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 This shattered symphony [ft. Raven]

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MessageSujet: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeJeu 21 Jan 2016 - 4:07


THIS SHATTERED SYMPHONY
RAVEN & ALFIE


Pour une fois qu’il avait un jour de repos, Alfie se retrouvait malgré tout à donner un coup de main au restaurant. Son patron l’avait appelé en urgence pour un remplacement de dernière minute et, trop gentil, il avait accepté, préférant sacrifier quelques heures de sa journée que de laisser dans les ennuis celui qui lui avait offert une seconde chance. Les bras plongés dans les bacs d’eau mousseuse qu’il connaissait par cœur maintenant, il faisait de son mieux pour que les cuisines aient tout le nécessaire durant un rush particulièrement agressif. Depuis la quarantaine, on aurait dit que toutes les activités nocturnes étaient recentrées sur le jour ; le restaurant n’avait jamais aussi peu marché en soirée et aussi bien travaillé le midi, ce qui parvenait miraculeusement à lui faire conserver ses bénéfices habituels. Tant mieux, ceci dit : il n’aurait plus manqué que des restrictions budgétaires entraînent des coupes dans le personnel. Alfie n’avait pas spécialement envie de repartir à la chasse au travail. Certes, ce n’était pas l’emploi le plus rentable ou le plus gratifiant du monde, mais il lui permettait de se payer un toit et de quoi manger et s’habiller – ainsi que les médicaments pour traiter ses crises d’épilepsie. Ils avaient d’ailleurs l’air de commencer à faire effet puisque lesdites crises se faisaient moins violentes et plus espacées. Tant mieux : il en avait assez de s’écrouler en plein milieu de la rue pour un oui pour un non. Quelque part, il avait eu de la chance avec les effets secondaires de son vaccin : au moins, ils pouvaient être cliniquement traités. Certains se retrouvaient sourds, aveugles ou affublés d’il ne savait quel handicap que rien ne pourrait effacer. Lui n’était « que » épileptique. Une broutille comparé à ce que certains avaient à subir. Une broutille comparé à ce qu’il faisait subir aux autres lorsqu’il possédait encore sa mutation. Définitivement, il ne la regrettait pas. Il n’était pas dévasté par sa perte, il n’avait pas eu un sursaut de conscience en se disant qu’elle faisait partie de lui et qu’elle aurait pu lui être utile ; il l’avait rejetée de tout son cœur et avait accueilli sa disparition avec un soulagement sans nom. Et il ne l’aurait récupérée pour rien au monde.

La situation au restaurant s’était suffisamment calmée pour que le tatoué soit libéré, s’étant fait promettre qu’il aurait son week-end de libre en remerciement de ce coup de main inopiné. Il avait beau avoir assuré que ça ne l’avait pas dérangé, il se retrouvait malgré tout avec de nouveaux jours de congé. Quelque part, ça ne lui déplaisait pas. Il en profiterait pour aller faire un tour à la bibliothèque universitaire et s’occuperait de réviser pour les examens qui approchaient. Oh, il ne les passerait pas, n’assistant aux cours qu’en auditeur libre, mais il chercherait le moyen de mette la main sur les sujets donnés, histoire d’être sûr qu’il avait bien compris les leçons auxquelles il avait assisté. Il regrettait toujours autant d’être si peu éduqué. Ses études s’étaient brutalement arrêtées peu après ses quinze ans. Il connaissait les bases, mais sans plus. Et il ne supportait pas l’idée d’être intellectuellement en retard. S’il voulait se faire une vie, une vraie, il devrait lutter pour rattraper des années d’errances et les dégâts causés par la drogue – dégâts qui se voyaient déjà beaucoup moins depuis qu’il avait tout arrêté. Ca non plus, il ne regrettait pas. La seule drogue qu’il prenait encore, c’était de la nicotine, et il en profita d’ailleurs pour sortir une cigarette et l’allumer, tirant dessus avec satisfaction, laissant la fumée chaude emplir ses poumons avant de ressortir par ses lèvres entrouvertes.
L’ancien mutant commença à descendre la grande rue qui menait à l’une des artères principales de la ville. Elle accueillait beaucoup de boutiques diverses et variées, des petits snacks aux restaurants en passant par les échoppes de vêtements et autres maroquiniers. Il y avait également un fleuriste qu’il avait repéré quelques semaines plus tôt. Une nouvelle employée y avait été engagée et il l’avait vue, plusieurs fois, avoir de drôles de réactions au contact des gens. Il lui avait fallu un petit moment pour mettre le doigt sur l’impression de déjà-vu qui l’avait saisi : ces mouvements de recul, ces regards effrayés quand quelqu’un s’approchait trop près, cette impression de soulagement après quelques secondes à avoir une main posée sur soi – tout ça, il l’avait déjà vécu peu après s’être injecté le NH25. Lui qui n’avait plus rien touché de vivant sous peine de le faire pourrir, il avait dû se réhabituer au contact physique. Ne plus avoir à mettre de gants, pouvoir ressortir en t-shirt, ne plus devoir se couvrir des pieds à la tête en espérant que personne n’aurait la mauvaise idée de toucher son visage à mains nues, tout ça, toutes ces mécaniques, il avait eu énormément de mal à s’en défaire, et ses vieux démons revenaient parfois au galop. Alors, il se demandait très sérieusement si la jeune femme aux cheveux d’un noir profond était comme lui, ou si elle était simplement très mal à l’aise avec la foule.
Ce jour-là, il l’aperçut encore faire de son mieux pour tenter d’éviter une cliente un peu trop tactile à son goût. Lorsqu’elle partit enfin, il se dirigea vers la boutique, avec une spontanéité qu’il ne se connaissait pas. Taciturne et solitaire par la force des choses, il était rare qu’il aille de lui-même au-devant des autres. Alors, pourquoi s’était-il soudainement retrouvé à quelques pas tout juste de l’inconnue ? Il n’en avait absolument aucune idée. Toujours est-il que lorsqu’elle se tourna vers lui, Alfie lui adressa un discret sourire.

- Hey … enfin, bonjour. Je vous ai vu avec cette cliente. Vous n’aviez pas l’air très à l’aise.

Il se dit soudain qu’il aurait pu être un tout petit peu plus subtil dans son entrée en matière. A croire que ça aussi, il devait le réapprendre. Il soupira un peu et planta ses prunelles sombres dans les siennes, bleues comme un ciel de jour.

- Désolé, c’était pas vraiment délicat. Je travaille au Saint James en haut de la rue et je passe ici tous les jours, et … enfin, j’ai l’impression que vous n’avez pas l’habitude des gens.

