Mes doigts tapent sans relâche le clavier de ùon ordinateur portable. Assise, devant mon bureau, j'écris un article sur un site de réseau social. Je fini par soupirer et balayer mon regard dans ma chambre. M'attardant sur une photo de famille. Deux adultes, deux enfants. Un air heureux. Derrière, le paysage de ma ville natale. Radcliff. Je devais avoir sept ans et ma petite sœur deux ans. Bien qu'Astoria soit morte à ses 5 ans à cause d'un accident de voitures et bien que mes parents m'aient jetés à la rue dès qu'ils ont été au courant pour mon pouvoir, je ne peux m'empêcher de conserver cette vieille photo. Une larme coule le long de mes joues pleines de cicatrices. Je me remet à écrire :

"Il nous arrive, plus ou moins fréquemment, selon notre humeur, d'avoir un comportement étrange. Disons un comportement assez peu logique et dont nous connaissons peu le sens. Ainsi, il nous arrive parfois de passer une après midi entière, des heures et des heures, à regarder des photos, à s'obstiner à chercher ce qu'est devenue telle ou telle personne. Elle n'était pas forcément notre amie, ni même notre ennemie, mais elle reste un visage qu'on a connu, une personne qu'on a pu côtoyer de près ou de loin. Elle nous ramène à un passé plus ou moins lointain, dans lequel elle a peut être eu un grand rôle, ou bien était une simple figurante. On cherche à savoir ce qu'elle est devenue, sans trop savoir pourquoi, elle qui n'a rien changé à notre existence et dont nous connaissons à peine le nom. On ne sait pas tellement pourquoi on fait ça. C'est vrai, cette personne ne nous est d'aucune aide et ce qu'elle est devenue n'influe pas sur notre vie. Et pourtant, on le fait quand même. Peut être, tout simplement, parce que cette personne symbolise notre passé. Un passé qui nous a construit, que nous avons vécu, et dont nous sommes ressorti grandi. Ce temps qui semblait si contrôlable, pour nous, aujourd'hui, car nous en sommes ressortis vivants. Je pense que des fois cela nous rassure de replonger dans notre passé, même s'il ne nous a pas plu. Cela nous rassure, peu importe ce qu'il nous a réservé, car nous y avons survécu et que désormais on sait à quoi il ressemble, de toute pièce. Il ne nous est plus étranger. Des fois, j'ai l'impression que l'Homme cherche à se réfugier dans ce qu'il a déjà, y compris ses souvenirs. Il le fait par peur de ce qui suit. Car il a peur du futur, tout simplement. Le passé rassure car il semble contrôlé, on sait ce qu'il nous a réservé, pas le futur."

Je ferme les yeux et suis prise d'une crise d'angoisse. Des mauvais souvenirs reviennent dans ma tête. Les scènes se déroulant devant mes yeux clos.


