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 it's an endless nightmare # Hipporius

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Marius Caesar
Marius Caesar

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SUR TH DEPUIS : 24/01/2015
MessageSujet: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeMer 10 Fév 2016 - 2:26

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



Bip. Bip. Bip. Bip On ne m’a jamais vu aussi calme. Ni aussi attentif et posé. Ca fait une semaine et demie que je suis dans cet hôpital. Ça fait une semaine et demie que mon père m’a tiré dessus, ça fait une semaine et demie qu’on m’a opéré. Ça fait une semaine et demie, aussi, que je suis en état de choc d’après les médecins. Je ne parle pas. Ou très peu. Je ne veux pas parler. Je veux juste… Je ferme les yeux et laisse retomber ma tête sur l’oreille, glissant les doigts vers la morphine. Réflexe inutile, réflexe avorté par la main du médecin qui me tapote les phalanges, ferme mes doigts, ramène mon bras sur le lit. « Non Marius. Il faut t’en passer » Je soupire et tourne la tête en direction du mur. On ne m’a certainement jamais vu aussi calme, du moins pas aussi longtemps. Une semaine et demie que je suis dans cette chambre. J’ai eu de la chance, qu’ils disent. Je me souviens de mon père, tenant Samuel dans ses bras, avec un petit sourire. Je serre les dents. Laisse mon médecin déblatérer des inepties. Toi aussi tu es l’une de ces choses ? Je ne me contente pas de fermer les paupières, j’insiste comme pour chasser la larme qui cherche à s’en enfuir. C’est pour Samuel, oui… je me suis dit que ça égaierait un peu sa chambre. « Marius ? » Je pense qu’il n’est jamais trop tard, Marius. Il n’est pas trop tard pour tenter de recoller les morceaux. J’ignore la voix qui s’inquiète et qui a arrêté son monologue. C’est comme ça depuis que je suis conscient de toute manière. La seule chose que je me suis entendu réclamer, ça a été mon portable. Pour envoyer un SMS à Crescentia à défaut de pouvoir, de vouloir en envoyer un à Astrid. J’ai été blessé, mais j’ai refusé de dire qui était le responsable. Mon père m’a tiré dessus. Mon père. « Bon, je repasse dans une demi-heure. On discutera des conditions de ta sortie. » Sortie ? Mon regard file directement vers le médecin et je coasse un enroué « Quoi ? » qui la fait instantanément sourire. Et revenir. Sortie. « Tes examens sont bons, Marius. En dehors de ton cœur » Elle ne s’interrompt pas malgré ma grimace et mon froncement de sourcil. « ton organisme est tonique et réactif. Je ne peux pas te promettre de te voir être remis sur pied d’ici quelques jours, mais… ça devrait se compter en semaines plutôt qu’en mois, à condition que tu suives une rééducation lente et stricte. » Je soupire. J’imagine qu’avant, j’aurais pesté, hurlé, insulté, mais là… Mon père m’a tiré dessus. Une semaine et demie. Et je n’arrive pas à détourner le regard de son mépris, de sa voix, de la chaleur du flingue encore brûlant posé sur ma peau. Je ferme les yeux. Et elle prend ça pour la fin de la discussion.

Une semaine et demie, et me voilà en fauteuil dans le hall de l’hôpital, à me laisser guider vers les taxis. Je n’ai prévenu personne, je n’ai voulu prévenir personne pour la simple raison que depuis hier, il n’y a eu aucun changement. Si ce n’est que je peux rentrer chez moi, avec une liste de recommandations, d’ordres et de consignes, et l’obligation de me ménager, de rester allonger, de dormir, de me reposer : bref, de continuer le charmant programme qu’on m’a obligé à suivre depuis mon réveil. Et je n’ai même pas la force de protester. Avec douleur, on m’aide à me lever. On m’aide à faire deux pas. Et un peu de moi revient lorsque je repousse l’aide-soignant. « Je peux me débrouiller tout seul. On m’a parlé de sortie j’ai insisté. Un peu. Beaucoup. Je crois surtout qu’ils me connaissent et qu’ils savent ce que je veux même lorsque je suis trop silencieux pour hurler. Je prends une inspiration timide, fais un pas en avant, me rattrape à un bras de passage en me mordant la lèvre. Et j’atteins finalement le taxi dans lequel je m’écroule avec calcul et minutie. A des années lumières du Marius vif et hyperactif. Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça, je ne sais pas pourquoi je suis si inerte, je sais juste que… mon père a voulu me tuer et que mon cerveau n’arrive pas à l’assimiler. D’une voix soufflée, je glisse mon adresse au chauffeur. Et je ferme les yeux pour m’endormir. Ce n’est que lorsque sa main me secoue que je me rends compte que je panique. Vraiment. Une peur indicible qui s’est glissée dans mes veines sous son contact, un canon de revolver qui s’est posé sur mon flanc douloureux. Ma panique a beau refluer presque instantanément, elle me laisse hors d’haleine. Toi aussi, tu es l’une de ces choses. Je remercie le chauffeur, dans une politesse que j’oublie en temps normal. J’avance lentement dans le hall de mon immeuble, je me glisse dans l’ascenseur. Et je m’adosse au mur. Pas essoufflé, non. Epuisé par la douleur. Je serre les dents, je serre le poing : je n’ai qu’une envie, m’écrouler sur mon lit. Et dormir. Oublier. Je suis désolé Marius… c’est le seul moyen de sauver mon fils. J’inspire, difficilement. Pour un type qui a un fils mutant, tu les aimes pas beaucoup. Est-ce que ça se serait terminé différemment si Seth avait su se la boucler ? Je ne sais pas. Est-ce qu’il a dit ça à mon père juste pour le faire chier ou est-ce qu’il avait conscience qu’il était en train de détruire ma vie ? Les portes s’ouvrent, je titube dans le couloir. Mon sac semble peser des dizaines de kilo, malgré les quelques affaires qu’il contient, apportées par Crescentia. Il glisse le long de mon épaule gauche, l’indemne, pour libérer ma main gauche, l’indemne et me permettre de chercher mes clés dans ma poche. Chaque mouvement est douloureux, chaque respiration tire sur le bandage, chaque seconde est une éternité. Enfin, mes doigts tremblent lorsqu’ils glissent la clé dans la serrure et la font tourner. Je n’ai pas le courage de me baisser pour récupérer mon sac, je le pousse du bout du pied dans l’appartement.

Un pas, deux, le sac entre enfin, moi aussi, et je ferme la porte. Et je vois mon père. Non. Non. Aussitôt, j’ai un mouvement de recul, aussitôt, je suis bloqué par la porte tout juste refermée. Aussitôt, aussi, ma main indemne file à mon côté droit où je sens le fantôme d’une arme posée contre ma chair. J’ai peur. J’ai toujours craint mon père, mais je n’en ai jamais eu peur au point de vouloir partir, au point de vouloir disparaître, avant même qu’il ne dise un mot. Ma main droite, immobilisée dans un plâtre pour maintenir le poignet, se tend devant moi comme pour le tenir à distance. « T’approches pas ! » Je cherche mon portable dans ma poche, mais il me file entre les doigts et s’échoue au sol, hors de portée « T’approches pas de moi ! » Ma voix croasse dans ma gorge, trop peu utilisée, brisée sans que je ne le veuille mais sans que je ne puisse l'empêcher non plus. « T’es venu finir le travail, c’est ça ? » J’ai du mal à respirer et ma terreur est discernable. Et bien, j’en ai rien à foutre. J’ai vingt-sept ans et mon père veut me tuer. Et a presque réussi.

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Hippolyte Caesar
Hippolyte Caesar

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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeMer 10 Fév 2016 - 22:02

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



Un sifflement désagréable dans ses oreilles, d'odieuses paroles murmurées avec une conviction inébranlable et une seule certitude en tête : C'était son devoir. Il devait le faire, et c'était cette évidence qui guidait sa main. Un craquement le fit sursaute, et la douleur irradia dans tout son corps, comme la pression brûlante d'un fer chauffé à blanc contre sa peau. A peine le temps d'une respiration, ses yeux bruns plongés dans les iris bleuté de son vis-à-vis, la détonation retenti.

Avec un cri de stupeur étouffée, il se réveilla en sursaut, le corps baigné de sueur alors qu'il tremblait de froid. Un coup d'oeil au réveil posé sur la table de chevet et il soupira. En tout et pour tout, il n'avait réussi à dormir qu'une heure et demi. Il voulu se rallonger et enlacer tendrement son épouse contre lui, dans l'espoir que sa chaleur et sa présence le rassurerait, mais lorsqu'il se tourna, il du faire face à sa cruelle et évidente absence. Elle lui manquait. Plus que jamais, elle lui manquait. Elle était son pilier, sa force et ses faiblesses, la femme qui faisait tressaillir son cœur retrousser ses lèvres en un sourire aussi niais que rare. Victoire était partie. Il ne savait pas ce qu'elle avait eu le plus de mal à accepter. Qu'il soit devenu un mutant ou qu'elle l'ait trompé et lui ait caché l'existence de sa fille. Une chose était sûre, elle avait plié bagage et ne semblait pas prête de revenir. Il aurait voulu pouvoir la rattraper, la retenir... Sa main était lamentablement passée au travers de son bras, et il avait du affronter son regard empli de dégoût et de déception. Il savait à présent ce que devait ressentir Marius.

Marius... Son fils, son cadet, son enfant... Il l'avait traité de monstre, de chose, l'avait regardé avec tout le mépris du monde lorsqu'il avait découvert ce qu'il était en réalité. Son instinct de chasseur lui avait hurlé de faire taire l'immonde créature, de rendre sa liberté à un enfant qui ne la trouverait finalement que dans la mort. Plus puissants que tout le reste, cette voix s'était égosillée dans son esprit, avait guidé sa main, provoqué l'irréparable. Marius n'était pas mort, mais il savait qu'il l'avait tué. Car il avait eu ce geste, si cruel, si odieux à son égard... Parce qu'il lui avait tiré dessus, sans hésitation, sans jamais baisser les yeux. Il avait chassé de l'équation le terme « fils » pour ne plus retenir que « mutant ». Et à peine la balle avait-elle quitté son nid pour aller se nicher dans la chair de son enfant qu'il avait senti la culpabilité l'envahir. Un sentiment à nul autre pareil, comme jamais il n'en avait éprouvé. Une culpabilité telle qu'elle avait tout ravagé sur son passage, brûlant ses convictions et ses idéaux pour ne plus laisser qu'un vaste champ de ruines.

Il avait tué son fils. C'était ce que lui martelait sa conscience depuis plus d'une semaine. Elle le punissait à présent, l'empêchait de dormir, lui faisait revivre encore et encore cette abominable soirée, elle lui imposait la vue des cadavres de ses enfants, de son épouse, et leur sang sur ses mains. Elle cherchait à lui graver les mots « infanticide et meurtrier » dans l'esprit. Ce n'était pourtant pas le genre d'homme à avoir des remords. Il était froid, calculateur, c'était un homme d'affaire redoutable et un bon chasseur. Il n'avait éprouvé de culpabilité à l'idée de devoir tuer un mutant ou licencier des employés. Parce que c'était sa mission, et c'était son métier. Parce qu'il devait prendre des décisions difficiles et qu'il s'en savait capable. Alors, il avait cru pouvoir remplir sa mission sans réveiller sa conscience.

Il avait eu tort, et c'était bien fait pour lui. Tremblant, il se leva et gagna la salle de bain en peinant à adopter une démarche régulière. Il se passa un peu d'eau sur le visage avant de relever les yeux vers le miroir. Ce dernier lui renvoya l'image épouvantable d'un homme ravagé par la fatigue, la culpabilité et la colère. Son teint était plus pâle encore que le soir où il était allé trouver Andreas, ses yeux chargés de fatigue étaient cerclés de rouge, et de grosses cernes marbraient son visage. Il faisait véritablement peine à voir, mais il s'en fichait. Il n'était plus Hippolyte Caesar, le grand chef d'entreprise, l'homme brillant avec une carrière exemplaire et un pouvoir redoutable sur le monde éconimique.

Il n'était qu'Hippolyte Caesar, le salaud, l'enfoiré, le fils de catin qui avait tiré sur la chair de sa chair. Il n'était plus qu'un type méprisable parmi tant d'autre, qui aurait mille fois mérité qu'on le condamne au pilori pour que la foule puisse le huer et le pointer du doigt en disant « regardez ! C'est le monstre qui a tiré sur son fils parce qu'il était différent ! Riez donc de lui, c'est un bien triste personnage ! » Et il n'aurait pas bronché. Il aurait accepté la sentence, quelle qu'elle soit, car aucun boulet, aucune torture ne serait plus dur à supporter que le poids de sa culpabilité. Il aurait voulu pouvoir s'infliger ce qu'il méritait, il aurait voulu pouvoir se débarrasser de cette horreur incontrôlable dans ses veines. Il avait essayé. L'aiguille de la seringue était passée à travers son épiderme dans le toucher, et tous les conseils que Lilo avait pu lui prodiguer n'y avait rien changé. Quand à l'autre solution, plus radicale, plus absurde encore et qui pourtant lui avait traversé l'esprit... Elle avait également traversé son crâne sans rencontrer de résistance. Instinctivement, son corps refusait tous les traitements extrêmes que son esprit voulait lui infliger, comme pour le punir.

Il n'avait jamais beaucoup aimé la compagnie, préférant le calme et la quiétude inhérent à la solitude. Et pourtant, maintenant qu'elle lui était imposée, cette solitude lui pesait horriblement. Il n'avait plus personne vers qui se tourner, personne à qui confier le fait qu'il s'en veuille à mort, pas même quelqu'un pour le blâmer. Et lui non plus ne blâmait personne à part lui-même. Pas même le dégénéré qu'il avait vacciné, pas même ce putain de destin qui avait décidé de mettre en pièces tout ce qu'il était parvenu à accomplir avec Marius en l'espace de quelques mois.

L'idée le frappa avec la puissance d'un boulet de canon tandis qu'il essayait de se réveiller de sa courte nuit de sommeil avec une douche glacée. Qu'avait-il fait pour Marius, ces dernières années ? Il lui avait offert un toit, de quoi manger à sa fin, l'avait placé dans les meilleurs établissements, donné assez d'argent pour vivre tranquillement jusqu'à la fin de ses jours, et ensuite ? Où étaient l'amour, la bienveillance, un peu de temps passé avec lui pour jouer ou regarder un film ? Où étaient ces moments d'insouciance dont son fils aurait eu besoin pour grandir normalement ? Qui était-il pour lui refuser la bienveillance d'un père envers son enfant ? Le monstre ce n'était pas le mutant. C'était le chasseur assoiffé de sang et de pouvoir qu'il était. Et que dire de ces derniers mois... Marius lui avait offert le peu de patience qu'il avait, du temps, beaucoup de temps, il avait accepté de lui parler, de l'écouter, lui avait demandé de l'aide... Il lui avait offert ces quelques minutes merveilleuses en compagnie de Samuel. Qu'avait-il eu en retour ? Des reproches, des brimades, il l'avait rabaissé, l'avait traité d'idiot, avait été incapable de lui dire que s'il tenait à ce point à ce qu'il se fasse opérer, c'était par amour. Uniquement par amour. Toutes ses bonnes intentions avaient été masquées par l'injustice et les moqueries. Le seul à avoir fait des efforts ces derniers moi, c'était Marius. Et son père les avait mis en pièces en une fraction de seconde. Une balle avait suffit à définitivement briser le lien fragile qui les unissait. Cette pensée lui donnait envie de vomir. Trop de choses tournaient en boucle dans son esprit, il aurait voulu hurler à Marius à quel point il était désolé, à quel point il était méprisable et s'en voulait... A quel point il l'aimait et était incapable de le lui montrer.

Seulement il fallait qu'il le lui dise. Bientôt dix jours que le jeune homme était à l'hôpital, et Hippolyte n'avait eu ni le culot, ni le courage d'aller le voir. Il était resté enfermé chez lui, prétextant une maladie quelconque l'empêchant de se déplacer jusqu'à son bureau pour ne pas avoir à affronter le regard de qui que ce soit. Il avait véritablement touché le fond et se sentait plus que pitoyable. Et il fallait qu'il voit Marius. Il savait que les choses ne pourraient se passer que de deux façons différentes. Soit il finirait ce qu'il avait commencé... Soit il accepterait en bloc d'être un monstre. Alors il s'habilla machinalement en allumant sa quatrième cigarette de la journée, descendit les escaliers quatre à quatre et sortit dans la tiédeur de cette matinée de juin. Il faisait un temps bien trop radieux pour son humeur, et il s'engouffra dans l'habitacle de sa voiture avec un soupir de soulagement. Le trajet lui parut à la fois incroyablement court et interminable. Il se repassait sans cesse son petit discours, à base d'excuses et de repentir inutiles mais nécessaires pour alléger sa conscience. Il n'aurait pas le pardon de Marius. Plus maintenant. Et il ne le cherchait pas, ne s'en jugeait pas digne. Il avait tout simplement négligé l'affection qu'il avait pour sa famille.

Et le voilà qui se retrouvait en bas de l'immeuble, impatient d'en découdre et à la fois prêt à prendre ses jambes à son cou. Dédaignant à nouveau les escaliers, il grimpa jusqu'au bon étage et resta debout comme un idiot devant la porte. Il n'avait pas les clés, et aucune certitude que Marius soit rentré. Chassant de son esprit toute l'absurdité de la situation, il fit un pas en avant et passa à travers la porte comme si elle n'avait pas existé. Il commençait peut à peu à comprendre et à maîtriser les bases de cette mutation, et il aurait été bien injuste de ne pas reconnaître que Lilo y était pour beaucoup. Il ne prêta pas attention à l'habituel bazar qui régnait dans l'appartement de Marius, pas plus qu'il ne s'arrêta devant son tableau blanc, toujours couvert de chiffres, symboles mathématiques et pattes de mouches. Il alla simplement se planter devant la fenêtre pour observer l'extérieur. Si on lui avait demandé à cet instant ce qu'il regardait à cet instant, il aurait répondu qu'il ne savait pas. Car il était si fatigué et préoccupé qu'il était incapable de se concentrer sur quoi que ce soit. Combien d'heures avait-il dormi depuis une semaine ? Si peu qu'il allait finir par en devenir fou.

Lorsque la porte s'ouvrir derrière lui, il ne broncha pas, ne sursauta pas et ne se retourna pas non plus. Un petit effort et il parviendrait... Ce n'était pas si difficile, il y avait mille et une façons de le dire, pourtant ! « Je suis désolé, Marius, pardonne-moi, je n'aurais pas du, j'ai été idiot, je te demande pardon »... En français, en anglais, pourquoi pas même en japonais ! Il pouvait le dire de bien des manières et pourtant, aucun de ces mots ne franchit ses lèvres.

- Je suis venu voir comment tu allais..., souffla-t-il d'une voix peu assurée.

Bien... Mais encore ? Et les excuses, dans tout ça ? S'il voulait alléger un peu sa conscience, il lui faudrait bien plus que cela. Il ne voulait pas affronter le regard de Marius, pas plus qu'il ne se sentait digne de lui adresser la parole. Pourtant, il fini par se retourner, constatant avec ironie que le jeune homme avait meilleure mine que lui malgré ses blessures. Et il resta là, droit comme un I, incapable de prononcer un mot de plus. « T’es venu finir le travail, c’est ça ? » Il aurait du, oui... Il aurait du finir ce qu'il avait commencé, mais le simple fait d'y penser lui donnait envie de vomir. Il ouvrit la bouche, la referma, et laissa retomber ses bras le long de son corps.