Encore une fois, il aurait pu être un peu plus délicat dans sa formulation. Il avait l’impression de mettre les pieds dans le plat au bout de deux phrases seulement, et il espérait simplement qu’elle ne le congédierait pas trop violemment si jamais la conversation lui déplaisait – et il ne lui en voudrait absolument pas si c’était le cas. Lui-même avait tendance à prendre la mouche quand on venait lui poser des questions à ce sujet – quoi qu’il se soit relativement calmé depuis quelques temps. En silence, il attendit, les mains glissées dans les poches de sa veste, la réponse de la vendeuse.


(c) elephant song.
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MessageSujet: Re: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeSam 23 Jan 2016 - 23:39

Réapprendre à vivre en société n'était pas aussi aisé que Raven l'aurait souhaité. Lorsque l'on avait passé dix années consécutives à fuir obstinément toute forme de relation avec un autre être humain, il fallait un certain temps et une certaine condition psychologique pour retrouver les réflexes oubliés. Ce n'était que lorsque l'on fuyait le contact physique – pour quelque chose d'aussi primitif qu'une pure et dure question de survie – que l'on réalisait à quel point l'espèce humaine basait la communication sur les gestes échangés. Pour Raven, le moindre effleurement pouvait s'avérer mortel pour le malheureux entrant en contact direct avec son épiderme, puisque ce dernier sécrétait une forme de poison mortel, à la façon de ces amphibiens exotiques dont c'était l'unique moyen d'auto-préservation. Sauf que Raven, elle, était toxique pour les membres de sa propre espèce. Alors faute de pouvoir y faire quoi que ce soit, et n'ayant guère envie de s'ôter la vie, elle avait pris la décision plutôt radicale de vivre en ermite, loin de tout et de tous. Une sentence qu'elle croyait irrévocable jusqu'à ce qu'on lui offre le Saint Graal dans une seringue. Cependant, il fallait bien se rendre à l'évidence : il lui faudrait bien davantage que quelques semaines pour se réhabituer à évoluer parmi la population, et surtout pour ne plus être parfaitement horrifiée par le moindre contact physique. Le réflexe de recul était bien ancré en elle, comme un mécanisme de défense instinctif. Elle avait tué quelqu'un par accident dix ans plus tôt, lorsque son don s'était manifesté pour la première fois et elle n'était pas certaine de parvenir à se pardonner un jour. Pas plus qu'elle ne savait si elle trouverait un jour le courage de contacter sa famille, avec laquelle elle avait coupé les ponts le jour où elle avait choisi de disparaître. Après près d'une décennie avec la culture pour seule compagnie, se retrouver au milieu d'une masse humaine avait quelque chose de terrifiant pour la jeune femme, qui s'était découverte agoraphobe la première fois qu'elle s'était trouvée coincée au milieu d'une foule. Cette sensation oppressante à chaque fois qu'elle se trouvait en présence de plusieurs personnes, Raven voulait s'en débarrasser. Elle avait enfin le droit de vivre normalement, comme n'importe quel être humain lambda et elle ne voulait pas laisser cette chance lui filer entre les doigts. Alors elle faisait tous les efforts du monde pour refréner ses angoisses, pour ne plus se dérober à chaque fois que l'on tendait la main vers elle. Cela dit, il fallait bien avouer que c'était quelque chose de plus facile à dire qu'à faire, chaque jour était une véritable épreuve.

Une cliente un peu trop tactile et agitée, c'était tout ce qu'il fallait pour que Raven perde tous ses moyens. Son rythme cardiaque s'était emballé après que la jeune femme ait posé sa main sur son bras nu, elle avait frissonné et s'était brusquement écartée, prétextant avoir oublié d'arroser une orchidée à l'arrière de la boutique. Mensonge, elle avait simplement eu besoin d'une minute pour reprendre son souffle et ses esprits, se rassurer, se convaincre qu'elle était inoffensive, le poison avait quitté son système des mois plus tôt, elle n'était plus un danger pour son entourage. N'en demeurait pas moins le besoin de rester à distance respectable de quiconque partageant la même pièce qu'elle, il fallait que la volonté de toucher quelqu'un ou quelque chose de vivant vienne d'elle. Alors de retour dans la boutique, elle avait soigneusement évité la cliente, zigzaguant entre les plantes et les bouquets comme si de rien n'était, pour finalement se réfugier derrière le comptoir lorsque la jeune femme se décida finalement pour un bouquet de roses blanches, qu'elle emballa rapidement, ayant acquis les réflexes de la profession de fleuriste plus vite qu'elle ne l'aurait cru. Ce fut tout juste si elle se retint de soupirer de soulagement lorsqu'elle lui présenta sa carte de crédit – aucun contact nécessaire, la machine ferait tout à sa place. Raven fut ravie lorsqu'elle disparut enfin, elle s'autorisa à respirer de nouveau après de longues et interminables minutes de supplice. Les battements de son cœur plus ou moins apaisés, Raven entreprit d'arranger les fleurs de la boutique, vérifiant qu'elles avaient toutes suffisamment d'eau, qu'aucune ne fanait... C'était surtout une façon de s'occuper l'esprit, une préparation psychologique à sa prochaine "confrontation". Elle n'aurait pas supporté de travailler dans un endroit extrêmement fréquenté, la pression aurait été bien trop forte pour elle. Elle faisait des efforts, elle faisait de son mieux, elle avançait pas après pas.

La belle manqua toutefois de sursauter lorsqu'elle entendit petite clochette accrocher au dessus de la porte de la boutique sonner pour signaler l'entrée d'une nouvelle personne. Un sourire de circonstance accroché aux lèvres, elle fit volte-face pour accueillir le client, un bouquet de tulipes rouges entre les mains. Il n'était pas rare que des hommes franchissent le seuil de la boutique, alors ça ne l'étonnait guère de voir un représentant de la gent masculine, quoiqu'elle soit encore moins à l'aise avec ces derniers qu'avec leurs contreparties féminines. Les fleurs ramenées contre sa poitrine, Raven était sur le point de le saluer, mais il prit l'initiative avant elle, lui clouant le bec de ses paroles. Elle n'aurait su dire si elle avait pâli ou rougi, toujours est-il qu'elle se retrouva à le fixer bêtement, la bouche ouverte comme un poisson. Un peu perdue, elle se contenta d'acquiescer silencieusement lorsqu'il mentionna le nom du restaurant où il travaillait, un peu pus haut dans la même rue que le fleuriste, incertaine de l'attitude à adopter face à un parfait inconnu qui semblait avoir remarqué son profond malaise en compagnie d'autrui. « Vous m'observez ? » La question n'avait rien d'agressif, le ton employé n'était pas plus réprobateur, c'était une interrogation parfaitement honnête. Généralement, les gens ne prêtaient guère beaucoup d'attention à leur voisin, et ça elle l'avait remarqué avant de s'exiler. La plupart des personnes étaient inconsciemment égoïstes, focalisées sur leur propre personne ; c'était dans la nature humaine. « Je... Je n'ai pas l'habitude des grandes villes. Ou des gens, en général, je... euh... » Raven n'était pas plus accoutumée aux questions personnelles. Elle prit une profonde inspiration avant de plonger les tulipes dans un seau en plastiques, en compagnie d'autres bouquets. Elles noua ses doigts les uns aux autres, comme elle le faisait toujours lorsqu'elle était nerveuse. « Je suis arrivée en ville au début de l'année... je vivais... loin, avant. À Washington. L'état, pas la ville. » Ce n'était pas tout à fait vrai, mais il était plus simple de dire qu'elle avait vécu à un endroit ou à un autre plutôt que d'expliquer qu'elle était passée de ville en ville et d'état en état pendant dix ans. « C'est la première fois que je travaille directement au contact de la clientèle, alors j'ai un peu de mal à m'y faire. » En revanche, ça, c'était la pure vérité. Elle ne savait pas comment se comporter avec d'autres personnes, qu'elles soient hostiles ou amicales, ça crevait les yeux.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeDim 24 Jan 2016 - 22:56