Je suis plaquée au sol par plusieurs hunters qui m'ont vu me tordre la cheville et me la remettre en place sans douleurs. J'essaie de me débattre. Je hurle mais une main se plaque contre mes lèvres. que vont-ils me faire ? Des larmes coulent le long de mes yeux. La peur paralysante m'empêche d'user de mon pouvoir. "Tenez-là bien !". Je supplie du regard. Je sens quelque chose. Une odeur de fumée, un feu. Ils vont me brûler vivante ?! J'ai peur ! Deux autres hommes arrivent. Ils me tiennent les jambes violemment tandis que deux autres me tiennent les bras et le haut du corps. "C'est prêt ! On va la faire hurler avant de la tuer !". Le garçon qui parle tient une fine barre en métal chauffer à blanc. J'essaie de me dégager. Une panique énorme s'empare de moi. Non ! Tuez-moi tout de suite ! Ne me faites pas de mal ! Au secours !! Le garçon s'assoit sur mon ventre, je ne peux plus respirer. Il approche le bout chauffé près de mon visage. Non ! Pitié ! Puis une douleur cuisante me fait hurler. Ils rient et dessinent sur mon front. Stop ! Tuez-moi ! Prenez-ma vie ! Mes hurlements sont si forts que la main de l'un des hommes ne parvient plus à étouffer mes cris. Je m'évanouie mais je suis vite réveillée par de nouvelles douleurs sur le corps. Mon ventre, mon sternum. Maman... Je cris, je pleurs, je meurs, tuez-moi !! Ils me font rouler sur le ventre et s'attaquent à mon dos. Je n'arrive plus à penser, je me mord la langue et un gout métallique embaume ma bouche par le sang. J'hurle, mais je suis abandonnée. J'ai seize ans, je suis à la rue, rejetée par mes proches, ça ne vous suffit pas !? D'un coup, je ne sens plus aucunes prises sur moi. Recroquevillée sur moi même, à moitié nue, les brûlures me donnant l'impression d'être un volcan. J'entends des hurlements puis plus rien. Tout mon corps tremble. Un homme est présent. Il retire sa veste et me love à l'intérieure. Puis il me porte. J'ai du mal a rester éveillé, j'ai envie de vomir, j'ai mal. Ma tête se pose contre l'épaule de l'inconnu. Je m'évanouie dans ses bras. Il s'est occupé de moi jusqu'à ce que j'aille mieux. Cet inconnu... Je lui doit la vie...


"Alors ? T'as réussis ?"
"Ouais, elle y croit à fond !"
"Elle est vraiment dégueulasse avec ses marques là..."
"Attends, moi j'ai du lui caresser la joue et lui dire qu'elle était belle, mec !"
"Oh la loose !"

J'avais tout entendu. Le garçon qui m'avait dit des mots doux, le garçon qui m'avait redonné confiance en moi n'était qu'un salopard. Je pleurais silencieusement dans l'angle d'un mur. Le monde n'est rien d'autre qu'un vulgaire échiquier dont nous sommes les pions. Et si vous avez le malheur de vous écarter des idées implantées dans les étroits esprits des pions, si vous avez le malheur de vous faire votre propre idée de la vie et de vous forger vos propres opinions, d'être maître de vos convictions, alors vous êtes un fou. Sur les échiquiers, les deux seules couleurs sont le noir et le blanc, aucune nuance n'est permise. Voyez la vérité en face : les pions sont éliminés un à un et nous finissons toujours échec et mat. Dès que tu commences à comprendre ça, la vie semble... Moins gaie... Elle perd ses couleurs. De toute façon, j'ai toujours vu la vie en noir et blanc... Aujourd'hui, je vis dans la rue. Je ne vois plus rien... Ni bonheur. Ni sourires. Je me cache sous ma capuche. Parfois quelqu'un vous hante si profondément, que ça arrête de vous blesser. Ça arrête de vous faire ressentir des choses. Puis soudainement tout revient. Chaque mots, chaque blessures, chaque moments... Comment pourriez-vous comprendre mon besoin de revenir ? Même si vous me demandez, même si vous m'écoutez, vous savez que je ne suis pas réellement ici. Un regard, un sentiment, vous ne voulez pas vous souvenir de mon histoire. Ils ont verrouillés mon passé. Vous n'avez pas vu ce que j'ai vu, et ce que je vois encore... Mon passé me définit, voilà qui je suis. Je suis... Une ombre... Je suis blessée et hantée. C'est pourquoi je suis ce que je suis et même si je ne suis rien … Il semble que ce qui doit m'aider à me relever, me met d'abord au plus bas. Le monde devient sans dessus dessous et tout en train de disparaître. Rien n'est comme ça devrait être. Une tristesse lourde remplit mon âme. Quand je me regarde dans un miroir, je ne vois rien, et rien ne peut me faire remonter à la surface. Coincée dans la misère de la vie, perdue dans la douleur de mon âme et incapable de voir la lumière. De distinguer les couleurs de l'aube. Finalement les choses les plus sombres de ma vie peuvent revenir. La colère de mon âme ne s’arrêtera jamais. C'est comme s'il fallait toujours plus de cauchemars mais jamais la force de les affronter... Et peut-être que vous vous demandez pourquoi ? Mais pitié, je ne veux plus y penser... Je veux espérer et essayer de survivre. Tout le reste semble insignifiant en comparaison de la chose la plus importante à faire venir. La guérison mentale. Je sais que je suis impuissante, dépendante, désespérée. Mais qu'est ce qui arrive quand tout ce qu'il vous faut est de vous sentir en vie ? Je ne veux plus jamais entendre de promesses. Mais poussez moi à bout, et vous verrez la preuve que je suis vide. Mais j'essaie de trouver le Nord pour revivre. Comme un papillon qui espère voler. Je souhaite que quelqu'un me tende la main et me dise que ça va bien se passer. Mais le charme de la vie me donne de l'espoir. Et peut être un jour, mon été viendras.


