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 Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)

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Moira Kovalainen
Moira Kovalainen

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SUR TH DEPUIS : 30/04/2015
MessageSujet: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeVen 29 Avr 2016 - 10:16

Who are you ? Where's my brother ?
Moira & Artur



Marius avait mis les voiles depuis une heure déjà, me laissant seule dans un appartement silencieux. Au milieu du bazar qui régnait dans le salon, entre les cartes à jouer gribouillées que nous avions utilisé la veille pour revisiter le tarot et des verres où croupissaient des restes de bières, était posé l'objet de mes cauchemars. Un petit ustensile parfaitement inerte, qui me filait des frissons d'angoisse rien que d'y penser, et que je fuyais depuis mon plus jeune âge. A vrai dire... Je ne me souvenais pas avoir accepté une seule fois que l'on s'approche de moi avec, et mon enfance avait été marquée par des traitements interminables et des dizaines de cette objets que l'on m'avait planté dans la peau pendant des semaines. Aujourd'hui encore, le simple fait d'en voir une me donnait la nausée, des fourmis me parcouraient les jambes pour me pousser à la fuite, tandis que le reste de mon corps restait pétrifié d'angoisse. C'était bête et j'en avais conscience... Complètement idiot, surréaliste, à trente ans j'avais l'impression de me comporter comme une enfant... Combien de fois m'étais-je dis « Moira, ce n'est qu'un objet, il est inerte, sans âme, sans conscience, il ne va ni t'attaquer, ni te faire du mal. » Bien sûr que ce n'était qu'un objet... Mais pas n'importe lequel.

Ce que je fixais depuis vingt bonnes minutes, c'était une seringue. Une seringue contenant une dose de NH24, ce poison répugnant que l'on appelait communément vaccin temporaire contre les mutations. Cette chose immonde que mon propre frère m'avait injecté dans les veines et qui m'avait privé de la vue et de mon don... Ce même poison voire son équivalent définitif qu'Artur avait poussé mon père à s'administrer. Il y avait largement là de quoi me répugner. Un poison qui attaquait le génome mutant, dont le mode d'inoculation passait par une fine aiguille hypodermique. Je fixais l'emballage comme si je craignais que la seringue ne s'en extraie pour venir se planter dans ma jugulaire. C'est un objet inerte, Moira... Je secouais la tête et poussais un profond soupir, déterminée à ne pas me laisser abattre. Après tout, j'avais réussi à porter le sachet du bout des doigts depuis la pharmacie, et j'avais sorti l'immondice avec une pince... Il ne me restait plus qu'à retirer l'emballage et m'en emparer à pleine main pour vaincre ma peur... Enfin en quelque sorte...

J'aurais pu renoncer. De toute manière, l'idée de base était mauvaise et je savais d'avance que j'allais le regretter. Seulement cette fois, Artur était allé trop loin, avait abusé de ma confiance et de celle de mon père... Il avait brisé les derniers ersatz de liens familiaux qui nous liaient les uns aux autres. Il fallait qu'il comprenne, qu'il vive cet enfer lui aussi pour ouvrir les yeux, car je ne voyais pas en quoi l'ignorance et la passivité ferait comprendre quoi que ce soit à Artur. Et surtout, il fallait que je le prouve à présent que j'étais loin de le défendre en toute situation. Je l'avais fait à de maintes reprises, mais c'était terminé. Cette fois... Mon devait comprendre que ses actes avaient des conséquences, et qu'il avait commis la plus grosse erreur de sa vie avec mon père : En le vaccinant, il lui avait pris bien plus que la vie, il l'avait ôté de tout ce qui pouvait encore lui permettre de rester debout, l'avait vidé de sa substance, avait refusé en bloc ce qu'il était jusqu'à le priver d'une mutation amplement maîtrisée et camouflée. Artur n'avait pas tué mon père. Il avait fait bien pire. Et pour ça, j'étais incapable de le pardonne, incapable de faire disparaître cette boule douloureuse dans ma gorge.

Alors, dans un élan de rage et d'amertume, j'attrapais la seringue et déchirais l'emballage. Et lorsque je réalisais ce que j'avais en main, je poussais une exclamation de surprise et lâchais la seringue. Elle alla se fracasser contre la table basse, et il me fallu plus d'une dizaine de minutes pour récupérer tous les morceaux et les jeter à la poubelle. Une de moins... Heureusement que j'avais acheté de quoi refaire le placard d'un drogué... Autant dire que je ne risquais pas de laisser ça traîner à portée de main de Marius, car cette andouille aurait trouvé là l'occasion rêvée pour se vacciner à nouveau.

Il me fallu bien deux heures pour réussir à tenir une seringue sans la lâcher ni sentir mon estomac se retourner sous le dégoût. Au bout de ces deux heures, j'étais fin prête, mon arme en main, le visage fermé et la mâchoire crispée. Je ne venais pas en amie, ni en sœur, je venais régler mes comptes avec Artur, De toute manière, je ne savais pas mentir et n'avais absolument pas envie de jouer la comédie ou de chercher à l'amadouer. Il fallait qu'il sache d'entrée de jeu que cette fois, je n'avais pas l'intention de lui céder.

Je rangeais dans mon sac tout mon petit attirail de bourreau et quittais l'appartement avec une véritable mine de croque-mort. Je ne vis d'ailleurs pas le temps passer, me rendant machinalement jusqu'à l'immeuble où vivait Artur, et où j'étais sûre de le trouver. Du moins presque, car c'était son jour de congé. A mesure que je grimpais les marches menant à son appartement, je chassais notre complicité passée de mon esprit, oblitérais toutes ces nuits où je lui avais raconté des histoires pour l'aider à s'endormir grâce à ma mutation, oubliais les éclats de rire, les connivences, les confidences... Et alors que j'allais sonner à la porter, je piétinais du talon cette promesse que je lui avais faite de toujours être là pour le protéger, de toujours l'aider, de toujours être ce rempart entre lui et l'adversité. De toute manière, cette promesse, je l'avais rompue le jour où j'avais quitté la maison en l'abandonnant à sa solitude.

Trois coups à la porte, un mouvement dans le couloir, une clé qui tourna dans la serrure et je me retrouvais nez à nez avec mon frère. Pas un sourire n'éclairait mon visage, et pour la première fois depuis longtemps, je portais réellement mes trente années de vie.

« Salut, Artur... »

Une voix éteinte, plus grave qu'à l'accoutumée, où se cachait les vibrations d'une colère qui ne demandait qu'à exploser.
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Artur Kovalainen
Artur Kovalainen

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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeVen 29 Avr 2016 - 13:44

And you, what have you done to my sister, years ago ?
Moira & Artur



Il venait de la raccompagner chez elle. Dans une routine qui commençait à s’établir, ils s’étaient retrouvés au matin, avaient flâné quelques heures dans l’un des parcs de Radcliff, s’étaient perdus l’un dans l’autre et n’avaient pas vu le temps passer. Dans une routine qu’il redécouvrait chaque semaine depuis les attentats de la mairie qui l’avait vu promettre à Ellie qu’il ne l’abandonnerait plus jamais, ils avaient passé la journée ensemble et le sourire aux lèvres, Artur avait cessé de penser. Cessé de se questionner. Cessé de tenter de ménager la chèvre et le chou pour tout simplement faire ce qu’il savait le mieux faire : se montrer sous son plus beau jour en toutes circonstances et maintenir distinctes toutes les faces de sa vie qui risquaient de le mettre en porte-à-faux. Lorsqu’il était avec Ellie, il était lui-même. Lorsqu’il était avec Ciaran, il était lui-même aussi. Et lorsqu’il croisait les archives des laboratoires pour mettre la main en toute discrétion sur des pistes menant à des mutants, il était encore une fois lui-même. Mais à chaque fois… et bien à chaque fois, il était quelqu’un de différent, comme si sa personnalité était filtrée par un prisme brisé.

Il venait de la raccompagner chez elle et son sourire ne montrait pas de signe de faiblesse pour le moment. Un sourire songeur, un sourire rêveur. Sa main se leva pour appeler un taxi, il jeta un regard en arrière en direction de l’appartement d’Ellie, avant de croiser les bras, ne sachant qu’en faire. Plus de contact avec son père, plus de contact avec sa sœur, plus de contact avec Alana – comme s’il avait un jour souhaité en établir un de durable avec elle – et malgré tout, Artur se sentait bien. Stable, pour ainsi dire. En équilibre sur un fil, avec une longue perche alourdie de chaque côté par l’ensemble de sa vie, mais stable. Ses pas s’étaient assurés à nouveau après la déroute du mois de juin, il avait retrouvé une ligne de conduite, une ligne directrice, avait consolidé et ses convictions et ses certitudes, s’était enveloppé dans le papier bulle protecteur du déni pour mieux mettre de côté la fragilité et l’incohérence hypocrite de ses actions. La seule solution, à ses yeux, avait été la vaccination de son père et avant cela la vaccination de sa sœur. Et pourtant Ellie était encore mutante, pleinement mutant. La seule solution avait été la chasse, la violence, le mensonge et le chantage, la colère et la fureur. Et pourtant, il avait encore un sourire aux lèvres et se comportait pour la première fois depuis des années comme un jeune adulte de vingt-six ans. Une fois au pied de son propre immeuble, Artur inspira. Et son visage se ferma lentement en songeant à cet univers froid, impersonnel et professionnel qui différait bien trop de l’énergie de la mutante. Qui lui manquait déjà. Un soupir, Artur envisagea un bref, très bref, instant de lui envoyer un message pour lui proposer de se voir, finalement, encore ce soir. Sauf que… non, il avait ces fichiers à classer, il avait ces dossiers à détailler, il avait ce mutant à trouver pour l’arrêter définitivement. Et pour ça, il n’avait pas besoin de distraction. Sa clé tourna dans la serrure, les mains encombrées du courrier, majoritairement les pubs, il laissa glisser de son épaule sa veste dans un chaos en totale contradiction avec sa maniaquerie habituelle. Voilà une autre chose qu’Ellie avait apaisée chez lui. S’il restait toujours aussi soigneux et méticuleux, le désordre naissait lentement et sûrement dans son appartement. Et l’ordinateur laissé sur la table de son salon au lieu d’être bien proprement rangé dans son bureau n’en était qu’une preuve supplémentaire. D’un mouvement, il ralluma la machine avant d’aller se préparer un café et de délaisser, volontairement, son portable dans sa chambre pour ne pas risquer de céder à la tentation de regarder s’il n’avait pas eu de nouveaux messages.

Il était plongé dans ses dossiers depuis deux heures et venait de finir sa cafetière lorsqu’on frappa à la porte. Aussitôt, les réflexes d’Artur passèrent outre son calme, la sérénité prodiguée par Ellie et sa main agrippa l’arme blanche négligemment posée à côté de son ordinateur. Ses sourcils se froncèrent, il inspira longuement avant de décrisper ses doigts, tous ses sens à l’écoute. Un. Il compta lentement, se déplaçant discrètement. Deux. Toujours pas de bruit : la personne semblait patienter tranquillement. Donc savait qu’il était là. Trois, la lame se posa sur le plan de travail de la cuisine et Artur estima le danger écarté. Si la personne avait réellement tenu à entrer, elle aurait déjà forcé le passage. Ou rebroussé chemin. Son œil se glissa au judas, avisa des mèches rousses. Moira. Ils ne s’étaient pas quittés en très bons termes, sans que ce ne soit pour autant une rupture complète. Mais le silence radio entre le frère et la sœur s’éternisait. Douloureusement. Un doute, Artur hésita sur la conduite à tenir. Ciaran lui soufflait de la laisser poireauter devant la porte. Ellie, elle… Ses doigts délièrent la chaîne, ouvrirent la porte et le plus jeune des Kovalainen se laissa un sourire s’épanouir sur son visage… « Salut, Artur... » brutalement douché avant même d’avoir eu la chance de pleinement s’étirer sur ses lèvres.

Bien. Artur se décala. « Entre. » Le ton était donné, la raison de la présence de sa sœur était claire, aussi. Et ça n’avait rien d’une visite de courtoisie. La seule question qui restait en suspens, actuellement, c’était ce qu’elle lui reprochait très exactement ou plutôt, à quel point elle le lui reprochait. En temps normal, Artur était certain qu’il lui aurait fermé la porte au nez devant tant d’amabilité pour mieux fermer les yeux sur les ruines de sa famille. En temps normal, aussi, Artur aurait eu un comportement bien plus égocentrique que celui qu’il arborait. En temps normal, enfin…

Moira était sa sœur. Sa grande-sœur. Son unique sœur, n’en déplaise à l’autre parasite. Suintant la nonchalance et le sourire hypocrite, se demandant si Moira serait capable de discerner le vrai du faux, il s’adossa au mur. « Alors, qu’est ce que j’ai fait de mal, cette fois. Qu’est ce que tu comptes faire ? » Il n’avait pas envie, aujourd’hui, de se complaire dans son rôle acide, sarcastique et violent qu’il avait servi à Andreas il y avait de cela deux bonnes semaines. Il n’avait pas envie mais pourtant Artur s’y engouffra, se réfugiant derrière l’armure protectrice de son sourire moqueur. L’illusion dans l’illusion, le mensonge dans le mensonge, plus les secondes s’égrenaient, moins il était naturel. Et plus il s’enfonçait dans un rôle qui lui convenait à merveille, le collait comme une seconde peau. « Innover ? Me rendre sourd ? » Il décroisa ses bras, les étendant comme pour laisser son torse vulnérable tandis qu’il reculait en direction du salon. « Me frapper peut-être ? » Un chat se faufila entre ses jambes pour se réfugier dans sa chambre. Un chat. Le chat de Moira. Le regard d’Artur flancha et fila à la suite de l’animal avec de se durcir à nouveau. « Vas-y je t’écoute. » Un sourire narquois. « Attentivement. »

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeVen 29 Avr 2016 - 13:54

I'm still the same... I swear...
Moira & Artur



Je ne me souvenais pas du jour où mes parents étaient rentrés de la maternité avec Artur. A vrai dire, j'étais trop jeune à l'époque pour en avoir gardé un quelconque souvenir, mais ils avaient sûrement dû me tenir l'habituel discours qu'on faisait aux aînés : C'est ton petit frère, prends soin de lui, aime-le comme nous t'aimons, blablabla... Tout ça avait disparu dans les méandres de mon esprit de petite fille de trois ans. Ce dont je me souvenais, en revanche, c'était cet événement bien plus tragique, qui s'était produit à peine deux ans plus tard. L'éveil de ma mutation. Lorsque, d'un cri, j'avais réduit en charpie les tympans de ma nourrice et manqué de tuer mon frère. J'avais beau être jeune, j'avais été marquée pas l'événement, terrifiée, tétanisée, j'avais pleuré à n'en plus finir, suppliant mon père de m'enlever ça ou de revenir en arrière pour qu'il ne soit rien arrivé à Artur. C'était égoïste, mais la nourrice je m'en fichais... Tout ce qui comptait, c'était mon frère. C'était ce sentiment de culpabilité qui ne m'avait jamais quitté, qui était resté ancré en moi pour une raison bien simple : J'avais blessé mon frère, et pas ma faute il en subissait toujours le handicap. J'avais tout donné pour réparer mon erreur. De journées d'entraînement épuisantes à me forcer à ne plus parler en présence d'Artur pour ne pas récidiver, tout y était passé. Et ce qu'il ne comprenait pas et ne comprendrait jamais, c'est que si j'avais mis tant d'énergie et d'acharnement à maîtriser ma mutation, si j'avais donné tout mon temps libre pour ça... C'était pour lui, et pour personne d'autre. Pas pour moi, pas pour l'attrait de mon père pour les mutations, c'était Artur. Pour que jamais un tel événement ne se reproduise.

Et aujourd'hui... J'avais simplement l'impression d'avoir gâché des années entières pour un petit ingrat insolent qui, quoi que je fasse, me rejetterait toujours. Que je sois vaccinée ou non, je restais une mutante et lui non, c'était bien là tout le nœud du problème. Or, j'aurais beau faire tous les efforts du monde, mon code génétique resterait le même. Alors, plutôt que de lutter contre une nature que je ne pouvais changer, il me fallait plutôt me battre contre les idées ahurissantes de connerie de mon frère. Oh il me pouvait me faire ses yeux de chien battu et son sourire d'ange ! J'étais bien trop en colère et déçue pour me laisser avoir. Lorsqu'il m'avait vaccinée, j'étais au plus mal, et sa présence m'avait considérablement aidée à remonter, parce que j'avais été incapable de le voir, et avais refusé d'entendre l'évidence. Mais cette fois, elle m'apparaissait clairement : Artur voulait simplement détruire notre famille, la mettre en charpie et se débarrasser de chacun de nous pour que plus une mutation ne vienne entacher notre lignée. L'ennui, c'est qu'il pouvait toujours prétendre le contraire, avec hypocrisie ou sincérité, je n'étais plus en mesure de croire quoi que ce soit venant de lui. Jamais je ne m'étais sentie aussi trahie, vulnérable... Paranoïaque.