THIS SHATTERED SYMPHONY
RAVEN & ALFIE


Lorsqu’il avait été mis à la porte de chez lui avec l’ordre de ne plus jamais revenir, Alfie ne s’était pas fait prier. Lorsque sa mutation s’était manifestée, sa famille avait commencé à le regarder de travers, comme un paria, un pestiféré, une honte même pour cette petite maison de Radcliff qui n’avait rien demandé à personne. Il fallait dire aussi que ses parents n’étaient pas des plus tolérants mais, à leur décharge, ils avaient failli perdre leur autre fils à cause du don de leur cadet. Peut-être que s’il avait simplement su faire pousser les fleurs, les choses ne se seraient pas passées comme ça. Toujours est-il qu’il avait fini dehors, livré à lui-même, avec les maigres économies dont il disposait à l’époque – économies qui ont bien vite fondu. Incapable de trouver un travail où il ne risquait de blesser personne, prisonnier d’une mutation qui l’avait transformé en la Grande Faucheuse en personne, il avait vu sa vie s’écrouler autour de lui jusqu’à ce que le sol s’ouvre sous ses pieds et qu’il tombe tête la première dans la pauvreté et la drogue. La suite n’avait été qu’une longue descente aux enfers ponctuée d’incidents malheureux lorsque quelqu’un touchait sa peau par mégarde. Il aurait bien voulu s’écorcher vif si ça avait pu le débarrasser de ce poison dans ses veines, de cette chose qui faisait pourrir tout ce qui entrait en contact avec son épiderme tatoué. C’était bien la seule chose qu’il pouvait s’offrir, d’ailleurs, des tatouages ; les tatoueurs, les policiers et les médecins avec leurs mains gantées étaient les seuls qui avaient pu poser la main sur lui sans risque. Et encore, parfois, il y avait eu des problèmes. Peu avant de se vacciner, le cuir avait commencé à réagir à son pouvoir, se flétrissant comme une fleur fanée. Il était persuadé qu’à terme, il n’aurait pu rien plus porter d’organique sans que les étoffes ne fondent sur lui. Peut-être que tout aurait dégénéré, à tel point qu’il se serait fait pourrir lui-même. Mais ça, il ne le saurait jamais. Il avait trouvé le Salut dans une ultime seringue, dans un ultime shot, dans une toute dernière drogue qui l’avait sauvé de ce que la Nature avait fait de lui. Et sa mutation, il ne la regrettait pas un instant.

Après tant d’années isolé, il avait eu du mal à se réhabituer à l’humanité. Il avait fait quelques merveilleux bonds en arrière les premières fois où on l’avait touché alors qu’il avait les bras ou les mains nus. Il lui avait fallu un moment avant de réaliser que plus rien ne se décomposerait en le touchant. Encore aujourd’hui, il avait parfois quelques réflexes malheureux, encore trop peu habitué aux tapes amicales dans le dos ou aux poignées de main peau contre peau. Il n’était plus habitué non plus à avoir des échanges cordiaux avec les autres. Dans la rue, il n’avait parlé qu’avec d’autres drogués, ses dealers ou bien les policiers qui parfois faisaient des descentes surprises dans les bâtiments abandonnés squattés par les uns et les autres. Autant dire qu’il n’avait pas eu de véritable conversation calme et soutenue avec qui que ce soit depuis longtemps. Lui qui dans sa jeunesse était bavard comme une pie était devenu un homme taciturne, discret et silencieux, un homme de peu de mots, économisant ses paroles comme si chaque syllabe était un trésor, une chose précieuse qu’il ne fallait pas gaspiller bêtement. Pas de mensonge ou de cachotterie avec lui : il n’avait ni le temps ni l’envie pour ça. Il fallait parfois insister pour lui tirer une phrase de plus de cinq mots, mais l’effort en valait la peine. En revanche, il n’était pas particulièrement du genre à aller spontanément vers les autres. Alors ce qu’il était en train de faire, debout au milieu de cette boutique de fleurs, le dépassait totalement. Durant un instant, il se demanda s’il n’allait pas simplement faire demi-tour, et la tête de la vendeuse – qui s’était empourprée, pensa-t-il, sous la colère – failli le convaincre de tourner les talons, de partir vers chez lui et de réfléchir à un nouvel itinéraire qui ne le ferait pas passer tous les jours devant la vitrine. Il ne s’était tellement pas attendu à ce qu’elle lui réponde calmement qu’il se demanda s’il avait tout entendu ou s’il avait zappé une partie de ce qu’elle lui disait.

- Vous m'observez ?

Le tatoué cligna des yeux et se trouva bien bête. Difficile de nier qu’il n’avait pas regardé cette grande jeune femme se débattre avec ses clients. A force de la voir à chaque fois qu’il allait travailler ou revenait du restaurant, il avait fini par remarquer ce comportement qui lui avait tant rappelé le sien quelques mois plus tôt à peine. Il ne savait pas vraiment pourquoi il s’y était autant intéressé, mais le fait est qu’en effet, il s’était arrêté plusieurs fois pour la voir.

- Vous allez me prendre pour un type dangereux ou un pervers si je dis oui.


Comme entrée en matière, il y avait mieux. Malheureusement, il n’avait rien d’autre. Certes, il ne l’aurait jamais suivi jusqu’à chez elle, ou cherché à trouver son numéro de téléphone ou que savait-il encore de particulièrement dérangeant, mais il comprenait parfaitement pourquoi il pouvait passer pour l’un de ces redoutés stalkers qui n’avaient rien de mieux à faire que de s’immiscer dans la vie des autres sans leur consentement.

- Je... Je n'ai pas l'habitude des grandes villes. Ou des gens, en général, je... euh...