Je reviens à moi. Je me rends compte que j'ai la tête dans les mains que les larmes ont coulées lourdement sur mon débardeur. Je suis prise d'une rage violente. Je me lève puis regarde à travers la fenêtre. Une bande d'amis vêtus de noir et d'un brassard rouge passent en dessous. Eux... Je serres la mâchoire et l'un d'eux s'arrête, prit d'une douleur énorme. Il se met à hurler, ainsi que ses amis. Leurs membres se plient dans de grands craquements. Leurs hurlement résonnent si fort que je suis certaines que le quartier voisin les entendent. Je fini par serrer le poing et ouvrir ma main d'un coup sec. Leurs souffrances cessent et leurs os se ressoudent. Je me cache derrière mon rideau en soie alors qu'ils recherchent l'origine de leurs douleurs puis retourne à ma chaise de bureau. Je saigne du nez. L'un des désagréments d'une trop grande concentration. Je n'ai pas l'habitude d'user mes pouvoirs sur un groupe. Je jubile intérieurement, faire souffrir les gens comme j'ai pu souffrir me satisfait... Ma haine est plus forte que tout, et tant que je ne me serais pas vengée, mes crises d'angoisses continueront. Puis je me remets à écrire :

"Tout compte fait, ce qui vous fait peur, c'est pas le futur et ce qu'il réserve. Non, vous êtes même parfois impatients de le découvrir, que cela soit par curiosité, aventure ou passion. Ce qui inquiète l'homme, c'est de ne pas pouvoir le contrôler, d'être totalement impuissant face à lui, et de n'avoir que des prières en guise d'arme. Qu'il soit bon ou mauvais, le futur vous entraîne dans un tourbillon que vous ne voyez jamais venir et dont vous ne pouvez sortir. Vous avez toujours voulu tout contrôler, que cela aille des simples pâturages, en passant par l'invention de la machine à vapeur, pour finir aux progrès technologiques que l'on connait aujourd'hui. Vous avez toujours voulu tout maitriser. Regardez où cela vous a mené... Regardez où cela va vous mener..."

Je poste et abandonne mon ordinateur puis prépare un sac avec des vêtements. Je le saisie sur l'épaule, rabat ma capuche puis marche dans la demeure familiale. Du sang est sur le sol du pallier. Le cadavre de ma mère est là, les os ont déchirés sa peau pour sortir. Je passe au dessus puis descend les escaliers et c'est le cadavre de mon père également amoché que j'enjambe. Je n'ai pas assez de force mentale pour leurs briser la nuque. J'ai du les finir à coup de dagues. Si je regrette ? Non. J'aurais aimé que les choses se soient passées différemment. Mes deux dagues sculptées à mes des os humains sont à l'arrière de mon jean, cachées sous mon long tee shirt. J'ouvre la porte puis sors.