Il sentait qu’il jouait un jeu dangereux. Qu’à tout moment, Rhaena pouvait décider d’y mettre fin, et le forcer à remettre en question les sentiments qu’il avait pour elle. Lui demander de mettre côté ce béguin qui faisait battre son cœur et de retourner à une simple affection, visiblement bien plus rassurante dans l’esprit de la Dryden. La caresse de ses doigts contre sa peau ne suffisait apparemment pas à apaiser la flamme d’appréhension qui la dévorait. Rien que d’entendre son nom prononcé le blessa. Le pire était cependant à venir, et il le savait.

Lentement, à mesure que la tirade de la jeune femme s’amorçait, la main du Dickens retomba lentement. Ainsi, c’était cela qu’elle voyait en lui ? Un simple amoureux, fait pour partager une vie et une romance tranquilles avec une femme douce et fleur bleue, qui prendrait soin de lui comme il le « méritait » ? Un sourire triste et quelque peu amer s’était dessiné sur ses traits, à mesure qu’elle parlait. Il n’avait pas la moindre idée d’où elle tirait de pareilles phrases, mais ce n’était certainement pas de celles qu’il voulait entendre jusqu’à la fin de ses jours. Un temps, ç’allait bien — pour le reste, rien n’était à exagérer.

La main sur son torse l’électrifia quelques secondes. Pourtant, elle ne le repoussa pas. Elle se contenta de laisser ses doigts là, comme perdue, entre deux eaux, ne sachant quel comportement adopter. Elle admettait avoir un cœur, admettait qu’il représentait quelque chose à ses yeux. Qu’elle voulait le protéger, veiller à ce qu’il ne lui arrive rien de fâcheux. Et pour cette raison, elle s’estimait dans le droit de le repousser. De le mettre au ban, pour que ceux qui lui en voulaient ne s’en prennent pas à lui. C’était tout à son honneur, et il ne pouvait le nier. Mais ça ne changeait rien. Rien du tout. « Je suis grand. Sans vouloir être prétentieux, je sais me défendre. » Et tu l’sais. Tu m’as vu. Tu l’sais que je ne tue pas, mais que j’pourrais. Tu l’sais. « Plus important encore, c’est mon choix autant que le tien. Je sais à quoi je m’expose. » Il déglutit lentement, la dévisage. « J’aurais autant de raisons d’avoir peur pour toi que l’inverse. Les statistiques sont pas non plus en ma faveur, tu sais. » Et être un Dickens semblait être une malédiction aussi lourde qu’être une Dryden. « Si tu ne veux pas de moi non loin, je comprendrais. J’ai compris l’avertissement, et j’ai compris ce que tu voulais dire. Mais… Je voudrais juste que, toi, tu comprennes que tu ne mérites pas juste ce que tu ne t’interdis pas. » Il regarde un instant ailleurs, avant de poser à nouveau son regard clairvoyant sur elle. « Et je ne sais pas si cet espèce d’idéal de romantisme est ce que je mérite. Mais en tout cas, je sais que ce n’est pas ce que je veux. » L’observer, la détailler. Ses yeux, ses cheveux, ses traits fins. Sa sauvagerie non dissimulée, la fragilité cachée qui tendait à poindre au fond de ses iris. À quel instant exactement l’avait-elle envoûté ?

We collided, I lost my heart on impact

— loeven & rhaena —

Am I still your charm, or am I just bad luck ? Are we getting closer, or are we just getting more lost ? I'll show you mine if you show me yours first. Let's compare scars, I'll tell you whose is worse. Let's unwrite these pages and replace them with our own words.

Les caresses, l'idylle, toutes ses choses qu'elle s'interdit s'échappe lentement. Comme elle s'y attend. C'est pas pour elle les sentiments et les flèches de Cupidon. En réalité, elle ne comprend pas ce que le brun peut voir en elle. À part lui avoir sauvé la vie une fois, elle n'apporte que des ennuis. S'éprendre, s'enticher d'elle c'est une très mauvaise idée. Elle essaie de lui faire comprendre. Mais il ne veut rien entendre. « Je suis grand. Sans vouloir être prétentieux, je sais me défendre. » C'est vrai, avec un pouvoir comme le sien, il est difficile de lever la main contre lui. Ça devrait la rassurer pourtant, elle continue de voir l'ombre au tableau. Et c'est elle l'ombre. « Plus important encore, c’est mon choix autant que le tien. Je sais à quoi je m’expose. J’aurais autant de raisons d’avoir peur pour toi que l’inverse. Les statistiques sont pas non plus en ma faveur, tu sais. Si tu ne veux pas de moi non loin, je comprendrais. J’ai compris l’avertissement, et j’ai compris ce que tu voulais dire. Mais… Je voudrais juste que, toi, tu comprennes que tu ne mérites pas juste ce que tu ne t’interdis pas. » Il ne veut pas qu'elle continue de fuir. Pourtant c'est comme un instinct chez elle. Elle essaie de taire les appréhensions qui la prenne. Bizarrement, avec Loeven, elle aimerait bien vivre de passion amoureuse, de romance. Il apaise son coeur gorgé de violence. Rares sont ses amants - voir inexistants - qu'elle veut s'assurer de son bien-être à chaque seconde. Loeven, elle se demande à chaque jours où il est, ce qu'il fait, s'il est en danger. « Et je ne sais pas si cet espèce d’idéal de romantisme est ce que je mérite. Mais en tout cas, je sais que ce n’est pas ce que je veux. » Tant mieux parce qu'elle serait bien incapable d'être ce genre de fille. Tant mieux... Elle ignore si c'est vraiment pour le mieux mais ça lui fait bizarre.