Il se tut, lui laissant le temps de trouver les bons mots, les bonnes phrases, ou juste de rassembler le courage de le mettre à la porte. Elle n’avait qu’à lui montrer la sortie si elle le voulait et il partirait sans faire d’histoire. Après tout, s’il la mettait mal à l’aise, il était bien placé pour savoir que son départ serait un soulagement. Si elle voulait parler encore un peu, en revanche, il ferait de son mieux pour que la conversation soit la plus simple à tenir pour elle. Des phrases courtes, des questions simples, un ton calme et de la patience. Il n’y avait de rien de plus efficace pour faire taire quelqu’un de timide que de le presser à parler. Et ce n’était pas ce qu’il cherchait.

- Je suis arrivée en ville au début de l'année... je vivais... loin, avant. À Washington. L'état, pas la ville.

Le vacciné hocha la tête. Elle venait de loin, de très loin même, et il se demandait bien pourquoi elle était venue s’enterrer aussi loin dans le Kentucky, surtout avec les récents évènements qui avaient secoué la ville. Il y avait mieux comme endroit où vivre, et ces endroits ne se trouvaient probablement pas dans les Etats du Sud. Enfin, c’était ce qu’il s’imaginait, lui qui n’avait jamais quitté sa ville natale.

- Bienvenue en retard, dans ce cas.


Il sourit un peu, maladroitement, se demandant s’il fallait vraiment lui souhaiter la bienvenue ou plutôt bon courage. Il se demandait si elle avait à souffrir de la quarantaine comme pratiquement toute la population de Radcliff ou si elle s’était accommodée à l’étrange ambiance qui régnait depuis que toutes les sorties avaient été bouclées et qu’il fallait un laisser-passer pour mettre un pied en dehors des limites de la ville.

- C'est la première fois que je travaille directement au contact de la clientèle, alors j'ai un peu de mal à m'y faire.

Alfie hocha la tête à nouveau. Ca, il pouvait bien la croire. C’était quelque chose d’impressionnant que de travailler au contact des autres, d’avoir à communiquer, à aider et à voir son espace vital constamment brisé par des gens qui, pour la plupart, ne pensaient pourtant pas à mal.

- Je vois. Au moins, vous êtes aimable avec les clients.

Il sourit un peu et regarda autour de lui, honteux rien qu’à se rappeler dans quel état il avait été les premiers temps, pas tant avec les clients qu’il ne voyait presque pas, mais avec ses propres collègues. Les sursauts, les regards méfiants, presque agressifs, les efforts déployés pour que personne ne le touche, tout ça avait fini par s’atténuer, mais il lui avait fallu énormément de temps et de force de volonté.

- Et vous n’avez pas failli frapper vos collègues.

Se disant soudain que l’information pourrait lui faire peur, il se racla la gorge, gêné, et chercha un nouveau sujet de conversation. Ses yeux se posèrent sur la magnifique orchidée sur le comptoir, une fleur somptueuse qu’il n’avait jamais vraiment eu l’occasion de voir de près. A dire vrai, il n’en connaissait même pas le nom. Un peu gauchement, il désigna la plante.

- C’est super joli.

Il eut un mouvement vers l’avant et tendit la main pour en effleurer les feuilles, mais il se ravisa au dernier moment et remit sa main dans sa poche. Il avait trop de souvenirs de fleurs se flétrissant à son contact qu’il n’avait pas encore osé retenter l’expérience. Il avait détruit suffisamment de belles choses comme ça.


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MessageSujet: Re: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeJeu 11 Fév 2016 - 13:52

Raven était le genre de jeune femme qui passait plutôt inaperçue. Avec les années et l'habitude, elle avait appris à se fondre dans la masse, à ne pas attirer l'attention sur elle. Éviter à tout prix d'attirer les regards avait été pour elle une stratégie visant à éviter les contacts humains, qu'ils soient physiques ou verbaux. Ces réflexes de dissimulation, son "camouflage", elle avait du mal à s'en débarrasser, parce que dix ans ne s'effaceraient pas d'un coup. Alors elle était un peu étonnée que quelqu'un ait pu la remarquer, trop accoutumée à n'être qu'une ombre, une personne parmi tant d'autres. C'était différent, à présent. Elle avait un véritable emploi, un endroit où vivre, elle commençait à avoir une vraie routine, cela n'avait donc finalement pas grande chose de surprenant qu'on finisse par la remarquer, d'autant plus qu'elle était nouvelle à Radcliff. Il lui faudrait du temps pour s'y faire, mais cela viendrait. Après tout, c'était pour cette raison qu'elle avait décidé de rester, pour enfin goûter à un semblant de vie normale, après avoir eu l'impression de n'être qu'une pâle copie d'être humain, une exilée en quête de Salut. Mais tout de même, toute cette attention d'un coup... Quand bien même cela partait d'une bonne intention, c'était angoissant. Il allait bien falloir qu'elle s'y fasse, alors elle allait prendre sur elle pour ne pas trouver un prétexte pour disparaître rapidement à l'arrière-boutique, comme elle avait tendance à le faire un peu trop souvent, quand la situation se révélait trop stressante pour elle. Raven avait un peu honte, à son âge, d'être effrayée comme une petite fille à chaque fois qu'on lui adressait la parole. Ce n'était pas normal, elle en avait bien conscience, mais comment expliquer à tous ces gens qu'elle n'était pas normale ? Que pendant des années, elle avait été un véritable poison pour tout être vivant, qu'elle avait été forcée de vivre en totale isolation pour ne causer aucun mal à quiconque ? Peut-être qu'elle avait manqué de contacts, mais elle n'était pas stupide pour autant. Elle savait à quel point les mutants étaient haïs, à quel point il était difficile pour quiconque d'un peu différent de se faire une place dans la société.

« Aimable avec les clients ? Oh, je suppose que c'est dans mon intérêt, si je veux qu'ils reviennent un jour... » Elle sourit, presque avec timidité. Raven était de nature douce, ses années d'isolation n'avait pas changé sa nature profonde. Elle avait un tempérament délicat, sans doute était-ce sa plus grande qualité. « Les seuls collègues que j'ai sont les plantes de la boutique, le pire que je puisse faire est oublier de les arroser. » Elle eut un petit rire, avant de songer qu'elle était bien heureuse de ne pas avoir à travailler avec qui que ce soit d'autre. La jeune femme aurait eu bien du mal à supporter la proximité avec autrui pendant des heures, elle n'aurait probablement pas été capable de s'y faire – du moins pas assez vite pour que son trouble ne pose pas de problèmes. Elle avait du travail, mais pas à outrance, la boutique n'était pas constamment animée. C'était idéal pour Raven, qui se trouvait décidément bien chanceuse d'avoir trouvé tant de mains tendues dans cette petite ville du Kentucky, qui avait pourtant une bien mauvaise réputation. Peut-être était-elle plus apte à voir les bons côté de Radcliff que d'autres parce qu'elle y avait trouvé en six mois tout ce qui lui avait fait défaut pendant dix ans. Son jugement devait être faussé, mais ça n'avait pas la moindre importance pour la jeune femme, qui n'avait plus de temps à consacrer aux drames.