Depuis que j'avais rendu visite à mon père, je n'avais cessé de tourner et retourner certaines choses dans mon esprit. A commencer par cette visite que m'avait rendu Artur, peu après l'enlèvement de William... Ces mots qu'il avait eu, comme s'il était au courant de quelque chose... Et finalement, c'était Kingsley Moren, son mentor, qui avait assassiné mon fiancé... J'avais refusé de faire le lien, et peut-être n'était-ce qu'une effroyable coïncidence, mais... Si Artur était mêlé à tout ça ? Si lui aussi avait eu sa part de responsabilité dans la mort de l'homme que j'aimais ? S'il s'avérait que j'avais vu juste, je savais qu'il s'agissait d'une chose que je ne pourrais pas pardonner. Pas plus que je n'étais actuellement en mesure de lui trouver une quelconque excuse pour ce qu'il avait fait à mon père.

Sur le pas de la porte, je le vis esquisser ce sourire que j'aimais tant auparavant et qui me semblait si faux maintenant... J'étais venue avant tout pour parler, pour lui arracher des paroles ou une émotion sincère... Quelque chose qui me prouve qu'au fond, mon petit frère était toujours là... Que l'enfant plein d'imagination et studieux que j'avais connu ne s'était pas pleinement fait dévoré par le monstre d'orgueil et de jalousie qui avait pris sa place... Qu'Artur était toujours là, quelque part... Seulement, son entrée en matière achevant ma diplomatie. A peine avais-je mis les pieds dans l'appartement que je me raidis. Je me tournais alors vers lui, un demi sourire aux lèvres, et le détaillais. Fais donc le malin, Artur... Adossé au mur, il semblait me toiser et me provoquer du regard. Se demandait-il jusqu'où j'étais prête à aller ? Ou bien à quel moment j'allais craquer et lui trouver toutes les excuses du monde pour ne plus blâmer que notre père ? Bien sûr que lui aussi avait fait des erreurs... Mais aucune qui ne justifie le comportement d'Artur.

« Tu n'as rien fais, non... Tu as un ange, Artur, un petit ange tombé du ciel, que pourrait-on te reprocher, sinon avoir anéantit ce qu'il restait de notre famille ? »

Un ton léger, une voix presque sautillante, de la malice dans le regard et un sourire aussi hypocrite que le sien. J'étais entrée dans son jeu, imitant son attitude comme un singe savant tout en la caricaturant. Je n'avais pas mon frère devant moi, il n'avait donc pas à avoir le sentiment d'avoir sa sœur devant lui. Qu'est ce que je comptais faire ? Innover, oui... Le rendre sourd, ç'aurait été une idée, si ça avait pu lui permettre de plus entendre les paroles suintantes de poisons de ses petits amis chasseurs.

« Te frapper ? Oh non, ne t'en fais pas... Je ne suis pas comme ça, et j'aurais bien trop peur que tu te mettes à pleurer... En revanche, te rendre sourd, c'est une idée... Ça ne te lessivera pas le cerveau, mais ça t'empêchera peut-être de te complaire dans les mensonges que tu persifles à longueur de journée... »

Mon sourire s'était fané, mon visage s'était fermé : Les hostilités étaient lancées. Sentant l'atmosphère s'appesantir, un chat se faufila entre les meubles et alla se réfugier dans la pièce d'à côté. J'eus tout juste le temps de reconnaître Kissa, mon chat.

« J'espère qu'il s’acclimate bien ici... Kissa est un chat qui aime la tendresse et a besoin d'affection... »

Plus aucune retenue dans mes paroles, de toute manière je n'avais pas prévu d'en avoir en venant. Je posais finalement mon sac à main sur le divan le plus proche, m'asseyant à côté. Les jambes croisées et les mains posées sur les genoux dans une attitude parfaitement détendue, je relevais les yeux vers Artur.

« Bien... Si tu m'écoutes attentivement, tu n'auras aucun mal à éclairer ma lanterne, je suppose... Pourquoi as-tu fais ça, Artur ? Qu'en tires-tu ? De la satisfaction personnelle ? Ou bien est-ce que c'est un besoin sadique de montrer que tu as la main gagnante dans l'histoire ? »

Inutile de préciser de quoi je parlais, il le savait. Et s'il me prenait pour une idiote, j'étais même prête à lui chanter mon mécontentement à la manière d'un ongle crissant sur un tableau noir. Me penchant légèrement en avant avec un sourire moqueur, j'ajoutais :

« Dis-moi, Artur... Maintenant que Moren est mort et enterré... De qui es-tu la brave petite marionnette bien obéissante ? »

Artur n'agissait pas seul... Et si j'entendais bien punir ce qu'il avait fait à mon père, je préparais bien pire pour l'enfant de catin qui lui avait retourné la cervelle. On ne me ferait pas avalé qu'il était devenu du jour au lendemain le roi des petits cons.
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Artur Kovalainen
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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeMar 3 Mai 2016 - 15:38

And you, what have you done to my sister, years ago ?
Moira & Artur



Les choses s’étaient arrangées pour Artur. Après une lente descente aux enfers attisée par la culpabilité d’avoir provoqué la mort de sa sœur, il avait dégringolé la pente. Et Ciaran lui avait tendu la main, comme un dieu d’une ancienne peinture perdue sur la voûte d’une chapelle, il avait saisi le poignet de l’Irlandais et extrait des eaux boueuses pour éclaircir ses pensées et lui rendre un peu de sa lucidité. Les choses s’étaient arrangées pour Artur et depuis les attentats, il avait finalement réussi à mettre de l’ordre dans sa vie. Son affection pour Ellie n’était peut-être qu’un mensonge supplémentaire, son attitude divergeait très certainement selon les gens qu’il côtoyait, il jonglait peut-être entre différentes facettes d’une seule personnalité, mais sa vie était à nouveau stable. Et les choses s’étaient arrangées.

En d’autres circonstances, Artur n’aurait pas ouvert à sa sœur. En d’autres circonstances, il n’aurait pas hésité plus d’une seconde pour lui ouvrir la porte. Mais là… la main posée sur la poignée, il se surprit à peser le pour et le contre, à prendre le temps de réfléchir. Et ce fut Ellie qui eut le dernier mot, dans une impulsion. Un sourire, celui qui ouvrit la porte à Moira fut le petit frère et non le Hunter. Et il le regretta presque immédiatement. Parce que Moira n’était pas là pour voir son petit frère, de toute évidence. Elle n’était d’ailleurs certainement pas là pour voir Artur, juste pour voir… qui, au juste ? Artur était un caméléon, mais un caméléon aveugle pouvait-il se fondre dans le décor en suivant seulement son instinct ? Sans savoir ce que cherchait sa sœur, il ne pouvait pas lui offrir ce qu’elle attendait. Et sans savoir ce qu’elle attendait… Artur ne put que se fermer, se braquer, sentir dans le ton de sa sœur une colère qu’il n’avait jamais rencontrée, ou du moins pas tout cette forme. Bras croisés, il se para de sarcasme et de moquerie parce que c’était au final la seule réaction digne de ce nom face à ce qu’il considérait déjà comme une agression aussi gratuite que puérile. Ce qu’elle lui reprochait ? Il avait bien évidemment déjà une petite idée. « Tu n'as rien fait, non... Tu as un ange, Artur, un petit ange tombé du ciel, que pourrait-on te reprocher, sinon avoir anéanti ce qu'il restait de notre famille ? » Encaissant l’attaque, le regard d’Artur, loin d’être blessé ou paniqué par tant de velléité, préféra s’arquer de surprise. Sa sœur était en colère. Mais quelque chose d’autre avait changé, comme si…

Et bien comme s’il n’était plus protégé par l’adoration sans limite qu’elle lui avait toujours vouée. Artur fronça les sourcils, se détachant du mur, refusant de laisser ses doutes s’emparer de son comportement et ternir son sourire ouvertement provoquant. Sans y penser, il laissa sa verve habituelle et son jeu d’acteur aux commandes, trop occupé à étudier sa sœur comme si elle venait tout juste d’apparaître devant lui, sans l’habituel voile du petit frère trop sûr de lui. « Anéanti, tout de suite les grands mots… tu ne crois pas légèrement exagérer et extrapoler les conséquences d’une petite discussion que j’ai pu éventuellement avoir ? » Il commençait à cerner ce qu’elle pouvait lui reprocher. Non. Ce qu’elle lui reprochait effectivement. Un soupir, il leva les yeux au ciel, pas le moins du monde inquiété par sa sœur. En apparence. Parce qu’il pouvait se pavaner comme il le souhaitait, Artur, il n’en menait actuellement pas large, incertain qu’il était quant à l’attitude à tenir. « Te frapper ? Oh non, ne t'en fais pas... Je ne suis pas comme ça, et j'aurais bien trop peur que tu te mettes à pleurer... » Une grimace, elle lui confirmait donc qu’il n’avait désormais plus aucune protection face à sa sœur. Vulnérable. Il était allé trop loin, donc, avait poussé la naïveté désopilante de sa sœur à bout. Avec son père ? Très certainement, il n’y avait que lui pour qu’elle accoure à ce point la queue entre les jambes en quête d’affection et qu’elle montre à ce point les dents. « En revanche, te rendre sourd, c'est une idée... Ça ne te lessivera pas le cerveau, mais ça t'empêchera peut-être de te complaire dans les mensonges que tu persifles à longueur de journée... » La laisser parler, s’amuser, se complaire dans son rôle de grande-sœur moralisatrice, Artur s’enveloppa de nonchalance, délaissant le couloir de l’entrée pour de diriger vers le salon, caressant au passage Kissa. Qui avait adopté qui dans l’affaire ? Il ne le savait pas vraiment mais le chat et lui s’entendant bien, la question ne se posait pas vraiment. Il suivit la bestiole du regard, y puisant la distraction nécessaire pour mettre de l’ordre dans ses pensées. « J'espère qu'il s’acclimate bien ici... Kissa est un chat qui aime la tendresse et a besoin d'affection... » Adossé contre la bibliothèque, le petit frère regarda son aînée le dépasser et s’installer face à lui, sur le canapé. Hors de question de se laisser déstabiliser : Artur avait gagné haut la main la lutte similaire qui l’avait confronté à son père, il n’allait pas ployer le genou devant Moira. « Peut-être est-ce pour ça qu’il ne donne pas signe de vouloir rentrer dans son précédent foyer. » Il ne jouait pas, Artur, contrairement à sa sœur.

Il n’avait pas envie de jouer. Plus envie. Il n’avait pas envie de risquer son fragile équilibre, il n’avait pas envie de dégringoler à nouveau la pente. Tout ce dont il avait besoin, c’était de stabilité. Et, clairement, ce n’était pas ce que sa sœur était venue lui apporter. Pas de macarons, pas de glace au citron, pas de mojito, pas de regards complices. Il avait beau la fixer du regard, il ne trouvait qu’une colère incomparable à laquelle il n’avait jamais été habitué. Et le sourire de Moira… sa voix… son attitude… ça sonnait faux, incroyablement faux. « Bien... Si tu m'écoutes attentivement, tu n'auras aucun mal à éclairer ma lanterne, je suppose... Pourquoi as-tu fais ça, Artur ? Qu'en tires-tu ? De la satisfaction personnelle ? Ou bien est-ce que c'est un besoin sadique de montrer que tu as la main gagnante dans l'histoire ? Dis-moi, Artur... Maintenant que Moren est mort et enterré... De qui es-tu la brave petite marionnette bien obéissante ? » Il cilla, à la mention de son précédent mentor que le retour de Ciaran avait vite éclipsé, vite effacé de son esprit. Marionnette ? Pas besoin de chercher bien loin pour cracher d’une voix acide. « Certainement pas d’Andreas, mais de toute évidence, tout le monde ne peut pas en dire autant. » Il n’avait pas besoin de ça. Vraiment pas. Mais c’était à son tour de parler et Artur n’avait jamais concédé de victoire sans se battre, n’avait jamais accepté les défaites sans répondre, n’avait jamais reculé sans avoir un plan de secours ou d’autres issues que la fuite. Et actuellement… et bien… c’était toujours Moira qui se tenait devant lui. Et sa sœur, il la connaissait suffisamment pour savoir où frapper. Et briser cette petite mascarade qu’elle lui jouait. « Pourquoi ai-je fait quoi, Moira ? Que t’a-t-il raconté, encore ? Parce que c’est bien de cela dont tu veux parler, n’est-ce pas ? De notre cher, si cher paternel. Si tendre, si mignon… » Il persifle, il ironise. Il ne joue pas Artur, il riposte. « … bien sûr que je suis celui qui a anéanti notre famille, bien sûr que je suis le coupable, le responsable. Depuis le début, depuis que je suis revenu dans cette foutue ville, je suis constamment en tort. Tous mes choix, vous les pointez du doigt en ricanant alors qu’à ma place, vous ne vaudrez pas mieux que moi. Bien sûr que je suis celui qu’il faut accuser. C’est plus simple, jamais tu ne ferais chuter ton précieux petit papa de son piédestal. Que t’a-t-il raconté, Moira, pour que tu m’agresses sans que je ne t’en ai donné, à toi, de raison de le faire ? S’il veut se plaindre, qu’il vienne, on pourra reprendre notre conversation à laquelle il a si rapidement coupé court. Mais toi… » Il la regarda froidement. Pas besoin de mentir, dans de telles circonstances. Il voulait juste déstabiliser Moira. Attiser la culpabilité qu’il avait toujours perçue en elle. Qu’elle comprenne qu’il avait de bonnes raisons d’agir, qu’il avait toujours eu de bonnes raisons d’agir. Qu’elle se mette à sa place, pour une fois. « Toi, ça ne te regarde en rien. Mais comme je suis gentil, je vais te dire pourquoi je l’ai fait : parce qu’Andreas est un lâche. Parce que c’est un monstre. Parce que c’était la seule façon de régler le conflit latent qui existait entre lui et moi, et qu’en faisant ça, loin de l’anéantir, j’ai sauvé ce qu’il restait de notre famille. Je ne suis pas celui qui a anéanti les Kovalainen. Je ne suis pas celui qui a tué Maman, qui a provoqué la mort de Maman. Tu te trompes de coupable, Moira. »

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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeJeu 5 Mai 2016 - 11:56

I'm still the same... I swear...
Moira & Artur



Depuis que j'avais emménagé chez Marius, nos journées commençaient toutes de la même manière : lui et moi, la tête au fond du trou, le nez plongé dans un bol de thé, de café ou un verre de je ne sais quoi. Et la même question qui revenait quotidiennement... « Ça va ? Bien dormi ? » Machinalement, nous nous répondions oui tous les jours, tout en sachant pertinemment que ce n'était pas le cas. C'était un peu un accord tacite entre nous, prétendre que tout allait bien quand l'inverse semblait évident. Non je n'allais pas bien, mais il était hors de question que je lui en parle alors qu'il avait suffisamment de problèmes comme ça. Tout ça... J'aurais voulu pouvoir en parler avec Artur. J'aurais voulu pouvoir l'appeler, lui dire que j'avais simplement besoin de lui parler, d'entendre sa voix, de me raccrocher à la réalité grâce à son rationalisme. Après tout, il avait été mon confident, mon pilier, mon allié pendant des années... J'aurais pu tout lui dire, de la plus insignifiantes des choses au secret le plus honteux.

Aujourd'hui, mon frère me donnait l'impression d'être un étranger. Et un étranger dangereux, qui plus est. J'avais perdu confiance en lui, ne me sentais plus capable de lui confier quoi que ce soit, et avais même plutôt tendance à le fuir. Qui que soit celui ou celle qui lui avait lessivé le cerveau, j'étais prête à le supplier à genoux de me rendre mon petit frère. Et à lui refaire le portrait, au passage. Quoi qu'aient pu me dire mon père, Marius, Seth ou n'importe qui d'autre, Artur n'était pas lui-même. Je le connaissais mieux que personne et refusais pertinemment d'accepter l'idée que j'ai pu me tromper pendant des années.

Arpentant lentement l'appartement, un sourire aux lèvres, je ripostais à chacune de ses remarques avec le même cynisme, la même amertume, me surprenant moi-même. Jamais je n'avais parlé à mon frère de cette façon, mais jamais je n'avais eu à ce point envie de lui mettre le nez dans ses propres erreurs. J'en était arrivée à un stade où je me fichais presque qu'il ne me pardonne par mon attitude... Car quelque part, malgré tout ce que j'avais pu lui dire, je lui en voulais. Je lui en voulais tout en refusant de lui mettre la responsabilité de mon « accident » sur le dos.