- Je... Je ne peux pas, Marius... Je ne veux pas... Je ne sais pas...

Il avait du mal à mettre ses idées en ordre, et se sentait incroyablement diminué par ses problèmes de conscience.

- Ne m'interrompt pas, je t'en prie... Accorde-moi juste ça et je m'en vais. Tu n'aurais plus jamais à te préoccuper de ce que je peux dire ou pense, je t'en fais la promesse. Je... Suis désolé, Marius. Je sais que tu ne me crois pas, mais je suis vraiment, profondément désolé. Je... Je ne sais pas ce qui m'a pris, je ne sais pas pourquoi j'ai fais ça. Le seul monstre dans cette pièce, c'est moi. J'ai essayé de te tuer. Ces quelques mots suffisent à faire moi le coupable idéal. J'ai honte de ce que j'ai fais, tu ne peux pas savoir. Je suis sincèrement désolé, je n'aurais jamais du faire ça... Tu... Tu es mon fils, et si je ne suis pas digne d'être appelé « papa », je continuerai à porter cette culpabilité sur mes épaules pour le restant de mes jours.

C'était maladroit, décousu, déconstruit... C'était l'exact reflet de ce qu'était son esprit : Un champ de ruines. Sa gorge était sèche, il sentait même une boule se former au creux de celle-ci... Bon sang, il n'allait tout de même pas se mette à pleurer ! Ce gamin lui aurait véritablement tout fait faire. Et il s'attendait à ce qu'il hurler, lui rit au nez, le traite de connard et le mette dehors... Il n'aurait pas résisté, aurait tout accepté, il aurait même tendu le bâton pour se faire battre, si besoin. Il ne voulait pas, ne voulait plus revivre ce genre d'expérience. Et sa culpabilité vis à vis de Marius éveillait autre chose en lui : S'il refusait de tuer son fils, pourquoi tuait-il ceux des autres simplement parce qu'ils avaient eu le malheur de naître avec un gêne différent ? Ça n'avait aucun sens.

- Dis-moi simplement que tu vas mieux... S'il te plaît... Si tu veux exprimer ta colère après, fais-le, mais je veux simplement m'assurer que tu vas bien.



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Marius Caesar
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SUR TH DEPUIS : 24/01/2015
MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeMer 10 Fév 2016 - 23:37

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



Je ne suis pas prêt à le voir. Je ne veux pas le voir, je ne veux pas me retrouver seul face à lui. Mon dos plaqué contre le mur, il y a dans ma voix une terreur qu’il n’y a jamais eu jusque là, aussi loin que je puisse m’en souvenir. J’ai toujours, ou presque, mis un point d’honneur à tenir tête à mon père, à le regarder dans les yeux, à me calfeutrer derrière des murailles pour railler, insulter, tempêter, hurler, pour ne pas le laisser m’atteindre et ne pas lui montrer à quel point ses mots étaient douloureux. J’ai toujours mis un point d’honneur à craindre mon père mais à ne pas en avoir peur. Et là, ce n’est pas de la peur. C’est de la terreur. Mouvement de recul, fuite avortée, je tente de sortir mon portable, il m’échappe et me laisse sans défense. Sans défense autre que cette main illusoire, tendue entre lui et moi. T’approches pas. Je vais m’effondrer. Toi aussi, tu es l’une de ces choses. Mes jambes ne veulent plus me porter, mon côté me fait mal. - Je suis venu voir comment tu allais... C’est un coup de massue. Il… il plaisante ? Je suis fatigué. Je suis terrifié. « Tu m’as tiré dessus. A bout portant. Comment veux-tu que j’aille ? » Si je suis cruel ? Peut être. Sûrement. Mais je ne veux pas le voir. Je ne veux même pas lui parler, je veux juste… mes mots s’étranglent dans ma gorge, comme tout le reste. Il se retourne, je me plaque un peu plus contre le mur et, délaissant son visage, mes yeux s’agrippent à ses mains à la recherche d’un revolver. Tu m’as tiré dessus. Et il faut que je m’allonge, il faut que je m’assoie. Mes yeux restent rivés sur ses mains. Tu es venu finir le travail, Papa ? Est-ce que tu es toujours désolé, est ce que tu penses toujours que c’est le seul moyen de sauver Martial, Papa ? - Je... Je ne peux pas, Marius... Je ne veux pas... Je ne sais pas... Je secoue la tête. « Ca t’a pas posé problème la semaine dernière, pourtant. » Je crois que mes médecins seraient ravis de me voir parler autant, dans des amas de mots craquelés par ma gorge éreintée et cette terreur, toujours présente, qui refuse de se déloger de ma poitrine.

Il va falloir que tu apprennes à devenir plus courageux, Marius. Ca te va, là, Papa ? Je suis devenu suffisamment courageux ou tu veux éprouver encore plus ma détermination en détruisant davantage ma vie ? Qu’est ce que tu ne veux pas ? Me savoir en vie, alors que je suis une chose, alors que je suis une monstruosité ? Qu’est ce que tu ne peux pas ? Supporter de me voir ? Supporter de respirer le même air que moi ? Ca te fait mal de savoir qu’une erreur de la génétique porte le nom des Caesar ? Mes questions, je pourrais les lui poser. Elles me brûlent la langue, m’arrachent la trachée, consument ma volonté. Mais je me tais. Parce que j’ai peur de lui, parce que je veux m’enfuir. Parce qu’il ne m’a pas rendu courageux, il m’a rendu trouillard. - Ne m'interromps pas, je t'en prie... Accorde-moi juste ça et je m'en vais. Tu n'aurais plus jamais à te préoccuper de ce que je peux dire ou pense, je t'en fais la promesse. Je... Suis désolé, Marius. Je sais que tu ne me crois pas, mais je suis vraiment, profondément désolé. Je... Je ne sais pas ce qui m'a pris, je ne sais pas pourquoi j'ai fais ça. Le seul monstre dans cette pièce, c'est moi. J'ai essayé de te tuer. Ces quelques mots suffisent à faire moi le coupable idéal. J'ai honte de ce que j'ai fais, tu ne peux pas savoir. Je suis sincèrement désolé, je n'aurais jamais du faire ça... Tu... Tu es mon fils, et si je ne suis pas digne d'être appelé « papa », je continuerai à porter cette culpabilité sur mes épaules pour le restant de mes jours. Des larmes dégoulinent mes joues, contre ma volonté. Tu es mon fils. Je ne le comprends pas, je n’arrive même pas à savoir… ce qui lui fait dire ça. La culpabilité ? Cette vaste blague… « Tu m’as tiré dessus. » C’est le choc qui parle, plus que Marius. Je veux inspirer, mais ça m’arrache une grimace. Et je n’ose toujours pas bouger. De peur qu’il se jette sur moi, de peur que cette fois, il vise la tête. Ou le cœur. Le seul monstre dans cette pièce, c’est moi. Je croyais que c’était moi, le monstre. Je veux parler. J’ai des choses à lui dire, j’ai des choses à lui reprocher. Mais je ne peux pas parler. De toute manière, il m’a demandé de ne pas l’interrompre et… Depuis quand obéis-tu à ton père, Marius ? Mes jambes fléchissent. - Dis-moi simplement que tu vas mieux... S'il te plaît... Si tu veux exprimer ta colère après, fais-le, mais je veux simplement m'assurer que tu vas bien.

Dis-moi simplement que tu vas mieux. Mon premier pas est laborieux, je ne le quitte pas un seul instant du regard, comme une proie prise au piège sous le regard de son prédateur. Je suis une proie. Une proie blessée, une proie terrifiée, une proie acculée. On pourrait croire que les mutants sont des super-héros indestructibles, moi, ma mutation n’a aucune autre utilité que de faire de moi une erreur de la génétique et une cible pour mon père. Mon deuxième pas est tout aussi douloureux, je serre les dents. Et ma main trouve le dossier du canapé que je visais, à bonne distance de mon père. Lentement, ma main indemne montre en tremblant agripper les boutons de ma chemise, bien plus facile à mettre qu’un tee-shirt pour le moment. Tu peux être fier de toi, Papa. Il t’aura suffi d’une balle pour me rendre obéissant, trouillard et pour me faire enfiler une putain de chemise. C’est con, toutes ces années perdues jusque parce que tu n’as pas pensé plus tôt à me tirer dessus. Le dernier bouton cède sous l’insistance de mes doigts, je m’appuie au canapé en ouvrant ma chemise et en la faisant dégringoler une épaule, puis l’autre. Le large bandage qui prend presque la moitié de mon torse est éloquent, je crois. « Ca répond à ta question ? » Pour la première fois depuis que j’ai passé cette foutue porte, mon regard grimpe jusqu’au sien. Et ce que j’y vois attise l’amertume et condense une colère que j’ignorais avoir. « Toi aussi, t’as une sale gueule. » J’inspire, par à-coup, alors que les appels de mon lit et de la position couchée se font de plus en plus pressants. Je ne dois pas rester debout, les médecins ont été clairs. « Tu t’es découvert une conscience, si je comprends bien ? » Ma main indemne s’agrippe au dossier alors que la douleur enfle petit à petit. « Je vaux si peu à tes yeux que tu n’as même pas hésité une seule seconde. Tu m’as tiré dessus, Papa. A bout portant. Je pensais pas que tu le ferais. Je croyais que… » Je pensais que ces derniers mois, on avait commencé à recoller les morceaux, bon gré mal gré. Je t’ai confié une partie de ma vie, la vie de ma fille, j’ai tenté de faire un pas en avant, et toi tu en as fait aussi. Je pensais que tu commences à te dire que je valais peut être le coup d’avoir ton intérêt.

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Hippolyte Caesar
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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeJeu 11 Fév 2016 - 15:26

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



« Tu m’as tiré dessus. A bout portant. Comment veux-tu que j’aille ? »

La réponse la plus logique qui soit à la question la plus bête de la journée. Après tout, Marius avait raison : Comment son père voulait-il qu’il aille ? Il se retrouvait face à l’homme qui lui avait tiré dessus et manqué de le tuer. C’était donc si difficile de lui dire à quel point il regrettait ? Hippolyte savait que même s’il avait pu revenir dans le passé, il aurait tout de même tiré. Car c’était dans sa nature de faire passer son devoir avant tout, et qu’il n’avait réalisé que trop tard qu’il se fourvoyait peut-être depuis des années. Non ça ne lui avait pas posé de problème de lui tirer dessus, oui il l’avait fait délibérément et absolument pas sous la contrainte. Et il n’avait aucune excuse. Qu’il essaye donc de dire à Marius qu’il « n’avait pas eu le choix », et nul doute qu’il se serait alors mis des baffes. Il n’osait pas regarder Marius dans les yeux, pour la première fois de sa vie. Jamais il n’avait baissé la tête face à son fils, il avait toujours eu le dernier mot, toujours su comment le faire taire ou le remettre à sa place… Aujourd’hui il n’était plus que l’ombre de lui-même, car tout était de sa faute. De cette blessure qui handicapait le jeune homme à cette terreur qui faisait trembler sa voix lorsqu’il parlait. Ce détail-là frappa Hippolyte avec plus de puissance que les autres. Marius avait peur de lui. Plus que jamais, il le craignait au point de ne plus le confronter mais de simplement se tenir loin de lui. Et plus Marius lui répétait qu’il lui avait tiré dessus, plus Hippolyte sentait le poids de la culpabilité courber son échine. Il ne voulait pas voir Marius pleurer ainsi d’une terreur trop longtemps contenue, il aurait voulu être son rempart face à l’adversité, le prendre dans ses bras pour le rassurer… Mais le rassurer de quoi ? C’était lui, le monstre qui le terrifiait. Et il restait là, sans voix, regardant bêtement Marius sans pour autant oser croiser son regard. C’était tout de même ironique d’avoir passé près de vingt-sept ans à lui imposer sa domination, quand il n’avait plus envie que de s’écraser face à lui désormais. Hippolyte voulait retrouver ce fragile équilibre auquel ils étaient parvenus, il voulait oublier ce qu’il s’était passé… Mais Marius ne tarda pas à lui mettre la vérité sous le nez.

Lorsqu’il commença à s’avancer vers lui, Hippolyte recula instinctivement. Pas de peur que Marius ne le frappe, il aurait presque trouvé cela légitime. Non, plutôt pas peur que lui ne dérape et fasse à nouveau un geste malheureux. Il n’avait plus aucune confiance en sa propre attitude vis-à-vis de son fils, persuadé qu’il pouvait aussi bien ne pas bouger que chercher à l’étrangler dans un moment de folie. Marius fit un deuxième pas, Hippolyte recula plus encore, jusqu’à sentir la surface froide de la baie vitrée contre son dos. Son regard ne put quitter ce bandage qui enserrait l’abdomen de Marius, pas plus que cette fine tâche brune ne lui échappa. Du sang coagulé. Malgré l’opération, la blessure était loin d’être cicatrisée, et peut-être garderait-il à vie cette douleur fantôme.

- Assieds-toi… Tu ne devrais pas rester debout, tu vas te fatiguer…

Des conseils. Les recommandations aseptisées et banales d’un habitué de la médecine. Mais c’était tout ce dont il était capable face à l’horreur qu’il avait lui-même provoquée. C’était comme s’il oubliait toutes les trente secondes qu’il avait tenté de tuer son fils, et que l’horreur lui revenait en pleine figure avec la même violence. Et s’il ne savait pas comment s’excuser dignement, c’est bien parce qu’il savait qu’il ne pourrait être pardonné. Et tout cela répondait parfaitement à sa question. Hippolyte était un bon tireur, et à bout portant, profitant de l’effet de surprise, il aurait parfaitement pu tuer Marius… C’était ce qui lui faisait le plus peur. Seulement, on ne le changerait pas si facilement, et c’est avec un claquement de langue agacé qu’il répondit à Marius

- On s’en fiche, de la gueule que je peux avoir…

Il a mauvaise mine, et ensuite ? Quelques heures de sommeil en moins ne le tueraient pas, et il préféra cent fois esquiver le sujet que de s’appesantir dessus. Malgré la honte et les remords, il ne pouvait s’empêcher de sentir son habituel agacement pointer le bout de son nez. Pas parce que Marius commençait déjà à l’énerver, mais parce qu’il mettait le doigt sur ce qui n’allait pas chez son père avec une justesse remarquable.

- Je… Je n’aurais jamais dû faire ça, Marius. Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai commis la plus grosse erreur de mon existence et j’en suis sincèrement désolé. Moi non plus je ne pensais pas en être capable. Je ne pensais pas être un monstre suffisamment cruel pour tirer sur son fils. Alors… Moi aussi, je croyais…

Que croyait-il ? Qu’il aurait été capable de lutter contre ses pulsions de chasseur ? Qu’il aurait pu supporter d’avoir la mort de Marius sur la conscience pour le restant de ses jours. Il avait largement surestimé sa froideur et sous-estimé son affection pour son fils.

- Je cru pouvoir arranger les choses ces derniers mois. J’ai cru être capable de me racheter, j’ai eu tort. Pardonne-moi de n’être ni un père, ni un allié pour toi Marius. Pardonne-moi d’avoir absolument tout raté…

Elles lui prenaient les tripes, ses excuses, il se savait sincère et presque suppliant, et il savait aussi qu’il se heurterait à un mur, qu’il était trop tard pour rattraper les choses. Il avait tiré sur la corde, encore et encore, avait mis un pied au bord d’un précipice qu’il se pensait capable de franchir… Il était bêtement tombé dans le piège et n’était pas prêt de revoir la surface.

- Je ne m’attends pas à ce que tu acceptes mes excuses si facilement… Peut-être ne les accepteras-tu jamais, d’ailleurs. Je veux simplement que tu saches que je m’en veux terriblement. Si tu veux que je m'en aille, je m’en irais. Si tu acceptes mon aide, je te l’offre volontiers. Cette erreur c’est la mienne, uniquement la mienne, et c’est à moi de… Tenter de recoller ce qui peut encore l’être.

Il ne craignait rien d’autre que le rejet de Marius, il pouvait supporter ses sarcasmes et son rire, ou même ses insultes, mais certainement pas son silence et son rejet. Au fond, il préférait cent fois se faire traiter de connard à toutes les sauces que de craindre une fois de plus de perdre son fils.



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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeJeu 11 Fév 2016 - 21:13

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J’imagine que je pourrais être plus poli. Moins agressif. Plus bavard. Moins acide. Moins direct. J’imagine que je pourrais être différent et plus agréable mais… non. J’ai peur. C’est une constante dans mes pensées, une constante qui me fait taire, une constante qui atrophie mes phrases, une constante qui détruit ma répartie, mon hyperactivité, une constante qui étouffe ce que je suis, c’est une constante qui ne me permet que de laisser échapper quelques mots. Un pas, c’est ce que j’parviens à faire. Le deuxième me demande un sursaut de volonté et j’enrage de voir ce que je suis devenu. Je m’épuise, je fatigue, j’ai mal et la douleur se diffuse de plus en plus, comme un rappel constant que je n’ai rien à faire debout, que je n’ai pas le droit d’être tendu, d’être sur mes gardes, d’être nerveux comme ça. Mes remarques sont à mon image : diffuses, éparses, décousues. Mes doigts s’agrippent au fauteuil. Détache ma chemise avec une lenteur presque douloureuse pour un hyperactif comme moi. Je ne prends pas mon temps pour défaire les boutons, je n’ai juste pas le choix. Mon poignet enserré dans une attelle est immobilisé, mon bandage qui devient de plus en plus oppressant… Je veux simplement m’assurer que tu vas bien. Que je vais bien.

Je ne vais pas bien, Papa. Tu m’as tiré dessus. Et j’ai beau me le répéter cinq, dix, quinze, cent fois, ça ne passe pas, je ne l’accepte pas, je ne l’assimile pas. Je ne vais pas bien, Papa. Regarde ce que tu m’as fait. J’avais suffisamment confiance en toi pour croire que tu n’allais pas tirer, que tu allais hurler, que tu allais me frapper. Mais pas me tuer. Mes doigts tremblent lorsque j’enlève ma chemise. Est-ce que ça répond à ta question, Papa ? Je regarde mon père, pour la première fois depuis que je suis entré dans mon appartement. Je ne suis que l’ombre de moi-même.

Il n’est que l’ombre de lui-même. Un peu de colère se faufile dans ma fatigue quand j’inspire par à-coup, incapable de prendre pleinement mon inspiration sans pleurer de douleur. Et mes antalgiques qui sont dans mon sac, par terre, hors de portée. Et mon lit qui est à trop de mètres de là, des mètres qui me feraient passer à côté de lui. Je suis tétanisé par l’angoisse, je suis assommé par la douleur. Je suis noué de détresse et étouffé de colère. Je ne comprends pas comment on en a pu arriver là. Et je comprends encore moins pourquoi, comment on a pu tenter de construire quelque chose si le terme, c’était mon père essayant de me tuer. J’ai essayé de te tuer. Lorsque je me suis réveillé à l’hôpital, Papa, tu sais ce que j’ai pensé ? J’ai cru que j’avais six ans, que je venais de tomber du balcon. J’ai cru me souvenir, aussi, d’une main posée sur mon épaule, exerçant une pression dans mon dos, me faisant perdre l’équilibre. Lorsque je me suis réveillé la deuxième fois et qu’on m’a demandé qui m’avait tiré dessus, sais-tu ce que j’ai répondu ? Que je ne savais pas. Parce que je ne sais pas qui m’a tiré dessus. Si c’est mon père, si c’est un inconnu, si c’est un monstre, si c’est Hippolyte Caesar. Lorsque je me suis réveillé la troisième fois et que le médecin m’a fait un état des lieux, j’ai pensé que tu avais visé pour me faire mal mais sans me tuer. Que tu avais juste cherché à me punir, et à atteindre Seth. Que tu voulais le tuer lui, mais pas moi. J’ai presque réussi à m’en convaincre, Papa. Presque. J’ai essayé de te tuer. Mais même ça, tu me l’enlèves. Même cette minuscule conviction. Lorsque je me suis réveillé, la quatrième fois, je m’attendais presque à te trouver à mon chevet, je m’attendais presque à avoir un nouveau Chester. Mais tu n’étais pas là. Et je me suis rendu compte que je voulais te voir. Puis rien qu’à t’imaginer devant moi, j’ai fermé les yeux et pleuré de terreur. Et je me suis rendu compte que je ne savais plus ce que je voulais. Et que tu m’avais tiré dessus en me regardant dans les yeux. Papa, Aspen m’a demandé quel genre d’homme j’étais. Moi, je veux te demander quel genre de père tu es. Mais les mots restent coincés dans ma gorge. Noués dans ce silence qui me suit depuis mon réveil.