Raven fronça les sourcils lorsqu'elle vit l'étranger lever la main pour toucher une orchidée avant de se reprendre, et elle eut comme une drôle d'impression de déjà-vu. C'était le réflexe de quelqu'un qui devait refréner ses envies ; pas par envie, mais par besoin. Cependant, comme elle aurait aimé qu'on le fasse avec elle, elle fit comme si elle n'avait rien remarqué. « Les orchidées sont plutôt populaires, ce doit être leur côté rare et exotique... Mais c'est dommage, beaucoup meurent parce que les gens ne savent pas vraiment s'en occuper. Ce sont des fleurs assez fragiles, elles n'ont pas besoin de beaucoup d'eau, mais si elles n'ont pas une certaine lumière, elles ont tendance à vite dépérir. » Faute de pouvoir avoir des plantes ou un animal de compagnie, Raven avait beaucoup lu à leur sujet, elle avait dévoré ouvrage après ouvrage, dont les sujets variaient beaucoup des uns et des autres. Elle n'avait hélas aucun diplôme qui prouvait sa culture étendue et ses nombreuses connaissances, ce qu'elle regrettait énormément. Elle soupira doucement et détourna son regard de la fleur pour le poser de nouveau sur l'étranger. « Mais si vous êtes intéressé par les orchidées, je pourrais toujours vous expliquer comment bien vous occuper de l'une d'entre elles. » Après tout, elle était là pour ça, non ? Elle-même possédait de nombreuses plantes, à présent qu'elle ne risquait plus de les tuer, elle se faisait un plaisir de les accumuler. Quand elle en aurait le courage, elle adopterait probablement un animal, cela faisait des années qu'elle rêvait d'avoir un chat ou un chien, comme lorsqu'elle était plus jeune. « Je m'appelle Raven, au fait... » Raven. Combien de fois s'était-elle présentée en tant qu'Ophelia, parce qu'elle avait eu l'impression que Raven n'existait plus, qu'elle était morte le jour où sa mutation s'était manifestée pour la première fois ? Elle en avait perdu le compte. Elle n'utilisait son véritable prénom que depuis qu'elle était à Radcliff, et cela marquait sa renaissance. Raven n'était pas morte, Raven était de retour parmi les vivants, et cela lui faisait un bien fou de ne plus avoir à porter un masque. « Ça fait longtemps que vous travaillez au restaurant ? Je devrais peut-être aller y dîner un jour, ça doit faire des années que je ne suis pas sortie pour aller manger. » Elle afficha un petit sourire triste. Elle avait manqué tellement de choses qu'elle ne savait pas par où commencer, la liste ne faisait que s'allonger de jour en jour.
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MessageSujet: Re: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeLun 15 Fév 2016 - 21:34


THIS SHATTERED SYMPHONY
RAVEN & ALFIE


- Les seuls collègues que j'ai sont les plantes de la boutique, le pire que je puisse faire est oublier de les arroser.

Alfie sourit un peu en l’entendant. C’est vrai qu’elle avait l’air particulièrement au calme dans cette boutique de fleurs. Si elle la tenait vraiment toute seule, il la trouvait particulièrement courageuse : après tout, c’était un sacré travail de maintenir un business à flots, quel qu’il soit ; il fallait en avoir les moyens, le temps et surtout la volonté, des choses dont il avait l’impression de manquer cruellement et qui avaient donc d’autant plus de valeur à ses yeux. Avoir un commerce à lui, c’était une chose qu’il ne pourrait espérer posséder un jour. De toute façon, pour ça, il aurait fallu qu’il ait une idée de ce qu’il voulait faire du reste de sa vie nouvellement retrouvée. Mais sans éducation, sans diplômes, sans aucun financement et surtout sans savoir ce qu’étaient vraiment ses passions, il aurait eu bien du mal à faire quoi que ce soit. Pour le moment, il avançait à pas minuscules sur le chemin de l’existence qui s’offrait à lui depuis qu’il avait été débarrassé de sa mutation pour de bon. Les crises d’épilepsie qu’il subissait régulièrement étaient un bien modeste tribut à payer pour avoir le droit de toucher les êtres vivants sans les faire pourrir sur place, les changeant en cadavres déliquescents en quelques secondes à peine. Plus le temps passait, plus sa mutation avait été violente et il restait persuadé qu’à terme, c’était lui qu’elle aurait fini par faire pourrir. Une fin digne de lui. Ces dix-huit ans à subir un pouvoir si immonde avaient laissé leur marque sur son comportement. Il était toujours aussi mal à l’aise en présence de quelqu’un, comme si le simple fait d’être proche pouvait nuire à autrui. Et il n’osait pas non plus toucher ne serait-ce qu’une plante, en témoignait le mouvement de recul qu’il avait eu en voulant toucher l’orchidée sur le comptoir. Il se contenterait de la toucher du regard, au cas où sa mutation décide de revenir l’espace d’une seconde et lui fasse détruire une chose aussi belle.
Il reporta son attention sur la vendeuse aux cheveux noirs, écoutant ses explications d’une oreille attentive. Il était tout à fait fasciné par ce qu’elle lui apprenait, même s’il ne s’agissait que d’informations tout à fait basiques. Sauf qu’il n’avait même pas ça pour lui, un savoir basique en botanique – quelques mois plus tôt, il aurait été capable de faire moisir un cactus, alors il n’avait pas cherché à s’encombrer de plantes dans son nouvel appartement, n’ayant pas envie de les voir mourir faute de soins adéquats. Il souriait toujours lorsqu’elle lui adressa à nouveau la parole.

- Mais si vous êtes intéressé par les orchidées, je pourrais toujours vous expliquer comment bien vous occuper de l'une d'entre elles.

Le tatoué haussa les sourcils et secoua doucement la tête. Une plante restait un être vivant et il ne se sentait pas encore assez sûr de lui pour s’en occuper. Il n’avait pas envie de regarder la fleur magnifique dépérir de jour en jour parce qu’il aurait fait quelque chose de mal. Il préférait encore la laisser là, dans cette boutique, aux bons soins de la fleuriste qui, elle, saurait en prendre soin.

- Ah, je … c’est très gentil, mais j’ai peur de ne pas y arriver. Et il n’y a pas assez de lumière chez moi, je pense.

C’était un demi mensonge, mais tant pis. Pourtant, il aurait été content d’avoir une touche de couleur dans son petit deux-pièces tout gris. Il n’avait pas encore les moyens de s’acheter du mobilier de qualité – il s’estimait déjà bien chanceux de gagner assez d’argent pour payer son loyer et avoir encore de quoi manger après, alors s’installer plus confortablement n’était pas à l’ordre du jour. Plus tard peut-être. Mais pas maintenant.

