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 Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]

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Ailionora Townshend
Ailionora Townshend

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MessageSujet: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeJeu 10 Déc 2015 - 23:07

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



« Le vol n°548 en provenance de New-York et à destination de Cincinnati va atterrir. Nous demandons à tous les passagers de bien vouloir rester assit jusqu'à l'arrêt complet de l'appareil. »

Je sursautais dans mon sommeil au moment où miss gros nichons et tignasse décolorée entamait son petit speech pour nous dire que nous étions arrivés. Échevelée et l'air à moitié endormie, j'ôtais les écouteurs de mon iPod qui avait depuis longtemps décrété qu'il n'avait plus de batterie et me redressais sur mon siège pour tenter de comprendre où j'étais. Ma voisine désigna son menton avec un air gêné en me regardant, et je compris tout de suite qu'en plus d'avoir l'air d'un cadavre ambulant, je m'étais bavé dessus en dormant. La classe à l'état pur, Aly... Je me passais une main dans les cheveux pour me donner un air un peu plus frais et m'échouais à nouveau sur la tablette devant mon siège pour finir ma nuit. Le voyage m'avait paru interminable, et j'avais peine à croire que cela faisait seulement quatre heures que j'étais à bord de cet avion. Après une escale à New-York où je n'avais rien pu admirer d'autre que la boutique duty-free et les stand de donuts, j'étais passée à l'embarquement pour un second vol à destination de Cincinnatti. Au final, j'étais partie un lundi de la banlieue de Dublin en car, étais arrivée avec une valise et un sac à l'aéroport, avait pu admirer l'océan Atlantique pendant des heures jusqu'à débarquer enfin à Gotham, the Big Apple, la ville qui ne dort jamais... Bref, appelez ça comme vous voudrez.

Et si vous croyez que mon voyage s'arrête là, permettez-moi de vous rire au nez de manière exagérée et sarcastique ! Parce que là où je vais, c'est le trou du cul des États-Unis, le fin fond de la cambrousse, le désert, et je me demande encore ce que je vais y trouver ! Mais je te vois venir, toi petit curieux qui, pour une raison que j'ignore encore, parcourt mes pensées et se dit « mais diantre ! Que va donc chercher cette merveilleuse et délicieuse jeune fille ? » Déjà, je tiens à te remercier pour les compliments, ça me va droit au cœur ! Ensuite... Et bien il se trouve que la gamine que je suis s'en va rejoindre son père qu'elle n'a jamais vu pour éviter les services sociaux. Réjouissant, n'est ce pas ? Un père qui ne sait probablement même pas qu'il a une fille, tiens...

Épuisée par le trajet, je récupérais mon sac à dos sur lequel étaient piqués un nombre incroyable de pins et babioles de mes films favoris, et m'avançais dans l'allée de l'avion pour en descendre. J'étais incapable de dire l'heure qu'il était ou le jour de la semaine - le décalage horaire et le voyage ayant complètement déréglé mon horloge biologique - mais malgré le beau soleil hivernal qui brillait au dessus de ma tête, j'étais aussi fatiguée qu'en pleine nuit. Je ne rêvais que d'une chose : Un lit et une grosse couette. C'est qu'il faisait un froid polaire dans ce coin ! On m'avait prévu que l'hiver américain pouvait être rude, mais nous étions en avril, tout de même ! Le printemps aurait du pointer le bout de son nez ! J'enfonçais mon bonnet à oreilles de panda sur ma tête, remontais mon écharpe jusqu'à sur mon nez et m'avançais vers l'aéroport pour récupérer ma valise. Il me fallu pas loin d'une heure pour mettre la main dessus, et me précipitais en courant jusqu'à la gare routière toute proche pour ne pas rater ma correspondance. Plus que trois heures de car et je pourrais mettre les pieds à Radcliff ! ENFIN ! Que ce voyage me paraissait long...

A mesure que les minutes passaient, je me demandais si j'avais bien fais de venir... J'avais vidé mes économies dans ce voyage, et si mon père refusait de me reconnaître, je n'aurais plus nulle part où aller. Cette idée m'angoissait au plus haut point, à tel point qu'à chaque fois que je fermais les yeux pour dormir, j'en faisais des cauchemars. Et s'il m'envoyait balader ? S'il ne me croyait pas ? Je ne savais pas si je serais en mesure de me débrouiller seule, à présent. Je chassais alors cette idée de mon esprit et répétais mon petit discours pendant que le car filait à vive allure sur les routes.

