Décembre déjà… Le temps passait incroyablement vite. Deux mois maintenant qu’il était réveiller et luttait pour retrouver l’usage des ses facultés physiques, mais surtout moteur. Et sa mémoire aussi. Pouvait-il oser espérer un miracle de Noël et retrouver sa vie d’un coup de baguette magique ? Fallait pas vraiment trop rêver non plus…
Ses séances de tortures avaient finit par payer et William avait quitté cette foutue chaise, qui lui avait aplatit les fesses pendant trop longtemps à son goût. Bon il se trouvait loin de pouvoir cavaler comme un cabri dans tous les coins, ou se lancer tel un yamakazi à l’assaut d’un mur pour faire le singe sur les toits. Non là il était plus à l’image d’un vieux machin traînant sa carcasse diminuée, luttant pour que ses guibolles ne flanchent pas trop et que sa canne ne se change pas en déambulateur. Pensée qu’il s’en serait mieux sortit c’était comme croire au Père Noël, et il avait hélas passé l’âge pour ces conneries. La kiné lui avait bien dit de garder encore le fauteuil pendant un mois et de faire des exercices que matin et soir. Qu’il ne fallait pas trop forcer. Bla… bla… bla… A d’autre. Pour faire rentrer le mot ménager dans sa foutue tête de bois, fallait se lever tôt.
Sa mémoire elle lui revenait par bribe. Parfois des choses insignifiantes. Souvent dans des moments peu appropriés et la plupart du temps ça lui faisait l’effet d’une claque, et lui foutait la carafe à l’envers. A ça pour lui sonner les cloches l’homme n’avait besoin de personne. Son cerveau, ce merveilleux bourreau, s’en chargeait pour lui. Et le plus ironique dans tout ça, c’est qu’il n’avait toujours pas de souvenir d’elle. Mais il le garda sous silence. A quoi bon retourner encore ce couteau dans la plaie ?
William n’avait rien à lui offrir en ce jour de fête. Pas même un toit. Bien sûr tous deux avaient toujours vécu ainsi. Mais était-ce vraiment une vie ? De ne pas avoir un endroit à eux pour se poser et panser leurs blessures. C’est la pensée qui lui traversa de nouveau l’esprit, en même temps que son corps à travers ce mur. Des squatteurs c’est ce qu’ils étaient. Si la gamine ça n’avait pas l’air de la déranger, lui ça lui pesait. S’il ne pouvait pas encore lui faire le cadeau de ses souvenirs, il aurait au moins voulu lui donner ça.
Retirant son bonnet, il ébouriffa ses cheveux et trouva appuis contre le mur le temps de retrouver ses esprits. Ça lui faisait toujours cet effet là de passer à travers les choses. Elle ça avait l’air de la faire rire, lui pas trop. Enfin, il n’allait pas jouer les rabats joie. Ses yeux la suivirent du regard et après quelques instants de silence, il daigna se décoller de son appui pour prendre la même direction qu’elle et s’empara d’une petite bouteille de liqueur, qu’il  vida d’un trait. Lui avait besoin de quelque chose de plus fort. Se traînant jusqu’au lit, sa main se posa sur sa cuisse, plus pour la pousser un peu que pour se retenir – du moins c’est bien ce que son geste voulu faire croire – et il se laissa tomber sur le matelas dans un soupir.
- « J’te défend de te marrer comme une dinde. Grogna-t-il en levant sous son nez un doigt inquisiteur. Un peu de respect pour les vieux débris, mes jambes sont aussi raides que deux bûches.
Un sourire chemina doucement sur ses lippes en pensant à ses propositions. Elle en avait de bonnes idées la gamine. Rien que d’imaginer le père Noël sans son pantalon ça le faisait bien rire. Même si aucun son ne franchit ses lèvres.
- Un film ? J’te paris qu’ils passent les mêmes depuis Mathusalem et que je pourrais te refaire les dialogues…
Son bras, échoué sur son visage, finit par le quitter pour poser sur elle un regard las. L’homme ne put s’empêcher de sourire bêtement. Sa mémoire pouvait bien encore le bouder à son sujet, l’avoir à ses côté lui suffisait. Elle était sa lumière au bout du tunnel, son étoile dans sa nuit bien trop sombre. Même si le canadien était trop fier pour lui avouer, il le pensait terriblement fort.
- Et au lieu de jouer les enfants terribles, tu ne veux pas plutôt y faire un tour au centre commercial, juste pour voir ce qu’il s’y fait ? Si tu veux je pourrais te prendre en photo sur les genoux du père noël. Avec son pantalon bien sûr. Ne put-il s’empêcher de préciser. Se payer une gaufre au chocolat. Pourquoi pas se dégoter un peu de lait de poule ? Se faire discret le temps des festivités... J’sais bien que j’ai dormi pendant un an, mais papy il a plus vingt ans baby girl. J’pourrais pas distancer les flics. J’suis même sûr que tu pourrais me battre à une bataille de boule de neige. »
Les mots étaient sortit tout seul sans qu’il ne s’en rende véritablement compte. William voulait rester prudent, juste le temps qu’il aille mieux. Et surtout qu’ils puissent se retrouver, rattraper ce temps perdu. Y avait un moment pour les conneries, là il souhaitait juste resté tranquille et profiter un peu de cette trêve de noël.
Restant allongé sur le matelas, ses yeux ne quittaient pas les siens. Sa main, restée en suspend, vain doucement s’échouer sur son épaule, dans un geste affectif assez maladroit. S’il n’avait pas été aussi désespérément coincé vis-à-vis de ses sentiments de père refoulé, il l’aurait très certainement pris dans ses bras et gardé contre lui jusqu’au lendemain. Car c’est bien là tout ce qu’il avait à lui offrir. Le seul cadeau qu’il pouvait glisser sous leur sapin fictif. Son amour de père refoulé pour sa fille de cœur.

