Dès l’instant où Noeh reposa ses lèvres sur les siennes, Pietra sut qu’elle avait gagné. Elle jubilait intérieurement, si bien qu’il lui fallut toute sa concentration pour ne pas se dégager immédiatement et exécuter une danse de la joie. Cependant elle se retint, laissant l’étudiant l’attirer sur ses genoux, jouant le jeu jusqu’à ce qu’il décide finalement de mettre fin au baiser. La mutante lui sourit alors, dégageant de son front les mèches de cheveux qu’elle s’était amusée à ébouriffer pendant que leurs lèvres se cherchaient. Il avait l’air si ouvert à cet instant, si sincère. C’en était presque dommage… Mais non, elle n’avait pas fait tout ce cirque pour se dégonfler maintenant. Brutalement, le sourire s’effaça de son visage, révélant une expression nettement plus hautaine, voir hostile. Elle se releva rapidement, rajustant ses vêtements avec un air officieux devant l’incompréhension de Noeh. « Je pense qu’on a tout ce dont on avait besoin, hein… » dit-elle, se tournant vers l’étagère derrière le brun. « … Aspen. » Le prénom fit l’effet d’une invocation: à peine cinq secondes après que les syllabes aient quittées les lèvres de la brune, une deuxième jeune femme se tenait debout aux côtés de Pietra, la même expression de dédain sur ses traits fins. La mutante tourna son visage en sa direction et lui décocha un vrai, sourire, plein de chaleur et d’affection. Puis elle se retourna vers le badaud toujours assis sur sa chaise, qui commençait seulement à comprendre toute l’étendue du piège.

Pietra ne put s’empêcher de rire à sa mine déconfite. « Pourquoi une telle tête d’enterrement, Noeh ? Tu devrais être content qu’on s’entend si bien ; après tout, c’est grâce à toi qu’on s’est rencontrées. » dit-elle, alors qu’elle enserrait de son bras la taille de la rousse. Le jeune homme ouvrit la bouche, visiblement prêt à bégayer une pseudo-justification, ou une question, elle n’en était pas sûre – et elle s’en fichait complètement. « Peut-être que si tu n’avais pas voulu jouer au petit malin, on n’en serait pas là. Mais je dois avouer que pour le coup, je te remercie. » Sans l’étudiant incapable de choisir entre elle et l’architecte, elles ne se seraient jamais retrouvées dans ce coffee shop, n’auraient jamais découverts leurs points communs, n’auraient jamais commencé à trainer ensemble pour se plaindre du mauvais caractère du Noeh, n’aurait… Vous imaginez la suite. « Tu aurais du regarder John Tucker Must Die, Noeh, peut-être que ça t’aurait évité de te retrouver dans cette situation. » railla-t-elle, avant de se tourner vers sa petite amie. « Enfin, même s’il n’y a pas assez de lesbiennes dans ce film à mon goût. » Pour toute réponse Aspen se hissa sur la pointe des pieds et l’embrassa à pleine bouche, comme si elle comptait effacer toutes preuves que Noeh aussi était passé par là. Lorsqu’elles se désengagèrent, Pietra prit la main de la rousse dans la sienne, et commença à se diriger vers la sortie. Elles n’avaient pas fait trois pas qu’elle s’arrêta, comme pris d’une nouvelle pensée. « Allez, si tu es sage on t’invitera au mariage, promis ! » lança-t-elle avec un dernier regard en arrière, avant de disparaître dans les étagères avec la Wolstenholme, bien décidée à ne plus jamais remettre les pieds dans la ville.