« Éventuellement pu avoir ? Et bien... Papa se fait vieux, alors... Une hallucination pareille, ça ne s'invente pas... »

Si Artur voulait me prendre pour une conne, alors je le prendrais pour un con. Je n'étais pas aussi futée que lui, pas aussi brillante que notre père, loin d'avoir la cervelle de Marius – quoi qu'on en dise il jouait très bien les cons mais était loin de l'être réellement – mais je n'étais pas bête à manger du foin pour autant. L'équation était pourtant simple : Artur + X = danger. Tout ce qui me manquait, c'était ce X, cette étincelle qui avait mis le feu aux poudres... Plissant les yeux, je serrais les mâchoires face aux attaques de mon frère. Ne pas répliquer, ne pas céder à l'impulsivité... J'avais peut-être bien des défauts, mais je prenais soin de mes animaux, plus que la plupart des gens. Qu'il sous entende que j'ai pu mal m'occuper de mon chat me donnait envie de lui écraser mon poing dans le nez, mais je préférais tout de même rester à distance. Je me contentais d'un sourire qui sonnait faux et d'un regard glacial avant de m'asseoir tranquillement dans le canapé. Mon sourire s'élargit lorsque j'évoquais Moren et l'inconnu dont Artur était probablement le pantin. Une réaction sincère, enfin, spontanée, quelques mots crachés avec acidité : aucun doute, j'avais vu juste. Inconsciemment, Artur se doutait peut-être déjà qu'il n'était pas seul dans l'histoire.

« Andreas ? Tu crois vraiment que papa m'a demandé de venir te remonter les bretelles ? Qu'il n'est pas assez grand pour le faire tout seul ? Pour ta gouverne, Artur, il m'a interdit de venir. Seulement j'en ai marre d'obéir au doigt et à l'oeil, marre de devoir dire oui à tout à mon âge, marre de vous trouver des excuses à tous les deux... Tu sais quoi ? Vous me faites profondément chier tous les deux. Peut-être que lui est persuadé qu'on ne peut plus rien pour toi, mais ce n'est pas mon cas. »

Contrairement à Artur, je jouais rarement la comédie. Quand j'avais besoin de manipuler quelqu'un, je papillonnais des yeux en sortant le numéro de la demoiselle en détresse. Or, avec Artur j'avais toujours fais preuve d'une franchise presque incisive. Je n'étais ni de son côté, ni de celui de notre père. Tout ce que je voulais, c'était résoudre tous les putains de différents qui gangrenaient notre famille depuis trop longtemps. Cette fois, je ne jouais pas dans le camp de quelqu'un d'autre mais dans le mien, prête à me les mettre tous à dos si ça pouvait les forcer à ouvrir enfin les yeux.
Je serrais alors les poings, luttant pour ne pas me mettre à hurler immédiatement, pour ne pas craquer, pour ne pas donner à Artur l'impression qu'il avait toujours le dessus sur moi. Il fallait que j'adopte son calme à lui, cette retenue, même si ça devait me coûter et me provoquer des ulcères. Alors je restais là, figée dans ce canapé à fixer mon frère sans ciller, horrifiée par ses mots, écoeurée par ce qu'il était devenu... Cherchant à comprendre comment de telles paroles pouvaient sortir de la bouche de mon frère. J'avais presque l'impression de voir son doppelgänger... Alors, quand il eut fini, je laissais le silence se faire entre nous. Les doigts crispés sur mon sac, je me rendais soudain compte que mes muscles tétanisés me faisaient mal. Sans prévenir, je lâchais quelques mots dans un souffle.

« Je suis morte, Artur... »

Le fixant toujours avec la même détermination dans le regard, je laissais passer un nouveau moment de silence avant de reprendre.

« Je suis morte et t'en as rien eu à foutre... J'suis là, devant toi, grâce à qui ? Grâce à quoi ? A l'un de ces types que tu détestes tant... Grâce à un mutant. Tu veux savoir quel effet ça fait, d'mourir ? T'as sûrement les égoïstes qui ne pensent qu'à eux... Pendant tout le temps où j'me suis étouffée dans mon sang, j'ai pensé qu'à une chose : « Et Artur ? Qu'est ce qui va lui arriver ? Si je meurs, qui le protégera des autres mutants, des autres chasseurs... De notre père ? » J'ai pensé qu'à ce qui pourrait t'arriver... Et pourtant j'avais pas envie d'crever. Y a pas de coupable à trouver, seulement des mauvais choix à éviter. »

Habituellement, évoquer cet épisode relativement douloureux de ma vie faisait trembler ma voix. Cette fois, elle était restée étonnement calme et posée... Presque atone.

« Si tout le monde faisait comme toi, si tout le monde tuait ou vaccinait les mutants, je ne serais plus là pour te parler. Ça te fait rien ? T'as pas compris que maman avait été assassinée à cause de cette putain de guerre entre chasseurs et mutants ? C'est pas la faute d'une personne... C'est la mentalité, la peur et la psychose qui sont les responsables de toutes ces horreurs... »

Je détournais alors le regard, chassant de mon esprit toutes les idées noires que j'avais pu avoir, toutes les horreurs que j'aurais voulu éviter... Chassant mon envie de hurler au monde entier à quel point j'trouvais ça con de se battre pour une histoire de génome différent.

« Tu as passé vingt six ans et moi trente dans l'ignorance. On n'a jamais rien su pour papa, alors qu'est ce que ça change de le savoir ? Ça ne fait pas de lui quelqu'un de meilleur, ni quelqu'un de pire... Ça change juste un peu la vision qu'on avait de lui. Tu t'es pas dis que les choses pouvaient marcher dans l'autre sens ? Ça fait des années que papa travaille à l'élaboration d'une formule qui permettrait de faire muter le génome d'un humain non porteur de mutation... Je cherche pas à lui trouver des excuses, juste à te prouver qu'il a fait ça pour toi. Maintenant... »

Je me levais, croisais les bras et m'approchais d'Artur, le visage toujours aussi fermé, un sourire mélancolique aux lèvres.

« Tu veux savoir ce qu'il m'a dit ? D'accord. Pas de secrets entre nous. Il m'a dit que tu étais venu le voir et avais... Menacé de te faire du mal s'il refusait de se vacciner... Mais entre nous... », dis-je en penchant la tête sur le côté. « Tu l'aurais pas fais, hin ? Tu te serais pas suicidé pour une histoire de vaccin, tu lui aurais planté l'aiguille dans la jugulaire s'il avait hésité... Vous êtes des meurtriers tous les deux, pas des suicidaires... »

La violence de mes mots m'étonnait presque, mais j'avais l'impression de ne plus avoir de limite... Comme si une barrière invisible s'était rompue dans mon esprit et avait fait de moi un robot à la franchise déconcertante.

« Y a pas de coupable à trouver, Artur... Et contrairement à c'que tu penses, ça me regarde, cette histoire. Parce que vous vous détruisez mutuellement, et qu'à cause de vos conneries, j'ai failli y rester et maman est morte. Alors oui, ça me regarde, parce que j'en ai marre de voir tout ça partir en vrille, parce que... Parce que je tiens à vous, putain ! C'est trop difficile de comprendre que je fais pas ça pour vous nuire mais parce que je vous aime ? Je m'en fous que tu me détestes, Artur... Je m'en fous que ma présence te dégoûte parce que je suis moi aussi une dégénérée... De toute manière, tout ça ça sera bientôt terminé. Mais putain... Avant d'être un morceau d'adn, je suis ta sœur... Et je pensais que ça avait de la valeur pour toi aussi... »

Dans mon sac reposaient ces deux injections de vaccin, deux jumelles qui nous étaient destinées... Car inconsciemment, je voulais punir Artur mais aussi mettre fin à tout ça, pour qu'il arrête de me regarder comme un monstre, qu'il cesse de me reprocher ce que j'étais... Pour qu'enfin il me regarde comme une sœur.
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Artur Kovalainen
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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeJeu 19 Mai 2016 - 23:15

And you, what have you done to my sister, years ago ?
Moira & Artur



En d’autres circonstances, Artur aurait avoué sans trop de problème que cesser de jouer et dire pleinement ce qu’il pensait avait quelque chose d’extrêmement rafraîchissant. En d’autres circonstances, aussi, il aurait éventuellement pu donner à Moira ce qu’elle voulait, à savoir un petit frère repenti, aux remords aussi factices que ses larmes d’apitoiement. En d’autres circonstances, encore, il aurait pu tirer sur d’autres ficelles, jouer la colère, l’agacement, la violence et le rejet brutal, il aurait pu sortir la carte du mutisme, de la dépression, aurait pu retomber dans la même mécanique du chantage… oh, il ne lui fallait pas bien longtemps pour mettre au point des dizaines de solutions à un même problème, pour embrasser du regard le panel complet des rôles dans lesquels il parvenait à se fondre dans une maîtrise effrayante du mensonge et de l’hypocrisie. Mais… mais. Cette fois, il avait choisi de cesser de jouer, dans une sincérité aussi violente que déstabilisante, aussi innovante que désarmante. Moira était venue pour déclencher le conflit, il était hors de question qu’il recule et s’il pouvait profiter de cette discussion dont il ne voulait pas pour mettre les choses au clair… et bien, ce serait déjà ça de pris. Colère froide, sarcasmes acides, Artur n’était pas en train de jouer un rôle, bien au contraire : il laissait éclore autour de lui la noirceur qui restait d’ordinaire si bien cachée dans un coin de son esprit. Il n’était pas en train de jouer, le petit frère, il était en train d’attaquer. Pour se défendre, pour riposter, pour abattre cette sœur qui se dressait face à lui et retrouver la Moira qui lui concédait tout, lui permettait tout, lui pardonnait tout. Il l’aimait, cette Moira-là, il l’aimait, cette sœur qu’il pouvait manipuler à loisir, qui était aussi inoffensive que naïve, aussi prévisible qu’adorable et crédule. Aujourd’hui, elle lui donnait l’impression d’être face à une étrangère. Et Artur détestait ça.

Détestait aussi se rendre compte qu’elle n’allait pas être facile à faire tomber. « Andreas ? Tu crois vraiment que papa m'a demandé de venir te remonter les bretelles ? Qu'il n'est pas assez grand pour le faire tout seul ? Pour ta gouverne, Artur, il m'a interdit de venir. Seulement j'en ai marre d'obéir au doigt et à l'œil, marre de devoir dire oui à tout à mon âge, marre de vous trouver des excuses à tous les deux... Tu sais quoi ? Vous me faites profondément chier tous les deux. Peut-être que lui est persuadé qu'on ne peut plus rien pour toi, mais ce n'est pas mon cas. » Serrant les poings, il la laissa parler, concentrant des années de contrôle pour maintenir une apparence aussi nonchalante que détendue, comme si les mots de Moira glissaient sur sa peau imperméable sans y laisser de traces alors que la vérité était toute autre. Vraiment. Il m’a interdit de venir. Un regain de rancœur, un regain d’amertume à destination de leur père : les mots rongèrent la chair d’Artur pour atteindre ses os. Lui est persuadé qu’on ne peut plus rien pour toi. L’acide consuma ses muscles, s’immisça au plus profond de sa cage thoracique. Et le sarcasme estampilla les lèvres d’Artur, son regard aussi glacial que son visage. Plus besoin de jouer, la seule hypocrisie qui subsistait en lui, c’était son assurance qui refusait de le quitter alors que les derniers lambeaux d’illusion partaient, entraîné dans un tourbillon soufflé par sa sœur. « Qu’on ne peut plus rien pour moi ? Parce que vous espérez quoi ? Tu espères quoi ? Me sauver, m’aider, me rendre bon ? Je ne suis pas un méchant tombé du côté obscur de la force, Moira. Et toi… » Du mépris. Vraiment. Qui enflait, condensé par sa colère, fortifié par l’amertume de se sentir rejeté, dénaturé, incompris. « Tu n’as rien d’un chevalier jedi ou d’une héroïne. » Du mépris, de la moquerie. Suintants. Acides. Corrosifs. « Et personne ne t’a jamais demandé de nous chercher des excuses, personne hormis toi et ton immaturité si risible qu’on a pitié de ta crédulité. » Il se redressa, comme pour mieux surplomber sa sœur. Sa grande sœur. La rabaisser. Lui rappeler que des deux, il avait toujours été le plus mature, celui qui semblait l’être du moins. Ce n’était pas réfléchi, c’était instinctif, pour mieux faire baisser la menace que Moira faisait poindre sur lui. La rabaisser, remettre les choses dans le bon sens, dans le sens qui l’arrangeait. Assise, elle le fixait et il était hors de question qu’il détourne le regard. Pourquoi, pourquoi avait-il fait quoi, au juste ? Artur aurait aimé pouvoir prendre sa sœur dans ses bras, retrouver leur complicité d’antan, il aurait aimé balayer cette atmosphère plus que tendue pour lui proposer un thé, quelque chose à boire, même éventuellement mettre un fond musical. Seulement, en l’attaquant de la sorte d’entrée de jeu, elle ne lui avait pas laissé le choix.

Persiflant, il laissa la colère envelopper ses mots sans perdre une seule fois le contrôle de ses pensées, sans même se laisser aller à une quelconque saute d’humeur. Pas une seule fois, il ne s’hasarda à considérer ses propos pour culpabiliser de leur agressivité presque gratuite. Pas une seule fois, non plus, il ne s’autorisa à faire marche arrière. Déstabiliser Moira, reprendre l’ascendant, la projeter à terre pour lui faire comprendre une fois pour toute qu’à ce petit jeu-là, il ne pouvait qu’être le maître, qu’être le vainqueur et que s’il avait réussi à battre leur père… si même Andreas avait cédé alors elle n’avait aucune chance. Tirer sur la culpabilité, exacerber sa détresse. Lui faire comprendre que son point de vue, à lui, se tenait. Que ses choix, se justifiaient. Que leur père n’était qu’une abomination, un menteur, qu’ils n’avaient pas besoin de lui, qu’en le vaccinant, il avait fait preuve de clémence, que… « Je suis morte, Artur... » Un coup de massue, Artur eut beau être un hypocrite, un menteur, un manipulateur, il ne put s’empêcher de blêmir violemment. Baisse de tension, son dos s’appuya à la bibliothèque sans aucune nonchalance alors qu’il tentait de respirer. « Je suis morte et t'en as rien eu à foutre... Un frisson hurla, ses poings se serrèrent pour endiguer des tremblements. Comment osait-elle ? Comment osait-elle dire ça ? Inspirant lentement, le visage d’Artur se durcit. Se ferma. Violemment. Elle avait survécu grâce à un mutant. Mais c’était un mutant qui l’avait tuée. … Tu veux savoir quel effet ça fait, d'mourir ? » Fixant ses rétines dans celles de sa sœur, Artur se concentra suffisamment pour ne pas entendre. Pour ne plus entendre. Pour se contenter de ressasser sa colère, pour ne se concentrer que sur sa haine dévorante pour le genre mutant, abstraction faite des personnes. Ca ne te fait rien ? Son poing se serra à s’en faire blanchir les phalanges. Ses lèvres, elles se pincèrent dans une crispation qui se diffusait dans son corps, contractait tous ses muscles. « T'as pas compris que maman avait été assassinée à cause de cette putain de guerre entre chasseurs et mutants ? C'est pas la faute d'une personne... C'est la mentalité, la peur et la psychose qui sont les responsables de toutes ces horreurs... »

Elle détourna le regard, laissant le petit frère respirer. Et brisant, aussi, le mutisme forcé qu’il s’imposait tout du long, se sachant incapable de conserver son calme s’il devait parler et fixer sa sœur sans flancher. « Si ce n’est pas la faute d’une personne, qu’est-ce que tu fais ici, alors, à venir chercher des excuses et autres conneries ? Tu as déjà tout ton petit discours, présente-toi donc aux prochaines élections, peut-être que ton argumentaire pour la distribution de marshmallow et d’ours en peluche convaincra les mutants et les hunters de se faire des bisous et de faire l’amour et non la guerre… » Sarcasme, mépris, moquerie : elle voulait le vrai Artur ? Et bien soit, il était sincère. Et presque franc, même s’il se retenait actuellement de ne pas lui glisser qu’il n’avait pas besoin de tout cela pour coucher avec une mutante, merci bien. « Qu’est-ce que tu essayes de faire, de dire, au juste ? Tu dis que tu en as assez de nous chercher des excuses, et tu me sors le discours moralisateur de l’illuminée qui découvre que le monde réel, ce n’est pas que des licornes et des leprechauns… grandis un peu, ouvre vraiment les yeux. Arrête de jouer à l’adulte, comporte toi comme une adulte, pas comme une gamine pré-pubère en pleine crise d’ado. Ce n’est pas de la faute d’une seule personne, c’est de la faute d’un putain de parcours de dominos. Et que tu le veuilles ou non, c’est Andreas qui a poussé le premier. » Pas un mot plus haut que l’autre, pas une seule perte de contrôle : Artur avait gardé le contrôle de sa colère, le contrôle de ses sarcasmes, le contrôle de son acidité de bout en bout. Et il comptait bien faire en sorte que ça reste le cas. Et pourtant… et pourtant, sa sœur ne lui facilitait pas la tâche. En continuant à parler.

