Il venait d'arriver au restaurant avec quelques minutes de retard, le cœur battant à tout rompre à l'idée de passer pour un parfait mufle qui ne connaissait rien à la ponctualité. Scarlett le connaissait depuis longtemps et devait savoir qu'il avait du mal à être parfaitement à l'heure mais cette fois-ci leur rencontre était bien différente de toutes les autres. Ils étaient bons amis et ce depuis déjà quelques temps et si l'écossais n'avait jamais été insensible au charme de la sensuelle rousse, il s'était fait depuis longtemps à l'idée qu'elle resterait une amie proche avec laquelle il ne franchirait jamais cette ligne ténue qui les séparait tout deux d'une jolie idylle. Et pourtant depuis l'invitation de Scarlett cette idée ne cessait de le hanter. Et s'il devait y avoir plus entre eux ? Il ne saurait l'expliquer clairement mais il avait l'intime sensation que cette soirée s'annonçait bien différente que toutes celles qu'ils avaient pu partager par le passé. Voilà sans doute pourquoi il avait choisi son plus beau costume et qu'il avait les mains désespérément moites. Fort heureusement pour lui, Scarlett était en retard elle aussi et il avait donc quelques minutes devant lui pour reprendre ses esprits. Il n'en était pas à son coup d'essai pourtant, des rencards il en avait déjà eu un certain nombre, beaucoup s'étaient soldés sur un véritable fiasco, tout autant sur des aventures distrayantes mais sans lendemain. Mais il ne s'engagea que très rarement dans une histoire d'amour sérieuse, si les flammes étaient ses plus grandes compagnes, il avait tendance à se méfier de celles de la passion. Caleb avait déjà été amoureux dans le passé mais aucun de ses béguins ne durait très longtemps. Alors pourquoi avoir accepter l'invitation de Scarlett ? Il ne pouvait imaginer cette soirée se solder de la même manière que les autres, il avait bien trop d'affection pour elle pour l'imaginer intégrer son modeste tableau de chasse (il détestait ce terme réducteur qui manquait considérablement de respect à la gent féminine mais ses compères masculins estimaient que tout mâle qui se respectait se devait d'avoir un tableau de chasse et dans ce cas précis il était incapable de trouver un mot plus approprié).

Une demie-heure venait de s'écouler, en même temps que le second verre de whisky de l'écossais (qui assumait parfaitement ce stéréotype) quand Scarlett se décida enfin à se montrer, débordant d'excuses pour son retard. Caleb se leva aussitôt afin de l'accueillir comme tout bon gentleman qui se respectait. Son arrivée amusa le jeune trentenaire autant que sa présence le rassurait. C'était étrange mais le simple fait de la voir entrer dans cette pièce venait de faire voler en éclats toutes ses appréhensions. Elle était tout simplement sublime et Caleb se révélait incapable de la quitter des yeux, tout béat d'admiration qu'il était. « Merci. » répondit-il simplement à son compliment. « De ton côté tu es absolument resplendissante ! Je me demande comment tu peux être aussi belle après la journée terrible que tu viens de terminer ! Non pas que tu ne sois pas belle au quotidien !» ajouta-t-il précipitamment avant de lui adresser un large sourire. « Enfin, tu dois être morte de faim ! Si nous nous installions ? » Il lui tendit la main avant de la guider ainsi jusqu'à sa place. Il revint face à elle et son sourire s'élargit plus encore. « Toi et moi dans un grand restaurant, qui l'aurait dit ? » Et il échappa un rire jovial et amusé dont il avait le secret.  

 Caleb ne put retenir un sourire lorsque la jolie rousse fit mention de sa voisine et de sa réflexion qu'il avait lui-même entendu à plusieurs reprises durant la semaine écoulée. A croire que tous attendaient de les voir entamer cette idylle. C'était drôle d'imaginer chacun de leurs proches en cupidon prêt à les pousser dans les bras l'un de l'autre. Alors si cela paraissait naturel à tous ceux qu'il connaissait pourquoi se sentait-il si gauche ? Cela ne lui était jamais arrivé, il avait su garder le contrôle durant chacune de ses romances mais cette fois-ci il sentait que c'était différent. Après tout...c'était Scarlett ! Et plus il y pensait plus il avait la certitude que son cœur n'avait jamais mis de côté l'éventualité qu'elle puisse être bien plus qu'une simple amie ou qu'un béguin passager. Oui, il s'était entiché de la jolie chirurgienne dès l'instant où il avait croisé son regard mais avait rapidement balayé cette idée lorsqu'il comprit qu'il gagnait bien plus à en faire son amie plutôt qu'une simple camarade de batifolage. Et quelques mois plus tard, ils étaient là, seul-à-seul au beau milieu d'un restaurant chic que tous les couples de cette ville choisissait pour déclarer leur flamme. Tous deux devaient avoir conscience du charme particulier qui embaumait l'atmosphère car dès l'instant où la serveuse fit son entrée pour prendre leur commande, tous deux se dirent qu'il valait mieux succomber à l'ivresse de l'alcool avant celle de la passion. Le vin serait sans doute leur meilleur allié, sans compter le second verre de whisky que venait de commander Caleb.