Je suis incapable de parler, je suis incapable de lui dire ce que je pense. Tout ce que je parviens à faire, au final, c’est de souffler quelques mots. - Assieds-toi… Tu ne devrais pas rester debout, tu vas te fatiguer… Je tremble, incapable de le cacher. M’asseoir ? Non, surtout pas. M’allonger ? Pas tant que tu seras là, pas tant que tu seras une menace. Debout, je suis certes incapable de faire le moindre mouvement rapide, mais je me sens moins vulnérable qu’alité. Et à la seule idée de t’imaginer me surplombant… - On s’en fiche, de la gueule que je peux avoir… Je… Je n’aurais jamais dû faire ça, Marius. Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai commis la plus grosse erreur de mon existence et j’en suis sincèrement désolé. Moi non plus je ne pensais pas en être capable. Je ne pensais pas être un monstre suffisamment cruel pour tirer sur son fils. Alors… Moi aussi, je croyais… J’ai du mal à le regarder. J’ai du mal à organiser mes pensées. Les jointures de mes phalanges blanchissent au fur et à mesure que ma fatigue augmente. « Mais tu l’as fait. Tu aurais pas dû, mais tu l’as fait. » Je ne peux pas m’empêcher de le répéter, comme pour m’en convaincre. Je ne comprends pas ce qu’il dit, parce que je superpose à son regard celui qu’il m’a asséné comme un coup de poignard. - J’ai cru pouvoir arranger les choses ces derniers mois. J’ai cru être capable de me racheter, j’ai eu tort. Pardonne-moi de n’être ni un père, ni un allié pour toi Marius. Pardonne-moi d’avoir absolument tout raté… Pardonne-moi de n’être ni un père, ni un allié. Un allié, non, tu ne l’es certainement pas. Tu ne l’as jamais été.

Aussi loin que je m’en souvienne, tu es mon ennemi. Mon adversaire. Celui que j’affronte sans relâche, avec l’obstination du gosse qui veut faire tomber son père. Son père. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas comment réagir. J’ai peur de lui, ça, c’est sûr, et ça ne risque pas de s’arranger. Mais il s’excuse. Et j’ai beau avoir peur, je ne peux pas m’empêcher de le sentir sincère. Suppliant. Parce qu’il s’humilie, là. Mon père s’humilie, mon père s’effondre devant moi. Pardonne moi, quand est ce qu’il m’a dit ça la dernière fois ? Je n’en ai aucun souvenir et ça n’a rien d’étonnant parce qu’il ne me l’a certainement jamais dit. Pas comme ça du moins. Si je lui pardonne ? - Je ne m’attends pas à ce que tu acceptes mes excuses si facilement… Peut-être ne les accepteras-tu jamais, d’ailleurs. Je veux simplement que tu saches que je m’en veux terriblement. Si tu veux que je m'en aille, je m’en irais. Si tu acceptes mon aide, je te l’offre volontiers. Cette erreur c’est la mienne, uniquement la mienne, et c’est à moi de… Tenter de recoller ce qui peut encore l’être.

Je reste silencieux. Encore. Où est passé le Marius qui jure, le Marius qui hurle, le Marius qui saute et qui parle, le Marius qui ne sait pas se taire, qui ne réfléchit pas, le Marius qui est vivant ? Actuellement, il est en train de se demander ce qu’il vient de se passer, et il regarde ses doigts se tâcher d’un sang poisseux. De son sang. Le Marius qui parle, il est encore dans le bureau de mon père. Celui qui reste, c’est l’ombre du Marius que mon père aurait certainement toujours voulu avoir face à lui. Le Marius qui va s’évanouir, aussi. Une chance qu’il ne soit pas trop têtu, ce Marius. Si tu veux que je m’en aille, je m’en irais. Une chance, aussi, qu’il soit aussi stupide que l’autre. Je désigne un coin de la pièce, loin, très loin de moi. Mais qui a l’avantage d’être face au canapé que je compte contourner lentement pour m’y allonger. « Mets toi là. » Pas de s’il te plait, pas de demande, ce n’est même pas un ordre, c’est une condition pour que je bouge. Je grimace, je serre les dents lorsque je suis obligé de m’asseoir et de faire jouer mon bandage avant de m’allonger dans un soupir, lentement. « J’en ai rien à foutre que tu t’en veuilles, Papa. » Tu veux de l’honnêteté, hein ? Tu l’as toujours voulue, ma franchise. « Tu m’as tiré dessus. Mes intestins et mon colon étaient en charpie pour mieux empoisonner mon sang, j’ai eu de la chance parce que ça n’a fait qu’effleurer mon foie. Ils m’ont opéré pendant des heures, pour aller chercher la balle et réparer le tout. Tout mon côté est traumatisé, j’en ai pour des semaines d’immobilisation. Des mois avant une quelconque autre opération lourde. » Je n’en parle pas, mais les battements de mon cœur résonnent entre nous deux. Comme une évidence. « Je peux faire une croix sur ma carrière, une deuxième fois. » J’ai du mal à respirer. « Et le pire, c’est que… je me contente d’avoir peur de toi. De ce que tu peux me faire. Je n'arrive même pas à savoir si je t’en veux pour ça. » Ma voix se brise. Ça fait beaucoup de mots. Beaucoup trop de prononcés, une goutte d’eau prélevée dans le tumulte de mes pensées, de mes cris, de mes reproches, dans le tumulte de ce que je peux vouloir lui dire. J’aimerais fermer les yeux, mais cette terreur qui me broie les tripes m’empêche de le quitter un seul instant du regard. Je suis fatigué. Si fatigué.

« Je venais d’enterrer une amie. Tu as voulu tuer l’un de mes meilleurs amis. Et pour ça, je t’en veux. Tu sais que si je n’avais pas été un mutant, il serait mort ? Et là… là, je n’aurais pas juste eu peur de toi, Papa. Je t’aurais détesté. Haï. Vraiment. » Je me mords la lèvre. « Mais là… je ne sais pas. » Je secoue la tête, faisant glisser mes mèches blondes. Je suis désolé, Marius… c’est le seul moyen de sauver mon fils « Je ne vois pas comment un cerveau aussi brillant que le tien a pu venir à la conclusion que la seule solution pour sauver Martial, c’était de m’abattre comme un chien. J’en ai rien à foutre que tu t’en veuilles, Papa. Je veux juste… juste savoir pourquoi. »

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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeVen 12 Fév 2016 - 14:09

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« Je ne pensais pas être un monstre suffisamment cruel pour tirer sur son fils. »

Cette phrase, il n'arrivait pas à se l'ôter de l'esprit. Elle était là, fermement plantée dans son esprit, grignotant le reste pour s'imposer et se faire omniprésente. Il s'était tant surestimé que c'en était risible, finalement. Il s'était cru bon, juste, avait pensé agir pour le bien de Marius... Quelle idiotie ! A quel moment tuer son propre enfant avait quoi que ce soit à voir avec la bonté et la justice ? Mais ce n'était pas seulement son geste ni le fait d'avoir sous estimé sa malfaisance, qui lui broyait les entrailles. Plus que tout, c'était le regard terrifié de Marius qui alourdissait peu à peu le poids de la culpabilité sur ses épaules. Le peu de confiance que le jeune homme pouvait avoir en lui s'était envolé, éteint, et il pouvait toujours courir pour que Marius lui confie quoi que ce soit d'autre à l'avenir. Il n'avait pas tant peur de lui-même que de la fragilité de leur relation. Jamais il ne se serait cru capable d'une telle horreur... Tout comme il avait eu du mal à se croire capable de lever la main sur son fils, la première fois qu'il lui avait mis une claque. Et les choses avaient empiré jusqu'à ce jour, six ans plus tôt, qui avait marqué une rupture presque définitive entre eux. La différence, c'est qu'à l'époque, Hippolyte ne s'était pas sentit coupable de quoi que ce soit et n'a pas fait le moindre pas en direction de son fils. Aujourd'hui... c'était différent. Il se répandait en excuses maladroites, se fichant de n'être plus que l'ombre de lui-même, il était même prêt à ramper devant Marius s'il le fallait. Car pour la première fois de sa vie, Hippolyte découvrait ce que c'était que se sentir honteux. C'était tout sauf agréable, tout sauf une chose facile à supporter et à maîtriser. Ses jambes commençaient à peiner à le supporter, et ce n'était pas à cause de la fatigue. Tout son corps rendait les armes et il ne supportait plus d'entendre Marius l'appeler « papa ». Il se sentait indigne de cette... Marque d'affection, de lien, d'affiliation qui perdurait, et chaque fois qu'il était prononcé, ce mot le percutait avec la force d'un trente huit tonnes.

Ses excuses, aussi banales que maladroites, furent accueillies par l'effroyable silence de Marius. Hippolyte commençait à se demander s'il n'avait tout simplement pas tué l'ancien Marius, s'il n'avait pas... Annihiler cette personnalité joviale, hyperactive, sanguine et vulgaire pour donner naissance au silence, à la terreur et au retrait. Il ne reconnaissait plus son fils, et aurait presque préféré qu'il lui hurle dessus et le traite de tous les noms, car il aurait su qu'il était toujours le même, que son geste ne l'avait pas irrémédiablement changé. Hippolyte entendait encore la détonation du revolver sonner comme un glas, l'odeur de la poudre se mêler à celle du sang... La surprise et la stupeur sur le visage de Marius. Son erreur. La sienne à lui, détestable chasseur incapable de réfléchir deux secondes aux conséquences de ses actes. Et s'il n'y avait eu que le mutant calédonien dans l'histoire, peut-être n'aurait-il jamais ouvert les yeux sur ce qu'il faisait. Il avait brimé Marius pendant des années, mais il était le seul à avoir jamais pointé du doigt ses erreurs et lui avoir mis le nez dans la merde qu'il avait lui-même semé au fil des années.

Anesthésié et dans un état second, Hippolyte ne broncha pas lorsque Marius lui ordonna de se déplacer jusqu'au coin de la pièce le plus éloigné du canapé. Il esquissa alors un geste vers le canapé, réflexe instinctif d'un père cherchant à aider son fils en difficulté. Mais à peine avait bougé un pied qu'il se souvint que si Marius était dans cet état, c'était à cause de lui. Alors il se ravisa et se contenta d'aller s'adosser au mur, au fond de la pièce. S'il s'asseyait, il savait qu'il ne se relèverait pas, étant donné la fatigue qui se lisait sur son visage. Et il laissa parler Marius. Encaissant chaque phrase comme autant de coups de poing assénés dans les côtes. Il se souvenait très clairement de cette dualité qui s'était imposé à lui au moment de tirer. Une part de lui avait souhaité le libérer du fardeau de sa mutation en visant le cœur, tandis qu'une autre aurait préféré qu'il rate son coup ou ne fasse qu'effleurer son épiderme. A la place, il avait eu droit à un entre deux, certes moins critique, mais tout aussi effroyable. Il avait touché les intestins, mis la vie de son fils en danger, ruiné sa carrière... Une fois encore, il prouvait à quel point il était doué pour lui pourrir la vie et non la rendre meilleure. Et vingt sept années de remords en pleine figure, c'était autrement plus difficile à accepter que s'il en avait pris l'habitude au fur et à mesure. Mais il ne bronchait pas, immobile contre le mur, le regard fixé sur le dossier du canapé pour ne pas avoir à supporter celui de Marius. Pourtant, il se redressa lorsque le jeune homme lui avoua qu'il n'arrivait pas à savoir s'il lui en voulait ou non. C'était une chose qu'Hippolyte ne pouvait concevoir. Marius aurait du le haïr, lui en vouloir pour le restant de ses jours... Il était attendu à voir débarquer une armée de flics armés chez lui pour l'arrêter, mais rien. Marius n'avait rien dit. Et là encore, il était terrifié mais n'arrivait pas à en vouloir à son père.

- Tu devrais me haïr, Marius... Tu devrais me haïr depuis longtemps déjà, tu pourrais m'en vouloir pour un dixième de ce que je t'ai fais subir. Je ne te comprends pas. Je n'ai jamais rien fais de positif pour toi, sinon nous n'en serions pas là. C'est toi qui m'as ouvert les yeux, alors si tu n'es pas capable de me haïr, je le ferais pour nous deux.

Il n'avait pas besoin de beaucoup se forcer pour ça, de toute manière. Il se sentait coupable aussi bien pour Marius que pour Victoire. Il avait trompé leur confiance à tous les deux, il aurait été étonnant qu'ils lui tapotent gentiment l'épaule en lui disant qu'il y avait plus grave dans la vie qu'une balle dans l'abdomen et une fille cachée. Mais Marius ne s'arrêta pas en si bon chemin. Cette amie qu'il avait enterrée, Hippolyte la connaissait, puisque c'était la fille d'Andreas... Et si la chose était triste, pour l'heure il s'en fichait royalement. Tout ce qu'il avait retenu, c'est que Marius ne l'aurait haït que s'il s'en était pris à l'un de ses proches. Il pouvait ajouter l'altruisme à ses qualités, qualité dont lui-même manquait cruellement. Marius était peut-être – il fallait bien être objectif – agaçant au possible lorsqu'il décidait de faire une ânerie, mais il restait bien meilleur que le commun des mortels. Si son père aurait volontiers donné sa vie pour ses enfants, Marius aurait fait de même pour tous ses amis et surtout son frère. Hippolyte se rendait compte de bien trop de choses au sujet de son fils. Perdu dans ses pensées, il n'émergea à nouveau qu'à la dernière requête de Marius.

- Martial ? Mais... Quel est le rapport avec ton fr... Oh... Je vois.

Il venait soudain de comprendre que Marius avait pensé que en disant cela, son père parlait forcément de Martial. Il n'avait pas vu le sens caché de cette phrase, qu'avec le recul il trouvait aussi stupide qu'insultante.

- Il n'a jamais été question de ton frère, Marius. Ni d'esprit brillant. Il n'y a pas besoin d'être doté d'un grand intellect pour faire le calcul stupide que j'ai fais. Depuis que ta m... Que j'ai commencé ma formation de chasseur, j'ai toujours eu à l'esprit que vivre avec une mutation était plus un fardeau qu'autre chose. Et je me débrouille si mal avec la mienne que j'aurais du mal à infirmer cela. J'ai... Pensé que le seul moyen de t'aider, de te sauver de cette mutation, c'était ça. C'est probablement la chose la plus bête que j'ai jamais faite. Tu m'as prouvé une chose : On peut parfaitement maîtriser une mutation et en faire un usage altruiste. Et je n'avais jamais pensé à cela.

Battu par K.O par un gamin. Hippolyte avait toujours songé à ces pyrugistes capables de faire brûler des bâtiments en un claquement de doigts, ou encore à ces télépathes sadiques déterminés à manipuler l'esprit de tout un chacun pour en faire des marionnettes... A aucun moment il n'avait songé à un mutant préférant masquer sa mutation ou cherchant à la mettre au service des autres. Marius avait sauvé la vie de son ami grâce à sa mutation, il avait encaissé le coup par pure abnégation. Trente ans de conviction remis en question avec une balle, une seule.

- Tu veux savoir pourquoi j'ai fais ça ? Parce que je suis bien le connard que tu décris depuis des années, et que j'ai bêtement écouté ce qu'on me dit depuis trente ans sans jamais cherché à remettre quoi que ce soit en question. Parce que j'ai fais des convictions de quelques malades les miennes, et qu'aujourd'hui encore, j'ai du mal à m'en détacher. Parce que je suis un meurtrier, Marius.

Et parce que son fils avait le droit de savoir, le devoir même de se rendre compte de qui était réellement son père. D'à quel point l'homme qui lui faisait face était un monstre. Qu'importe s'il le craignait plus encore, il devait savoir.

- Je suis un scientifique, Marius, tout ce que je ne peux prouver mathématiquement, je le rejette. Et je ne connais pas la moindre science capable d'expliquer clairement pourquoi et comment les mutants sont nés. Des gens dotés de dons particuliers, j'en ai tué plus d'un. Je suis peut-être loin d'avoir le tableau de chasse de quelques illuminés que l'on croise à Radcliff, mais je n'en suis pas à mon coup d'essai. Je n'ai jamais pris un quelconque plaisir à tuer, je ne suis pas l'un de ces sadiques qui s'amuse à jouer avec ses victimes. Mais je n'ai jamais eu de remords. Jamais avant aujourd'hui. Je me suis octroyé un droit que personne ne devrait avoir parce que... Non... Je n'ai aucune justification à t'apporter.

Il s'était pris pour un dieu, capable de dispenser mort et jugement à tous ceux qu'il pensait différent à cause de leur mutation. A cause d'un gène qu'ils n'avaient pas demandé ni cherché à obtenir. Il n'avait jamais tué avec sadisme ou plaisir, faisant toujours les choses rapidement et proprement. Il avait la torture en horreur, et ne comprenait pas que l'on puise s'amuser à cela. Et malgré tout, il ne comprenait pas que l'on puisse vivre ou apprécier de vivre avec un don incontrôlable entre les mains. Ça, c'était une chose qu'il ne risquait pas d'assimiler rapidement. Il se passa une main lasse sur le visage en cherchant à mettre en ordre des idées qui n'avaient ni queue ni tête.

- Le seul qui puisse un jour me pardonner, Marius, c'est toi. Ce pardon je ne me l'accorderai jamais, dit-il d'une voix étranglée par un sanglot incontrôlable. Je ne me pardonnerai jamais d'avoir fais de ta vie un enfer et d'avoir été jusqu'à vouloir y mettre un terme... Je n'ai rien qui soit assez convaincant pour racheter ma conduite.

Il se tut, fermant les yeux un instant pour ne pas se laisser submerger par cette vague d'émotions qu'il sentait enfler en lui. Jamais Marius ne l'avait vu dans cet état, et il refusait que qui que ce soit ne le voit ainsi. S'il s'était rarement sentit aussi mal, et si la fatigue semblait avoir raison de ses nerfs, il était hors de question qu'il craque. Qu'il garde donc ses états d'âme pour lui-même, plutôt que de les imposer à Marius. Qu'il aurait du laisser se reposer, d'ailleurs... Pourtant, il était incapable d'avoir l'esprit tranquille à l'idée de le laisser seul et dans un tel état.