Les lèvres crispées, il l’entendit déblatérer des inepties. Parce que leur père avait suffisamment clairement affiché son mépris la fois dernière pour qu’Artur sache qu’il était tout à fait impossible qu’il ait travaillé à l’élaboration d’une quelconque formule. Oh, il ne remettait pas les capacités d’Andreas en doute, il n’était suffisamment fou pour cela, mais il savait pertinemment que son père ne le considérait ni comme un fils, ni comme un égal, mais rien de moins qu’un avorton handicapé. Parce que, quelque part, c’était ainsi qu’Artur se considérait lui-même. Un laissé-pour-compte. Celui auquel on avait refusé une mutation pour une raison stupide, une raison inconnue, une raison qui ne se justifiait pas. Elle se leva, croisa les bras, Artur se contenta de relever la tête pour planter son regard et son sourire dans ceux de sa sœur. « Tu veux savoir ce qu'il m'a dit ? « A dire vrai, je n’en ai rien à faire » murmura-t-il avec un petit sourire. Hypocrite. Bien sûr qu’il voulait entendre sa dernière rencontre avec son père du point de vue de ce dernier. Bien sûr qu’il voulait savoir ce qu’il avait pu cracher comme venin sur son fils pour que Moira, sa sœur alliée survivante chez les Kova se retourne finalement, pour ne pas dire enfin contre lui. D'accord. Pas de secrets entre nous. Il m'a dit que tu étais venu le voir et avais... Menacé de te faire du mal s'il refusait de se vacciner... Mais entre nous... Tu l'aurais pas fais, hin ? Tu te serais pas suicidé pour une histoire de vaccin, tu lui aurais planté l'aiguille dans la jugulaire s'il avait hésité... Vous êtes des meurtriers tous les deux, pas des suicidaires... » Cette fois, le sourire qu’afficha Artur fut naturel. Vraiment naturel. Ce n’était peut être pas la sœur qui l’intéressait qui lui faisait face mais c’était la sœur capable de le comprendre à défaut de l’accepter. « Ah… Moira… si tu avais vu sa tête… juste sa tête, lorsque j’ai posé la lame sur mon poignet… S’il avait refusé, bien sûr que je n’aurais pas mis mes menaces à exécution… comme si je pouvais sacrifier ma vie pour sauver la sienne… Je ne suis pas un imbécile, contrairement à ce qu’il a dû penser… » En porte-à-faux. Ses mots étaient si en porte-à-faux avec cette tempête qui lui broyait le crâne qu’Artur se demandait comment il faisait pour parvenir encore à maintenir à ce point les apparences. Tout y était, de la voix sifflante, doucereuse, au mépris savamment injecté par petites touches. Tout, absolument tout était là.

Sauf la sincérité. Elle manquait à l’appel, comme toujours. Mensonge et rouerie répondaient présents, bien évidemment. Mais la sincérité, elle… Parce que malgré tout ce qu’il pouvait dire, Artur savait très bien que si son père avait refusé le vaccin, il se serait retrouvé pris au piège. Et qu’en l’acceptant, la nasse s’était refermée bien solidement autour du plus jeune des Kovalainen pour mieux l’étrangler. Sa fierté vacillait, ses convictions se fissuraient, retenues uniquement par des années de mensonge tissé autour de son être et de son esprit, retenues uniquement par sa volonté autodestructrices et mortifères de garder un cap. Parce qu’en acceptant si rapidement l’inévitable, Andreas avait fait comprendre à Artur une chose dont il doutait depuis des années. Quelque part, malgré la différence entre Artur et son père, quelque part, malgré le mépris entre les deux hommes, quelque part, malgré les ruptures, la distance, la colère qui existaient entre le père et le fils, subsistait un lien indéfectible de paternité. Un lien que Ciaran avait réussi à déliter. Un lien que Ciaran avait réussi à déconstruire au fil des années. Un lien qui s’était affiné tant et tant qu’Artur ne le voyait plus, qu’Artur le rejetait, qu’Artur en niait l’existence avec fermeté. Un lien qu’Andreas avait fait renaître. Et qu’Artur peinait à ignorer. Tout était là, dans la voix d’Artur, lorsqu’il laissait son intellect faire pleuvoir sur Moira des mensonges aussi crédibles qu’affirmés. Tout était là, manquait simplement la vérité. Et le problème, comme toujours, c’était qu’Artur n’en était même plus conscient.

Son cerveau était devenu au fil des années un tel entrelacs de mensonges et d’hypocrisie qu’il s’y perdait. Sans le savoir. Vous vous détruisez mutuellement. Moira avait raison. Vraiment. Et Artur était incapable de le voir parce qu’il était incapable de se remettre à ce point en question, incapable de regarder dans les yeux cet amour filial qui subsistait quelque part et dont il n’avait plus conscience. Parce qu’Artur était incapable d’accepter de culpabiliser pour ce qu’il avait fait en toute conscience, pour des choix qu’il avait pesés, des actions qu’il avait méticuleusement préparées, anticipées, pour des pions qu’il avait déplacés sur l’échiquier de sa vie dans le moindre scrupule. « Parce que je tiens à vous, putain ! C'est trop difficile de comprendre que je fais pas ça pour vous nuire mais parce que je vous aime ? Je m'en fous que tu me détestes, Artur... Je m'en fous que ma présence te dégoûte parce que je suis moi aussi une dégénérée... De toute manière, tout ça ça sera bientôt terminé. Mais putain... Avant d'être un morceau d'adn, je suis ta sœur... Et je pensais que ça avait de la valeur pour toi aussi... » En d’autres circonstances, Artur aurait pu flancher. D’autres l’auraient fait à sa place. Si dans ses mensonges tout y était, dans les mots de sa sœur, tout y était aussi. Tout ce qu’il fallait. De la colère à la sincérité immaculée en passant par un soupçon d’épuisement. En d’autres circonstances, Artur se serait peut être effondré. Mais Artur, dans toute son arrogance, ne pouvait concevoir de s’écrouler. Pas maintenant. D’un mouvement d’épaule, il se détacha de la bibliothèque. Dans un regard aussi désintéressé que hautain, il considéra Moira qui venait de se taire pour s’éloigner, comme si, finalement, elle n’avait parlé que dans le vide. Ce qui n’était pas le cas. Oh non… ce n’était pas le cas. Son mutisme permit à Artur non seulement de s’éloigner, mais de respirer. De choisir ses mots, de choisir la marche à suivre. Que désirait Moira, que voulait-elle entendre, que voulait-elle voir ? Ses réflexes de menteur et de comédien prenaient le dessus, grappillaient sa conscience pour la modifier et influencer son comportement sans qu’il ne s’en rende compte. Il pourrait, dans un sens, feindre l’effondrement. Feindre les larmes. Feindre la réalité dans un double-jeu aussi létal que malsain. Tout lui hurlait de faire ça, de se jouer de sa sœur, de se jouer de lui-même. « De toute évidence, tu penses un peu plus mais tu te trompes toujours autant. C’est bien dommage que tu n’aies rien récupéré de l’intellect de Papa, tu te serais trouvée un peu moins stupide dans tes choix. C’est si pitoyable de te voir te débattre comme ça… » Acide. Le Papa lui échappa, comme un aveu inconscient, mais tout le reste se plia à son contrôle. Il balaya son trouble d’un geste de la main. « Qu’attends-tu de moi, au final ? C’est bien le morceau d’ADN que tu es qui fait de toi biologiquement ma sœur. Et ce n’est pas de ma faute si tu nous aimes, dans une mièvrerie risible. Regarde toi, dans quels états tu te mets pour une simple vaccination… il ne va pas en mourir, il va se contenter d’être normal, comme moi. Ce n’est pas un drame… et puis… qu’est ce que tu dis par tout ça sera bientôt terminé ? Tu es venue pour que je te pique, encore une fois. Tu n’as pas peur de t’effondrer en larmes devant une petite aiguille ? Tu veux que je pique l’animal malade pour soulager ses souffrances parce que tu n’es pas capable de le faire toi-même ? Tu vois, tu parles beaucoup pour ne rien dire parce que tu ne termines même pas tes propos. A quoi ça rime, finalement ? » Il s’assit sur le canapé, joignant les mains, coudes posés sur ses genoux et menton rencontrant ses doigts. « Tu te plains, tu couines, tu glapis, tu fais la grande et l’effrayante, mais au final, qu’est ce que tu es venue faire ici si, et je te cite, ce n’est de la faute de personne, il n’y a pas de coupable, nous sommes des meurtriers, tu nous aimes malgré tout-Sainte-Moira-Priez-Pour-Nous ? Qu’est ce que tu veux, Moira, qu’on en finisse avec tout ça ? » Il détacha ses mains, releva la tête. Ouvrit même les bras pour lui signifier qu’il était tout à elle. « Explique-moi, sincèrement. Parce qu’en toute honnêteté, si tu es venue uniquement pour faire du bruit, très peu pour moi. »



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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeMar 24 Mai 2016 - 12:51

What makes a monster...
Moira & Artur



Si j'avais songé un jour à me retrouver ainsi face à mon frère ? Pas vraiment, non. Pour moi, les choses avaient toujours été plus ou moins claires : Artur et moi nous étions frère et sœur, soudée, à la vie à la mort, ce genre de connerie idéaliste qui ne faisait rêver que les abrutis comme moi. Seulement voilà... Si les choses avaient été réciproques, j'aurais pu continuer à m'y accrocher comme à une bouée. Mais il fallait bien que je me rende à l'évidence. Cet amour, cette culpabilité, cette inquiétude... Ils étaient à sens unique. Il me fallait lâcher cette bouée salvatrice pour regagner le rivage seule, ou me noyer une bonne fois pour toutes. C'était si difficile pour lui de comprendre mon point de vue ? De saisir à quel point il m'était difficile de me retrouver déchirée entre deux idiots trop orgueilleux pour faire un pas l'un vers l'autre ? Si j'avais eu le moindre instinct de survie, je les aurais laissé se démerder tout seul et ne me serais pas interposée entre eux. Mais j'étais naïve, pacifique... Je préférais me prendre les balles de leur rancœur en pleine poitrine que de les voir se déchirer un peu plus. Toute cette violence finirait peut-être par m'endurcir et me rendre insensible à leur venin.

« Mon immaturité si risible, hin ? Mais tu t'écoutes parler, des fois ? C'est moi l'immature ? Bouhouhou papa a été vilain avec moi alors je vais le menacer comme ça il s'intéressera à moi ! Prends pas ton air vexé, je sais très bien que derrière tes grands airs, y a de ça... J'arriverai jamais à t'empêcher de penser comme un bel enfoiré... Mais si je peux t'empêcher d'agir comme tel, alors je le ferai... »

A mépris gratuit, acidité au rabais. Je sentais la colère monter en moi et peinais de plus en plus à la contenir, mais il était hors de question que je sois la première à craquer cette fois.

« Arrête de te la jouer bad guy, Artur... J'me prends pas pour une héroïne, juste pour ta sœur. Navrée que ça t'emmerde à ce point d'avoir quelqu'un qui se fait vraiment du souci pour toi... »

Bon sang, pourquoi personne n'avait encore songé à lui mettre la tête sous l'eau de force pour le réveiller ? C'était moi qui vivais dans un monde de licornes et d'oursons en guimauve ? Ca me faisait bien rire, tiens... Comme si j'étais la moins lucide de nous deux... A force de vivre avec des œillères comme les siennes, Artur finirait par se prendre de plein fouet ce qu'il n'aurait pas vu arriver par la gauche ou la droite. Je serrais les poings et les dents, luttant pour ne pas lui hurler de la fermer une bonne fois pour toutes. Arrête de jouer l'adulte... Comme si c'était un jeu, tiens ! J'en avais assez qu'Artur me prenne pour une petite fille, même si j'avais souvent tendance à ne pas assumer mon âge. Assez de me laisser marcher sur les pieds par un gamin condescendant qui me prenait de haut sous prétexte que monsieur réfléchissait davantage que moi. Assez d'être la brave petite poupée obéissante qui excusait toujours les conneries entreprises par son abruti congénital de frangin. J'avais essayé de le raisonner, l'attendrir, rien à faire. Tout ce qui avait l'air de marcher avec Artur, c'était les parpaings dans la figure.

Et alors qu'il finissait son petit monologue acerbe et moqueur, je me rendais compte d'une chose qui me fit l'effet d'un coup de poignard en plein cœur et d'une douche glacée dans le dos. Il s'en fichait... Il ne m'avait même pas écoutée parce qu'il s'en foutait royalement. Si j'étais restée là, noyée dans mon sang sur le carrelage de ma propre maison, il n'en aurait rien eu à foutre. Toutes ces larmes qu'il avait fermé lors de la mise en terre, c'était du chiqué, de la poudre aux yeux... Comme tout le reste. Parce que cet amour teinté de culpabilité, qui relevait presque de l'attachement obsessionnel que j'éprouvais pour mon frère, il était à sens unique. Parce que morte ou vivante, je n'avais pas plus d'intérêt pour lui qu'un pot de fleur. Et si ça faisait mal de s'en douter, c'était bien pire d'en avoir la preuve. Tout ce que je voyais face à moi, c'était le visage de l'indifférence et du dégoût. Pas de remords, pas de culpabilité... Tout ce qui lui passait par la tête m'était refusé, et j'avais à présent la certitude d'une chose : être mutante ne m'avait pas seulement attiré la jalousie de mon frère, mais aussi sa haine.

« Tu veux que je me comporte comme une adulte, hin ? D'après toi, qu'est ce que je fais là ? C'est une gamine qui tente de recoller les morceaux ? C'est la gamine écervelée toujours prête à sauter au cou de son frère que tu as face à toi ? C'est terminé, Artur... Fini les pardons pour tout, fini d'être aveugle... Tu sais quoi ? C'est l'être vraiment qui m'a ouvert les yeux sur ce que tu fais. J'devrais p'tet te remercier de m'avoir lâchement planté cette seringue dans le cou y a quelques mois... Ça m'a permis de voir qui tu es vraiment et tu viens de me le prouver... »

Plus Artur parlait, plus je sentais sa conviction, et plus je perdais foi en les miennes. Plus j'avais de doutes quant à la personne qui le manipulait. Finalement, j'avais peut-être trop tenu à l'imaginer manipulé, marionnette impuissante dans les mains d'un malade... C'était peut-être vraiment lui, le fou.

« Papa a peut-être poussé le premier domino, mais t'as rien fais pour empêcher la chute des autres... T'attendais que ça pour avoir l'occasion de briser cette famille qui te fait honte à ce point ? Je pensais qu'on valait mieux que ça, tu vois... Alors ouais, je suis naïve, mais quand tu ne vois pas le bout du tunnel, tu te raccroches au moindre espoir que tu peux trouver en route... »

Je détournais le regard avant que ma voix ne se brise. Je m'en foutais de savoir lequel des deux avait provoqué tout ça en premier. Ils étaient responsables, j'étais responsable, mais ce n'était clairement pas une raison pour en rajouter une couche. Au contraire, s'ils avaient pu faire taire leur putain d’orgueil masculin à deux balles et arrêter de se la jouer taureau furieux dans une arène, peut-être qu'ils auraient pu faire un pas l'un vers l'autre pour se réconcilier. Mais noooon hin ! Artur Kovalainen était trop bien pour ça ! Andreas Kovalainen n'allait pas courber l'échine devant son fils ! C'était bien plus drôle de sortir la carte de la rivalité filiale !

J'allais lui répliquer peu ou prou ce que je venais de penser, quand sa remarque et son sourire me firent l'effet d'une seconde douche froide. Envolée, la certitude d'avoir face à moi un pantin manipulé... Il y avait toute la conviction du monde dans la méchanceté dont il faisait preuve. Un plaisir écœurant et un sadisme distillé avec soin dans sa voix qui me donnaient envie de partir en courant.

« … Tu es complètement fou, Artur... », soufflais-je d'une voix atone, « Tu es cinglé et tu as l'air d'être le seul à te croire sain d'esprit... »

Et je n'avais aucun argument ni la moindre envie de le défendre ou de chercher à le faire revenir en arrière. Je sentais en moi une lassitude inhérente à la fatigue, j'avais envie de baisser les bras et de ne plus chercher à lui ouvrir les yeux. Alors je le laissais parler, lassée de tout ça, blasée aussi, quelque part. C'était bête et très égoïste, mais j'aurais pu tolérer qu'Artur soit le roi des enfoiré avec la planète entière s'il avait épargné notre famille. S'il m'avait épargnée. Que je pouvais être bête... Des années d'aveuglement et il fallait que nous nous noyions dans les extrêmes pour comprendre.