Le sexe, les batifolages, c'est une chose. Avoir quelqu'un qui s'accroche... une autre.Elle a déjà eu des amants collants mais avec Loeven, c'est différent. Tout l'est. Les câlins, les baisers venus d'une toute autre dimension. Pleins d'une tendresse qu'elle ne se connaissait pas et dont il est le guide. « Tout ce que je veux dire c'est que...  » Elle soupire un peu, ne sachant pas comment et quoi ajouter. Elle vient de l'avertir, il dit comprendre et pourtant, elle n'a pas l'impression qu'il prend conscience dans quoi il s'embarque. Loin de parler de couple, de mariage ou de bébés, même la côtoyer est risqué. Pour sa santé, son coeur, son âme. Elle le sait, malgré tout, elle n'a pas la force de le repousser. Un léger rictus glisse sur ses lèvres alors qu'elle lève le regard sur lui. « Abigail. Mon vrai prénom, c'est Abigail. » Ça fait presque sept ans qu'elle ne s'ait pas entendu dire son vrai prénom et ça lui fait étrange. Comme si elle en a perdu l'attitude. « Maintenant tu sais tout de moi. Ou presque. J'espère que t'es content. J'ai jamais dit ça à personne. » Elle continue de lui sourire, coiffant un peu ses cheveux. « Tu veux venir manger ? » Finit-elle par ajouter en l'invitant à la suivre à la cuisine. En général, elle se plaît à passer son souper seule, devant la télé où à lire quelques dossiers. Parfois, y'a Aspen aussi mais jamais elle ne partage de souper... galant. Une nouvelle expérience qu'elle n'a même pas connu avant de devenir Rhaena Dryden. Elle en oublierait presque la solitude qui a peuplé ses jours toutes ses années.

Il avait l’impression de sentir la belle lui glisser entre les doigts, à mesure que leur discussion avançait. Il savait que ses mots ne seraient pas pour la rassurer, et qu’elle ne verrait probablement pas la moindre consolation à savoir qu’il était capable de se défendre sans son appui. Après tout, qu’en était-il réellement puisqu’il s’interdisait de tuer ? Il préférait ne pas y penser. Préférait croiser les doigts, en espérant qu’elle n’y fasse pas la moindre allusion. Et, gracieusement, elle évita d’aborder le sujet. Il eut pourtant peur, au premier abord, qu’elle n’y vienne. Elle commença sur une bien étrange lancée, avant de partir dans une direction totalement opposée. Un fin sourire se traça sur les lèvres du mutant lorsque la déclaration survint, simple et impromptue. « C’est un très joli prénom. » Il n’avait pu s’en empêcher. Au diable la mièvrerie qui pouvait s’échapper d’une telle déclaration, au diable tout le mielleux romantisme dont ils faisaient preuve depuis quelques minutes déjà. Une part de lui avait besoin de cela, pour prouver à Rhaena — Abigail — qu’elle était humaine. Qu’elle avait un cœur, qu’elle pouvait avoir des sentiments, et s’autoriser à plus qu’une simple affection. Laisser la passion guider ses pas, aux côtés d’un homme qui ignorait tout de la tendresse d’une vie paisible à deux. Et tant pis si ça prenait du temps. Tant pis si elle avait besoin de garder les choses au stade d’un simple batifolage pour quelque temps encore. Tant pis si les « Je t’aime » se faisaient attendre — y en avait-il vraiment besoin pour que la flamme douce de ce penchant qu’ils se vouaient existât ?

« Moi c’est Lennon. » La confession était sortie sans que le sourire sur ses traits ne se tarisse. Il la fixait, attentionné. La regardait se coiffer, laissait la caresse de ses yeux envelopper sa silhouette fine mais robuste. Sa beauté le fascinait, mais il se garda de le souligner. Mieux valait faire en sorte de ne pas précipiter les choses. Selon toute vraisemblance, il venait de l’échapper belle. Elle avait fini par esquiver les sujets qui fâchaient, les projections dans le futur et la question d’une éventuelle proximité à venir, dans la poursuite de leur idylle. Il tenait au respect de ces limites qu’elle imposait. Y aller à son rythme, ne pas la brusquer. Le béguin semblait se transformer en une liaison assumée — toute idée de couple pouvait bien encore attendre.

Il hocha doucement la tête, lorsqu’elle proposa d’aller manger. L’appétit l’avait également gagné, et il la laissa partir vers la cuisine sans trop protester. « Je me rhabille et je te rejoins. » Un sourire en coin. Mieux valait ne pas sortir dans cette tenue légère, juste au cas où la fameuse colocataire serait rentrée à l’improviste. Il la laissa donc sortir, poussa la porte derrière elle. Perdu dans ses pensées, sans pouvoir vider son cœur de la sensation d’allégresse qui le tenait depuis qu’il avait retrouvé la Dryden, un peu plus tôt dans l’après-midi. Il cherchait à remettre les morceaux du puzzle dans l’ordre, à comprendre ce qui pouvait bien l’animer. Comment la vie dans une ville aussi cinglée et aussi dangereuse pouvait soudainement être devenue moins pénible à vivre.

Peut-être, au fond, qu’on se demande parfois si la vie a un sens, et puis on rencontre des êtres qui donnent un sens à la vie.