« Aussi étrange que cela puisse te paraître...je ne me suis jamais senti aussi nerveux avant un rendez-vous. C'est bête, ça devrait pourtant être plus simple. Alors si tu te sens pathétique, dis-toi qu'on est deux ! » Et comme s'il voulait prouver ses dires, l'écossais plongea la main sous la table avant de sortir un bouquet de roses qu'il présenta à sa belle. « Tiens, ce n'est pas grand chose mais je me suis dit qu'il fallait tout de même faire ça dans les règles de l'art de la séduction. » Son sourire s'élargit un peu plus. « Arrête moi quand j'aurais sorti tous les clichés amoureux que tu pourras supporter. Je ne voudrais pas ressembler à celui-ci. » lança-t-il avec un clin d’œil en désignant d'un signe de tête le couple qui se trouvait à côté d'eux et dont l'amant ressemblait plus à un Don Juan de bas étage qu'à un véritable gentleman. « Et rassure-toi, je ne compte pas te faire la sérénade, tu sais à quel point le chant n'a jamais fait partie de mes...talents. » Un nouveau rire franc s'échappa de sa gorge avant qu'il n'engloutisse son son troisième (!) verre. Il allait finir complètement ivre avant l'arrivée des entrées ! Mais il avait besoin de courage et il préférait avoir l'esprit légèrement embrumé s'il devait subitement se mettre à jouer les enjôleurs. Perdu dans ses pensées, son visage se figea en une mine amusée pleine de tendresse. Il releva alors les yeux pour les plonger dans ceux de Scarlett, toujours aussi pensif. « Tu sais, c'est drôle mais on se demande parfois si la vie a un sens et puis on rencontre des êtres qui donnent un sens à la vie. Je n'avais jamais songé à cela avant...eh...bien...avant de te rencontrer. »

Sa confession le cloua lui-même sur place et il se demandait bien d'où cela avait bien pu sortir. Et devant le teint blême de la jolie rousse il se figea sur place, craignant d'avoir été trop vite et trop loin sur le chemin de la séduction. Caleb regrettait aussitôt son ardeur. Il y avait sans doute des aveux qu'il fallait taire lors du premier rendez-vous, même avec une femme que vous connaissiez depuis longtemps. L'affection qu'ils ressentaient l'un pour l'autre n'étaient plus à prouver mais ce n'était sans doute pas une raison pour effrayer la jeune femme avec de telles déclarations. Scarlett se trouva hébétée pendant quelques secondes sans doute assaillie par des sentiments aussi paradoxaux que la stupeur, la gêne ou l'incompréhension. Mais contre toute attente elle en profita elle aussi pour mettre son cœur à nu, faisant rater quelques battements à celui de son potentiel amant. Ainsi c'était bien l'amour qui les assaillait tout deux depuis des mois sans qu'ils n'aient osé se l'avouer. L'idée avait de quoi perturber Caleb plus qu'il n'oserait l'imaginer. Cupidon et ses anges avaient tout de même de drôles de méthodes. Entamer une romance avec une femme telle que Scarlett avait de quoi brouiller l'esprit du bel écossais, partagé entre appréhension et extase. Ce n'était pas un béguin ordinaire et il n'avait pas l'habitude de céder ainsi aux flammes de la passion. Mais les propres craintes de la sensuelle rousse mirent un terme à ses interrogations. Il devait lui aussi se jeter à l'eau mais l'entreprise s'avérait plus compliqué qu'il n'y aurait pensé.

« Alors ne dis rien. J'ai toujours eu pour toi beaucoup de tendresse et d'affection, Scarlett. Je ne sais pas trop où tout ça va nous mener et je crois que malgré moi j'ai ressenti les mêmes craintes que toi. Ne va pas croire que je suis plus doué que toi, tu sais aussi bien que les autres que la plupart de mes liaisons se sont assez mal terminées. » ajouta-t-il maladroitement. « Mais je suis vraiment heureux que tu ais eu le courage de proposer cette soirée. Il n'y a aucune raison que notre amitié s'en trouve gâchée. J'ai trop de respect pour toi, l'idée de te faire souffrir me serait insupportable. Et tu sais que les idylles sans lendemains n'ont jamais été ma tasse de thé. Si nous étions en train de faire une bêtise, je te fais la promesse de tout reprendre de zéro et de redevenir l'ami sincère que tu as toujours eu. Mais pour être tout à fait honnête...tu n'es pas la seule à ressentir de tels sentiments. Je crois que j'ai fini par m'éprendre de toi. » Etait-il réellement amoureux ? Il n'en savait rien, ces penchants-là mettaient bien trop de temps à s'installer dans son esprit. Mais il savait depuis longtemps qu'il ne regardait pas Scarlett comme toutes les autres femmes. Caleb leva le verre qui se trouvait devant lui et adressa un large sourire à sa compagne au charme indéniable. « A cette belle soirée et aux deux idiots pitoyables que nous sommes alors. »