- Je m'appelle Raven, au fait...

L’ancien mutant regarda la jeune femme. Il ne s’était absolument pas attendu à ce qu’elle lui donne son nom et il lui répondit d’un sourire qui dessina quelques pattes d’oie autour de ses yeux aussi noirs qu’elle avait ses cheveux.

- C’est un très joli nom. Moi c’est Alfie.


Un nom très simple pour une personne très simple, c’était comme ça qu’il voyait son patronyme. Les Cochrane n’avaient jamais été très excentriques dans leurs choix de prénoms. Entre Alfie et Duke, on avait vu plus compliqué. Ceci dit, il l’aimait bien, son nom. Il avait vu des gens qui ne supportaient pas la manière dont leurs parents les avaient appelé et il ne comprenait pas toujours pourquoi. Un nom n’était qu’un nom, pas besoin d’y voir un affront ou une insulte quelconque. Mais bon, les gens avaient leurs raisons qui leurs étaient propres et Alfie prenait grand soin de ne pas se mêler de ce qui ne le regardait pas – en général.

- Ça fait longtemps que vous travaillez au restaurant ? Je devrais peut-être aller y dîner un jour, ça doit faire des années que je ne suis pas sortie pour aller manger.

L’ex-junkie haussa les épaules. Il n’y travaillait pas depuis longtemps, non. A dire vrai, il avait trouvé son emploi fin Octobre et était toujours aussi surpris d’avoir réussi à passer la période d’essai. Il était embauché à plein temps. Il avait un travail. Ca lui faisait toujours aussi drôle d’y penser, lui qui n’avait pas eu le temps de faire autre chose que de petits jobs d’été d’adolescent avant d’être jeté à la rue par ses parents. Qu’il soit embauché comme ça, sans qualifications, même pour faire de la plonge … Il se demandait si le vent avait vraiment fini par tourner ou si toutes ces jolies choses allaient lui revenir dans la figure à un moment ou à un autre. En attendant, il se contentait d’en profiter et d’avancer le plus possible avant que la malchance ne le rattrape.

- Quelques mois seulement. Je vous y amènerai si vous voulez.


Il cligna des yeux et mit deux petites secondes à réaliser que sa phrase pouvait être comprise autrement que le sens qu’il voulait lui donner. Aussi se dépêcha-t-il d’ajouter :

- Enfin, si vous voulez, hein. C’est juste que … enfin, vous avez pas l’air très à l’aise au milieu des gens et … enfin, c’est mieux de ne pas y aller seule.

Il avait l’impression de s’enfoncer à une vitesse folle, regrettant d’avoir ouvert sa grande bouche. Il oubliait parfois pourquoi il n’était pas bavard, et il suffisait d’une conversation comme celle-ci pour lui rappeler pourquoi. Il haussa les épaules et offrit à Raven un petit sourire timide et gêné.

- Je sais ce que ça fait de se sentir mal parmi la foule.



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MessageSujet: Re: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeDim 28 Fév 2016 - 10:15

La distance physique que Raven s'imposait avec l'étranger était inconsciente. Pendant dix ans, elle n'avait eu aucun contact avec un être vivant – ou alors, ça avait été un accident. Au début, cela avait été difficile, elle s'était rendu compte que l'on était toujours proche de quelqu'un ou quelque chose de vivant, les accidents avaient été nombreux et s'il n'y avait eu aucune mort à déplorer, cela avait ajouté du poids à la culpabilité qu'elle portait sur ses épaules. Après tant de temps passé à faire attention au moindre geste, il lui faudrait probablement une éternité pour retrouver un comportement à peu près normal pour son entourage. Elle supposait que cela viendrait avec le temps et quelques efforts, mais Raven se laissait le temps. Réapprendre à vivre ne se ferait pas du jour au lendemain, mais une simple conversation avec un inconnu représentait déjà un grand pas. En travaillant dans la boutique, elle se sociabilisait un minimum, sans toutefois s'imposer une foule trop importante. Discuter avec un parfait inconnu, c'était déjà beaucoup pour la jeune femme. Elle craignait cependant de paraître une peu étrange, à rester ainsi en retrait, et à parler à voix presque basse. Habituée au silence, Raven avait encore un peu de mal à faire entendre sa voix, comme si elle craignait de déranger, même alors que c'était à elle que l'on s'adressait. Son isolement avait laissé des séquelles, la jeune fleuriste était peu sûre d'elle-même, trop silencieuse, et généralement angoissée en public. Elle appréciait les contacts, ils lui avaient manqué, mais elle continuait à les craindre, ayant toujours peur de tout gâcher ; comme elle avait gâché l'existence de deux familles lorsque son don s'était manifesté pour la première fois une décennie plus tôt.

L'inconnu, elle lui avait donné son nom sans trop réfléchir, parce que ça lui semblait logique et qu'il voulait l'apprendre, il n'aurait de toute façon pas besoin de beaucoup le chercher. Raven, ce n'était pas courant comme prénom, ça avait même un petit côté mystique et ténébreux qui ne lui ressemblait pas vraiment. Mais si elle était née quelques siècles plus tôt, ça lui aurait été à ravir, à ceci près qu'on l'aurait probablement condamnée au bûcher à cause de sa mutation. Alfie, c'était tout de suite beaucoup plus simple comme prénom, mais Raven trouvait ça charmant et ça collait bien au jeune homme qui lui faisait face. Elle, elle aurait préféré un prénom un peu plus doux, ça l'aurait arrangé que ses parents préfèrent l'appeler directement Ophelia au lieu de lui attribuer en second. Mais son prénom étant réellement la dernière de ses préoccupations, Raven ne s'en formalisait pas plus que cela. Elle n'aurait même pas osé songer à en changer, considérant que cela n'aurait été rien qu'un affront de plus pour ses parents. Les McKenzie ignoraient ce qu'il était advenu de leur fille, et songer à eux réveillait systématiquement un fort sentiment de honte – elle s'en voulait d'avoir disparu du jour au lendemain, mais à l'époque elle n'avait pas eu d'autre solution que la fuite.