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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeVen 12 Fév 2016 - 22:21

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



Mets-toi là. Ma voix n’est qu’un soupir, j’ai l’impression que ce n’est pas moi qui parle. Lasse, elle n’a rien de cette vitalité qui rebondissait de chacun de mes mots. Affaiblie, elle n’est qu’une évidence, là où il devrait y avoir de la provocation, de la colère ou encore un ordre. Soufflée, c’est la voix d’un malade, c’est la voix d’un convalescent, c’est la voix d’un blessé. Je suis brisé. Et je m’en aperçois maintenant, alors que l’évidence était là depuis le début, depuis mon réveil, depuis que mes mots se sont perdus dans ma gorge et que mon énergie s’est volatilisée. Je suis brisé, je suis cassé, je suis comme un jouet que l’on aurait brisé en forçant un peu trop dessus. Comme mon articulation, comme mes chairs déchiquetées. Je suis brisé, mais pas seulement physiquement. Les médecins l’ont dit, mon corps est étonnamment tonique, comme il l’a toujours été. Je vais m’en remettre, sans séquelles si je fais attention. Je vais m’en remettre, ça se comptera en semaines, mais je vais m’en remettre. Physiquement.

Je ne vais pas bien, Papa, et mes mots s’étouffent avant même d’être prononcés. Et toi non plus, Papa, tu ne vas pas bien. Qu’est-ce qui nous est arrivé, Papa, pour que nous soyons aussi dociles, aussi détruits, pour que ce qui faisait nos tripes soit à ce point réduit à néant ? Regarde-toi, bon sang, regarde-nous. Je te dis d’aller là-bas et tu le fais. Moi, tu me dis de m’asseoir, de m’allonger, et je le fais. Qu’est ce que tu nous as fait ? Mes mouvements sont exagérément lents lorsque je m’allonge, je me fige et me crispe au moindre geste de mon père. Il a tenté de s’approcher, il a tenté de venir, et instantanément, j’ai eu peur, j’ai paniqué. Il lui a suffi d’une seule esquisse d’intention pour que son revolver se plante à nouveau sur mon côté et que la balle explose de douleur. Je grimace, je m’installe, dans une angoisse latente d’être si vulnérable face à lui. Alors que tout dans son attitude clame une certaine absence d’agressivité. Je ne vais pas bien, Papa. Et je n’en ai rien à faire que tu t’en veuilles. Tes excuses, je les entends, je les entends même très bien. Trop. Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? Tu t’es découvert une conscience, et ça fait mal ? Mais tu as toujours eu une conscience, quelque part je le sais. Et mes mots, et ma franchise, et ce que je pense se faufile entre mes lèvres dans une honnêteté que je refuse de filtrer, que je refuse même de retoucher. Je suis franc. Direct. Calme et posé. J’angoisse, je panique, ma terreur est toujours là, à me tenir et à m’empoigner la nuque et les tripes, mais je suis devenu celui que tu voulais que je sois. Regarde-moi, regarde-toi, regarde-nous. Ma vie est à nouveau détruite, la confiance entre nous, si fragile mais néanmoins présente, a été piétinée.

On vit à nouveau ces cris et cette colère gratuite qui ont hurlé dans ton bureau il y a six ans, Papa. Sauf que cette fois, nous sommes allés trop loin. Je suis brisé, Papa. Et toi aussi, quelque part tu n’es plus le même. Qui m’a tiré dessus, Papa ? Qui donc est ce monstre qui a tiré de sang froid sur un homme, qui a tiré de sang froid sur son fils ? Qui donc est cet homme qui m’a regardé droit dans les yeux, qui s’est donné le droit de devenir juge, jury et exécuteur ? Ce n’était pas mon père. Et celui qui se tient loin de moi, qui s’excuse, celui qui demande mon pardon, qui supplie, qui ploie le genou devant moi, ce n’est pas mon père non plus. J’ai du mal à respirer, j’ai du mal à parler. Trop de mots, bien trop. Et pourtant si peu comparés à ceux que je voudrais et pourrais prononcer. Je suis fatigué, Papa, parce que je ne sais pas. Je ne sais pas si je t’en veux, je sais juste que j’ai peur de toi. Et que j’en pleurerais de frustration, j’en pleurerais avec des sanglots, si je n’étais pas aussi anesthésié.

Je ne sais pas si je t’en veux, parce que je suis incapable de réfléchir aussi clairement, avec autant de lucidité, je ne suis pas encore capable d’être aussi froid et calculateur que toi. Je suis brisé, parce que Marius, il fonctionne par émotions, il fonctionne en bouillonnant comme de la lave et en se laissant porter par ce qu’il ressent au fond de ses tripes. Marius, il brûle de tout détruire, il brûle de tout hurler, il se consume d’énergie et irradie d’énergie. Marius, il n’est pas allongé dans un canapé parce qu’il a mal, il n’est pas en larmes parce qu’il a peur, Marius, il n’est pas comme ça. Qu’est ce que tu as fait de nous, Papa ? Qu’est ce que tu as fait de toi ? Regarde-toi ! Regarde-toi, bon sang ! Où est-il, mon père ? Où est ce héros qui imposait le respect, qui imposait la peur, où il est cet homme qui par un seul regard arrivait à obtenir ce qu’il voulait ? Où est-il ce génie qui avait mon respect, mon admiration ? Où est-il cet homme dont je singeais les rictus et les attitudes dans la cour de récré, avant de repartir en hurlant ? Où est-il, ce père qui a tenu dans ses bras son premier petit-fils, celui qui m’a promis de m’emmerder pour que je vive ? Où est-ce que tu l’as foutu, bon sang ? Où est-il celui que je hurlais détester pour la seule raison que j’avais honte de ne pas lui ressembler ? Où est-il, celui dont je cherchais l’assentiment, dont je quêtais la fierté en l’insultant et en le traitant de connard ? Parce que tu es un connard, Papa, mais que je suis incapable de te haïr. Tu as franchi des limites, mais je me rends compte que tu n’es pas allé suffisamment loin pour que je désespère et que je te haïsse plus que je me déteste. - Tu devrais me haïr, Marius... Tu devrais me haïr depuis longtemps déjà, tu pourrais m'en vouloir pour un dixième de ce que je t'ai fais subir. Je ne te comprends pas. Je n'ai jamais rien fait de positif pour toi, sinon nous n'en serions pas là. C'est toi qui m'as ouvert les yeux, alors si tu n'es pas capable de me haïr, je le ferai pour nous deux. Je sais. « Je devrais, oui, j’imagine. Mais… qu’est ce que ça changerait ? »

Sois fier de toi, Papa, parce que je ne te déteste toujours pas. Si tu avais tué Seth, là… là je ne sais pas ce qu’il se serait passé. Mais je suis un mutant, Papa, et dans ma connerie, je lui ai sauvé la vie. Je n’ai même pas voulu le faire, j’ai juste voulu me sauver moi. Et par un hasard, un foutu hasard, un heureux hasard, je lui ai sauvé la vie. Qu’est ce que tu as fait de mon père qui voulait sauver des gens avec ses vaccins à la con, qu’est ce que tu as fait de mon père qui a tué lorsqu’il voulait sauver plus vite ? Je t’ai reproché Malaria, je t’ai détesté pour ça, j’ai cru te détester. J’ai voulu te voir chuter, j’ai voulu te faire chuter. Et en fait, tout ce que j’ai réussi à faire, c’est à être aveugle à ta douleur de l’époque pour me complaire dans mon arrogance de gosse colérique. Si Seth était mort, je t’aurais détesté, je crois. Mais là… là… je ne sais pas. J’ai beau écouter ses mots, je ne les entends pas. J’ai beau le regarder, je ne le vois pas. Si tu n’es pas capable de me haïr, je le ferai pour nous deux. J’ai envie de me réfugier dans l’obscurité, j’ai envie d’être seul. Mais plus que tout, j’ai envie de comprendre. Je ne comprends pas, je ne vois pas comment tu as pu te perdre à ce point, Papa. Car c’est ça, n’est-ce pas ? Tu t’es perdu dans ta logique, tu t’es perdu dans tes équations. Ou bien c’est moi qui ne vois plus la logique. Je ne suis pas normal, je suis un raté, je le sais. Je t’ai déçu, un nombre incalculable de fois. Volontairement ou involontairement, contre mon gré ou non, je t’ai déçu. Mais je ne pensais pas te décevoir au point que tu n’hésites pas une seule seconde à m’abattre comme un chien. Qu’est ce que j’ai loupé, bon sang ? Et qu’as-tu fait de mon père ?

Je secoue la tête, fatigué de penser, fatigué de parler. Je ne comprends pas. Et si je suis incapable de lui en vouloir, il faut bien me faire une raison, si je ne veux pas le voir, si j’ai peur de lui, si j’angoisse à la seule idée qu’il chasse à nouveau l’homme pour réveiller le monstre, je veux des réponses à mes questions. - Martial ? Mais... Quel est le rapport avec ton fr... Oh... Je vois. Je me redresse dans une grimace. - Il n'a jamais été question de ton frère, Marius. Ni d'esprit brillant. Il n'y a pas besoin d'être doté d'un grand intellect pour faire le calcul stupide que j'ai fais. Depuis que ta m... Que j'ai commencé ma formation de chasseur, j'ai toujours eu à l'esprit que vivre avec une mutation était plus un fardeau qu'autre chose. Et je me débrouille si mal avec la mienne que j'aurais du mal à infirmer cela. J'ai... pensé que le seul moyen de t'aider, de te sauver de cette mutation, c'était ça. C'est probablement la chose la plus bête que j'aie jamais faite. Tu m'as prouvé une chose : On peut parfaitement maîtriser une mutation et en faire un usage altruiste. Et je n'avais jamais pensé à cela. Je le fixe, sans oser l’interrompre. Son raisonnement… il n’y a pas de raisonnement. « Tu… tu es en train de me dire que… tu as sincèrement cru bien faire en me tuant ? » Il y a de l’incrédulité dans ma voix. Vraiment. - Tu veux savoir pourquoi j'ai fais ça ? Parce que je suis bien le connard que tu décris depuis des années, et que j'ai bêtement écouté ce qu'on me dit depuis trente ans sans jamais cherché à remettre quoi que ce soit en question. Parce que j'ai fais des convictions de quelques malades les miennes, et qu'aujourd'hui encore, j'ai du mal à m'en détacher. Parce que je suis un meurtrier, Marius. Ses mots me font mal, ils lacèrent le peu de convictions qu’ils me restent. Et je ferme les yeux.

J’ai peur, je le quitte un instant du regard, mais je ferme les yeux. Pour ne pas entendre. Je suis un meurtrier, Marius. « Tais-toi. » S’il te plait, Papa, tais-toi. Je ne veux pas t’entendre me dire ça. Je ne veux pas te l’entendre me le redire, te l’entendre me le confirmer. - Je suis un scientifique, Marius, tout ce que je ne peux prouver mathématiquement, je le rejette. Et je ne connais pas la moindre science capable d'expliquer clairement pourquoi et comment les mutants sont nés. Des gens dotés de dons particuliers, j'en ai tué plus d'un. Je suis peut-être loin d'avoir le tableau de chasse de quelques illuminés que l'on croise à Radcliff, mais je n'en suis pas à mon coup d'essai. » Je suis un meurtrier, Marius « Tais-toi, s’il te plait. » Je me redresse, ne supportant pas l’idée d’être allongé. « … plaisir à tuer, je ne suis pas l'un de ces sadiques qui s'amuse à jouer avec ses victimes. Mais je n'ai jamais eu de remords. Jamais avant aujourd'hui. Je me suis octroyé un droit que personne ne devrait avoir parce que... Non... Je n'ai aucune justification à t'apporter. Assis, la douleur se répand dans mes veines, le bandage se plie. Ma main se pose sur mon côté, comme si un simple contact avait le pouvoir d’effacer l’ensemble. Je n’ai aucune justification à t’apporter. Qu’as-tu fait de mon père ? Je secoue la tête, incapable d’articuler cette question. - Le seul qui puisse un jour me pardonner, Marius, c'est toi. Ce pardon je ne me l'accorderai jamais, je ne me pardonnerai jamais d'avoir fais de ta vie un enfer et d'avoir été jusqu'à vouloir y mettre un terme... Je n'ai rien qui soit assez convaincant pour racheter ma conduite.

Je me hais. Vraiment. Je me hais d’être moi, je me hais d’être aussi faible. Je me hais de ne pas être à la hauteur de mon père. Je me hais, parce que ce sanglot qui étrangle sa voix me broie les tripes bien plus que la balle qu’il y a logée. Je me hais, parce que non seulement, je suis incapable de lui en vouloir, mais je suis incapable de supporter de le voir comme ça. Je me lève, pour pouvoir le regarder dans les yeux sans avoir à lever le menton. « Tu as fini ? » C’est une vraie question. Et j’attends aussi une vraie réponse. « Regarde-moi dans les yeux, Papa. » Je fais un pas en avant, vers cette cuisine américaine qui me semble à des kilomètres de là. Je lui demande me regarder dans les yeux, moi je lui tourne le dos. Je suis incohérent. Mais plus que tout : je lui tourne le dos. J’ai peur, toujours, mais ma peur est refoulée par une certitude qui, si j’avais un peu de l’intelligence de mon père, n’aurait pas lieu d’être. J’ai la certitude qu’actuellement, je suis celui qui a l’ascendant, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Des pas laborieux, et me voilà qui m’appuie au plan de travail. Je le contourne. Et je lui fais à nouveau face. « Je ne peux pas te pardonner. Parce que… si… si je ne t’en veux pas, c’est que… c’est tellement inconcevable que tu aies pu faire ça que… » J’ai un petit rire. Mauvaise idée. Je prends mon inspiration. « Tu as fait une connerie. Je ne comprends toujours pas comment tu as pu croire qu’en me tuant, tu… » Je cherche mes mots. Mon soupir les remplace. « Qu’est-ce que tu as fait de mon père ? Tu ne peux pas être l’homme auquel j’ai toujours voulu ressembler et être… ça. » Mon poing part heurter le plan de travail, de frustration. Un peu de l’ancien Marius qui refait surface, le temps de prendre son inspiration. Un peu de moi. Et un nouveau soupir, qui le chasse. « J’imagine que ce n’est pas l’important maintenant. De toute manière, regretter, t’en vouloir, ça ne va rien changer. Si les excuses avaient des vertus curatives, ça se saurait tu ne penses pas ? » Je tente de me baisser pour attraper une bière, quelque chose à boire, mais je me rends à l’évidence et abandonne le combat. « L’important c’est… tu ne vas pas recommencer, hein ? » Cette question là est sincère elle aussi. Je veux savoir s’il compte recommencer à me tuer. S’il compte recommencer à tuer. « Je n’ai pas voulu être comme ça, tu sais ? » Je le regarde dans les yeux. Il a parlé, il s’est expliqué, il s’est excusé. C’est à mon tour. « J’ai… j’ai essayé de ne pas être comme ça. J’ai acheté le vaccin quand il est sorti, mais il n’a pas marché. » Pas du tout. « J’ai pas voulu être comme ça. Je suis désolé. Mais c’est ce que je suis… » Papa et Maman sont des Hunters. « Qu’est ce que tu vas faire ? »

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Hippolyte Caesar
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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeDim 14 Fév 2016 - 12:14

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



Des années de conflits, de brimades et d'injures, voilà ce que l'on retenait généralement de la relation qui liait Marius et son père. Parfois même, on se demandait pourquoi ils s'obstinaient encore à se parler, si c'était finalement pour se hurler dessus... Tels deux aimants, ils s'attiraient autant qu'ils se repoussaient, le fils cherchant l'approbation d'un père bien trop pointilleux et intransigeant, le père voulait faire entrer le fils dans un moule qui ne lui convenait pas. Et pourtant, ils avaient franchi le point de non retour. Ce qu'il s'était passé une semaine plus tôt était une tragédie, un événement qui mettait un terme à leur relation telle qu'elle avait été par le passé. Hippolyte le voyait, ce Marius qu'il avait toujours rêvé d'avoir face à lui : Calme, discipliné, poli... Et il n'en voulait pas. Il rejetait en bloc ce qu'il avait fait de son fils, car il avait usé d'une force qu'il n'aurait pas dû s'octroyer. Il aurait préféré que Marius se mette à hurler, à le traiter de tous les noms, qu'il le frappe comme lorsqu'il était venu le trouver, six ans plus tôt... Pas qu'il encaisse ses ridicules excuses avec un calme et silence effroyables. Il savait maintenant ce que c'était que de se heurter au mutisme de son interlocuteur. C'était bien plus troublant que le plus agaçant des babillages, bien plus oppressant qu'une foule en colère... Tellement plus effroyable qu'un hurlement spontané. Hippolyte aurait préféré que Marius le haïsse, qu'il le maudisse pour avoir osé tenter de le tuer. Il aurait voulu que Marius le punisse, finalement... Pour qu'il n'ait pas à se le faire lui-même, pour que son esprit cesse de le torturer jour et nuit en lui faisant inlassablement revivre cette abominable soirée. Mais même cela, il l'avait annihilé chez son fils. Pire, il était bien plus lucide que son père : A quoi cela les aurait-il avancé qu'il lui voue une haine sans limite ? Ça ne les aurait ni fait avancer, ni reculer.

Seulement, Hippolyte avait compris une chose : Si Marius tenait à peu près sur ses deux jambes et si ses jours n'étaient plus en danger – hormis à cause de son cœur – il ne serait jamais totalement remis. Car la fracture psychologique serait autrement plus difficile à soigner que si elle avait été physique. Un père aurait dû chasser le monstre des cauchemars de ses enfants, aurait du être leur héros, leur modèle... Hippolyte avait l'extrême contraire, réveillant chez Marius une terreur qu'il ne supportait pas de voir dans son regard. Il lui avait tiré dessus. Sans sommation, sans hésitation... Mais certainement pas sans remords. Alors est ce que la haine de son fils changerait quelque chose ? Non. Strictement rien. Mais en même temps, avait-il sincèrement cru faire le bien en lui tirant dessus ? Pas vraiment. En réalité, il n'avait pas vraiment réfléchi, l'équation s'était imposée à son esprit, et seule le résultat « mutant mort » avait compté à cet instant. Il avait bêtement et mécaniquement reproduit un geste sans se soucier un seul instant de la personne qu'il avait en face de lui. Déjà lancé dans son discours, Hippolyte ne répondit pas à cette question, l'esquivant subtilement en avouant être un meurtrier. Si Marius n'avait pas envie d'entendre ça, il n'avait certainement pas non plus envie de savoir que son père avait agit bêtement, sans réfléchir, comme un idiot obéissant à un ordre sans même chercher à en comprendre le sens.

Et alors qu'un sanglot se perdait au creux de sa gorge, il se tut. Il se sentait si las, si fatigué, le poids de ses cinquante six années d'existence pesant sur ses épaules. Il s'était toujours cru fort, imperturbable, solide comme un roc... Il se voyait déjà dirigeant son entreprise pendant vingt années encore... Aujourd'hui il commençait à fatiguer, à sentir que toutes ces années d'enfermement avait bien plus nuit à sa santé que ses insomnies ou son addiction à la nicotine. En l'espace de deux semaines, tout avait basculé. Il avait perdu la confiance de Victoire, tenté de tuer Marius... Il avait tenté de mettre fin à ses jours simplement parce qu'il s'était découvert une mutation. Quel idiot, vraiment ! Cette accumulation semblait avoir raison de tout, et si ses excuses étaient bancales, c'était bien pour une raison : Jamais il ne s'était excusé devant qui que ce soit de cette manière. Jamais il n'avait imploré le pardon de quelqu'un ni voulu sincèrement se racheter. Comme tous les enfants, on lui avait appris à dire pardon lorsqu'il bousculait ou blessait quelqu'un... Mais qu'est ce qu'un « pardon » soufflé sans conviction face à de véritables excuses, certes maladroites, mais Ô combien sincères ? Il n'était pas habitué à sentir la culpabilité lui remuer les entrailles, il aurait aimé être capable de la chasser... Si seulement... Si seulement Marius n'avait pas été dans cet état. S'il ne lui avait pas demandé de le regarder dans les yeux alors qu'il s'y refusait depuis près d'une demi heure. Mais il releva les yeux... Pour constater que le jeune homme lui tournait le dos. Un froncement de sourcil, il s'apprêtait à lui en faire la remarque, mais déjà Marius s'avançait maladroitement vers la cuisine. Hippolyte n'esquissa pas un mouvement pour l'aider, cette fois. Il en avait envie, il devait serrer les poings pour s'en empêcher, mais s'il faisait le moindre geste, il courait le risque de briser ce fragile équilibre qui s'était installé dans la conversation.

