille prétextes à son départ, mais il avait préféré jouer les martyrs. Comme toujours. Son goût pour la victimisation sans doute. Il lâcha sa main. Il savait qu'il abusait. Il savait que Kylan avait le droit de l'oublier lui aussi. C'était même mieux si Kylan le détestait, au moins, il n'y aurait plus rien à regretter.

« Tu trouveras quelqu'un de mieux que moi, Kylan... »

Lui par contre n'était pas certain de trouver quelqu'un capable de remplacer cet imbécile. Ce serait difficile de trouver quelqu'un d'aussi attachant. Israël ne perdait pas qu'un amour de jeunesse, mais aussi un ami, un vieil ami.

« Tu mérites mieux que moi. »

Par contre, moi, je suis loin de te mériter. J'ai beau clamer que tu es un connard, c'est faux. T'es quelqu'un de bien, Kylan.

Code by Fremione.

Israël attrapa finalement le bras de Kylan, ce dernier dut prendre sur lui pour ne pas récupérer son bras de façon de violente, il ne bougea donc pas, tout simplement, son regard agacé planté dans celui de l'homme qui s'apprêtait à l'abandonner. « Kylan.... Ce n'est pas toi. C'est moi le problème. Tu m'as jamais rien fait. T'es un con, mais... T'y peux rien si ça déconne dans ma tête... » Pfff, c'était bidon comme excuse, mais bon, au moins il reconnaissait que Kylan n'était pas coupable d'être aimé par lui. Il serra les dents en sentant la main de son coloc glisser dans la sienne, ce n'était pas la peine d'en faire autant alors qu'il allait le laisser tout seul. « Je suis désolé... J'aurai pas dû dire tout ça... Mais je pouvais plus te mentir... » Il s'en fichait qu'on lui mente, il n'était pas de ceux qui râlaient parce qu'on ne leur disait pas tout. Et puis merde, l'expression du « pieu mensonge » n'existait pas pour rien. Enfin bref, aussi difficile que ça puisse paraître, il fallait bien qu'il se mette une seconde à la place du littéraire... ça ne devait pas être facile pour lui... enfin, il aurait volontiers compatit à son sort s'il ne lui avait pas sorti toutes ces horreurs avant. « Tu trouveras quelqu'un de mieux que moi, Kylan... » Il leva les yeux au ciel en récupérant sa main et en croisant les bras. Ça sonnait comme une rupture amoureuse... il n'y avait rien de tout ça entre eux. « Tu mérites mieux que moi. » Okay il avait compris... Il pouffa légèrement de rire. Nan, mais il ne cherchait pas trouver quelqu'un de mieux, c'était juste un coloc... bon okay c'était aussi son pote, même s'il ne l'avouerait probablement pas.

« Arrête ton char Israël. On dirait que tu parles d'histoire d'amour où je sais pas quoi. C'est bon je m'en remettrais. Et je pourrais même essayer de vivre tout seul... je suis pas handicapé. » Il marqua une brève pause en se posant la question. Il avait des doutes quand même. « Dans le pire des cas je prendrais un chat. » Il haussa les épaules... pauvre chat, il ne serait pas foutu de s'occuper de lui-même alors d'un animal de compagnie... la bonne blague. Il inspira comme pour se calmer. De toute façon ce qui était dit était dit, pas moyen de revenir en arrière, heureusement que malgré sa mémoire d'éléphant, Kylan avait le caractère versatile d'un gamin. « Je te souhaite bon vent et tout le tralala chiant. Pas la peine de faire des adieux larmoyant digne d'un film pour émouvoir toutes les paires de boobs de la planète. » Il haussa les épaules en prenant la direction du salon finalement, il avait vraiment besoin de se griller une clope sur le balcon... comme toujours, demi nu... bah ça faisait surement plaisir aux filles de l'immeuble d'en face... Putain, qu'allait-il faire tout seul... il ne savait pas se servir de la machine à laver... et la vaisselle... ce n'était pas comme au bar : il ne suffisait pas de mettre les verres dans des trucs qui passaient ensuite dans une machine pour ressortir propre... c'était plus technique que ça...