Raven dut afficher une drôle d'expression gênée, le rose aux joues, lorsque le jeune homme l'invita à l'accompagner au restaurant, de façon un peu maladroite et inattendue. Son premier réflexe l'aurait poussée à accepter, ce qu'elle aurait très certainement fait s'il n'avait pas ajouté qu'il comprenait ce que cela faisait de ne pas être à l'aise au milieu d'une foule. Cette remarque la piquait à vif, parce que ça sous-entendait qu'Alfie avait lui aussi beaucoup de mal à supporter les endroits trop peuplés. Forcément, ça éveillait sa curiosité. « Je veux bien y aller avec vous, alors. C'est vrai que ce n'est pas très agréable d'y aller sans compagnie... » Elle avait l'habitude d'aller partout seule, un peu de changement ne pourrait que lui être bénéfique. Et puis, ça lui permettrait de mieux faire connaissance avec Alfie. Raven avait un cruel besoin d'amis, et si elle avait déjà trouvé une oreille attentive en la personne d'Alana, elle ne pouvait pas non plus attendre de la jeune femme qu'elle écoute ses états-d'âme à chaque fois qu'elle en avait gros sur le cœur. Raven avait besoin d'élargir son cercle de connaissances, qui pour le moment se résumait à Alana, la vieille femme qui l'employait et Felix, le Hunter qui avait accepté de la vacciner. Autant dire que ce n'était pas brillant.  « En échange je pourrais vous montrer comment vous occuper d'une jolie plante, si vous voulez. Elles ne sont pas toutes aussi exigeantes qu'une orchidée. » Elle eut un petit rire, avant de hausser les épaules de façon désinvolte. « Sinon il vous reste toujours les plantes en plastiques. Au moins, pas de risque d'oublier de les arroser ou de les faire faner accidentellement. » Des plantes en plastique. Elle gardait un souvenir plutôt amer de ces choses là, tant elle en avait disposé chez elle avant d'être débarrassée de sa mutation, dans une vaine tentative d'apporter un peu de vie et de couleur à son environnement. À présent qu'elle pouvait s'entourer de vraies plantes, de choses vivantes, elle ne s'en privait pas. « Je travaille aussi dans un petit bar pas trop loin d'ici, quelques soirs par semaine... Le Black Butterfly. De temps en temps, je vais jouer du piano et changer un peu pour les clients. Vous pourriez passer, un de ces jours. C'est plutôt sympathique... et il n'y a pas foule. »
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MessageSujet: Re: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeJeu 10 Mar 2016 - 17:18


THIS SHATTERED SYMPHONY
RAVEN & ALFIE


En quinze ans qu’il avait vécu dans la rue, Alfie n’avait jamais eu l’occasion de vraiment parler à quelqu’un. C’était un milieu difficile, sans pitié, et les élans de solidarité, s’ils existaient, restaient très rares. Il était plus simple de s’ignorer les uns les autres plutôt que de prendre le risque de tomber sur le fou du coin qui n’aurait pas hésité un instant à donner des coups de couteau à tours de bras, ou bien sur un personnage pernicieux qui aurait profité d’un moment de faiblesse pour fuir après avoir dérobé les maigres possessions de ses victimes. C’était un milieu rude, où la survie primait sur tout le reste, d’autant plus que l’ancien mutant avait sombré dans des travers dont il ne voulait plus jamais entendre parler et luttait tous les jours pour ne pas y replonger tête la première. Il y avait rarement de la place pour les amitiés dans ces conditions, d’autant plus pour lui qui amenait la mort avec lui. Après un certain nombre d’accidents qui s’étaient plus ou moins mal terminés, il avait décidé de se couper du reste du monde, n’allant au contact des autres que dans des cas bien précis – pour se droguer ou se nourrir avec le peu d’argent qu’il arrivait à trouver çà et là. Sa famille l’avait jeté dehors, il n’avait plus aucun contact ni avec ses parents ni avec son frère et il n’avait pas cherché à revenir vers eux, persuadé qu’ils le haïssaient sincèrement tous les trois. Il avait fallu attendre quinze ans, une existence de misère et sa libération par la vaccination pour que le vent tourne enfin et qu’il apprenne quelques vérités qu’il n’aurait pas pu soupçonner, persuadé qu’il était d’être le monstre que monsieur et madame Cochrane avaient décrit. Il lui restait encore bien des zones d’ombres à éclairer, il n’en doutait pas, mais au moins désormais, il pourrait vivre sa vie en paix, sans être un danger pour les autres, sans risquer envoyer quelqu’un prématurément dans la tombe.
Lorsqu’il s’était vacciné, il lui avait fallu du temps avant de recommencer à avoir quelques notions de ce qu’étaient des relations sociales normales. Lui qui avait pris l’habitude de communiquer avec le minimum de mots nécessaires pour faire une phrase compréhensible avait dû se forcer à tenir des conversations de plus en plus longues. Ce n’était que très récemment qu’il réussissait à en amorcer certaines ; aller au-devant des autres était un exercice bien plus périlleux que ce que ses souvenirs laissaient supposer. Parfois, il se demandait comment il avait pu vivre normalement un jour tant il avait l’impression de ne plus savoir comment fonctionnaient les gens. Et pourtant, il se tenait là, dans cette boutique de fleurs devant laquelle il passait régulièrement, à discuter avec Raven, cette jeune femme à l’air si timide et aux réflexes qui lui rappelaient beaucoup les siens – il n’y avait qu’à voir la distance qu’ils mettaient entre eux de manière tout à fait consciente et calculée, une vieille habitude qu’il avait dû prendre bien vite pour ne plus mettre les autres en danger.

- Je veux bien y aller avec vous, alors. C'est vrai que ce n'est pas très agréable d'y aller sans compagnie...

L’ancien mutant haussa légèrement les sourcils et sourit. Il était sincèrement étonné que la jeune femme accepte son invitation. A dire vrai, il s’était plutôt attendu à essuyer un refus poli mais ferme. Ceci dit, même si le refus n’avait pas été ferme, il aurait accepté sans ciller qu’elle ne veuille pas de sa compagnie. Après tout, il était un parfait étranger : elle n’avait aucune raison de répondre positivement à sa proposition. Et pourtant, elle venait de le faire, et il en était étonnamment content. Il était tellement habitué à la solitude qu’il ne savait plus vraiment ce que ça faisait d’aller quelque part accompagné ; il n’avait pas encore suffisamment sympathisé avec ses collègues de travail pour qu’ils l’invitent avec eux après leur shift, et il n’avait pas envie de déranger Malachi plus que nécessaire, le professeur l’aidant déjà bien assez souvent comme ça pour qu’il n’ait pas envie de lui imposer sa présence. Alors cette sortie avec Raven, même si c’était juste pour ne pas être seul, ça n’était pas si mal.

- En échange je pourrais vous montrer comment vous occuper d'une jolie plante, si vous voulez. Elles ne sont pas toutes aussi exigeantes qu'une orchidée. Sinon il vous reste toujours les plantes en plastiques. Au moins, pas de risque d'oublier de les arroser ou de les faire faner accidentellement.

Le tatoué rit un peu et hocha doucement la tête. Des plantes en plastique, il en aurait sûrement eu s’il avait pensé à en acheter pour décorer son appartement. Il se serait parfaitement occupé d’une vraie plante, mais il avait encore trop peur que sa mutation ne réapparaisse un jour sans prévenir et que les jolies fleurs dont il aurait pris soin se décomposent au bout de ses doigts.

- Les faire faner, c’est mon genre, ça.