« Qu’est-ce que tu as fait de mon père ? Tu ne peux pas être l’homme auquel j’ai toujours voulu ressembler et être… ça. »

La question le frappa autant que si Marius lui avait collé son poing dans la figure. Des années durant, Hippolyte avait été persuadé que son fils avait honte de sa famille, qu'il détestait suffisamment son père pour vouloir être l'extrême opposé de ce qu'il était... A aucun moment il ne s'était douté qu'en réalité, le jeune homme l'admirait et souhaitait lui ressembler. En d'autres circonstances, Hippolyte lui aurait même rit au nez. Alors qu'avait-il fait de son père ? Qu'avait-il fait de ce roc, de cet insubmersible enfoiré qui ne se laissait jamais abattre par qui que ce soit ? Il avait l'impression de l'avoir tué, ce type intransigeant et implacable, de l'avoir muselé pour un bon moment. Certes il ne lui faudrait pas plus de cinq minutes sur son lieu de travail pour retrouver son ton acerbe et sa froideur, bien sûr qu'il irait vertement réprimander sa secrétaire si les dossiers n'étaient pas parfaitement rangés, peut-être même irait-il la renvoyer à peine la journée commencée... Mais avec Marius, les choses ne seraient plus jamais comme avant.

- Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir envie d'être ce père, Marius... Tu ne peux pas me demander d'agir comme avant, comme si rien ne s'était passé. Si ton père est celui qui t'a tiré dessus, alors laisse-moi... Essayer d'être meilleur que lui...

Oh on ne le changerait pas si facilement ! Passé le choc, quelques heures de sommeil en plus, et il serait à nouveau sur le dos de Marius pour lui dire de faire attention à son cœur, d'arrêter de faire l'idiot, de ne pas dire « putain » quinze fois par minute devant Samuel... Mais il y aurait sûrement un peu plus de retenue, moins d'agressivité... Car le fantôme de cette balle tirée dans l'abdomen de Marius flotterait au dessus de sa tête pour le restant de ses jours.

Et quelque chose le fit taire alors qu'il s'apprêtait à renchérir. Ses yeux s'écarquillèrent et il resta là, les bras ballants, à se demander à quoi jouait Marius. Rêvait-il ou bien... Le jeune homme était en train de lui chercher des excuses ? Hippolyte avait le sentiment que son fils cherchait à lui dire qu'il n'avait pas à s'en vouloir pour eux deux, et que finalement... Il ne voulait pas de sa culpabilité. La lassitude semblait cacher une forme de pardon dont seul Marius avait le secret, et laissait son père totalement désarmé. Que pouvait-il répondre à cela ? Qu'il était idiot de ne pas l'acculer plus que ça ? Qu'il aurait dû lui en vouloir, le haïr, vouloir se venger ? Hippolyte avait le sentiment de si peu connaître Marius qu'il était encore étonné de le savoir si peu rancunier.

Passé le moment d'incrédulité, il fronça les sourcils et se redressa. Il n'avait pas l'intention de recommencer, c'était certain. L'idée même de brandir à nouveau une arme contre Marius lui donnait envie de se donner des gifles, mais il se demandait si la question n'était pas plus subtile que cela. Il pouvait promettre à Marius que plus jamais il ne le menacerait, mais pouvait-il seulement faire de même pour tous les autres mutants ? Pouvait-il mettre de côté trente années de meurtres et de convictions d'un seul coup ? Son regard se fit plus dur, son visage plus froid... Plus proche de ce qu'il était d'habitude.

- Je ne sais pas, Marius. Je n'ai qu'une certitude, c'est que plus jamais je ne pourrais te menacer d'une arme. Mais je sais bien que ta question ne concerne pas que toi. Et tu sais également qu'on ne change pas un homme si facilement.

Il aurait voulu renchérir, tenter d'expliquer à Marius qu'une semaine et demi ne suffirait pas à faire de lui un homme pacifique, mais déjà le jeune homme reprenait. Un mélange d'angoisse et de colère commença à remuer ses entrailles, chassant la culpabilité qui jusque là dominait tout le reste.

- Je t'interdis de t'excuser, Marius, c'est clair ? S'il y a quelqu'un qui a fait une erreur dans cette pièce, c'est moi. Tu viens de me dire que les remords ne faisaient pas avancer les choses, alors ne t'excuses pas d'être ce que tu es. Un bon père accepterait ce qu'est son fils, et je veux que tu me promettes une chose : Ne touche plus jamais au vaccin, est ce que c'est clair ? Ce sont des saloperies, bourrées d'effets secondaires...

Levant les mains dans un signe purement pacifique, Hippolyte s'avança juste assez pour prendre le sac de Marius et en tirer un flacon de cachets contre la douleur.

- Je le sais mieux que quiconque et toi aussi : Même avec toutes les bonnes intentions du monde, un remède est un véritable poison s'il n'est pas correctement mis au point. J'ai peut-être commis bien des erreurs de jugement, mais ce vaccin je le connais sur le bout des doigts pour en avoir analysé la formule. Il détruit le gène mutant et parasite ton organisme, certains voient leur système immunitaire détruit, d'autres perdent la vue ou l'ouïe... Ce vaccin a été fait par-dessus la jambe, il est honteusement mis en libre service et je ne veux pas que tu t'en serves, c'est compris ?

On retrouvait dans sa voix la colère et la dureté qui le caractérisait, mais il y avait cette pointe d'inquiétude qui la rendait moins acide. Ne sachant pas comment donner ses cachets à Marius – s'approcher ou les lui lancer était inenvisageable – il fini par les poser en évidence sur la table du séjour, avant de retourner s'adosser au mur où il se trouvait encore quelques minutes plus tôt.

- Tu es déjà malade, Marius, ton cœur va mal... Je ne suis pas idiot et je connais mon métier. Si ce vaccin peut détruire un système immunitaire, je n'ose pas imaginer ce qu'il pourrait faire pour ton cœur. Maintenant...

Il marqua une pause, hésitant à continuer, à faire des promesses qu'il n'était pas certain de pouvoir tenir... Mais il avait commencé sa phrase. Il ne pouvait s'arrêter en si bon chemin.

- Tu as dis vouloir être normal. Tu le veux pour toi ou pour le regard des autres ? Cette mutation te gêne personnellement ou tu as peur qu'un autre fou ne te tire dessus ? Tu n'as pas être désolé si faire disparaître ta mutation n'est pas ton choix, Marius. Ce n'est pas à moi ni à qui que ce soit d'autre de te l'imposer. En revanche... Je songe à cela depuis quelques temps déjà. A remanier la formule pour la rendre plus efficace et moins nocive... J'en avais rapidement discuté avec le directeur des laboratoires Holgersen, sans succès.

Marius savait comment marchait le monde des affaires. Il savait aussi que même dans le secteur pharmaceutique, on pouvait se heurter à des clauses de confidentialité extrêmement sérieuses, et que son père mettait en jeu toute sa carrière en voulant remanier la formule d'un autre. Il n'aurait jamais pris ce risque pour des inconnus... Mais pour sa famille, c'était autre chose.

- Tu m'as demandé ce que je comptais faire, tu as ta réponse. Si tu veux réellement te débarrasser de ta mutation, laisse-moi t'aider à concevoir un sérum plus efficace et moins dangereux. Mais ne touche plus jamais à une seringue de NH24...

Le sérieux et l'urgence de la situation le rendait plus froid, plus direct et surtout bien plus cohérent. Et s'il était trop épuisé pour être véritablement lui-même, Marius pouvait être fier d'avoir, en quelques mots, fait resurgir un peu de ce qu'était son père par le passé.

- A ce propos... Que fait-elle ? Je veux dire, ta mutation...

Il y avait une forme de curiosité et d'intérêt poli dans sa voix, loin de la curiosité malsaine d'une fouine cherchant un petit rat de laboratoire à exploiter. Mais quitte à savoir que Marius était un mutant... Autant savoir de quoi il était capable.
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeDim 14 Fév 2016 - 16:06

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



Au final, j’imagine que la fatigue n’est rien, une fois comparée à la lassitude. Les deux sont là, les deux me tuent, les deux m’étouffent mais seule la lassitude sape ma nature d’hyperactif pour me rendre inerte, elle détruit mes répliques, atrophie mes réactions. Le souffle court, j’atteins la cuisine, m’appuie au plan de travail. Mon regard dérive un instant vers mon sac où se trouvent les rares antidouleurs compatibles avec ma pathologie cardiaque. Hors de portée. Je les délaisse, mon regard se repose sur mon père qui n’a pas bougé, qui reste toujours aussi distant, aussi hors de portée lui aussi. Mais différemment. Regarde ce que tu as fait de nous, Papa, regarde ce que tu as fait de toi. Regarde ce que tu as fait de moi. Qu’est ce que tu as fait de mon père, Papa ? Où est il, celui que j’admirais, celui que je craignais, celui que je clamais détester ? Tu ne peux pas être l’homme auquel j’ai toujours voulu ressembler et être… ça. Ce n’est pas possible, ce n’est pas logique, et ce poing qui heurte le plan de travail exprime en un seul geste toute ma frustration à cette seule idée. - Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir envie d'être ce père, Marius... Tu ne peux pas me demander d'agir comme avant, comme si rien ne s'était passé. Si ton père est celui qui t'a tiré dessus, alors laisse-moi... Essayer d'être meilleur que lui... Je me mords la lèvre. Je ferme les yeux, serre le poing. Je suis un meurtrier, Marius. Je suis un bagarreur, depuis toujours. Je suis turbulent, je suis provoquant, je suis exaspérant. Je suis chiant, même, et je suis violent aussi, parfois. Mais je ne conçois pas que l’on puisse tuer, réellement tuer, que l’on puisse ne serait-ce que vouloir tuer quelqu’un. Je conçois encore moi que mon père puisse le faire volontairement. Si je sais depuis des mois que mon père et ma mère, que mon père, ma mère et mon frère sont des Hunters… Je suis un meurtrier aussi. Je serre le poing. Tu ne peux pas me demander d’agir comment avant. Et bien je ne le fais pas ; qu’il soit heureux. Moi, la seule chose que je veux, c’est que ce monde tourne rond, plus ou moins, qu’il tente de tourner rond dans une certaine logique. Je veux que mon père soit un roc, qu’il soit le modèle de Martial, le mari de ma mère, je veux que mon père soit celui qu’il est, et que moi, je sois celui qu’il veut que je sois. Et en même temps, je veux être moi. Je me mords la lèvre, incapable, toujours aussi incapable, de formuler à voix haute mes pensées. Marius est bâillonné. Ce qu’il dit, le Marius, c’est cette défaite et cette reddition auxquelles il ne peut que se plier. L’important, c’est que ça ne se reproduise pas. La question est sincère, la remarque me semble pertinente. Me semble évidente. Ses excuses, je n’en veux pas, je crois. Elles ne vont pas faire remonter le temps, elles ne vont pas me soigner, elles en vont pas faire disparaître d’un claquement de doigt ce bandage qui m’enserre, ce bandage qui m’empêche de respirer, ce tiraillement constant à mon côté qui me rappelle ce qu’il a fait. Mon regard quitte le plan de travail, retrouve mon père.

Et je me crispe instantanément lorsque je le vois se redresser. Réflexe du gosse apeuré, réflexe du gosse traumatisé. Son regard à lui se fait dur, l’angoisse revient, s’intensifie. J’ai envie de m’excuser, j’ai envie de reculer, j’ai envie de m’enfuir sous ce regard qui se rapproche un peu trop de celui qu’il m’a asséné, là-bas. Mes phalanges blanchissent sous la tension, agrippées au plan de travail. - Je ne sais pas, Marius. Je n'ai qu'une certitude, c'est que plus jamais je ne pourrais te menacer d'une arme. Mais je sais bien que ta question ne concerne pas que toi. Et tu sais également qu'on ne change pas un homme si facilement. Je sais bien que ta question ne concerne pas que toi. Oui, tu sais bien. Je ne pensais qu’à moi, mais je viens d’extrapoler à ceux qui m’entourent. Tu ne pourras plus me menacer d’une arme, Papa, oui, mais… Et mon fils ? Et ma fille ? Et mes amis ? Et Crescentia ? Eux, potentiellement mutants, est ce que tu les menaceras ? « C’est très simple de changer un homme, pourtant. Il suffit de lui tirer dessus en le regardant dans les yeux, ou d’être le tireur. C’est très efficace, aux dernières nouvelles. Si tu veux, j’ai une épaule qui est indemne. Ou tu as une petite place à ce niveau là, il parait que les organes qui sont derrière ne sont pas très toxiques. » Mes doigts pointent une partie de mon torse, au hasard. Je suis injuste, je le sais. Mais qu’il ne me redise pas qu’on ne peut pas changer un homme si facilement. Il a bien réussi à me briser d’une seule balle, il a bien réussi à se briser d’une seule balle. Et je suis en train de me dire que s’il faut qu’il recommence pour comprendre que tuer n’est pas acceptable, je veux bien qu’il vise la tête cette fois.

Je suis injuste, je le sais. Je le sens. Et, preuve supplémentaire que je suis irrémédiablement brisé, je culpabilise. Il s’en veut, c’est évident, même lui ne pourrait simuler ces sanglots qu’il contient. Je suis injuste, je suis brutal dans ces répliques qui sont suffisamment violentes pour franchir ce barrage que la terreur impose à mes lèvres. Alors je lui dois moi aussi des explications. Il faut qu’on mette les choses au clair, aussi. Il faut qu’il comprenne que je n’ai pas voulu être comme ça. J’ai essayé, pourtant. J’ai voulu l’ignorer, j’ai suivi les conseils de mon frère, j’ai appris à contrôler en surface cette mutation pour ne pas l’utiliser, j’ai tenté de la détruire par un vaccin mais… mais c’est ce que je suis. Je suis un mutant en plus d’être une déception. Un mutant dans une famille de Hunters. Je suis le vilain petit canard jusqu’au bout, je suis la honte de mon père, je suis celui qui l’aura détruit, qui l’aura brisé, qui l’aura mené aux pires extrémités par sa simple existence. Je suis désolé, Papa, d’être non seulement indigne de toi mais en plus de cumuler à ce point tout ce que tu détestes. - Je t'interdis de t'excuser, Marius, c'est clair ? Je me crispe, mon visage se durcit instantanément sous ces mots. Il m’interdit quelque chose, vraiment ? « S'il y a quelqu'un qui a fait une erreur dans cette pièce, c'est moi. Tu viens de me dire que les remords ne faisaient pas avancer les choses, alors ne t'excuses pas d'être ce que tu es. Un bon père accepterait ce qu'est son fils, et je veux que tu me promettes une chose : Ne touche plus jamais au vaccin, est ce que c'est clair ? Ce sont des saloperies, bourrées d'effets secondaires... Il m’interdit quelque chose, il veut quelque chose, il me demande si c’est bien clair. Cette attitude, si semblable à nos autres discussions, me fait l’effet d’un électrochoc. Mais son mouvement dans ma direction, son mouvement qui traverse la pièce réveille une angoisse sourde. Et je fais un pas en arrière, un deuxième, cherchant contre le mur, contre les placards, contre le frigidaire, contre ce que je trouve un semblant de protection. Même s’il lève les mains, même s’il se tient loin de moi, le seul fait de le voir bouger dans la pièce suffit à attiser ma terreur. A réveiller la douleur. Et ça m’empêche de parler. - Je le sais mieux que quiconque et toi aussi : Même avec toutes les bonnes intentions du monde, un remède est un véritable poison s'il n'est pas correctement mis au point. J'ai peut-être commis bien des erreurs de jugement, mais ce vaccin je le connais sur le bout des doigts pour en avoir analysé la formule. Il détruit le gène mutant et parasite ton organisme, certains voient leur système immunitaire détruit, d'autres perdent la vue ou l'ouïe... Ce vaccin a été fait par-dessus la jambe, il est honteusement mis en libre service et je ne veux pas que tu t'en serves, c'est compris ? Ma voix est faiblarde, lorsque je tente de riposter. « Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire ». Si le ton est ferme, la force n’y est pas et mes mots s’échouent sans vitalité. Je le suis du regard, je le vois reposer des flacons que je reconnais sur la table du salon. Et je l’observe, dubitatif, se réfugier à nouveau de l’autre côté de la pièce. - Tu es déjà malade, Marius, ton cœur va mal... Je ne suis pas idiot et je connais mon métier. Si ce vaccin peut détruire un système immunitaire, je n'ose pas imaginer ce qu'il pourrait faire pour ton cœur. Maintenant... « Maintenant ? » Je répète en écho, comme le pousser à poursuivre. Je le sais bien, que mon cœur est malade. Je l’ai bien compris, aussi, que l’aggravation brutale de ma malformation n’est pas naturelle, loin de là, et qu’elle est liée plus ou moins et à ma mutation, et à mes deux vaccinations. Je n’ose pas imaginer ce qu’il pourrait faire à ton cœur. Le détruire, voilà ce qu’il fait. Il le détruit, petit à petit. Voilà la vérité, Papa, m’entends-je articuler en silence. Tu as non seulement un fils mutant, mais tu as un fils mutant qui ne peut pas refuser de l’être sous peine de mourir plus vite. J’ai le choix entre être un mutant fils de deux Hunters, ou être mort. Ce qui est plutôt synonyme. Maintenant, j’aimerais savoir la fin de ta phrase. Quelle est ta solution miracle, Papa ? - Tu as dis vouloir être normal. Tu le veux pour toi ou pour le regard des autres ? Cette mutation te gêne personnellement ou tu as peur qu'un autre fou ne te tire dessus ? Tu n'as pas être désolé si faire disparaître ta mutation n'est pas ton choix, Marius. Ce n'est pas à moi ni à qui que ce soit d'autre de te l'imposer. En revanche... Je songe à cela depuis quelques temps déjà. A remanier la formule pour la rendre plus efficace et moins nocive... J'en avais rapidement discuté avec le directeur des laboratoires Holgersen, sans succès. Maladroitement, j’articule un tu n’es pas fou aussi mensonger que peu convaincu. Il faut que j’aille m’allonger, je le sais. Cette discussion m’épuise, tout autant que cette tension qu’implique sa présence. Tout autant, aussi que les sujets qu’on aborde. Tu n’as pas à être désolé si faire disparaître ta mutation n’est pas de ton choix. Ahaha… en voilà une excellente, de blague. Je secoue la tête. Ma mutation, je n’aime pas en parler. Je n’en ai jamais vraiment parlé, c’est un sujet qui me met mal à l’aise. Et face à mon père, mon père qui m’a tiré dessus, l’idée me rebute bien davantage encore. - Tu m'as demandé ce que je comptais faire, tu as ta réponse. Si tu veux réellement te débarrasser de ta mutation, laisse-moi t'aider à concevoir un sérum plus efficace et moins dangereux. Mais ne touche plus jamais à une seringue de NH24...