Pitoyable, stupide, tu te plains, tu couines... Que des jugements de valeur négatifs... Je serrais les poings plus encore, ravalant ces larmes qui menaçaient de franchir le remparts bien affaibli de mes paupières. Je n'étais pas aussi bonne comédienne qu'Artur, et cette larme un peu plus entreprenante que les autres qui roula sur ma joue, je me fichais bien de savoir s'il l'avait vue ou non. Je l'écoutais sans broncher, la gorge sèche et une envie irrépressible de hurler pour lui remettre les idées en place. Finalement, lorsqu'il se tut, un sourire s'étira sur mes lèvres, accompagné du claquement régulier de mes mains. Je ne pouvais m'empêcher d'applaudir son joli petit speech bien ficelé même s'il m’écœurait. Lorsque j'ouvrais à nouveau la bouche pour parler, j'entendis nettement cette légère vibration qui accompagna mes mots. Imperceptible pour un non initié, parfaitement audible pour moi. Je n'allais pas lui briser les tympans, j'avais bien mieux pour lui, bien plus efficace pour m'assurer qu'il ne retournerait pas contre moi la seringue que je lui avait préparé.

« Ce que je veux ? Te mettre le nez dans la merde, Artur... Dans TA merde, dans ce que TU as provoqué en allant trop loin... »

Avec des gestes bien trop naturels et détendus pour que ça ne paraisse pas suspect, je sortis de mon sac le sachet stérilisé qui contenait une seringue de NH24.

« C'est con, hin... J'ai passé des années à craindre cette horreur, et voilà que j'en tiens une dans mes mains... Ce n'est pas moi l'animal malade, Artur... C'est toi... Depuis le début c'est toi... C'est toi qui geins et couines parce que la génétique t'a refusé une mutation que tu penses légitime, c'est toi qui te débats contre la réalité... Toi qui jalouses une chose contre laquelle j'ai lutté pendant des années pour toi... Alors non. Je ne suis pas venue pour que tu me piques. Je ne suis pas venue non plus pour que tu me vois m'infliger ça. C'est bon ? L'équation se met en place dans ton esprit ? »

Ce calme et cette froideur dans la voix ne me ressemblaient pas. Ce qu'Artur avait devant lui, c'était la Moira glaciale et endurcie qu'avait tenté de façonner mon père des années auparavant. C'était celle que j'avais rejetée par pacifisme et volonté de tracer ma propre route. C'était celle que j'avais enfouie mais qui venait de resurgir pour me protéger de l'incommensurable tristesse qui menaçait de briser ma volonté. Lentement, j'ouvrais le sachet et levais la seringue au niveau de mon visage, observant le liquide translucide s'agiter dans le flacon.

« N'essaye pas de bouger, au fait... Tu ne peux plus que parler. Tu ne t'en es peut-être pas rendu compte car tes oreilles ne sont pas aussi affûtée que les miennes, mais ça fait cinq minutes que tu es à la merci de ce que tu hais tant chez moi. Ma mutation ne sert pas qu'à amadouer ou briser des objets. Tu vois cette lampe – hideuse au passage – posée sur ton vaisselier ? Elle a la même fréquence de résonance que ton squelette... C'est pour ça qu'elle vibre... C'est pour ça que plus je parle, plus tu sens tes entrailles remuer, n'est ce pas ? Si je hausse la voix, peut-être est-ce un rein ou ton foie qui se perforeront... Si tu bouges... Tes os se briseront comme du verre. Tu vois, c'est là toute la beauté du son et du corps humain. Ta grande sœur écervelée a suffisamment fait marcher ses méninges pour apprendre à se défendre, et si tu n'étais pas aller aussi loin, je n'aurais jamais eu besoin d'y avoir recours. »

Je me levais alors, le regard glacial et la démarche mécanique, contournais le canapé et m'agenouillais derrière. Les coudes posés sur le dossier, je me penchais légèrement vers Artur.

« Tu peux encore mettre fin à tout ça. Dis-moi que tout ça ce n'est pas toi, que tu regrettes ou j'en sais rien... Quelque chose qui me prouvera que celui que tu étais avant n'a pas encore été engloutis par ta jalousie... »

J'avais toujours la seringue dans la main, prête à la lui planter dans la gorge. Et pourtant, je ne voulais pas en arriver là, je préférais cent fois qu'Artur cède que de devoir lui injecter cette horreur dans les veines pour qu'il comprenne quel effet ça faisait.
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Artur Kovalainen
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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeDim 5 Juin 2016 - 11:20

And you, what have you done to my sister, years ago ?
Moira & Artur



Artur s’était toujours considéré comme quelqu’un de particulièrement calme Ou du moins, bine plus calme que sa sœur, que son impulsive de sœur. Lorsqu’on le critiquait, il ne réagissait pas au quart de tour, loin de là. Lorsqu’on l’insultait, le méprisait, le provoquait, il avait ce self-control impressionnant qui le poussait à ne pas bouger d’un iota et à sourire, même, à l’agresseur, comme s’ils partageaient une complicité qui rendait l’agression toute relative et la décrédibilisait même. Et les rares fois où Artur s’était vu perdre le contrôle, ses seules réactions n’avaient, au final, été que des regards glacés et un visage fermé, peut être flippant, mais contenu. Artur, donc s’était toujours considéré comme quelqu’un d’excessivement calme en apparence, à coller sur son visage un sourire naturel pour mieux frapper, insulter, mépriser, ridiculiser, disloquer son vis-à-vis dans ses pensées. Et se venger bien plus tard par des voies détournées.

Mais là… là… la colère de Moira commençait à déteindre sur lui, rendait ses répliques aussi acides que violentes, l’obligeait à sortir de son cocon protecteur d’hypocrisie pour mieux répondre à la hauteur des attentes de sa sœur. Parce que c’était cela qu’elle attendait, au final : elle attendait de voir le petit frère qu’elle semblait soudainement haïr, elle attendait de voir l’Artur qu’elle n’avait juste que là qu’entraperçu, elle ne demandait qu’à le voir se mettre à son tour en colère pour mieux justifier l’agression gratuite dont elle se faisait l’adepte. Gratuite, complètement gratuite. Plus les minutes passaient, plus la conversation s’envenimait, plus l’arrogance, l’égocentrisme et l’orgueil d’Artur enflaient son amertume. Et rendaient plus facile son rôle et sa sincérité chancelante, ses mensonges tissés avec art et rassemblés dans un manteau dont il se parait avec la grâce et la prétention d’un prince. « Mon immaturité si risible, hin ? Mais tu t'écoutes parler, des fois ? C'est moi l'immature ? Bouhouhou papa a été vilain avec moi alors je vais le menacer comme ça il s'intéressera à moi ! Prends pas ton air vexé, je sais très bien que derrière tes grands airs, y a de ça... J'arriverai jamais à t'empêcher de penser comme un bel enfoiré... Mais si je peux t'empêcher d'agir comme tel, alors je le ferai... » Il s’était redressé, Artur, et il chercha à le faire encore une fois. Oh, elle voulait vraiment l’empêcher d’agir ? « Vraiment ? Et comment tu vas t’y prendre ? Tu vas me cuisiner des cookies ? » Sa retenue était mise en veilleuse, son calme n’était là que pour sauver les apparences. « Arrête de te la jouer bad guy, Artur... J'me prends pas pour une héroïne, juste pour ta sœur. Navrée que ça t'emmerde à ce point d'avoir quelqu'un qui se fait vraiment du souci pour toi... » Piqué au vif, le petit frère se crispa. Parce qu’elle croyait vraiment ce qu’elle était en train de raconter, là ? Si elle s’était réellement fait du souci pour lui… et bien… elle s’y serait prise bien autrement pour le lui montrer. Pire encore : elle n’avait pas à se faire du souci parce que jusque là, il allait bien, très bien, il allait mieux du moins et depuis qu’il avait rayé de son horizon la menace constante des pouvoirs de son père, il ne pouvait qu’aller de mieux en mieux. Si elle s’était réellement fait du souci pour lui, elle serait elle-même allée voir leur père pour lui ôter l’abomination qui traînait dans le sang des Kovalainen et qui l’avait si injustement esquivé. Colère, enflant. Exaspération, grandissant. Et la douleur, présente en arrière-plan, qu’il refusait d’écouter mais à laquelle il était contraint constamment, dans une omniprésente étouffante. Je suis morte, Artur. Oui, elle était morte. Et il était mort avec elle, avait dégringolé dans un gouffre sans trouver la moindre prise à laquelle se raccrocher. Sans Ciaran, sans Ellie, sans la vaccination de leur père, il serait toujours au fond de ce gouffre. Sans Ciaran, surtout, qui avait surgi au bon moment, comme il y avait déjà dix ans de cela, pour lui tendre la main et chasser ses démons, pour remettre de l’ordre dans sa vie et donner à ses priorités une nouvelle saveur d’inévitable, de nécessité et de logique. S’il n’en avait rien eu à faire ? Le visage d’Artur se ferma, au bord de l’explosion.

Poings serrés, posture crispée, raide, il contractait ses phalanges au point de les voir blanchir à leurs jointures. Dès qu’elle détourna le regard pour mieux le laisser respirer, Artur se jeta dans la brèche pour se rattraper à la paroi et s’éviter une nouvelle chute. Sarcasme, acidité, moquerie, il ne fallait pas s’y tromper : Artur lançait devant lui des armures et des boucliers pour se protéger, dresser un mur entre elle et lui. Sincère, il l’était. A moitié seulement, mais il l’était. Et vu ses réactions, elle n’appréciait pas le spectacle. Sincère, il l’était presque, mais même dans des moments comme celui là où il baissait ses murailles d’hypocrisie pour laisser ses pensées dévaler ses lèvres et se concrétiser en son, il se fourvoyait dans des illusions dont il n’avait même plus conscience de l’existence. Perdu, battu à son propre jeu, un Artur honnête envers lui-même aurait hurlé à sa sœur qu’il tentait tout simplement de faire coexister des sentiments aussi brutaux que contraires, qu’il tentait de donner une cohérence à sa vie et à ce qu’il voulait faire, qu’il tentait de concilier ce que Ciaran lui mettait devant les yeux avec ce qui ressentait dans sa poitrine, et pour sa sœur, et pour Ellie, pour ces deux mutantes qui bien malgré lui étaient les deux soleil autour desquels il gravité, balancé ça et là par leurs forces d’attraction à la fois contraire et similaire.

Mais s’il était incapable de dire toute la vérité, tout ce qu’il disait, au moins, avait le mérite d’être le reflet exact de ce qui lui traversait l’esprit à l’instant présent. S’il n’était clairement pas innocent, il était loin d’être le coupable principal, il était loin d’être celui qui avait donné un coup de pied dans le premier domino, il était loin d’être le premier acteur de cette succession d’événements. Loin, très loin. Celui qui avait l’honneur d’être le principal protagoniste de cette mascarade, c’était Andreas et cela ne faisait aucun doute au plus jeune des Kovalainen, à la rancœur, la colère, la rancune, l’amertume ; au mépris, à la haine, à la déception accentués jour après jour par la présence constante de Ciaran qui n’avait trouvé là que le point d’orgue à une dizaine année de destruction progressive de ce qui pouvait et aurait pu lier le père et le fils. Andreas, voilà qui était le cœur de leurs problèmes. Et l’immaturité de Moira, ce sentiment de mépris et de supériorité conjoints qui le prenait aux tripes dès qu’il pensait à sa sœur, n’avait fait qu’empirer le tout. « Tu veux que je me comporte comme une adulte, hin ? D'après toi, qu'est ce que je fais là ? C'est une gamine qui tente de recoller les morceaux ? C'est la gamine écervelée toujours prête à sauter au cou de son frère que tu as face à toi ? C'est terminé, Artur... Fini les pardons pour tout, fini d'être aveugle... Tu sais quoi ? C'est l'être vraiment qui m'a ouvert les yeux sur ce que tu fais. J'devrais p'tet te remercier de m'avoir lâchement planté cette seringue dans le cou y a quelques mois... Ça m'a permis de voir qui tu es vraiment et tu viens de me le prouver... » Artur la fixa, masquant avec tout son self-control le frisson qui dégringola sa nuque. Fini ? Mais quand avait-elle commencé, murmura sa mauvaise foi ? Ce qu’elle faisait là ? Elle ruinait une journée pourtant agréable, elle se sentait obligée de venir lui foutre à nouveau le nez dans la merde des Kovalainen pour ne plus être la seule à s’y repaître et pour partager avec lui ce dont il ne voulait pas. Voilà ce qu’elle faisait là, et en toute mauvaise foi, Artur ne pouvait qu’assimiler ce comportement à, oui, celui immature d’une adolescente pré-pubère, il ne parvenait vraiment pas à trouver de comparaison plus juste. « Qui je suis vraiment ? Et qui suis-je, dans ce cas ? » Ses questions n’appelaient aucune réponse, n’étaient là que pour garder le contrôle, comme une soupape discrète de la colère qui enflait, enflait sans s’interrompre dans ses veines. « Papa a peut-être poussé le premier domino, mais t'as rien fait pour empêcher la chute des autres... T'attendais que ça pour avoir l'occasion de briser cette famille qui te fait honte à ce point ? Je pensais qu'on valait mieux que ça, tu vois... Alors ouais, je suis naïve, mais quand tu ne vois pas le bout du tunnel, tu te raccroches au moindre espoir que tu peux trouver en route... »

Le coup, elle ne devait même pas avoir eu conscience de le porter. Et pourtant, Artur se le prit dans le foie, dans ce conglomérat de combinaison nerveuse qui explosa sous la douleur. Mentale. S’il ne put pas faire de KO salvateur face à ce coup abstrait, il l’accusa, le souffle coupé. T’attendais que ça pour avoir l’occasion de briser cette famille. Pensait-elle vraiment ça ? Mais pour qui, bon sang pour qui le prenait-elle ? En d’autres circonstances, Artur aurait senti des larmes perler à ces paupières. Parce que dans tout ce que cette conversation avait de superflu et de baratin ridicule et oubliable, certaines des accusations de sa sœur le blessaient bien plus que ce qu’il aurait pu penser possible. Non, il n’en avait pas rien eu à faire qu’elle meure. Et non, bien sûr que non, la dislocation de leur famille n’avait jamais, jamais été dans ses objectifs. Les seuls responsables étaient leurs parents et leurs absences, et comme il ne pouvait blâmer leur mère, le seul responsable était toujours le même. Oh, sa sœur n’était pas seulement naïve, elle était aussi bien plus aveugle que tout ce qu’il aurait pu croire possible.

Et la colère d’Artur franchit un cap. Douloureux. Mais libérateur. Puisque sa sœur ne le connaissait pas, plus, n’avait vraiment plus aucune idée de ce qu’il avait dans la tête, pourquoi continuer à se retenir ? Pourquoi continuer à se contenir ? Le sourire qu’il afficha lorsqu’il se complut dans sa victoire face à leur père avait tout ce qu’il fallait de sincérité. Elle voulait du méchant Artur, et bien soit, qu’elle prenne ce qu’elle voulait, il n’en avait désormais plus rien à faire. Si elle pensait qu’il voulait réduire leur famille à néant, et bien soit. Si elle pensait qu’il n’en avait rien eu à faire, et bien soit. Il n’allait pas exhiber la vérité, il n’allait pas lui brandir ses kilos perdus pendant sa dépression, il n’allait pas lui mettre sous le nez ses terreurs nocturnes qui n’en finissaient plus, qui s’amplifiaient, avaient elles aussi franchi un cap. Il n’allait rien lui dire de tout cela puisque, de toute évidence, elle serait encore capable de l’accuser de mentir et de vouloir détruire leur famille, de la vouloir détruire elle. Jamais encore, Artur n’avait eu l’impression qu’un tel fossé s’était creusé entre lui et sa sœur et il était incapable de s’en considérer comme seul coupable. Parce qu’elle avait pelleté la terre de son côté, à n’en pas douter. Alors oui, qu’elle prenne ce qu’elle voulait, qu’elle se repaisse de sa méchanceté, qu’elle se serve au râtelier, il lui laissait carte blanche. « … Tu es complètement fou, Artur... Tu es cinglé et tu as l'air d'être le seul à te croire sain d'esprit... » Son grand sourire pouvait paraître naturel, Artur n’avait jamais rien créé d’aussi artificiel. « Exactement, je suis cinglé, tu le vois maintenant que tu me vois tel que je suis vraiment, c’est magnifique n’est-ce pas ? » Aveugle, elle était aveugle, complètement aveugle.