Une serveuse vint interrompre leur aveux mutuels en apportant leur premier plat. La soirée se déroula parfaitement bien, l'alcool commençant à enivrer tous les sens de l'écossais. Ils venaient de commander deux autres verres de vin pour accompagner leur dessert mais l'appétit commençait à manquer au jeune trentenaire. Il n'arrivait plus à quitter les beaux yeux verts de la londonnienne et tombait peu à peu en adoration devant la danse sensuelle de sa chevelure de feu lorsqu'elle venait à rire des plaisanteries de son ami. « Je dois avoir un problème avec mes yeux, il ne veulent pas te quitter. » Pris de court par cette nouvelle ardeur qui s'emparait de lui au même rythme que l'ivresse il fut secoué d'un fou-rire incontrôlable. « Excuse-moi, voilà je crois que je viens de franchir la ligne rouge. Bon sang, ce vin est sacrément révélateur, il serait temps d'arrêter les frais. Si nous allions ? Je t'invite ça va de soi et je vais te raccompagner. Enfin, si tu es d'accord. »

Le charme qui opérait depuis le début de cette soirée ne semblait en rien s'estomper durant le trajet qui les menait jusqu'à l'appartement de Scarlett. La proximité charnelle qui les liait en cet instant tandis qu'il la raccompagnait avait quelque chose d'étrangement rassurant bien que le jeune homme se sente plus troublé pas après pas. Il n'osait la serrer davantage contre lui comme d'autres couples pouvaient le faire autour d'eux, ce n'était pourtant pas l'envie qui lui manquait mais il craignait que ce geste de tendresse soit mal interprété par la jeune femme. Enfin, ils arrivèrent devant l'immeuble qu'elle occupait. Quelques secondes, Caleb se demanda comment il devait agir et il sentit son cœur s'emballer. Devait-il déposer un chaste bisou sur la joue de son amie ou au contraire devait-il montrer davantage de ferveur ? Mais Scarlett mit un terme à toutes ses interrogations puisqu'elle l'invita à entrer avant même que l'écossais n'ait songé à ouvrir la bouche. Il la suivit donc docilement, un sourire accroché aux lèvres lorsqu'elle prétexta ne plus avoir de café. L'instant d'après tout basculait. Un élan d'adoration s'empara de lui tandis que les lèvres de la jolie rousse venaient se plaquer contre les siennes. Décidément, Scarlett était pleine de surprises ! Pris par l'ardeur de ce baiser, les sens de l'écossais s'électrisèrent. Lorsque leurs corps se rapprochèrent, le câlin sensuel qui suivit amplifia les sentiments de Caleb. Tendresse et extase s'entremêlaient tandis que la jeune femme ouvrait et menait son cavalier dans un appartement dont il connaissait pourtant chacun des recoins. Il était étonnant d'ailleurs qu'il y mette les pieds dans de telles circonstances. Il n'imaginait plus depuis longtemps une liaison possible entre eux et pourtant c'était bel et bien à un batifolage en bonne et due forme qu'ils s'adonnaient tous deux à cet instant précis. Leur amitié venait de prendre un sérieux coup dans l'aile mais était-ce si dramatique ? L'amour était un chemin nettement plus tortueux qu'il valait mieux ne pas emprunter à la légère, un voyage sans retour pour lequel il était parfois nécessaire de faire quelques sacrifices. Renoncer à leur amitié était un mal nécessaire s'ils voulaient aller plus loin dans leur idylle et cela n'effrayait en rien Caleb. En d'autres circonstances, il aurait certainement tout arrêté, prétextant faire une horrible bêtise et demandant à plusieurs reprises à la demoiselle si elle était bien sûre d'elle. En parfait gentleman qu'il était il aurait été capable de faire passer toute passion primitive après les conséquences qui pouvaient en découler et qui pourraient considérablement lui nuire. Mais cette fois-ci il n'en était rien. Il se laissait guider par Scarlett dans un cheminement érotique qui éveillait plus encore la flamme sommeillant en lui. Tandis qu'il continuait de la dévorer des yeux d'un regard enjôleur et alors qu'ils atteignaient le canapé du salon, il entreprit de retirer sa chemise qu'il jeta sans un regard, laissant ainsi entrevoir ses muscles saillants. Il savait que bien des femmes tombaient en dévotion devant sa silhouette qui était un atout séduction non négligeable. Mais il savait aussi et surtout que Scarlett n'était pas de celle-là et il se surprit alors à penser que c'était sans doute pour cela qu'il ressentait tant d'affection pour elle. D'une simple caresse, il laissa simplement courir sa main le long de ses bras nus, sentant la peau fraîche s'électriser sous ce contact, une nouvelle fois les sens de l'écossais s'embrasèrent.