Ses doigts restèrent ancrés sur son épaule, sans quand ni l’un ni l’autre ne semblent vraiment s’en rendre compte. Un geste qui semblait profondément anodin, cependant il avait de l’importance pour le canadien. Comme s’il avait l’impression de rêver chaque instant. Comme s’il avait l’impression de dormir encore, prisonnier de cette nuit sans fin. Comme si elle était un mirage. Et pourtant elle se trouvait bien là, à côté de lui, à rire à ses stupidités, alors qu’il savait pertinemment qu’à l’heure actuelle il se trouvait incapable de se relever pour badiner dans la neige, ou aller jouer le moindre tour à un pauvre homme déguisé en père noël, qui souhaiterait très certainement se trouver ailleurs.
La gamine n’était pas un ange, loin de là, elle serait plutôt semblable à un petit démon qu’on a envie d’éviter. Cependant elle était son démon, et il n’avait pas l’intention de la laisser filer de nouveau. C’est ce que signifiait cette main qui ne la quittait plus, ainsi que ces deux mots la concernant qu’il avait machinalement prononcer, sans vraiment en connaitre l’origine. Même si elle ne semblait pas vraiment y avoir prêté attention. Car comme lui, la blonde était bien trop contente de le retrouver, sa présence comblant une partie de ce trou bien trop béant pour pouvoir être complètement refermé un jour.
- « Tu sais, tu vas me prendre pour un rabat joie, mais j’ai plus ton âge. J’ai même passé celui d’être un enfant dans ma caboche. Mon seul amusement en ce moment consiste à me débarrasser de c’te maudite canne. » Dit-il d’un ton passablement ironique.
C’est qu’il n’avait pas vraiment envie de le mentionner son coma. S’il avait put l’oublier il ne s’en serait que mieux porté. Finissant par laisser retomber sa paluche sur le matelas, ses mirettes se portèrent sur le poste, que ça ne l’aurait pas déranger qu’il reste muet. Décidément ces animations n’avaient vraiment que pour but de rendre les marmots complètement abrutis. Manquait plus que ce soit le vilain bonhomme de neige qui enlève l’ange… Ok, il aurait mieux fait de se taire. Soupirant il finit par se dresser tant bien que mal sur son séant, quand elle se tourne vers lui. Ses yeux tombèrent sur la boite qu’elle lui tendit et Aidan en fut quelque peu embarrassé. C’est qu’il n’avait pas de cadeau pour elle à lui offrir. Tout ça, décembre, les fêtes… ça avait été à des milles de ses préoccupations, et surtout de ses priorités. C’était peut être égoïste, mais selon lui, il avait plus important à penser à l’heure actuelle. Comme de se trouver un endroit fixe en attendant de pouvoir se retourner. Car dans son état, lui ne pouvait pas assumer de courir les rues comme ça. Il n’était qu’un boulet pour elle, et le meilleur moyen pour qu’ils se fassent reprendre. Et qu’on lui refasse de nouveau du mal, ça il ne l’acceptait pas. Si l’ex militaire tombait sur ce connard de chasseur qui l’avait mise dans cet état, il allait lui faire passer l’envie de recommencer de si tôt. Même de s’en prendre à un autre mutant. S’il le croisait, c’était un homme mort.
Ouvrant la boite, un rire sincère s’échappa de ses lèvres, plus pour ce qu’elle venait de dire que pour ce qu’il y trouva.
- « J’imagine que t’as gardé le ticket de caisse et la garantie de provenance ? Se moqua-t-il en la regardant droit dans les yeux. Ça ira très bien, merci à toi. Je vais le garder pour une autre fois. Ce serait dommage qu’ils s’imaginent qu’il y a le feu dans la chambre.
Posant la boite à côté de lui, ses mains fouillèrent dans ses poches. William n’avait pas de présent non, mais il y avait une chose qu’il pouvait lui céder, maintenant qu’il les avait récupérées. Elles lui seraient très certainement plus utile à elle qu’à lui. Même s’il ne se sentait absolument plus fier de porter un jour à nouveau l’uniforme, qu’il ne se sentait absolument plus proche de ce qui avait été autre fois sa seconde famille, il les avait conservé pour tous les bons souvenirs que ça lui avait apporté. Les rencontres également. Bien que pour l’heure tous ces souvenirs ce trouvaient encore perdu dans le néant, ce n’était pas en le observant tous les soirs, comme si toutes les réponses s’y trouvaient inscrite, qu’il allait retrouver tous ce pans perdus.
Attrapant sa main dans la sienne, il ne put s’empêcher de constater à quel point elle était si petite en son creux, et si froide… Ses doigts laissèrent tomber ses plaques militaires dans sa paume, avant de refermer ses doigts dessus de sa main libre.
- Je ne pense pas que tu en feras grand-chose, mais je te les lègue. Ce ne sont que trois malheureux bout de métal, mais ils sont importants pour moi…
L’homme resta quelques instants ainsi, sentant la chaleur de sa paluches se transmettre au sienne, avant de se sentir profondément et stupidement embarrassé par ses mots, et la situation. La relâchant un peu brusquement, l’homme s’assit au bord du lit et porta toute son attention sur le film.
- … Je rêve où ce lutin vient de tuer le bonhomme de neige en lui balançant du pudding ? » S’exclama William faussement surpris.
Pour sûr qu’on allait pas lui décerner la palme de la meilleure diversion pour changer de sujet.