Je le fixe, sans le voir. Je le fixe, sans l’entendre. Je le regarde, sans être capable de décrire ce qu’il est, ce qu’il pense. Un sérum plus efficace et moins dangereux ? « Tu peux le concevoir tout seul, je ne te serai d’aucune utilité. » Je laisse les mots filer comme pour le faire attendre. Sa voix, son attitude, mon père ressurgit bien avant moi, il est là, à quelques pas. J’ai presque l’impression qu’il n’attend qu’une chose : que je hurle, que je l’insulte, que je proteste, que je refuse ce qu’il me dit. Ma mutation, je ne sais pas ce que j’en pense. Elle ne me sert à rien, elle ne sert à rien. Ce n’est au fond qu’une particularité qui me différencie du reste, ce n’est qu’un prétexte supplémentaire pour que mon père me dét… pour que je sois la honte de ma famille. « Papa, écoute, je sais pas… je sais pas ce que je veux. Ma… » Je serre le poing, fais dégringoler ma densité et regarde ma main, comme pour essayer de voir une trace visible de cette anormalité que moi-même je n’arrive pas à appréhender correctement. « ce que je suis… ça fait juste partie de moi. Et… c’est comme… c’est comme ma cleptomanie ou mon allergie aux fraises : c’est ce que je suis. Si on me l’enlevait, elle ne me manquerait pas. Mais après… elle est là, juste là. Elle ne m’empêche pas de vivre, elle… elle ne sert à rien. » Ma voix s’étrangle dans ma gorge dans une pointe de douleur qui m’empêche un instant de réfléchir.

- A ce propos... Que fait-elle ? Je veux dire, ta mutation... La curiosité de mon père perce le brouillard de ma fatigue et mon premier réflexe est à nouveau de porter mon regard vers les flacons posés à mi-chemin entre mon père et moi. En temps normal, j’aurais été sur la défensive. En temps normal, mon premier réflexe aurait été de rétorquer un acide elle t’emmerde pour le faire taire, couper court à la conversation mais plus encore pour effectivement l’emmerder. Mais là… Je contrôle ma densité. C’est la réponse la plus simple, sobre et efficace que je puisse lui fournir. Mais Marius me donne un petit coup de poing dans le dos. Il n’a jamais aimé la facilité. Et moi non plus je ne l’aime pas. Parce que Marius est là, prêt à refaire surface, il tremble juste dans un coin de peur que mon père ne le mate à nouveau. « Je ne sais pas exactement. » C’est de la franchise dénuée de tout faux-semblant qui s’articule entre mes lèvres. « Je… je sais que je peux j… » Jouer ? Mais que connait mon père des jeux ? Il n’y a que le travail, l’exactitude, le sérieux et la rigueur dans son univers. « modifier ma densité. Ma musculature, mes organes, tout mon organisme reste le même, c’est juste sa densité qui… » bouge ? Scientifique, Marius. Sois précis, sois rigoureux. Qu’as-tu fait, Papa, qu’as-tu fait de ce gosse qui s’exprimait aux antipodes de ton élocution juste pour te faire chier ? Regarde moi, à choisir mes mots, à les sélectionner avec une minutie qui fait hurler l’hyperactif de frustration. « fluctue. C’est… compliqué, je crois. En six ans, je ne me suis jamais trop intéressé à la question. » Et je ne veux pas m’y intéresser. « Je… » Mes jambes se dérobent sous moi sans prévenir, mettant à exécution les menaces qu’elles me chuchotaient depuis plusieurs minutes. J’étouffe un petit gémissement en me rattrapant au plan de travail. Il faut que je m’allonge. Le mouvement brutal m’essouffle. Je tire sur mon bras indemne pour me redresser. Ma mutation est là, qui amoindrie ma densité comme pour me permettre de plus facilement me tenir debout. Poids moindre, sûrement trop, je tiens plus facilement sur mes jambes. « Dans tous les cas, je te promets que je ne suis pas dangereux, je peux rien faire de… je suis toujours le même. Juste un peu plus… défaillant. »

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Hippolyte Caesar
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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeLun 15 Fév 2016 - 2:12

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Hippolyte & Marius



S'il l'avait voulu, Hippolyte aurait pu exploiter cette terreur qu'il avait réveillé chez Marius. Il aurait pu en jouer pour en fait le pantin bien obéissant qu'il avait toujours voulu avoir. D'un claquement de doigt, il pouvait désormais l'amener à se recroqueviller dans un coin en acceptant purement et simplement tout ce qu'il pourrait lui dire. Seulement la culpabilité et les remords d'Hippolyte étaient bien trop grands, bien trop ancrés dans sa chair pour qu'il songe un seul instant à se servir de la peur que sa présence réveillait chez Marius. Il avait montré de la pire des manière qui soit de quoi il était capable : Du pire. Il le voyait dans chacun des gestes de son fils, il le rendait nerveux, l'acculait au mur tel un animal blessé et le faisait se crisper plus que de raison. Convalescent, le jeune homme n'avait certainement pas besoin de ça. Hippolyte aurait pourtant voulu s'approcher, le soutenir, lui montrer physiquement sa présence... Une quinzaine de mètres les séparait et pourtant, ils avaient tous les deux le sentiments que ce n'était pas assez. Lorsqu'Hippolyte se redressa, Marius se crispa, et ce geste n'échappa pas à son père. Quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, désormais son fils avait trop peur de lui pour lui tenir tête. Seulement, ça ne l'empêchait pas pour autant de lâcher quelques piques acides et désagréables.

- Tu t'écoutes parler, Marius ? Et m'as-tu seulement entendu ? Tu penses sincèrement qu'après ce qu'il s'est passé je vais à nouveau te tirer dessus comme si c'était normal?Tu veux une promesse ? Très bien. Si tu trouves le moindre cadavre portant, d'une manière ou d'une autre, ma signature, tu n'auras qu'à tirer dans la mienne, d'épaule. Ou où ça te chante, d'ailleurs.

Il savait que même enrobée d'autant d'acidité, cette promesse il devrait la tenir. Ne plus tuer... Pour un hunter convaincu que le seul remède à une mutation c'était un crâne plombé. S'il n'y avait eu que lui, peut-être aurait-il pu tenter de changer, mais il y avait Victoire... Lorsqu'elle reviendrait, quel serait son avis sur cette histoire ? Comment prendrait-elle le fait qu'Hippolyte ait renoncé à tuer ? Lui-même n'arrivait pas à s'imaginer autrement que dans la peau d'un tueur. C'était là, ancré dans sa chair, imprimé dans ses gênes... Du haut de ses vingt sept ans, Marius ne semblait pas encore comprendre que le monde était loin d'être aussi rose qu'il le voulait. Et surtout, il aurait probablement pris ses jambes à son cou en voyant avec quelle aisance et quel détachement son père était capable de tuer. Car s'il y avait bien une chose qui caractérisait les meurtres d'Hippolyte, c'était bien le calcul et la froideur.

Alors qu'il s'avançait pour poser ses comprimés sur la table, gardant une distance respectable avec Marius, celui-ci recula avec l'envie évidente de se fondre dans le meuble le plus proche. Et le voir ainsi le fuir, le craindre... Hippolyte sentait à nouveau la tristesse l'envahir et le submerger. S'il n'avait jamais été très friand des démonstrations affectives, il n'était pas pour autant du genre à fuir tous les contacts humains, surtout avec ses enfants. Il était un frein à la guérison de Marius et tentait de chasser de son esprit cette impression d'être un parasite.

- Je n'ai peut-être pas à te dire ce que tu dois faire lorsqu'il s'agit de sortir de chez toi mal rasé ou d'aller séduire la première venue dans la rue, mais il est question de ta santé, ici. Que tu le veuilles ou non, je m'en inquiète, et si tu t'obstines à vouloir te vacciner avec quelque chose qui attaque ton cœur... C'est que tu es suicidaire, Marius. Et si c'est le cas, c'est autrement plus grave que quelques considérations sur ce qui est normal et ce qui ne l'est pas.

Mais ce qui frappa plus encore Hippolyte, ce fut le détachement de Marius vis à vis de sa mutation. Il ne semble ni la haïr, ni y être attaché. Elle était là et il s'en contentait, tout comme il aurait pu continuer à vivre normalement sans elle. Hippolyte ne pouvait concevoir que l'on ait si peu d'attachement ou de rejet pour quelque chose d'aussi important qu'un don... Surnaturel. Il avait presque le sentiment que ce n'était pas seulement la mutation mais plutôt sa personne tout entière, pour laquelle Marius n'avait pas plus d'attachement que cela. Qu'il soit là ou qu'il n'y soit pas, ça n'aurait rien changé, si on l'écoutait. Si l'on était très rationnel et objectif, aucun être humain n'était indispensable pour la bonne marche du monde. Tout au plus, certains tentaient de le faire avancer en créant, en inventant, en mettant son talent au service du plus grand nombre... Mais chacun devenait vital et indispensable au sein d'un monde bien plus petit, bien plus précieux, bien plus fragile... Une famille. Hippolyte se demandait si Marius avait songé à cela. Il l'avait entendu se fiche royalement se savoir si oui ou non son cœur leur tuerait, il l'entendait à présent lui dire que sa mutation n'avait pas d'importance. Il voulu lui hurler qu'il n'y avait pas qu'à Samuel ou son frère qu'il manquerait, s'il continuait à jouer à l'idiot, mais il se contint de justesse.

- Justement, Marius. Jusqu'à preuve du contraire, tu n'as jamais cherché à te vacciner d'une quelconque manière pour lutter contre ton allergie aux fraises ou ta cleptomanie ? Et tu viens très bien avec, n'est ce pas ? Je ne cherche ni à te convaincre de garder ta mutation – ce serait plutôt ironique de ma part – ou à t'en dissuader, je cherche simplement à comprendre pourquoi tu accordes aussi peu d'importance à des choses capitales qui font de toi ce que tu es. Tu te sens dispensable à ce point ?

C'était une vraie question, pas une provocation. Il y avait bien des mystères entourant Marius qui restaient de véritables énigmes pour son père. Il était passé à côté de trop de choses, pendant trop d'années pour parvenir à comprendre son fils aussi facilement. Il comprenait à présent que Marius cachait ses malaises derrière une apparente assurance, mais que tout son personnage était une création servant à camoufler son être profond.

- La nature n'aime pas l'inutile. Elle ne t'aurait pas doté d'une mutation si elle n'avait pas un intérêt quelconque. Ce qui me chiffonne, c'est que tu sembles n'en avoir véritablement rien à faire... Qu'elle soit là, qu'elle n'y soit pas, ça t'est égal, je me trompe ?

Hippolyte avait rencontré bien des mutants, depuis qu'il chassait. Des mégalomanes se croyant supérieurs aux autres, qui chérissaient leur mutation comme un joyau rare, ceux qui la haïssait au point de la rejeter et de souhaiter s'en débarrasser, et ceux qui la mettait soit au service du bien commun, soit pour leurs profits personnels. Mais jamais il n'avait croisé un seul mutant aussi blasé et détaché que Marius. Alors il lui demanda de quoi il était capable, pour comprendre en quoi cette mutation pouvait être utile. Et chose unique et paradoxale, Marius sembla hésiter dans le choix de ses mots. Des termes soigneusement choisis, plus proche d'une véritable analyse scientifique que de la constatation d'un néophyte. Hippolyte ne fit pas de commentaire pendant que Marius parlait, se contentant de l'écouter, mais il n'eut pas le loisir de lui répondre car déjà, le jeune homme vacillait sur ses jambes.

Cette fois, Hippolyte ne pu contenir son geste. Il fit deux pas en direction de son fils, avant de se souvenir que celui-ci refusait qu'il l'approche.

- Je sais que tu as peur, Marius... Mais je ne te veux aucun mal. Je veux simplement t'aider... Tu veux bien me laisser approcher, que je t'aide à aller jusqu'au canapé ?

Il y avait une douceur peu commune, dans sa voix, une patience qu'on ne lui connaissait pas. Et si Marius refusait son aide, alors il n'insisterait pas. Seulement, il lui suffisait d'imaginer son fils chutant sur le carrelage froid de la cuisine, incapable de se relever, pour réveiller chez lui cette angoisse qui lui avait serré la gorge quelques minutes plus tôt.
Parallèlement, il songeait à ce que Marius lui avait dit. Il était capable de faire varier la densité de son corps, et un nombre incroyable d'utilisations d'un tel don s'imposèrent à l'esprit d'Hippolyte.

- Pour une mutation qui ne sert à rien, je lui trouve bien des avantages, figure-toi ? Tu n'as jamais essayé d'alléger le poids de ton cœur pour lui faciliter la tâche en permanence ? Réfléchis un peu... Si l'on extrapole, tu dois même être capable de planer en l'air, je n'appelle pas ça une mutation qui ne sert à rien.

Et ce n'était pas la seule idée qu'il avait en tête. Avec une densité poussée à l'extrême, il aurait pu par exemple s'aventurer dans les fonds marins, dans des zones inexplorées, recueillir des échantillons végétaux... Il aurait fait le bonheur des géologues et des zoologues. Mais plus que cela, Hippolyte restait persuadé qu'en trouvant le bon équilibre avec sa mutation, Marius pourrait soulager son cœur. C'était là la preuve qu'il lui fallait pour se convaincre que cette mutation était indispensable à son fils.

- Marius... La seule chose qui est défaillante chez toi, c'est ton cœur. Tu me fais réaliser que ce n'est pas tant la mutation que le caractère de l'individu, qui donne son degré de dangerosité. Laisse-moi le temps d'accepter cette idée et de... De t'aider. Si tu étais toujours le même, tu m'aurais traité de connard au mois cinq fois ces vingt dernières minutes...

Pour accompagner cette tentative d'humour maladroite, il esquissa un sourire. Il n'avait pas bougé, attendant un accord ou un rejet de la part de Marius. Il sentait que le jeune homme fatiguait, et s'il mourait d'envie de continuer à discuter avec lui, pour tenter d'établir une sorte d'équilibre entre eux, pour comprendre sa mutation et l'accepter, il avait conscience d'avoir depuis de nombreuses minutes poussé le bouchon un peu loin.

- Je ferais mieux de te laisser, tu as l'air épuisé...

Il attrapa le flacon de pilule posé sur la table et le tendit à Marius, surveillant le moindre de ses gestes comme s'il guettait la moindre nouvelle faiblesse de ses jambes. Que n'aurait-il pas donné pour changer les événements de la semaine passée ? Il regrettait presque le temps où Marius n'hésitait à venir lui cracher au visage à quel point il le détestait. Il était finalement nostalgique d'un Marius qu'il connaissait par cœur et savait maîtriser.



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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeLun 15 Fév 2016 - 22:47

it's an endless nightmare
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Je n’ai qu’une certitude, c’est que plus jamais je ne pourrais te menacer d’une arme. Je le crois. J’ai envie de le croire, malgré l’absence complète de confiance. J’ai envie de le croire, alors même qu’il y a une semaine et demi, je ne le pensais pas vraiment capable de me tuer. Et pourtant… elle est là, mon angoisse, elle est là cette preuve irréfutable qu’il en est effectivement capable. Je tremble, je me crispe au moindre de ses mouvements, sans pouvoir me contrôler. Il n’a qu’une certitude ? Moi j’en ai plusieurs. S’il ne change pas, s’il ne change définitivement pas alors qu’il m’a dit et redit qu’il était un meurtrier, alors je ne serai peut être plus en danger, mais tout mon entourage le sera. Te doutes-tu une seule seconde, Papa, du nombre de mutants que je côtois ? Es-tu en train de me promettre de ne plus jamais me tirer dessus tout en insinuant que mon fils, que ma fille, que Crescentia, que mes amis pourraient avoir eu aussi à trembler devant toi ? Ma voix s’empare de mes pensées, les déforme pour en faire ressortir leur colère implicite. Je refuse que tu ne changes pas, Papa. Et s’il faut que tu me tires à nouveau dessus pour que tu comprennes que tu n’as pas le droit d’être un assassin, alors vise mon torse une nouvelle fois, vise mon cœur, vise ma tête qu’on en finisse. Je suis injuste, je suis agressif malgré ma voix toujours aussi calme. Je n’ai pas haussé le ton, pas une seconde, je me suis contenté d’acidifier mon propos d’une voix fatiguée. Injuste, cynique, presque sarcastique… ce n’est pas moi qui parle. C’est ce qu’il a fait de moi. Il a réveillé le Marius qu’il voulait avoir. Et quelque part, je suis certain que tout comme moi, il le déteste ce Marius. - Tu t'écoutes parler, Marius ? Et m'as-tu seulement entendu ? Tu penses sincèrement qu'après ce qu'il s'est passé je vais à nouveau te tirer dessus comme si c'était normal ? » Je préférais savoir que tu peux un jour me tirer à nouveau dessus plutôt que de te savoir menacer la vie de mon gosse, je pense silencieusement. « Tu veux une promesse ? Très bien. Si tu trouves le moindre cadavre portant, d'une manière ou d'une autre, ma signature, tu n'auras qu'à tirer dans la mienne, d'épaule. Ou où ça te chante, d'ailleurs. C’est une promesse ? C’est une promesse de ne plus tuer ? Pas tout à fait. Un rire triste et désespéré se glisse entre mes lèvres, sans aucune joie. Mauvaise idée, Marius, mauvaise idée de contracter comme ça ton diaphragme. « Parce qu’en plus d’être un assassin, tu es un psychopathe qui signe ses cadavres ? Tu fais quoi, tu paraphes leurs omoplates comme le coin inférieur d’un contrat ? » Je ne m’attendais pas à oser articuler ça à voix haute. Quelque part, la présence de mon père soigne mon incapacité à parler. Quelque part, aussi, il réveille celui qu’il a tué.

Pour aussitôt l’abattre un nouveau tir bien ajusté. Il bouge, je recule par réflexe. Mon dos heurte un placard, je m’y plaque comme un peu plus tôt contre la porte, indifférent aux suppliques de mon organisme. Il m’interdit de m’excuser, il veut une promesse de ma part, il me demande si c’est bien clair ; je lui interdis de me parler comme ça, ses promesses, il peut se les foutre là où je pense et je lui demande d’aller voir ailleurs. En pensées. Si j’ai réussi à persifler tout à l’heure, là… c’est ma terreur qui me rend muet. Et je parviens juste à souffler d’une voix faible qu’il n’a pas à me dire ce que je dois faire. - Je n'ai peut-être pas à te dire ce que tu dois faire lorsqu'il s'agit de sortir de chez toi mal rasé ou d'aller séduire la première venue dans la rue, mais il est question de ta santé, ici. Que tu le veuilles ou non, je m'en inquiète, et si tu t'obstines à vouloir te vacciner avec quelque chose qui attaque ton cœur... C'est que tu es suicidaire, Marius. Et si c'est le cas, c'est autrement plus grave que quelques considérations sur ce qui est normal et ce qui ne l'est pas. Je ne peux pas fermer les yeux, je… C’est que tu es suicidaire. Suicidaire, moi ? J’aimerais lui dire que je ne le suis pas, mais vu mon comportement inconséquent lorsqu’on regarde mon cœur, je dois bien admettre que la question est légitime. Je décrispe mes muscles lorsqu’il retourne à son poste.