Et lui laissait tomber les unes après les autres toutes les limites qu’il avait pu inconsciemment s’imposer jusque là. Colère brutale, colère violente, désillusion transperçant. Il était présentement au bord du précipice et devait bien admettre concevoir une fierté infinie à l’idée qu’il ne chancelait ni ne flanchait. Que désirait Moira, finalement ? Elle ne voulait pas le voir tel qu’il était, elle n’avait aucunement conscience de la complexité de ce qu’il cachait. Rien n’était noir, rien n’était blanc, rien n’était clairement défini dans ses pensées, chose ironique lorsqu’on considérait sa maniaquerie et son esprit logique. Rien n’était noir, rien n’était blanc, tout n’était que nuances de gris et tourbillon de brumes. Acide, il se recroquevilla derrière son assurance, laissant échapper un papa qui n’avait rien à faire là, repartant dans un mouvement délibérer d’ignorer ce lapsus. Qu’est ce qu’elle attendait, qu’est ce qu’elle voulait dire, qu’est ce qu’elle était venue faire, finalement. Parce qu’en dehors de le réduire à néant et de faire voler en éclat sa sérénité, elle n’avait rien faire, jusque là, qui mérite le déplacement jusqu’à chez lui.

Ses applaudissements lents et réguliers n’avaient rien à faire dans ses mains. Son sourire sonnait faux sur ses lèvres. Et Artur se surprit à se demander si lui non plus ne s’était pas fourvoyé sur sa sœur jusque là. Et s’il n’était pas en train de s’enfermer dans un piège dont il ne pourrait pas sortir indemne. « Ce que je veux ? Te mettre le nez dans la merde, Artur... Dans TA merde, dans ce que TU as provoqué en allant trop loin... » Se redressant, Artur posa une main sur le côté, comme pour mieux se préparer à se lever d’un seul bond. Incapable d’entendre la menace, il ne pouvait cependant que la sentir dans ses tripes et dans le ton de sa sœur, dans le langage de son corps et de ses mouvements. Bien trop détendus pour être naturel, et il s’y connaissait dans le domaine pour avoir perfectionné cet art jusqu’à en faire une seconde nature. « C'est con, hin... J'ai passé des années à craindre cette horreur, et voilà que j'en tiens une dans mes mains... Ce n'est pas moi l'animal malade, Artur... C'est toi... » Incapable de savoir s’il valait présentement mieux se lever tout de suite pour aller chercher son arme déposée dans la cuisine ou juste ruiner le petit effet de style de Moira en explosant de rire, Artur prit le parti d’attendre et de continuer à écouter. Grossière erreur. « Depuis le début c'est toi... C'est toi qui geins et couines parce que la génétique t'a refusé une mutation que tu penses légitime, c'est toi qui te débats contre la réalité... Toi qui jalouses une chose contre laquelle j'ai lutté pendant des années pour toi... Alors non. Je ne suis pas venue pour que tu me piques. Je ne suis pas venue non plus pour que tu me voies m'infliger ça. C'est bon ? L'équation se met en place dans ton esprit ? » Oh, oui. L’équation s’était mise en place dans son esprit dès qu’elle avait repris. Depuis le début, c’est toi. Alors c’était lui qu’elle plaçait au centre de l’échiquier ? Et s’il comprenait bien…

Un frisson dégringola une nouvelle fois sa nuque. Pas de colère, pas de fureur, pas de rancœur cette fois. Un frisson de terreur, de terreur brute alors qu’il se sentait incapable d’esquisser le moindre mouvement. La seule chose qu’il parvenait à faire, c’était respirer. Et même cela lui était présentement pénible. Ses yeux s’affolèrent, lorsqu’ils suivirent la seringue qu’il ne l’aurait jamais crue capable de pouvoir tenir. Il tenta un mouvement de recul. « N'essaye pas de bouger, au fait... Tu ne peux plus que parler. Tu ne t'en es peut-être pas rendu compte car tes oreilles ne sont pas aussi affûtée que les miennes, mais ça fait cinq minutes que tu es à la merci de ce que tu hais tant chez moi. Ma mutation ne sert pas qu'à amadouer ou briser des objets. Tu vois cette lampe – hideuse au passage – posée sur ton vaisselier ? Elle a la même fréquence de résonance que ton squelette... C'est pour ça qu'elle vibre... C'est pour ça que plus je parle, plus tu sens tes entrailles remuer, n'est ce pas ? Si je hausse la voix, peut-être est-ce un rein ou ton foie qui se perforeront... Si tu bouges... Tes os se briseront comme du verre. Tu vois, c'est là toute la beauté du son et du corps humain. Ta grande sœur écervelée a suffisamment fait marcher ses méninges pour apprendre à se défendre, et si tu n'étais pas aller aussi loin, je n'aurais jamais eu besoin d'y avoir recours. » Artur se sentit pâlir. Blêmir. « Arrête, arrête ça tout de suite… » Si on ne pouvait que lui une certaine lâcheté dans de trop nombreuses situations, il n’était pas quelqu’un de particulièrement couard, loin de là. Il était capable des pires témérités lorsqu’il les jugeait nécessaire voire inévitables. Mais là… « Arrête, je suis ton frère, ton petit frère… » Là… la terreur s’infiltrait dans ses veines comme pour résonner à la même fréquence que ses os et la voix de Moira. Oh, il n’avait pas besoin de l’entendre pour comprendre ce qu’elle disait. Et quelque part, oui quelque part, il eut brutalement envie de bouger, volontairement, pour mettre les menaces de sa sœur à exécution. Mais comme face à leur père, il ne put franchir la barrière invisible qui le séparait d’une agonie douloureuse ou d’une hospitalisation critique. Incapable de bouger, incapable de surmonter sa terreur. Incapable, finalement, de se comporter autrement que comme une proie mise échec et mat par une meute de chiens. « Tu peux encore mettre fin à tout ça. Dis-moi que tout ça ce n'est pas toi, que tu regrettes ou j'en sais rien... Quelque chose qui me prouvera que celui que tu étais avant n'a pas encore été englouti par ta jalousie... » Lui dire ça ?

Non, bien sûr que non. « Tu es la plus cinglée de nous deux, Moira. Tu es complètement folle. » Il avait du mal à respirer, et ce simple fait remisa au rang d’anecdote le tremblement qui secouait sa voix. Lui dire qu’il regrettait ? Inutile, elle l’avait déjà jugée. Lui dire que ce n’était pas lui ? Oh… c’était lui, pleinement lui. Mais… « C’était pas moi, tout ça, je regrettes tout, absolument tout… » S’il y avait quelque chose qui battait à plate couture l’arrogance d’Artur, c’était son instinct de survie. Il le savait, il l’avait toujours su, mais en faire l’expérience n’était en rien agréable. Lamentable, il était lamentable, terrifié par la certitude qu’elle allait lui planter cette seringue dans ses veines, qu’elle allait se venger de cette manière alors qu’il était conscient plus que quiconque des effets secondaires que ça pouvait avoir sur un organisme mutant et surtout sur un organisme initialement sain. Parce que c’était bien cela le problème : s’il avait été certain que le vaccin allait avoir sur son effet guère plus qu’un sérum d’eau sucrée, il l’aurait laissée faire avec la morgue de l’invulnérable mais en l’occurrence… « Moira, je… tu ne peux pas faire ça, les anticorps, antisérums, les virus présents dans ce vaccin vont attaquer mes cellules saines, tu ne sais pas quel effet ça va avoir. C’est… » Il essaya d’avoir l’air sûr de lui, d’être moqueur, droit, connaisseur : malgré tous ses efforts Artur ne put qu’être pitoyable. Et geignard. Ô combien geignard. « Promis, j’irais m’excuser auprès d’Andreas, je ne toucherai plus à un mutant, je ferai ce que tu veux mais laisse moi et éloigne cette putain de seringue de moi. » Des mensonges, des mensonges désespérés. Parce qu’Artur, sitôt cette seringue éloignée et le contrôle de ses membres retrouvés, savait pertinemment ce qu’il comptait faire : se jeter sur sa sœur et lui enfoncer lui-même cette seringue dans le cou en espérant qu’elle ait eu accès d’une façon ou d’une autre, à un vaccin NH25 qui la rendrait définitivement inoffensive.




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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeJeu 9 Juin 2016 - 13:35

What makes a monster...
Moira & Artur



Artur et moi, c'était un peu comme le jour et la nuit, le feu et la glace, deux aimants plus prompt à s'éloigner qu'à se rapprocher. Il incarnait le calme, la mesure, la réflexion, il était plus intelligent que la moyenne, polyglotte... Moi j'étais l'impulsive, la sanguine, l'émotive grande sœur, celle qui se fichait bien d'avoir un Q.I supérieur à la moyenne et qui n'avais que l'oreille absolue comme seul talent inné. Tout nous opposait. De nos goûts à nos fréquentations, en passant par nos caractères. Pourtant, nous avions été incroyablement proches, à une époque, soudés, complices, toujours là pour écouter l'autre ou se confier nos angoisses... Quelque part, c'étaient les absences répétées de nos parents qui nous avaient poussées à nous rapprocher à ce point. Sans ça... Peut-être aurions-nous été des étrangers l'un pour l'autre ? Je refusais d'envisager cette éventualité. J'avais toujours vu le calme et le retrait d'Artur comme des éléments inhérents à sa personnalité... Jamais encore je n'avais envisagé que sa jalousie puisse se transformer en haine ou en dégoût. J'aurais voulu qu'il me dise ce qu'il avait dans la tête, qu'il me dise que j'avais tort, qu'il ne se fichait pas de tout ça, que j'étais toujours sa sœur... Mais Artur jouait incroyablement bien la comédie, il savait feindre le mépris et l'indifférence avec une telle aisance que je ne pouvais que le croire. Me noyer dans mon propre sang m'apparaissait alors moins douloureux que ce coup de poignard en plein cœur. Chaque remarque acide m'arrachait une grimace, j'avais envie de lui sauter à la gorge pour le rouer de coups et lui remettre les idées en place, mais je m'étais jurée de ne jamais frapper mon frère. De ne jamais imprimer la marque de mes doigts sur son visage, quand bien même le méritait-il amplement. La seule blessure qu'il subirait jamais de moi serait se minuscule petit hématome que ne tarderait pas à former l'aiguille de la seringue que je gardais dans mon sac. Ça et ses oreilles défaillantes, dont la culpabilité s'amenuisait à mesure qu'il frappait avec toute l'amertume dont il était capable. Je connaissais Artur par cœur et pourtant j'étais incapable de voir tout son petit manège. Quelque part, j'avais le sentiment qu'après tout ce qu'il avait fait, je ne voulais plus voir l'évidence, plus lui trouver d'excuses.

« En fait... Je ne vois même pas pourquoi je continue à me fatiguer à parler avec toi, Artur. Tu ne veux pas m'écouter, tu ne veux pas me répondre, tu veux juste m'envoyer balader. J'te confiais tout, à une époque... J'te confiais tout jusqu'à c'que je commence à avoir des doutes... »

Jusqu'à ce jour où il était réapparu comme une fleur, me posant mille et une questions au sujet de William, s'introduisant dans ma vie privée sans la moindre délicatesse. Ce jour-là j'avais su que quelque chose avait changé en Artur. Que désormais, chaque confidence ne serait plus gardée comme un secret mais utilisée pour servir ses desseins. J'avais réellement envie de lui sauter au visage toutes griffes dehors... De déchirer son masque de bourreau sans cœur pour consoler celui du petit frère qui, je le savais, n'attendait qu'une chose : qu'on le délivre. Pourtant, plus d'une fois, je vis passer un éclair de déception, puis de tristesse dans le regard de mon frère, et me pris à espérer... Pour être mieux déçue derrière en l'entendant m'envoyer balader ou en faisant face à son indifférence.

« Pourquoi viens-tu l'importuner, Moira ? Ne vois-tu pas que ton frère va bien, pour la première fois depuis des mois ? Ne vois-tu pas qu'avoir cru te perdre l'a plongé au fond d'un abîme de tourments d'où tu n'as pas voulu le tirer ? Ne vois-tu pas que tu ne fais que lui nuire ? » Quelque part, tout au fond de mon esprit demeurait cette évidence, cette conclusion détestable qui me donnait envie de vomir. Bon sang mais qu'avions-nous fait de notre complicité à toute épreuve, Artur ? Où était-il passé, ce temps où chasseurs et mutants n'avaient aucun sens pour nous, tandis que notre fraternité en avait un incommensurable ? Jamais je n'avais à ce point regretté d'être partie. Si j'avais su que les choses se termineraient ainsi, si j'avais su que mon frère deviendrait un assassin, j'aurais pu abandonner ma carrière pour m'assurer que rien ne change entre nous. Parce que mon affection pour lui valait plus que toutes les salves d'applaudissements, les contrats prestigieux... Parce que jamais aucun bouquet de roses ne vaudrait la confiance de mon petit frère. Seulement je refusais de m'excuser pour ça. Ce n'était pas à moi de courber l'échine, pas alors qu'en temps normal, je me serais contenter de lui tendre le bâton pour le laisser me battre.

Ma décision était prise, et maintenant que j'avais cette seringue dans la main, je ne pouvais plus faire machine arrière. Une erreur de ma part, et elle terminerait dans ma propre jugulaire. Ce n'était certes que du NH24, mais je n'avais absolument pas envie de passer à nouveau un mois dans le noir complet ou avec toute autre affliction désagréable. Puisqu'Artur avait décrété que j'étais un monstre, puisqu'il haïssait cette mutation dont il ne me pensait pas légitime, j'allais lui donner une raison de plus de le penser. Rien à perdre, tout à détruire. Je n'éprouvais aucun plaisir à me voir tenter de se débattre sous l'effet des ondes qui le paralysaient, pas plus que je n'avais envie de me moquer de lui alors qu'il tentait de m'amadouer. Il était pitoyable... Pour la première fois de ma vie, je dévisageais mon frère avec un mélange de dégoût et de mépris. Une véritable loque, me suppliant de ne rien lui faire, et j'étais même étonnée de ne pas voir des larmes rajouter une couche de pathos dans tout ça.

« Arrête de faire ta princesse, Artur... T'es pathétique... », crachais-je sans lui laisser une seconde de répit.

Je ne le reconnaissais plus mais ne me reconnaissais plus pour autant. Ce n'était pas moi, cette femme glaciale, impitoyable et déterminée à mettre sa sentence à exécution. Ça c'était le monstre que je refoulais depuis tant d'années, dont je fuyais la présence et faisais taire l'insidieuse petite voix qui me chuchotait depuis trop longtemps qu'Artur avait besoin d'une bonne leçon. Accroupie derrière le canapé, j'éclatais d'un rire étrange qui sembla se répercuter contre chaque objet présent dans la pièce, les faisant teinter un à un comme des cloches.

« T'as raison, va... J'suis cinglée... Si ça peut te rassurer de penser ça... J'en ai plus rien à foutre, de toute façon. Seulement pose-toi la question : qui est le plus fou des deux ? Celle qui l'accepte ? Ou celui qui nie l'évidence ? »

Jouant avec la seringue comme si j'avais soudainement oublié qu'elle était là, je sentis soudain ma détermination s'étioler. « C'était pas moi, tout ça », qu'il venait de dire ? Alors... Avais-je raison, finalement ? Artur était-il manipulé depuis tout ce temps ? Venait-il d'admettre que quelqu'un d'autre tirait les ficelles, ou était-ce une façon pour lui de rejeter la culpabilité sur un autre ? L'hésitation fit trembler ma voix, déstabilisa ma concentration... Et j'aurais pu en rester là, m'éloigner d'Artur, me débarrasser de l'horreur que j'avais en main et chercher à comprendre ce qu'il avait voulu dire par là. J'aurais pu s'il n'avait rien ajouté.

L'air se figea dans mes poumons, chacun de mes membres se mit à trembler sous l'effet de la rage qui enflait en moi, et ma voix se mit à vibrer plus encore qu'auparavant.

« Tu le savais... Tu l'as toujours su... Tu m'as vaccinée en sachant que ça risquait de détruire mon organisme, tu as vacciné notre PERE ! Putain Artur ! Avant d'être un mutant parmi tant d'autres c'est ton PERE ! Tu l'as vacciné en sachant que lui aussi serait touché par les effets secondaires... T'es vraiment qu'une putain d'ordure... Tu t'en fous littéralement des effets secondaires tant qu'il ne te touche pas... T'es tellement égoïste que ça m’écœure... »

Je tremblais de plus en plus et retins de justesse la seringue qui menaçait de glisser entre mes doigts rendus moites par le stress.