Employer le passé aurait sans doute été plus judicieux, mais il avait parfois du mal à se rappeler qu’il n’était plus toxique pour tout ce qui était vivant. Mais ça, c’était une histoire qu’il n’était pas prêt à raconter aux autres. Pas encore. Un jour, il trouverait peut-être quelqu’un à qui raconter ce qu’il avait été et ce qu’il était devenu, mais pour le moment, son cercle de connaissance était bien trop restreint pour ça – encore une fois, il n’y avait que Malachi qui connaissait son passé et encore, il avait occulté les moments peu glorieux qu’il avait traversé. Pas la peine d’expliquer qu’il lui arrivait encore de faire des crises de manque tant il avait été drogué jusqu’aux yeux. L’avantage à garder des vêtements à manches longues, outre de couvrir sa peau, c’était aussi de cacher les cicatrices qui maculaient ses bras et qu’il ne supportait plus de voir.
S’arrachant à ces réflexions somme toute malheureuses, il écouta ce dont Raven lui parla ensuite. Le Black Butterfly. Il connaissait ce bar, il le visitait parfois, mais il ne s’était jamais vraiment intéressé aux musiciens qui venaient s’y produire. Ce n’était pas faute d’aimer la musique pourtant, mais généralement, il ne s’attardait pas longtemps au même endroit.

- Je connais, j’y vais de temps en temps. Je ne savais pas que vous y chantiez.

Il sourit. Il était réellement admiratif des gens capables de jouer d’un instrument, quel qu’il soit, ou capables d’enchaîner les mélodies sans jamais se casser la voix. Lui, il avait l’impression qu’il ne pouvait pas aligner trois notes sans que les objets en verre ne se brisent. C’était un a priori tout à fait faussé, mais il avait si peu confiance en ses capacités ou un quelconque talent que c’était peine perdue de lui faire croire le contraire.

- Je viendrai vous écouter la prochaine fois que vous y serez.



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MessageSujet: Re: This shattered symphony [ft. Raven]   This shattered symphony [ft. Raven] Icon_minitimeVen 25 Mar 2016 - 11:15

La gentillesse gratuite et spontanée des gens était une chose à laquelle Raven avait encore un peu de mal à s'habituer. Pendant ses années d'errance, elle avait croisé toutes sortes d'êtres humains, beaucoup qui auraient pu lui faire perdre foi en l'humanité si elle ne s'était pas forcée à voir ce qu'il y avait de bon chez les autres. Lorsque l'on était constamment sur les routes, on croisait les pires exemples de personnes possible, et Raven s'estimait heureuse qu'il ne lui soit rien arrivé. Non, réflexion faite, il n'aurait de toute façon rien pu lui arriver puisque quiconque l'aurait touchée l'aurait immédiatement regretté. Et s'il lui arrivait parfois – souvent – d'être naïve, elle n'était pas stupide pour autant. Elle savait pertinemment que les routes n'étaient pas sûres pour une jeune femme seule, c'était même plutôt déconseillé de ne pas voyager accompagnée lorsque l'on était du sexe féminin. Cela valait hélas pour toutes sortes de sorties, une leçon qu'elle aurait vite fait d'apprendre à Radcliff. Mais en attendant, c'était l'inconscience de ses premiers moments de liberté qui la guidaient et faisaient office d'œillères. Raven était bien trop heureuse de s'être défaite de sa mutation pour songer à de quelconques dangers, à présent qu'elle n'en était elle-même plus un elle profitait de la vie comme jamais auparavant. Beaucoup de femmes se seraient sans doute méfiées de l'invitation à dîner d'un parfait étranger, mais pas elle. Elle, elle ne voyait cette invitation que comme une occasion de se sociabiliser un peu, de faire plus ample connaissance avec Alfie et peut-être même rencontrer d'autres personnes aux restaurant dont il lui avait parlé. Il était vrai que Raven n'avait pas encore osé se rendre dans ce genre de lieu public, n'ayant jamais su comment se comporter alors qu'elle était seule, comme si sa solitude était une chose dont elle devait avoir honte.

« Je serai au bar ce vendredi, si jamais ça vous tente... » Chanter lui permettait de s'exprimer à travers des mélodies qui lui ressemblaient, et puisque les clients du Black Butterfly étaient bon public, elle n'avait pas à craindre de faire de fausse note. Elle ne savait même pas si les gens faisaient réellement attention à elle ou si elle ne faisait office que de bruit de fond, mais ça lui importait peu. Ça lui faisait du bien d'y travailler un peu, cela lui donnait l'opportunité de sortir un peu de sa boutique et de son appartement, dans lesquels elle passait le plus clair de son temps. Elle était si habituée à être seule et enfermée au même endroit qu'elle n'avait pas encore tout à fait retrouvé le réflexe de sortir volontairement et non par obligation. Elle n'aurait même pas su où aller, si elle s'était renseignée sur les attractions que Radcliff avait à offrir, elle n'en était pas moins restée loin. Raven avait encore besoin d'être épaulée, accompagnée, car en plus d'être devenue totalement introvertie par la force des choses, elle était également d'une timidité presque maladive. Difficile d'expliquer aux gens sans les effrayer pourquoi elle se comportait ainsi, elle s'imaginait mal leur avouer que quelques mois plus tôt, elle était encore un véritable poison ambulant pour n'importe quel être vivant. Elle avait bien compris que c'était le genre de discours qu'il valait mieux éviter de tenir à Radcliff si l'on voulait garder la tête sur les épaules – et cela au sens propre du terme. Tous les Hunters n'étaient pas aussi bien intentionnés que celui qui avait accepté de la vacciner, les mutants étaient plutôt une espèce menacée dans les environs.

« Vous n'aurez qu'à me dire quelle soirée vous serez disponible, je serai prête. » La fleuriste afficha un petit sourire, elle était très appréciative de l'offre faite même si elle paraissait un peu réservée. Elle ne pouvait qu'apprécier le geste, ce n'était pas tous les jours que les gens s'intéressaient à un parfait inconnu simplement parce qu'ils avaient capté sa détresse. Les hommes n'étaient peut-être pas fondamentalement mauvais, mais beaucoup étaient centrés sur leur petite personne et le cercle de leurs proches, et pas un être de plus. Raven le comprenait, on ne pouvait pas aider tout le monde, mais c'était agréable de ne pas se sentir tout à fait invisible. La jeune femme dut détourner son attention d'Alfie lorsqu'un homme entra dans la boutique, et elle l'accueillit avec une formule de politesse toute trouvée avant de le laisser faire un petit tour dans la pièce pour jeter un coup d’œil rapide aux bouquets disponibles. Comprenant vite qu'il allait lui demander d'en préparer un, elle n'eut d'autre choix que de saluer le jeune homme. « A très vite, alors. Et mon offre concernant l'orchidée ou une autre plante tient toujours, si jamais vous changez d'avis. »
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