Un sérum plus efficace, moins risqué, que le NH24. C’est ce qu’il me propose, c’est ce qu’il me promet. Je ne suis pas très au fait des considérations médicales, administratives et juridiques des vaccins, mais rien que de confronter les laboratoires Holgersen aux entreprises Caesar, je sais que ce n’est pas simple. Et que ce n’est pas sans risque. Mais si je le veux vraiment… ? Je ne sais pas. Ce que je pense de ma mutation ? Honnêtement… honnêtement, je n’en sais rien. C’est une franchise brutale qui dégringole de mes lèvres, alors que je reprends ma place, soutenu par le plan de travail qui s’élève, comme un mur infranchissable, entre ma cuisine et le reste de mon salon, entre lui et moi. Ma mutation… elle est là, elle fait partie de moi, au même titre que mes cheveux blonds, au même titre que ma malformation cardiaque, au même titre que mon hyperactivité et que ma cleptomanie. Ce n’est rien de plus, et rien de moins à mes yeux, qu’une défaillance supplémentaire. Elle est là, elle est juste là. Et je ne sais pas ce que j’en pense parce que j’essaye de ne pas y penser en règle générale. Justement, Marius. Jusqu'à preuve du contraire, tu n'as jamais cherché à te vacciner d'une quelconque manière pour lutter contre ton allergie aux fraises ou ta cleptomanie ? Et tu viens très bien avec, n'est ce pas ? Je ne cherche ni à te convaincre de garder ta mutation – ce serait plutôt ironique de ma part – ou à t'en dissuader, je cherche simplement à comprendre pourquoi tu accordes aussi peu d'importance à des choses capitales qui font de toi ce que tu es. Tu te sens dispensable à ce point ? Tu te sens dispensable à ce point ? Sa question fait écho à l’une de nos discussions, avant. Elle fait résonner mes larmes et mes sanglots. Elle ravive une colère latente et une indécision qui me tue à petit feu. Il veut vraiment qu’on en parle, il veut vraiment qu’on parle de mon cœur ? Tu m’as tiré dessus, Papa, tu as essayé de me tuer et tu me traites de suicidaire, vraiment ? « Si je me sens dispensable ? On en reparle du flingue pressé contre mon flanc ou on attend un peu ? » On en reparle de ce bandage qui m’enserre le torse ? Je ne fais pas que me sentir dispensable, Papa, je le suis. Je le sais. Nous le sommes tous à des niveaux plus ou moins élevés. Tu t’entends parler, Papa ? Je pâlis, me demandant brutalement si je me suis contenté, comme voulu, de penser ces questions.

- La nature n'aime pas l'inutile. Elle ne t'aurait pas doté d'une mutation si elle n'avait pas un intérêt quelconque. Ce qui me chiffonne, c'est que tu sembles n'en avoir véritablement rien à faire... Qu'elle soit là, qu'elle n'y soit pas, ça t'est égal, je me trompe ? J’hausse les épaules pour toute réponse. Il ne se trompe pas. Il ne se trompe que rarement, à dire vrai. Il ne se trompe pas, et je suis fatigué d’avoir envie de rétorquer, de mentir juste pour le simple plaisir de le contredire. Ma mutation est là, point, c’est tout ce que je sais. Si j’ai eu envie d’en savoir plus à son propos face à mon frère, il a si brutalement et efficacement douché mon enthousiasme que je n’ai pas voulu la regarder en face pour lui demander de m’expliquer en quoi elle consistait. Et c’est bien ça le problème de la question qui ne tarde pas à pointer. Que fait-elle ? C’est…compliqué. Je commence par rejeter l’explication la plus simple et la plus obscure que je puisse donner. Ce qu’elle fait ? Je ne sais pas exactement. Je cherche mes mots. Je me surprends à surveiller ce que je dis, à vouloir me montrer le plus précis possible, moi l’éternel brouillon. Je ne me suis jamais trop intéressé à la question, je m’apprête à conclure mon explication hasardeuse. Je… Mes jambes se dérobent, je ne me rattrape que de justesse au plan de travail dans un gémissement involontaire.

Une larme dégringole ma joue : je me suis appuyé sur mon poignet plâtré. Du coin de l’œil, je vois mon père s’approcher et la terreur augmente encore. « T’approches ! » Ma voix cassée me fait pitié. Je me fais pitié. Vraiment. Et j’en pleure de frustration, je me mords la lèvre pour retenir mes larmes, pour centraliser la douleur sur ce sang qui menace à son tour de perler et de saturer ma langue d’un goût métallique. - Je sais que tu as peur, Marius... Mais je ne te veux aucun mal. Je veux simplement t'aider... Tu veux bien me laisser approcher, que je t'aide à aller jusqu'au canapé ? Surtout, ménage-toi, Marius. Pas longtemps debout, je veux ta promesse que dès ton arrivée à l’appartement, tu t’allonges. Il y a bien quelqu’un qui vit avec toi ? La voix du médecin s’inquiète à mes oreilles, en parallèle de la voix de mon père. Des mensonges, voilà ce que je lui ai répondu. Je suis pathétique. Je me fais pitié, ma faiblesse me fait pitié alors même que je retrouvais pleinement mes capacités et que je recommençais à déborder pleinement de vitalité, la blessure de ma jambe n’étant qu’un vieux souvenir. Mais cette fois, je sais que ça va être pire. parce que ça n’a rien de comparable avec une fracture, c’est un épuisement qui est latent, qui annihile mon hyperactivité pour me vider de toute énergie. Je veux simplement t’aider. J’ai envie de lui hurler qu’il en a déjà suffisamment fait mais tout ce que je m’entends lui dire, c’est un constat, amer, de ce que je suis. Mon cœur bat à toute vitesse dans ma poitrine, pompant ce sang allégé qui pulse dans mes veines. Je ne suis pas dangereux, Papa, je te le promets. Je suis juste… plus défaillant.

- Pour une mutation qui ne sert à rien, je lui trouve bien des avantages, figure-toi ? Tu n'as jamais essayé d'alléger le poids de ton cœur pour lui faciliter la tâche en permanence ? Réfléchis un peu... Si l'on extrapole, tu dois même être capable de planer en l'air, je n'appelle pas ça une mutation qui ne sert à rien. Réfléchis un peu. Je hais cette phrase. Je la hais, vraiment, parce qu’il m’oblige à réfléchir. Je l’entends encore m’articuler ces trois mots d’une voix méprisante, avec un dédain sans pareil. Réfléchis un peu, Marius, si tu valais autre chose que ce bulletin que tu me ramènes, je n’aurais pas aussi honte de te voir porter le nom des Caesar. Je serre le poing. C’est ce que je lisais dans son regard. C’est ce que j’associe à ces trois mots. - Marius... La seule chose qui est défaillante chez toi, c'est ton cœur. Tu me fais réaliser que ce n'est pas tant la mutation que le caractère de l'individu, qui donne son degré de dangerosité. Laisse-moi le temps d'accepter cette idée et de... De t'aider. Si tu étais toujours le même, tu m'aurais traité de connard au mois cinq fois ces vingt dernières minutes...

Si j’étais toujours le même, je ne l’aurais pas traité de connard. Je ne serais juste pas resté dans la même pièce que lui. Ou je lui aurais envoyé mon poing dans la figure. Si j’étais toujours le même, je ne tremblerais pas de fatigue et d’appréhension, je ne serais pas au bord de la rupture. Tout, absolument tout, dans cette conversation me fatigue. M’épuise. Psychologiquement et physiquement. Je lance un regard vers le canapé. Un regard désespéré. Un regard revanchard. Non, je ne cèderai pas. Je ne veux pas m’y allonger, pas devant mon père. Je ne veux pas être le pantin de ce qu’il a fait de moi. Il faut croire que l’ancien Marius se débat, que l’ancien Marius se réveille, que l’ancien Marius, dans sa maladresse désespérée, piétine ma raison pour imposer son point de vue sur un sujet. - Je ferais mieux de te laisser, tu as l'air épuisé... « Reste. » La supplique jaillit de mes lèvres dans un murmure. Un murmure stupide, bien sûr. Pourquoi lui demander de rester, alors qu’un pas de sa part me pousser à me réfugier dans un coin de la pièce ? Parce que… je n’aurais pas dû quitter l’hôpital. Je mords la lèvre. Ma main indemne posée à plat sur le plan de travail, je me rends compte d’une chose : je ne suis pas capable de bouger. Je ne suis plus capable de bouger. Un silence glacial bat à mes tempes, mon père disparaît de mon champ de vision, lorsque je prends pleinement conscience que je ne suis pas convalescent. Je suis blessé. De la manière la plus effroyable que l’on puisse imaginer. Je suis blessé, et ça n’ a rien de comparable avec mes fractures, avec mes contusions, avec mes entorses. Je suis blessé, et ça n’a même presque rien de comparable avec cet arrêt cardiaque que j’ai frôlé il y a six ans. Je ne suis pas simplement infirme ou temporairement handicapé, comme avec une jambe dans le plâtre, je suis diminué. Vraiment. Violemment. Incapable de bouger, fixant le sol, je commence à paniquer. Mon portable est à terre. Ma chambre est à une éternité de là. Mon canapé est de l’autre côté du plan de travail. Mes pieds semblent peser une tonne, malgré ma densité que je réduis encore. Mon sang, plus fluide, traverse plus facilement mes veines, soulage mon cœur mais ça ne suffit pas. « J’utilise déjà ma mutation sur mon cœur, Papa. » J’articule lentement, avant de relever la tête dans sa direction. « J’arrive pas à bouger. » Où il est, le Marius qui redresse le menton, le Marius qui tient tête à son père, le Marius plutôt mourir que d’avouer la moindre faiblesse devant L’Ennemi ? Je ne pourrai plus jamais faire de cascade. Cette conviction s’insinue dans mes veines. « J’vais pas y arriver. » Je tente de garder mon calme mais ma voix se brise. Au moins, j’ai suffisamment de contrôle sur mes nerfs pour ne pas m’effondrer en pleurs de frustration à la seule idée que ce qui a toujours fait ma plus grande force, cette capacité sportive qui ne me quittait pas, m’ait été enlevée. J’en ai rien à faire qu’on me prenne ma mutation. Tout, tout mais pas ça. « Tu te trompes, je suis défaillant. Totalement défaillant. Je ne suis plus bon à rien, Papa. La nature n’aime pas l’inutile, c’est pour ça qu’elle m’a foutu une malformation cardiaque et une mutation qui s’empirent l’une et l’autre ? C’est pour se débarrasser de moi ? » Je crois ce que je dis. Je pense ce que je dis. Je ferme les yeux, le poing serré. Tu me fais réaliser que ce n’est pas tant la mutation que le caractère de l’individu qui donne son degré de dangerosité. Ah ça… oui, je ne suis pas dangereux. Je ne suis pas grand-chose, à cet instant. Est-ce qu’il se rend compte que s’il lui prend l’envie de s’approcher de moi, là, je n’aurai pas un seul mouvement de recul, parce que je suis tétanisé à la seule idée de me décroché de ce petit bout de table qui soutient mon poids, infime ? Je ne veux pas qu’il s’approche, mais je ne veux pas qu’il parte. Je suis fatigué. Si fatigué. « Aide-moi, Papa. Si tu pars… je vais être tout seul. Je… je n’ai prévenu personne. » La pression des derniers jours, l’état de choc que je me prends de plein fouet. Les excuses de mon père, la fatigue. Ma carrière dans le sport qui vient de se fermer de manière définitive vu mon état. Je m’effondre. Vraiment. Psychologiquement. « Pourquoi j’suis aussi con, hein ? Je veux pas qu’ils sachent que… que je suis comme ça. Je voulais pas qu’ils me voient comme ça. Je pensais pouvoir rentrer et m’occuper de moi tout seul. Moira est morte, Seth est je ne sais pas où, je ne voulais pas être faible, je ne voulais pas… » Je tremble. Tout mon corps tremble sous la pression et pourtant je le sais, je le sens, je ne dois peser à présent qu’une vingtaine de kilo. Mais toute la pression de ces dix derniers jours s’envolent. « Je suis même incapable de t’en vouloir parce que je ne peux pas gérer ça et que… aide-moi, juste cette fois… » Les mots n’ont rien à faire dans ma bouche, ils sont des étrangers. Et pourtant, ils sont là, dans mon esprit épuisé, anesthésié. Pendant quelques minutes, j’ai cru que nous retrouvions notre relation, celle d’avant. Mais non. Parce que je suis faible, parce que je suis diminué, parce que je ne suis plus capable d’être autonome, je m’écrase et je m’effondre devant le seul homme aux yeux duquel je voulais être indestructible. Comme lui pouvait l’être à mes yeux.

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Hippolyte Caesar
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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeMer 17 Fév 2016 - 1:06

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



« Parce qu’en plus d’être un assassin, tu es un psychopathe qui signe ses cadavres ? Tu fais quoi, tu paraphes leurs omoplates comme le coin inférieur d’un contrat ? »

Hippolyte plissa les yeux, son regard se faisant plus sombre, plus semblable à ce qu'il était d'habitude. S'il était toujours aussi désolé, c'était bien trop lui demander que de ne rien répliquer alors que Marius lui tendait une perche monumentale.

- Non je leur incruste la plume de mon Mont-Blanc dans les intestins pour être sûr qu'ils garderont une marque indélébile de mon passage, ça te convient ?

Si la remarque empestait l'humour noir de mauvais goût, elle ne fit ni rire, ni sourire Hippolyte. Il se savait à mille lieues du psychopathe ou du tueur en série, il n'avait pas de modèle de meurtre et surtout, il ne retirait aucune satisfaction narcissique ou personnelle à tuer. C'était un devoir, qu'il exécutait avec froideur et méthode. Sociopathe, voilà un terme qui le définissait davantage ! Si Marius avait souvent réponse à tout, son père le battait à plate couture sur ce terrain. Il aurait pu jongler ainsi avec le jeune homme jusqu'à ce qu'il se fatigue ! Seulement, ce n'était clairement pas le moment de s'adonner à l'une de leurs petites joutes verbales puériles, ils avaient clairement mieux à faire : Hippolyte venait ni plus ni moins de promettre à Marius qu'il ne tuerait plus. Et si les mots étaient faciles à prononcer, s'y tenir serait autrement plus compliqué. Comment expliquer à Victoire qu'il retournait sa veste ? Si toutefois elle revenait un jour... A l'idée de passer le restant de ses jours seul sans son épouse, Hippolyte sentit son cœur se serré d'angoisse. Après tant d'années passées à se soutenir, à veiller l'un sur l'autre, à confier ses moindres états d'âme, il ne s'imaginait pas vivre sans elle. C'était le meilleur moyen pour qu'il se renferme un peu plus sur lui-même, finalement. Il fallait à tout prix qu'il réussisse à la convaincre de revenir, et ce même si elle devait lui faire payer son infidélité et tout le reste pour les trente années à venir.

Marius le chassa alors de ses pensées en répliquant à nouveau avec la même acidité. Hippolyte ferma un instant les yeux, regrettant presque finalement le mutisme de son fils. Ou plutôt, il aurait voulu disposer d'une télécommande pour choisir les moments où Marius parlerait et ceux où il ferait mieux de se taire. Ainsi, il l'aurait peut-être sauvé de bien des claques et aurait probablement rendu service à la communauté toute entière. Cette fois, Hippolyte se garda bien de faire un commentaire, quand bien même en mourait-il d'envie. Le sérieux revint bientôt s'imposer entre eux comme une évidence, Hippolyte cherchant maladroitement à expliquer à Marius que sa mutation n'était peut-être pas si inutile que ça, et le jeune homme se murant à nouveau dans le silence. Ça lui coûtait, au chasseur, d'admettre qu'une mutation pouvait avoir un quelconque intérêt. Ça lui coûtait car ça allait à l'encontre de ses convictions les plus profondes, ça remettait en question tout ce qu'il considérait comme acquis... Mais il n'avait pas le choix. Embrasser son allégeance en niant la réalité, c'était rejeter une fois de plus son fils. Il avait juré qu'il était capable de changer, promis au jeune homme qu'il essayerait de racheter ses erreurs passées... S'il voulait avoir une chance, un jour, d'avoir la confiance de Marius, il fallait qu'il s'ouvre à lui et accepte ce qu'il était. A commencer par accepter sa nature de transmutant. Le vacciner de force avec un sérum imparfait, tenter à nouveau de le tuer, ç'aurait été reconnaître qu'il ne voulait pas de se fils qu'il avait en face de lui. Il n'avait pas besoin de se forcer pour admettre que c'était faux : Pour rien au monde il n'aurait voulu que qui que ce soit d'autre soit son enfant. Il n'aurait pas voulu d'un Marius à la carte, car alors il n'aurait plus vraiment été Marius. Alors que voulait-il, au final ? Un gamin ordinaire, sans mutation, sans hyperactivité, sans tous ces traits de caractère horripilant qui le faisaient sortir de ses gonds ? Pas tant que ça... Au fond, si Marius avait été calme, discipliné et poli, ses autres penchants auraient fini par lui manquer. C'était là tout le paradoxe de la chose : Hippolyte commençait tout juste à comprendre que s'il voulait se rapprocher de Marius, il fallait qu'il l'accepte tel qu'il était, et non comme il voulait qu'il soit. Le chemin serait long et semé d'embûches, c'était certain... Et avec le manque de patience de Marius, Hippolyte était prêt à parier que la moindre faute serait un carton rouge pour lui.

Hippolyte voyait bien que son fils peinait à tenir debout, et que les minutes défilant le rapprochaient de plus en plus du malaise. Seulement, il ne pouvait ni rester là à le regarder s'épuiser, ni se précipiter pour l'aider. Il ne pouvait que tenter de convaincre Marius que le mieux à faire pour sa santé était de le laisser l'aider à s'allonger sur le canapé. Il le voyait serrer le bord du plan de travers au point que les jointures de ses doigts blanchissaient à vue d'oeil, il le sentait se tétaniser à son approche et ne pouvait plus faire le moindre geste au risque de briser Marius. Jamais il n'avait vu autant de terreur dans son regard, une peur viscérale qui lui faisait monter les larmes aux yeux, des sanglots qu'il refoulait tant bien que mal. Ca lui coûta, de dire à son fils qu'il valait mieux qu'il le laisse... Et il fut surpris de l'entendre lui dire de rester. Un mot, un seul, qui ressemblait plus plus à supplique d'un enfant demandant à son père de ne pas éteindre la lumière en quittant la chambre à coucher. L'appel au secours d'un gamin qui voulait juste qu'on le rassure, qu'on lui prenne la main en lui disant que tout irait bien... Du haut de ses vingt sept ans, fier de sa carrure d'athlète, Marius était un enfant coincé dans un corps d'adulte bien trop grand pour lui. Hippolyte s'en mordit la joue de frustration, conscient d'avoir trop de fois manqué à son devoir de père en lui refusant ces quelques mots réconfortant qu'il lui réclamait aujourd'hui.

Un rictus étira ses lèvres lorsque Marius lui avoua utiliser sa mutation sur son cœur. Il l'avait cru idiot pendant bien des années... Un peu d'attention et de patience lui avaient récemment prouvé que le jeune homme était loin d'être bête. Il était même doté d'un esprit de déduction remarquable, et son père n'était finalement pas étonné de savoir qu'il avait déjà songé à utiliser sa mutation à son avantage. Mais son sourire se fana presque immédiatement. Il ne supportait pas les supplications de Marius, elles lui rappelaient sans cesse ses propres erreurs, sa propre culpabilité. Il ne pouvait plus l'entendre à ce point accepter la fatalité et se sentir si... Inutile. C'était inconcevable pour lui.

- Arrête... Je t'en prie, Marius, arrête... Ton cœur on peut le soigner, ta mutation on peut la contrôler... Mais c'est à toi de le vouloir, d'avoir la conviction que tu peux t'en sortir. Ne baisse pas les bras... Pas maintenant...