« Et Ellie ? Tu l'as vaccinée elle aussi ? Tu as l'intention de lui faire subir le même sort ? »

S'il y avait bien une chose dont Artur pouvait être sûr, c'est que jamais je n'irais m'en prendre à qui que ce soit pour l'atteindre, et encore moins à Ellie. Je n'étais pas fourbe à ce point, je préférais attaquer de front que de faire les choses sous le manteau. En revanche, j'espérais sincèrement que la jeune femme se rende rapidement compte à quel point mon frère avait une araignée au plafond. Me penchant à son oreille, je murmurais d'une voix venimeuse.

« La seule raison pour laquelle tu es prêt à me promettre d’aller ramper aux pieds de papa, c’est uniquement parce que tu te pisses dessus à l’idée que je te la plante dans la jugulaire, cette aiguille… T’as vraiment aucun honneur… »

D’un geste vif, j’agrippais les cheveux d’Artur pour maintenir sa tête sur le côté. La colère était venue supplanter l’angoisse et la tristesse, la rage dictait maintenant le moindre de mes mouvement, sans que je cherche à faire quoi que ce soit pour m’en empêcher.

« Je ne sais pas quel effet ça va avoir sur tes si précieuses cellules saines… Mais tu me feras pas croire que toi tu savais ce qui m’arriverait quand tu m’as vaccinée. C’est la roulette russe, ces conneries… Et puis tu sais, on est pas si différent, on respire le même air, on arpente les mêmes rues… On chie même de la même façon, si ça c’est pas beau ! Au fond j’suis pas certaine que ça te fasse grand-chose de plus qu’à un mutant. Et c’est amplement suffisant. »

Je déglutis une dernière fois, prenant une grande inspiration avant d’abattre l’aiguille de la seringue dans la veine palpitante d’angoisse qui pulsait sous son menton. La sensation de traverser la peau m’arracha une grimace de dégoût, et je dû me faire violence pour vider la totalité de la solution d’un coup. Puis, comme si je m’étais brûlée avec, je comprimais l’objet entre mes doigts jusqu’à faire éclater la fiole de verre et me relevais. Lorsque je repris la parole, toute trace de ma mutation avait disparu, rendant à Artur sa liberté de mouvements.

« Maintenant, c’est à toi de vivre avec ça dans les veines. T’as joué, t’as perdu. Et si ça peut te rassurer, c’est du NH24, ce n’est pas définitif. Oh… Au fait… Je t’ai menti, quand je t’ai dit que je ne savais pas quel effet ça aurait sur toi. Je ne suis pas aussi givrée que les gens comme toi, je me suis renseignée. Ça ne fera que t’affliger des mêmes effets contraignants qu’à un mutant… Alors amuse-toi bien avec ce qui va te tomber dessus, Artur… Si ça ne te sert pas de leçon, t’auras qu’à revenir dans un mois finir c’que t’as commencé. »

Si j’étais blasée ? C’était même au-delà de ça. J’étais écœurée, mais je ne me sentais pas pour autant soulagée par ce que je venais de faire. Bien qu’étant consciente de lui avoir infligé la punition qu’il méritait, je me sentais… Vide. Et je savais qu’il restait dans mon sac de quoi en finir avec mes propres problèmes de mutation, même si je devais le faire à contrecœur.

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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeMer 6 Juil 2016 - 23:08

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Moira & Artur



Chaque seconde passée empoisonnait un peu plus leur relation, chaque mot prononcé corrompait davantage leur fraternité si cela était encore possible, et chaque battement de cœur creusait un peu plus profondément encore la tombe de la gentillesse d’Artur. Et visiblement de celle de sa sœur aussi. Inexorablement, le ton montait entre les deux Kovalainen qui, l’un comme l’autre, loin de chercher à calmer le jeu, veillait bien au contraire à asticoter davantage l’autre pour voir qui aller craquer en premier et céder à une colère aussi brutale que destructrice. Quelque part, si Artur n’avait pas eu à un seul moment envie que les choses dégénèrent à ce point, il se complaisait de manière assez malsaine dans ce revirement de situation qui, somme toute, confirmait ce dont Ciaran avait réussi à lui faire prendre conscience : la famille n’était que source d’ennui, que source de conflits, que source de discordes et sa sœur, à l’instar de son père, n’était vouée qu’à ne pas chercher à le comprendre et à le détruire par sa colère aussi puérile qu’infondée. Et violente. Ô combien violente était la colère de Moira présentement, plus brutale, plus agressive qu’aucune autre. Artur, d’ailleurs, n’avait pas souvenir s’être un jour retrouvé devant une grande sœur aussi furieuse et, il devait bien l’admettre en son fors intérieur, intimidante.

Intimidante, Moira l’était. Intimidé, en revanche… il fallait bien plus que de la colère pour décontenancer Artur, bien plus qu’un ton glacé pour le déstabiliser, bien plus que de la maturité pour lui faire baisser les yeux, surtout lorsqu’on partait avec un handicap tel qu’un nom de famille égal à Kovalainen. Et bien évidemment, Moira ne pouvait voir que cette façade de morgue et d’amusement qu’il affichait, cette illusion d’agacement qui masquait une réalité bien plus sombre, bien plus noire mais aussi bien plus nuancée, comme la brume, la nuit, s’enroulait en bras traînants et scintillait sous la lune, seule lumière dans l’obscurité la plus profonde. « En fait... Je ne vois même pas pourquoi je continue à me fatiguer à parler avec toi, Artur. Tu ne veux pas m'écouter, tu ne veux pas me répondre, tu veux juste m'envoyer balader. J'te confiais tout, à une époque... J'te confiais tout jusqu'à c'que je commence à avoir des doutes... » Une pointe de douleur le percuta dans le foie, coup de poing immatériel. J’te confiais tout à une époque. Avait-ce jamais été réciproque ? Le petit frère ne se souvenait pas avoir un jour confié toutes ses pensées à sa sœur, à moins que sa mémoire ne se contente de lui faire défaut. La confiance, en revanche, elle avait été pleine et entière pendant des années, sans faux-semblants, sans cette hypocrisie qui collait désormais au moindre de ses actes comme une seconde peau. Elle lui confiait tout, à une époque, elle lui confiait tout. Et à présent… la douleur s’enfonça dans sa chair comme une couronne d’épines, des épines se plantant dans sa langue acérée. « C’est ça, oui, je suis le pauvre petit méchant de l’histoire et toi la pauvre petite incomprise. Alors oui, casse toi, Moira, dégage tu me fatigues. » Il n’en pensait pas un mot. Ou alors pensait-il l’ensemble de ses mots sans réellement souhaiter voir sa sœur obtempérer. Qu’elle s’en aille, il n’en avait pas la moindre envie. Qu’elle reste en revanche… son avis était moins tranché sur la question, Artur étant bien trop conscient que cette discussion ne pouvait tout simplement pas aller en s’apaisant.

Et elle s’envenima, bien au contraire, comme attendu. Elle s’envenima bien vite, dégringolant brutalement dans une pente abrupte pour terminer transpercée sur les vestiges de leur fraternité. Elle se coupa contre les éclats de voix de Moira. Elle se heurta à la terreur d’Artur. Elle devint amère comme cette substance qui brillait au bout de cette aiguille qui s’agitait à présent sous ses yeux. Un vaccin. Une mutation. Une voix, omniprésente, surnaturelle. Monstrueuse. Si Artur avait eu le moindre pouvoir, sans nul doute qu’à cet instant, son regard glacial aurait fait exploser toute chose percutant son champ de vision. Incapable de bouger, une sueur froide, glacée, désespérée dégringola sa nuque. Et une supplique. Malheureuse. Une supplique, une défense chancelante et laborieuse, la mise en avant d’une réalité oubliée. Il était son petit frère, bon sang. Son petit frère, un humain, un simple humain, pas un monstre comme elle, pas un monstre comme leur père. Juste un petit frère, juste un petit frère inoffensif. « Arrête de faire ta princesse, Artur... T'es pathétique... » Pathétique, il l’était. Jusqu’au bout des ongles. Pathétique, malgré sa fierté frôlant l’arrogance, malgré son orgueil aussi mesuré que sa jalousie. Pathétique, presque incapable de calculer, se contentant de manipuler comme il pouvait. « T'as raison, va... J'suis cinglée... Si ça peut te rassurer de penser ça... J'en ai plus rien à foutre, de toute façon. Seulement pose-toi la question : qui est le plus fou des deux ? Celle qui l'accepte ? Ou celui qui nie l'évidence ? » La voix d’Artur se fit aussi laborieuse que sa respiration. Il n’osait pas respirer trop fort, de peur qu’une de ses côtes ne transperce un poumon. Il n’osait pas parler trop fort, de peur de voir sa nuque se raidir sous un soubresaut involontaire. Pathétique, il l’était. Totalement. Pathétique et lamentable, ces larmes perlant à ses paupières, leur sel irritant ses yeux.

Le vaccin, il l’avait étudié et plutôt deux fois qu’une. Pour en connaître les composants, d’abord, puis par simple curiosité intellectuelle. Et, enfin, pour le rendre pleinement fonctionnel, sans effets secondaires, et l’injecter par la suite définitivement à sa grande sœur et à son père. Le vaccin, il n’en connaissait peut être pas tous les détails et composants chimiques, mais il en savait assez pour savoir ce qu’il risquait de faire à son ADN sain. Sain. Quel était le propre d’un cancer ? Qu’il ne soit dû qu’à un dysfonctionnement des cellules, une attaque de l’organisme contre lui-même. Quel était le propre d’un vaccin visant à recombiner l’ADN ou à jouer avec certains marqueurs génétiques pour les transformer en séquence non-codante ? Un complexe démiurge qui n’allait pas manquer de s’attaquer à des séquences saines, au hasard, à défaut de trouver un quelconque gène difforme. Tu ne sais pas quel effet ça va avoir, la voix d’Artur se raffermit lorsqu’il chuta dans cette mise en garde digne d’un professeur d’université faisant cours à des élèves particulièrement stupides. Sauf que bien évidemment, Moira n’était pas stupide. Du moins, son petit frère l’espérait. Grandement. Moira n’était pas stupide, et elle allait baisser son arme. Mieux encore, elle allait revenir à la raison, s’excuser. Dans le meilleur des cas, même, elle allait elle-même planter dans sa propre trachée la seringue pour effacer la seule différence entre elle et lui. Dans le pire, c’était Artur qui allait s’en occuper. Il suffisait simplement qu’elle écarte la seringue, qu’elle cesse de l’immobiliser, qu’elle… « Tu le savais... Tu l'as toujours su... Tu m'as vaccinée en sachant que ça risquait de détruire mon organisme, tu as vacciné notre PERE ! Putain Artur ! Avant d'être un mutant parmi tant d'autres c'est ton PERE ! Tu l'as vacciné en sachant que lui aussi serait touché par les effets secondaires... T'es vraiment qu'une putain d'ordure... Tu t'en fous littéralement des effets secondaires tant qu'il ne te touche pas... T'es tellement égoïste que ça m’écœure... » Artur ferma les yeux. Et serra les dents. Echec. Non. Echec et mat. Les solutions explosèrent à ses pensées. Dans un cas, il provoquait sa sœur en mettant en avant que oui, en effet, il savait ce qu’il faisait et l’avait toujours su. Dans un autre, il restait muet. Dans un troisième, enfin… il restait pathétique. Pitoyable. Lamentable. Mais conservait, statistiquement, une chance infime de faire changer Moira d’avis. « Je ne le sais que depuis peu de temps, Moira, je te le promets. Sinon tu te doutes bien que jamais, jamais je ne vous l’aurais injecté… » Bien sûr qu’il leur avait injecté cette solution dans les veines en connaissance de cause, et plutôt deux fois qu’une. Seulement… et bien seulement, Moira ne faisait que lui prouver à quel point il avait eu raison. Et qu’il… « Et Ellie ? Tu l'as vaccinée elle aussi ? Tu as l'intention de lui faire subir le même sort ? » Artur cracha. Immédiatement. Sans réfléchir. « Ne t’avise pas de t’approcher d’elle. » Surtout pas. « La seule raison pour laquelle tu es prêt à me promettre d’aller ramper aux pieds de papa, c’est uniquement parce que tu te pisses dessus à l’idée que je te la plante dans la jugulaire, cette aiguille… T’as vraiment aucun honneur… » Ses cheveux hurlèrent sous l’emprise de sa sœur, Artur n’était qu’une marionnette entre ses mains et les larmes qui recommencèrent à couler le long de ses joues, effaçant bien vite son ton sec à la mention d’Ellie n’affichèrent que plus encore le pathétisme de sa situation. « Moira, arrête, je t’en supplie, ce n’est pas toi… » Geignard. Il était geignard. « Je ne sais pas quel effet ça va avoir sur tes si précieuses cellules saines… Mais tu me feras pas croire que toi tu savais ce qui m’arriverait quand tu m’as vaccinée. C’est la roulette russe, ces conneries… Et puis tu sais, on est pas si différent, on respire le même air, on arpente les mêmes rues… On chie même de la même façon, si ça c’est pas beau ! Au fond j’suis pas certaine que ça te fasse grand-chose de plus qu’à un mutant. Et c’est amplement suffisant. »

Artur se décida à fermer les yeux. Fort. Et un couinement s’échappa de ses lèvres, non pas en réponse au pincement provoqué par la piqûre – il n’était tout de même pas si douillet – mais plutôt… parce que c’était fait. Et trop tard. Et qu’à présent, jamais une métaphore provenant de Moira n’avait été aussi concrète. Une roulette russe. Artur se recroquevilla sur lui-même dès que ses muscles et ses os acceptèrent de bouger, une main partant à son coup, l’appréhension le paralysant plus sûrement que n’importe quelle mutation. « Maintenant, c’est à toi de vivre avec ça dans les veines. T’as joué, t’as perdu. Et si ça peut te rassurer, c’est du NH24, ce n’est pas définitif. Oh… Au fait… Je t’ai menti, quand je t’ai dit que je ne savais pas quel effet ça aurait sur toi. Je ne suis pas aussi givrée que les gens comme toi, je me suis renseignée. Ça ne fera que t’affliger des mêmes effets contraignants qu’à un mutant… Alors amuse-toi bien avec ce qui va te tomber dessus, Artur… Si ça ne te sert pas de leçon, t’auras qu’à revenir dans un mois finir c’que t’as commencé. » Le sang du petit frère se gela dans ses veines, dans une morsure plus atroce que n’importe quelle balle perforant et déchiquetant sa chair.

L’appréhension. C’était un mal pire que celui que l’on guettait. Une tendance à l’hypocondrie qui amplifiait le moindre symptôme pour le rendre létal. L’appréhension, elle comprimait ses artères, le voyant sangloter comme un enfant. « Tu es tarée… tout bonnement tarée… » Plus de fierté, plus d’arrogance, plus de moruge : Artur n’était au final qu’un petit con orgueilleux qui chouinait dès qu’on l’effleurait pour mieux partir se réfugier dans les jupes de sa mère. Sauf que sa mère était morte et que c’était sa grande sœur qui se tenait devant lui et qui lui avait injecté dans les veines un poison. « Qu’est ce que tu as fait ? » Il releva ses yeux trempés de larmes vers sa sœur, cherchant au fond de sa terreur une colère lui permettant de surmonter le choc. Un choc tétanisant, frôlant la crise de panique. « Je ne suis pas un mutant. Et tu n’y connais rien à la génétique ! » Ca ne fera que t’infliger les mêmes effets contraignants qu’à un mutant. Vraiment ? Il en doutait. Très honnêtement… Tremblant, titubant, Artur se força à délier ses muscles et à se mettre debout. « Je vais te tuer, Moira. Je te jure que je vais te tuer. » La colère. Elle était là, finalement. Toujours là. Lovée au creux de sa terreur. Petite graine de noirceur, petite source de vitalité. Brasier ardent qui lui permit de se redresser. Terrifié. Angoissé. Mais aussi furieux. Et incroyablement insensible. « Je te conseille de dégager. Quoique ce vaccin me fasse, je te conseille de disparaître, Moira. Vraiment. Parce que tu viens de me prouver que vous êtes tous les mêmes, autant les uns que les autres. Des névrosés. » Il crachait chaque mot, avec toute la haine qu’il pouvait rassembler. « Des monstres. Des abominations. Et quoique tu puisses dire, vous chiez peut être de la même manière que nous, mais vous n’êtes rien d’autres que des aberrations génétiques qui se prennent pour des demi-dieux sous prétexte que trois séquences d’ADN erronées vous ont conféré des capacités que vous ne méritez pas. » Une haine resplendissante. Honnête. Qui trouva sa chute lorsqu’Artur perdit l’équilibre. Ataxie, lui murmurèrent ses réflexes scientifiques, tandis que ses mains et surtout ses poignets encaissaient grossièrement le poids de son corps. Non, pas d’ataxie. Il se releva sans cérémonie. Une grimace déforma son visage, Artur abandonna l’idée de faire un pas supplémentaire et foudroya sa sœur. « Casse-toi. Dégage de mon appartement Moira. Et profite en aussi pour dégager de ma vie. »

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Moira Kovalainen
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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeJeu 14 Juil 2016 - 23:10

What makes a monster...
Moira & Artur



Je regrettais déjà mon geste. Toute cette mascarade n'était ni une vengeance, ni une preuve de cruauté, c'était... De la détresse, du désespoir, le besoin de secouer Artur pour l'amener à se réveiller. Seulement, plus les minutes passaient, plus il parlait, plus j'avais l'impression qu'il s'enfonçait dans ses propres cauchemars, comme s'il s'y sentait suffisamment bien pour ne pas avoir à se sortir la tête de l'eau. Je n'avais jamais rien exigé d'autre de mon frère que de l'honnêteté. Il avait toujours été plus renfermé que moi, moins enclin à se confier, contrairement à moi qui lui disais tout. Il ne m'avait jamais raconté que ses cauchemars, et je n'avais jamais été véritablement en mesure de lire en lui comme dans un livre ouvert. Parce qu'Artur était quelqu'un de secret, de réservé, et que je l'acceptais tel qu'il était. Ça ne m'avait jamais posé de problème dès qu'il se montrait honnête, droit... Humain. A présent, je doutais de ladite humanité, ayant davantage l'impression d'avoir affaire à un robot sans émotions. Comme si un rouleau compresseur était venu piétiner ses sentiments pour en faire un brave petit soldat obéissant.