Elle planait au dessus de sa tête, l'ombre de la faucheuse, rodant autour de Marius en attendant le bon moment pour sectionner ce fil si fragile qui le raccrochait à la vie. Hippolyte ne pouvait imaginer un seul instant enterrer l'un de ses enfants. Il préférait encore se tuer à petit feu à la nicotine et finir six pieds sous terre à soixante ans que de vivre en ayant le sentiment qu'il aurait pu faire plus pour son fils. Et toutes les suppliques de Marius le percutaient de plein fouet, le faisant hésiter sur la marche à suivre. Il n'avait prévenu personne, pas même son frère, ni sa copine – si tant est qu'elle soit toujours là – ni la mère de Samuel... Quel inconscient ! Mais alors qu'il sentait Marius prêt à s'effondrer, son « Aide-moi, Papa. » fut le signe qu'il lui manquait.

Un pas, puis deux, et Hippolyte fut à ses côtés. Avec un geste qui se voulait à la fois doux et contrôlé, il passa un bras dans le dos du jeune homme et le sentit s'effondrer sur lui. Ses jambes s'étaient dérobées sous son poids et pourtant, il ne devait pas être plus lourd qu'un enfant d'une dizaine d'années. Chose curieuse pour un athlète de plus d'un mètre quatre vingt.

- Je ne partirai pas... Je vais rester ici jusqu'à ce que je sois sûr que tu vas bien et que tu ne manques de rien. Tu n'es pas bête, tu es simplement... Je ne dirais pas naïf mais pacifique que la plupart des gens qui vivent ici... Tu as eu le courage de te dresser entre moi et ton ami pour lui sauver la vie, j'ai du mal à voir de la faiblesse dans un tel acte...

Malgré le poids réduit de Marius, la fatigue d'Hippolyte était telle qu'il sentait ses propres jambes trembler. Seulement, c'était la première fois depuis des années qu'il avait un contact aussi chaleureux et humain avec son fils. Voilà qu'il se retrouvait à avoir cette grand gigue mal en point dans les bras, la tête de son fils posé sur son épaule tandis qu'il tentait maladroitement de le réconforter.

- Je ne suis pas très doué pour réconforter qui que ce soit... Je ne vais pas te faire un long discours pour t'expliquer pourquoi je ne suis pas d'accord avec toi. Mais laisse-moi t'aider cette fois et les suivantes. Je...

Il cherchait ses mots, perturbé par la situation, déterminé à trouver les mots justes sans faire dans le cliché ou l'exagéré, et c'était bien plus compliqué qu'il ne l'aurait cru. Seulement, il n'avait pas réalisé que Marius cumulait trop d'événements déstabilisant dans sa vie ces dernières semaines. Passer d'un enterrement à la crainte de voir son propre père le tuer, ce n'était pas rien.

- Tes amis aimeraient sûrement savoir comment tu vas, ils se font certainement du souci si tu ne leur donnes pas de nouvelles. Ce n'est pas être faible que de se reposer sur les gens qui tiennent à toi. Il n'y a que les idiots pour se croire au dessus de ça.

Inconsciemment, il s'incluait dans ce lot. A force de tenir tout son entourage, à l'exception de Victoire, loin de lui, il avait fini par se rendre plus antipathique que jamais. Après un long moment de licence, il fini par se demander s'il n'aurait pas mieux fait de ramener Marius à l'hôpital. Dans un sens, c'était peut-être la meilleure chose à faire, mais il aurait par la même occasion brisé sa promesse, celle de rester à ses côté jusqu'à ce qu'il aille mieux. Alors il préféra passer un bras autour de ses épaules pour l'accompagner jusqu'à sa chambre. Il ignora les vêtements jetés ça et là sur le sol, dégagea un ballon qui traînait et risquait de les faire tomber, et aida Marius à s'allonger.

- Je reviens, je vais chercher tes médicaments.

Sans un mot de plus, il quitta la chambre, récupéra le flacon de comprimés et revint avec un verre et une bouteille d'eau. Après avoir tendu à Marius le verre plein et deux cachets, il s'agenouilla près du lit pour être à sa hauteur.

- Je ne suis désolé de ne pas être capable de trouver les mots justes pour te rassurer, Marius... Je pense être la dernière personne au monde capable de le faire. Mais je vais rester à ton chevet jusqu'à ce que tu te sentes mieux. Ou que tu en aies marre de voir la tête de ton vieux père.

Un sourire triste s'étira sur ses lèvres, tandis qu'il avait l'impression de revenir vingt ans en arrière, le jour où il avait promis à Marius de toujours veiller sur lui, de toujours s'assurer que rien ne lui arriverait... Combien de fois avait-il failli à sa promesse ? De combien d'odieuses manières avait-il prouvé qu'il était tout sauf le héros en qui Marius croyait ? Pouvait-il seulement tenter se racheter ne serait-ce qu'un peu ? Il pouvait bien tenter, après tout... S'il sentait ses tentatives vouées à l'échec, il n'était peut-être pas à l'abri d'une bonne surprise.
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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: it's an endless nightmare # Hipporius   it's an endless nightmare # Hipporius Icon_minitimeMer 17 Fév 2016 - 22:23

it's an endless nightmare
Hippolyte & Marius



Ses yeux se plissent, mon sarcasme a glissé entre mes lèvres dans une insolence dont je ne me pensais plus capable avant un certain temps. Pendant une fraction de seconde, j’ai l’impression qu’on subit un retour en arrière, un retour dans le temps, qu’on se retrouve à nouveau l’un face à l’autre dans une atmosphère aussi tendue qu’agressive, aussi violente que destructrice. Il nous aura fallu six ans de silence pour que notre conversation s’élève de mon constant va te faire foutre à une insolence d’un niveau supérieur. - Non je leur incruste la plume de mon Mont-Blanc dans les intestins pour être sûr qu'ils garderont une marque indélébile de mon passage, ça te convient ? Il y a quelque chose d’inquiétant et de rassurant dans cette échange qui fleurit à nos lèvres. D’inquiétant parce que je ne sais pas comment considérer son retour, de rassurant parce que ça veut dire que je ne suis pas tout à fait mort, que Marius est toujours là, derrière ma fatigue, derrière ma détresse, derrière ma terreur. « Classe et distingué, j’espère que tu n’oublies pas de tremper ta plume dans le curare, pour une french touch désarmante. » Je persifle, sarcastique, prenant appui sur ces répliques qui me viennent pour concentrer mon attention et surtout pour me redresser légèrement.

Il a toujours voulu m’imposer sa pensée, m’imposer sa nature, m’imposer un moule dans lequel m’enfermer et m’atrophier. Et il continue. Même aujourd’hui. Même maintenant alors que bien malgré moi, et de toute évidence bien malgré lui, il a un peu de ce fils qu’il voulait. Tu ne peux pas, je t’interdis, ses mots se heurtent à mes oreilles pour y disperser de la colère. De la colère lasse et fatiguée, mais de la colère. Mais un pas de sa part suffit pour la faire taire. Je suis brisé, mon insolence est là mais brisée. Bridée.

Ne plus tuer ? Il me fait cette promesse. Je veux le croire. Tout comme j’ai voulu croire qu’il ne me détestait pas au point de me tirer dessus. Je suis perdu, complètement paumé, je ne sais pas quoi penser, je ne sais pas sur quel pied danser. Un instant, mon insolence refait surface pour persifler d’un ton acide, la seconde qui suit me laisse terrifié, adossé contre un meuble, contre un placard, pour la seule raison que mon père a bougé. J’ai l’impression d’être un chien rétif que l’on vient si efficacement de battre qu’il ne parvient plus à savoir s’il veut mordre ou glapir de terreur. Il remet sur le tapis notre précédente discussion sur le peu de cas que je fais de ma vie, je montre les dents, dans un sarcasme qui m’échappe. Et que je manque de regretter sitôt articulé. Il met ma mutation sur le devant de la scène, je couche les oreilles et rentre la queue entre les jambes, dans une attitude aussi soumise que désespérer. Ce n’est pas un sujet que j’aime aborder, loin de là même. Je reste muet, j’hausse les épaules dans un mouvement stupide qui tire sur mes chairs. Crétin. Je reste muet, jusqu’à la question fatidique. Aussi dangereuse que désagréable. Ma mutation. Ce qu’elle fait ? Je cherche mes mots.

J’ai l’impression d’être un animal blessé qui refuse de fléchir mais que chaque seconde qui s’écoule n’amène qu’à un seul terme : son effondrement. Je suis perdu. Autant dans mes pensées que dans mon appartement, autant sur mes choix d’attitude que sur ces phrases que je prononce presque sans les penser. Ce que fait ma mutation ? Contrôle de ma densité. Je crois. Je ne sais pas exactement et en six ans, je n’ai pas, à un seul instant, voulu me poser la question pour y trouver une réponse exacte. Je pourrais, j’imagine, dilapider en phrases inachevées le peu de patience que mon père semble avoir actuellement mais mon organisme ne m’en laisse pas le temps. Je flanche. Une première fois. Un gémissement me cueille et s’extirpe de mes lèvres, tout comme une larme significative. Le mouvement de mon père est stoppé par ma voix cassée et l’angoisse qu’il provoque à son tour, comme une réaction en chaîne. Non, je ne veux pas qu’il s’approche, non, je ne veux pas qu’il m’aide. Les voix des médecins résonnent à mes oreilles alors que je reprends appui sur le plan de travail et que je tente de me redresser et d’ignorer les cris d’alarme de mes muscles, les hurlements d’agonie de mon côté qui ne supporte pas autant de minutes la position debout. Je respire, péniblement, je tente de chasser ma frustration d’un poing serré, je tente aussi de relancer la conversation dans un constat aussi amer que désespéré. Je suis défaillant. Complètement défaillant. Et tout ce qu’il pourra dire ne me fera pas changer d’avis. C’est mon cœur, le seul défaillant dans l’affaire ? Je serre les dents, incapable de répondre, incapable de rétorquer quoique ce soit. Je suis au bord de la rupture, je m’en aperçois de plus en plus, je ne peux surtout plus l’ignorer. Et lorsqu’il me propose de me laisser, une supplique m’échappe sans que je ne puisse la préméditer.

Reste. Je ne sais pas quelle terreur prédomine à cet instant, celle de rester seul dans mon appartement, de m’écrouler seul, de m’évanouir seul, de me réveiller seul, et celle de supporter encore sa présence angoissante. Reste choisit mon inconscient. J’utile déjà ma mutation sur mon cœur clame le Marius qui ne veut pas s’effondrer. Pourtant… Je m’effondre. Petit à petit. Pan par pan, mon assurance déjà fendillée, lézardée, craquelée, s’effondre et se disperse. Je me rends compte que je ne suis pas juste blessé comme j’ai pu l’être par le passé, je suis diminué. Pas infirme, ravagé. L’appréhension me tétanise, j’ai la conviction que le canapé n’est plus seulement loin mais qu’il est aussi inatteignable. Ma voix s’étrangle dans ma gorge, dans un constat plus douloureux que tout le reste. Je ne peux pas bouger, je ne vais pas y arriver. Moi qui ai toujours mis un point d’honneur à constamment faire les choses par moi-même, je ne vais pas y arriver. Je me souviens du petit garçon blond tout juste sorti de l’hôpital qui se traînait en pleine nuit dans les couloirs de l’appartement pour aller chercher à boire parce qu’il pouvait se débrouiller tout seul. Je me revois, une cheville dans le plâtre après une compétition de hand un petit peu trop violente, continuer à faire mes abdos malgré tout, tenter de faire des pompes en ne me tenant que sur une jambe, parce que je pouvais le faire. Là… Je prends brutalement conscience de ce que je refusais de voir. Mon mutisme prend tout son sens, aussi. Se délie, étape finale de cet état de choc dont la réalité m’extirpe d’une beigne en plein visage. Je suis défaillant. Plus que ça : je ne vaux plus rien. Il y a six ans, Papa, tu m’as dit que puisque je n’étais bon qu’en hand, si j’arrêtais, je ne serais plus bon à rien. Je ne suis plus bon à rien maintenant. Perdre ma mutation, je n’en ai rien à faire. Perdre ce qui m’a toujours permis d’être moi-même, d’être Marius, d’être spécial… Je m’effondre. - Arrête... Je t'en prie, Marius, arrête... Ton cœur on peut le soigner, ta mutation on peut la contrôler... Mais c'est à toi de le vouloir, d'avoir la conviction que tu peux t'en sortir. Ne baisse pas les bras... Pas maintenant... Des larmes commencent à dévaler mes joues en cascade. Ne baisse pas les bras. Trop tard, Papa, trop tard. Je suis incapable de faire un pas, même un tout petit pas, je suis incapable de lâcher mon appui parce que j’ai peur que mon corps me trahisse réellement. Trop tard Papa, je viens de baisser les bras. Parce que je ne pourrai jamais m’en remettre, parce que je ne pourrai jamais m’en sortir. Les médecins m’ont promis une convalescence en semaines, je n’arrive pas à les croire.

Aide moi. Une nouvelle supplique accentue ma fatigue, concrétise ma reddition. C’est lui qui m’a tiré dessus, c’est lui qui m’a définitivement tout pris, tout volé, c’est lui qui a eu le dernier mot sur ma vie, sur mon esprit, sur mon caractère. J’ai beau ne peser plus qu’une vingtaine de kilo, je ne peux pas bouger. Et la pression qui s’envole de mes épaules déverse des larmes qui ne veulent plus s’arrêter. Je n’ai prévenu personne, si tu me laisses, je vais être seul. Et cette solitude me terrifie plus que toi, Papa. Plus que cette arme que tu as collée contre ma chemise, plus que cette balle qui a détruit mon corps et ma volonté. Je tremble, je le vois s’approcher, tout mon être est tendu entre la volonté de fuir et cette tétanie qui me fige et coupe ma respiration. La peur s’étrangle dans ma gorge, soulève ma poitrine, dans des inspirations plus que rapides : erratiques. Un pas, deux, il détruit la distance entre nous. Je me crispe, tout mon corps se crispe lorsqu’il tend un bras, dans un rejet évident de son contact. Mais dès qu’il me touche, il fait disparaître ce qu’il pouvait subsister de volonté.

Tu as toujours eu le pouvoir de me détruire, Papa. De m’endurcir mais de me détruire d’un seul toucher. Mes jambes me lâchent, je m’effondre physiquement face à mon père et sur mon père pour la première de ma vie. - Je ne partirai pas... Je vais rester ici jusqu'à ce que je sois sûr que tu vas bien et que tu ne manques de rien. Tu n'es pas bête, tu es simplement... Je ne dirais pas naïf mais pacifique que la plupart des gens qui vivent ici... Tu as eu le courage de te dresser entre moi et ton ami pour lui sauver la vie, j'ai du mal à voir de la faiblesse dans un tel acte... Des sanglots, c’est tout ce que je peux lui répondre. J’ai toujours brandi mon autonomie et mon indépendance comme une marque de fabrique, comme un acte de révolte, comme une revanche contre lui et ses interdits, contre lui et son mépris, contre lui et son indifférence. La tête posée sur son épaule, je m’effondre complètement. J’ignore ce qui est le pire : cette incapacité que j’ai à réfléchir ou cette vulnérabilité que j’affiche face à la seule personne, même devant Martial, que je ne voulais pas décevoir, face à la seule personne à laquelle j’ai toujours voulu paraître solide et indestructible. Je suis brisé, complètement brisé. Et ces larmes que je retiens depuis mon réveil, depuis ce diagnostic qui a ruiné ma vie une première fois il y a six ans, ces larmes saccagent mes défenses et refusent de se tarir. « J’suis désolé. J’suis pas celui que tu veux, je l’ai jamais été » C’est la fatigue qui parle, c’est la douleur qui parle, c’est le gamin qui parle. J’ai honte, tellement honte. - Je ne suis pas très doué pour réconforter qui que ce soit... Je ne vais pas te faire un long discours pour t'expliquer pourquoi je ne suis pas d'accord avec toi. Mais laisse-moi t'aider cette fois et les suivantes. Je... Je n’arrive pas à entendre ce qu’il me dit, j’entends juste sa voix, j’entends juste son ton, j’entends juste ses hésitations qui détruisent cette attitude si glaciale qui le caractérise. Laisse-moi t’aider cette fois. Dans mes sanglots, j’esquisse un pitoyable sourire. Je suis effondré dans tes bras, Papa, je ne suis même pas capable de te lâcher une seule seconde sans m’écrouler. Est-ce assez pour que tu comprennes que je suis obligé de te laisser m’aider ?

- Tes amis aimeraient sûrement savoir comment tu vas, ils se font certainement du souci si tu ne leur donnes pas de nouvelles. Ce n'est pas être faible que de se reposer sur les gens qui tiennent à toi. Il n'y a que les idiots pour se croire au dessus de ça. Je n’entends presque rien, je ne comprends presque rien, mais sa voix creuse un chemin dans mes sanglots et ces excuses que je murmure en continu pour m’apaiser et me faire taire. Je finis par me taire, je finis par fermer les yeux, je finis par me laisser guider, me laisser porter, me laisser traîner vers ma chambre. Il m’aide à m’allonger, je m’écroule sur mon lit dans un grognement épuisé.

Ma tête dodeline sur le côté, ma main indemne part inconsciemment à la recherche d’une oreille, d’une patte, de la queue d’un lapin réfugié sous mon oreiller. - Je reviens, je vais chercher tes médicaments. Je pourrais m’endormir, là, je le sais. L’épuisement est là, à me guetter, mais la douleur lance mon côté avec son sadisme habituel. Lorsque j’ouvre les yeux, c’est pour voir mon père, accroupi à côté de mon lit. Et c’est pour me rendre compte du chemin parcourut en une semaine, en six ans, en vingt et un ans. - Je suis désolé de ne pas être capable de trouver les mots justes pour te rassurer, Marius... Je pense être la dernière personne au monde capable de le faire. Mais je vais rester à ton chevet jusqu'à ce que tu te sentes mieux. Ou que tu en aies marre de voir la tête de ton vieux père. Son sourire trouve un reflet timide lorsque je me penche sur le côté pour avaler les antalgiques aux dosages réglés pour ne pas tuer mon cœur avant de m’allonger complètement. Je suis désolé. Combien de fois l’a-t-il dit depuis mon arrivée, depuis quelques minutes. Combien de fois l’a-t-il pensé ? La douleur reflue, pour laisser place à la fatigue. Mais je me force à laisser mes yeux ouverts.

Une part de moi veut qu’il recule, l’autre veut qu’il reste là. La honte, en revanche, est belle et bien présente, ancrée dans mes reins. Je suis pitoyable. Et je le suis d’autant plus que je ne réussis pas à me taire et à ne pas murmurer des conneries, en français, comme un secret que je refuse d’admettre et que je ne veux pas qu’il entende. « Je veux bien que tu me tires une deuxième fois dessus, si c’est ce qu’il faut pour que tu me dises ça une nouvelle fois. » Je vais rester à ton chevet. Je veux me recroqueviller en chien de fusil mais une douleur lancinante avorte mon mouvement. Je vais rester à ton chevet. C’est la fatigue qui parle, lorsque j’ouvre à nouveau la bouche. « Lorsque je me suis réveillé à l’hôpital, tu sais, je m’attendais presque à ce que tu sois là. Parfois, je veux avoir encore six ans, pour que tu me rapportes un lapin, que tu me fasses découvrir le hand, pour que tu passes ta main dans mes cheveux et que tu me dises que tout va bien se passer. » Je suis peut être excessivement compliqué à cerner en temps normal, mais je suis actuellement simple à comprendre. Assommé par la douleur, la tension, la fatigue, l’épuisement, le choc et certainement bien d’autres choses, je ne suis plus qu’un petit garçon de six ans qui vient de frôler la mort, le coma et la paralysie. J’inspire, cessant de lutter contre la fatigue. « Essaye de dormir toi aussi. Tu as la chambre de Martial si tu veux. Mais sois là demain, s’il te plait. Sois là à mon réveil, et promis, après demain, je crierai à nouveau. »

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