J'avais envie de le secouer, de le pincer pour qu'il se réveille, de lui hurler dessus... Qu'importe si ça pouvait lui permettre d'ouvrir les yeux. Il se croyait dans le vrai ? Bon sang... Depuis quand tuer des innocents et vacciner ses proches était une attitude bienfaisante ? Je me rendais compte à quel point prendre de plein fouet la cruauté de mon frère me faisait mal. A tel point que je ne voyais pas la détresse qui animait ses traits, pas plus que je ne voyais la tristesse voiler son regard avant qu'il ne me crache à la figure de foutre le camp. Tout ce que je voyais, c'était le monstre que la chasse aux mutants avait engendré. Pas le petit frère perdu qui avait besoin de tout sauf de ma haine. D'une voix éteinte, je répliquais simplement.

« Je n'ai pas l'intention de m'éterniser ni de prendre un thé, si ça peut te rassurer... »

Et voilà que je me retrouvais accroupie derrière lui, l'objet de mes cauchemars dans les mains, usant d'une facette de ma mutation que je m'étais toujours promis de ne jamais faire subir à mon frère. Depuis l'apparition de mon don, il n'avait jamais eu à subir que ses effets bénéfiques mais aujourd'hui, toutes mes convictions, toutes mes promesses volaient en éclats. Seulement, cette petite voix geignarde et les mensonges ne faisaient qu'attiser le feu de ma colère. Artur était un scientifique rigoureux, un génie, jamais il ne se serait servit d'un vaccin sans en connaître les effets secondaires... Et pourtant, il l'avait fait. Délibérément, sciemment, sans la moindre hésitation, et d'une façon plus cruelle encore avec notre père. Et il pensait que je comptais m'en prendre à Ellie ? Quel naïf...

« T'as vraiment que j'allais m'en prendre à Ellie ? Non mais tu me prends pour qui ? Je ne suis pas le genre de sadique que tu côtoie, Artur. Elle n'a rien fait, elle n'est qu'une énième victime de son orgueil de petit con prétentieux... »

Je ne jalousais pas Ellie. Car quelque part, je me disais qu'il valait mieux avoir affaire à l'honnête et acide Artur qu'à l'hypocrite petit ange qu'il prétendait être. Dans un sens, si la jeune fille pouvait réveiller tout ce qu'il y avait de bon en mon frère, j'étais bien plus encline à l'encourager en agitant des pompons qu'à l'utiliser comme objet de chantage contre Artur. Il avait beau me supplier, me dire que ce n'était pas moi... Il fallait qu'il se rende à l'évidence. Tout ça c'était bien moi, la dégénérée vaccinant son pur et innocent petit frère, c'était moi. Le visage du monstre que je croisais dans la glace, c'était moi. C'était ce qu'avaient fait de moi des années de peur, de rancœur, de colère, de haine, d'injustice... Pourchassée pour un gêne que je n'avais pas choisi, torturée et assassinée pour les erreurs d'un autre, tétanisée en prenant conscience que jamais je n'aurais la force mentale et physique nécessaire pour me battre... Souffrant de l'absence de la seule personne qui aurait été capable de me raisonner et de me relever. Bien sûr que tout ça c'était moi. Ce n'était simplement pas ce qu'Artur voulait voir.

Et alors que je me relevais, tremblante, une bile acide chatouillant mes papilles à m'en faire grimacer, j'avais l'impression de m'éveiller après un long sommeil. C'était fait. Artur était vacciné. Au nom de quoi ? De la vengeance ? Ça non. C'était juste une punition, l'espoir qu'il prendrait conscience de ses erreurs en subissant la même chose que mon père. Alors quand il me cracha que j'étais tarée, je sourcillais pas. Inutile de me vexer pour quelque chose que je savais déjà. Bon sang mais qu'avais-je fait ? Une part de moi persistait à penser que j'avais agit pour le mieux, donnant une leçon bien méritée à Artur, mais la grande sœur soucieuse et sur protectrice avait déjà envie de se jeter à ses pieds pour implorer son pardon. Tétanisée, je restais là à le fixer, encaissant sans remarques sans ciller. Ce que j'avais fait ? Une erreur ou la justice ? Et non, je n'y connaissais rien en génétique, je m'étais simplement renseignée... Sans réellement comprendre tout ce que j'avais lu ou appris. Peut-être avais-je péché par orgueil, cette fois ? J'étais restée stoïque, inaccessible... Jusqu'à ce qu'il me menace. Je déglutis lentement, sentant les larmes me monter aux yeux. Rien ne me blessait plus que de voir cette haine viscérale et bien trop palpable dans le regard de mon frère.

C'était la rage, la colère, l'impulsivité qui guidaient ses mots. Une acidité qui n'avait rien à voir avec le ton doucereux des mensonges qu'il proférait habituellement. Après ce que j'avais vécu, je n'avais plus autant peur de mourir. Je craignais bien plus le regard empli de dégoût que mon frère me jeta. Alors je baissais les yeux, cachant cette larme qui roula malgré moi sur ma joue et murmurant pour ne pas lui montrer à quel point ma voix tremblait d'émotion.

« Si tu me le jure alors qu'est ce que tu attends ? Si c'est vraiment ce qu'il te faut pour aller mieux, alors fais-le, mais je t'en prie ne te rate pas. J'ai voulu arranger les choses, j'ai essayé de t'écouter, Artur... Force est de constater que je suis une bien piètre musicienne. »

Mais alors qu'il se redressait, me dominant de toute sa hauteur dans un regard haineux que je soutenais sans ciller, ses paroles réveillèrent la colère qui avait peu à peu laissé place à la culpabilité.

« Et tu sais pourquoi je ne veux plus t'écouter ? Parce que c'est ta jalousie qui parle... Tu n'aurais pas un tel discours si tu en avais une, de mutation ! T'es juste jaloux parce que la génétique te résiste, t'as pas l'impression que c'est vous, les montres ? L'aberration génétique elle t'emmerde et te dit de bien aller te faire foutre, putain ! Qui te dit qu'il n'y a que des gens qui ne méritent pas leur mutation ? Tu penses que tu en mériterais une, toi ? Tu crois vraiment que ça ferait de toi quelqu'un de bien ? Laisse-moi rire... T'es un connard et un sacré trou du cul, c'est pas en sachant faire fleurir des pâquerettes ou créer des séismes que ça changera quoi que ce soit... »

Je lui tournais alors le dos en prenant la direction de la sortie, n'entendant un « boum ! » derrière moi qui me donna l'envie furieuse de me retourner. Artur était tombé... Artur ne serait pas tombé sans raison... Artur a besoin de mon aide... Non. Tu ne dois pas te retourner, Moira, tu ne dois pas lui laisser l'occasion de se venger. Tu ne dois pas le laisser t'acculer plus encore. Garde la tête haute et vas-t-en, simplement. Serrant les poings, j'écoutais cette petite voix dans ma tête, voix qui faisait un curieux mélange centre celle de Marius et celle de Seth, et posais la main sur la poignée au moment même au Artur me hurlait de partir.

« Pas la peine de me le répéter, je suis assez grande pour trouver la sortie, merde ! T'inquiète pas, t'es pas prêt de me revoir, vu que même un vaccin n'arrive pas à t'ôter la parole... Démerde-toi bien avec ça, Artur... Ça ne durera qu'un mois... T'as beau être complètement con, t'es mon petit frère et je ne suis pas assez folle pour user d'un vaccin définitif sur toi... »

Sur ces mots emplis de colère, de tristesse et de détresse, je claquais la porte derrière mois et quittais l'immeuble sans un regard derrière moi. Où pouvais-je aller ? Rentrer ? Marius serait sûrement là, il me poserait des questions, trouverait sans nulle doute les seringues dans mon sac et ça, c'était hors de question. Alors quoi ? Aller trouver Seth ? Il avait d'autres chats à fouetter, et Malachi avait bien assez de mutants en détresse à gérer en ce moment. Sans vraiment regarder où j'allais, je me dirigeais machinalement vers la forêt, seul endroit où j'espérais pouvoir être un peu tranquille.
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MessageSujet: Re: Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens)   Who are you ? Where's my brother ? | (Kovalainens) Icon_minitimeDim 4 Sep 2016 - 18:51

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Moira & Artur



Artur haïssait les mutants. Depuis des années. Pire : il les jalousait autant qu’il les méprisait pour ces pouvoirs dont ils étaient dotés sans pour autant les mériter. Artur haïssait les mutants, il les craignait avec cette conscience aigüe de leur potentiel qu’a le scientifique qui a étudié son sujet jusque dans les moindres détails. Et pour l’avoir étudié… Artur en a fait sa spécialité, à son niveau et selon ses propres préoccupations. Lui plus que quiconque, si on l’écoutait, méritait d’être à son tour porteur de toute-puissante. Il méritait d’être un mutant, il méritait de posséder des pouvoirs lui permettant de surclasser tout être humain, de se faire la main de la justice. Les mutants, en règle générale, ne méritaient, eux, rien de tout cela. Rien. Strictement rien.

Artur haïssait les mutants, haïssait leur pouvoir, haïssait l’idée de n’être qu’un pantin vulnérable et impuissant au milieu de ces géants à l’intelligence inversement proportionnelle à leurs capacités. Cela faisait plus de dix ans maintenant qu’il avait cette certitude arrogante de valoir mieux que le reste de la population, que son intelligence hors du commun devait le propulser tout en haut de la chaîne alimentaire, tout en haut de l’échelle sociale et que s’il était condamné à végéter au plus haut stade de l’humanité parmi un certain nombre de larves, ce n’était que parce qu’il était la victime d’une profonde injustice ayant donné à sa sœur des capacités qu’elle était loin de mériter.

Le mérite. Une notion au cœur de toute la psychologie d’Artur, assurément. Une notion tant poussée à l’extrême qu’elle en était devenue pervertie. Une notion qui justifiait le sang versé par les Hunters, une notion qui justifiait aussi bien la jalousie d’Artur que son arrogance démesurée. Une notion, qui, encore une fois, trouva sa place dans une colère aussi sombre que sa douleur. Que cette haine qu’il exsudait à présent par tous ses pores, terrifié d’avoir dans ces veines un sérum dont il n’avait aucune idée des effets, primaires et secondaires, qui allaient se propager dans son organisme. Le mérite. Si Moira ne méritait en rien sa mutation, Artur, lui, ne méritait en rien cette punition puisque c’était ainsi que Moira se représentait cette énième trahison. Le regard d’Artur était dur, glacial, violent par la noirceur qu’il portait lorsqu’il le posa sur Moira et cracha, sans discontinuer, une colère aussi impulsive que destructrice. Allait-il perdre à son tour la vue ? L’ouïe ? L’usage de ses jambes, de ses bras ? Allait-il perdre son système immunitaire, son organisme allait-il s’arrêter peu à peu, incapable de surmonter une déstructuration d’un ADN sain dans une recherche effrénée d’une difformité inexistante ? Moira ne connait rien, rien de rien à la génétique. Elle n’était qu’une petite idiote, une sorcière, un monstre qui s’était enveloppée d’un syndrome du demi-dieu additionné à la certitude d’être intouchable et au-dessus de tout parce qu’elle faisait partie d’une espèce aussi anormale que ces mouches possédant des pattes à la place des yeux. La dangerosité en plus.

Et dangereux, si Moira l’était, Artur l’était désormais d’autant plus qu’il n’avait présentement plus rien à perdre. Qu’il était certain, plus précisément, de ne plus rien avoir à perdre. En dehors d’Ellie. Eventuellement. Peut être. « Si tu me le jure alors qu'est ce que tu attends ? Si c'est vraiment ce qu'il te faut pour aller mieux, alors fais-le, mais je t'en prie ne te rate pas. J'ai voulu arranger les choses, j'ai essayé de t'écouter, Artur... Force est de constater que je suis une bien piètre musicienne. » Il se redressa comme il pouvait, dans des menaces aussi désespérées que portées par l’aveuglement de sa fureur. « Tu ne m’as pas écouté, tu n’as pas cherché une seule seconde à le faire, fermée comme tu es à tout ce qui ne sort pas de la bouche de petit daddy adoré. » Sa respiration enflait dans sa poitrine, tout comme sa haine. Une haine à la hauteur de sa sincérité, brutale et franche, dépourvue d’artifice, détonnante par son naturel inespéré. « Et tu sais pourquoi je ne veux plus t'écouter ? Parce que c'est ta jalousie qui parle... Tu n'aurais pas un tel discours si tu en avais une, de mutation ! T'es juste jaloux parce que la génétique te résiste, t'as pas l'impression que c'est vous, les montres ? L'aberration génétique elle t'emmerde et te dit de bien aller te faire foutre, putain ! Qui te dit qu'il n'y a que des gens qui ne méritent pas leur mutation ? Tu penses que tu en mériterais une, toi ? Tu crois vraiment que ça ferait de toi quelqu'un de bien ? Laisse-moi rire... T'es un connard et un sacré trou du cul, c'est pas en sachant faire fleurir des pâquerettes ou créer des séismes que ça changera quoi que ce soit... » Jaloux. Oh oui, il était jaloux. D’une jalousie qui l’aveuglait, d’une jalousie qui était présente en son sein depuis sa naissance mais qui avait été arrosée, entretenue, nourrie par l’attention qu’Andreas portait à Moira, par les murmures de Ciaran qui, selon Artur, n’avait fait que lui ouvrir davantage les yeux sur ce que son affection pour sa sœur lui cachait. « Et tu penses que parce que tu as trois séquences d’ADN différente, ça fait de toi quelqu’un de meilleur ? » Commença-t-il, dans la ferme intention de prendre un à un les arguments de sa sœur pour les réduire en charpie sous sa langue acérée. Un vertige l’en empêcha, le laissant s’écrouler dans un grognement. Artur se releva aussitôt, fixant le dos de sa sœur qui, encore heureux, en avait profité pour s’éloigner. Lui obéir. Et certainement prendre ses menaces au sérieux.

A juste titre. Si Artur avait possédé une arme sous la main à cet instant, il l’aurait utilisée, sans sourciller, sans marquer la moindre hésitation. Si Artur avait eu une arme sous la main, il aurait visé le cœur, il aurait visé la tête, aurait-il dû par la suite s’en vouloir pour le reste de sa vie. « Pas la peine de me le répéter, je suis assez grande pour trouver la sortie, merde ! T'inquiète pas, t'es pas prêt de me revoir, vu que même un vaccin n'arrive pas à t'ôter la parole... Démerde-toi bien avec ça, Artur... Ça ne durera qu'un mois... T'as beau être complètement con, t'es mon petit frère et je ne suis pas assez folle pour user d'un vaccin définitif sur toi... » Qu’un mois ? Qu’un mois ? Que quatre semaines, une trentaine de jours ? Pensait-elle réellement que leurs organismes étaient semblables au point que l’on puisse faire ce genre de comparaison sans risque d’emprunter des raccourcis hasardeux ? Artur voulut hurler davantage à sa sœur à quel point il la haïssait mais adossé au mur, il ne put que contempler la porte désormais refermée et se laisser glisser au sol pour lâcher les larmes qu’il retenait à grand peine enfermées dans sa gorge et sa poitrine.

Et dire que tout commençait à aller de nouveau mieux dans sa vie.

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