J'arrivais finalement sur les coups de dix huit heures, d'après l'horloge de la gare de Radcliff. Les choses commençaient bien... Pour entrer dans la ville, nous avions du passer un premier contrôle, et maintenant que nous étions à la gare, une bande de types tout de noir vêtus nous regardaient comme si nous étions des monstres... S'ils n'avaient pas eu ce brassard rouge au bras pour les identifier comme appartenant à un genre de groupe, j'aurais pu penser que tous les habitants d'ici étaient croque-morts de profession... Quelque chose me disait qu'il valait mieux que je ne m'approche pas d'eux, et je récupérais donc ma valise avant de faire le tour du bus pour mettre le plus de distance entre ces gens-là et moi.
Je tirais alors mon téléphone de ma poche, lequel commençait à méchamment faire la gueule. 2% de batterie... Tu peux le faire, Batsy ! Oui parce que mon téléphone étant un warrior – pour avoir maintes fois survécu à l'attaque de la bière en soirée et rencontré le sol bien trop souvent – je l'avais appelé Batman... Mais bref, passons. J'avais noté l'adresse dénichée sur le net un peu plus tôt dans la semaine. Je ne savais même plus très bien comment j'avais fini par savoir où habitait mon père, tout ce qui comptait c'est que j'avais un numéro, une rue, une ville.

N'ayant pas encore de forfait pour les États-Unis, je ne pouvais utiliser mon précieux GPS pour me repérer. Utilisons la bonne vieille méthode du plan à l'entrée de la gare ! Après avoir passé dix minutes à mémoriser la carte, puis vingt autres à errer dans la ville, je devais me rendre à l'évidence, j'étais complètement paumée ! Ville à la con ! Pays à la con ! PAPA T'ES UN CON ! Voilà. Ça c'est dit, reprenons. J'entrais dans une petite épicerie et demandais mon chemin à la tenancière, laquelle eut tellement pitié qu'elle m'offrit une carte papier après m'avoir trace l'itinéraire et me fourra un paquet d'm&ms entre les mains. Je la remerciais chaleureusement tout en me retenant de lui demander si elle n'avait pas plutôt des chips ou du saucisson à me proposer... J'avais beau avoir une faim de loup, pour rien au monde je n'aurais touché à ces cochonneries pleines de sucre !

Il était pas loin de dix neuf heures quand j'échouais enfin devant l'immeuble où mon supposé père était supposé vivre. Ce qui faisait beaucoup de suppositions pour peu de certitudes. Après avoir relevé le numéro de l'appartement sur les boites aux lettres, je m'engouffrais dans l'immeuble à la suite d'un autre résident et grimpais les marches quatre à quatre.
J'étais terrifiée et impatiente à la fois, euphorique et sur le point de pleurer... Bref, j'étais une fille en pleine crise d'ado, laissez donc mes hormones et mes émotions se battre, vous voulez ?

Une fois devant la porte, je sonnais avant de me mettre à paniquer. J'étais censée dire quoi, déjà ? Merde... Merde je dis quoi ? Trouve un truc, trouve un truc, vite !
La porte s'ouvrit alors...

«Heu... Salut ?»

Ah oui ! Bien ! Bravo, Aly ! Meilleure entrée en matière du monde ! On ne pouvait pas trouver mieux ! Mon dieu que je me sentais conne à cet instant... J'avais répété mon discours pendant des jours, et j'étais incapable de m'en souvenir. Et si je reconnaissais mon père en l'homme qui me faisait face, je le trouvais carrément plus impressionnant qu'en photo... Sa cécité me frappa d'autant plus durement que je n'arrivais pas à capter son regard. J'étais invisible, si je n'avais pas ouvert la bouche, il n'aurait même pas su que j'étais là... Bon, les considérations pour les aveugles, ça sera pour plus tard.

«Heu... Vous... Vous allez trouver ça très con, j'suis sûre... Je m'appelle Ailionora, j'arrive de Cincinnati... Enfin non, en fait je suis partie de Dublin, et puis j'ai fais une escale... Fin bref, ça on s'en fout, en fait... Je... J'espère que vous avez bonne mémoire à défaut de voir... Enfin pardon, c'est pas ce que je voulais dire...»

Ok. J'étais définitivement la reine des connes. D'entrée de jeu, je commençais à balancer une connerie ! Il suffisait qu'il soit susceptible et me claque la porte au nez pour que tous mes efforts soient ruinés.

«Je suis désolée, je... Je vais essayer de faire bref. Vous avez du connaître une femme qui s'appelle Gillian Vailintin... C'était il y a pas loin de dix-sept ans, en fait. Bon je ne sais pas trop comment était votre relation, c'est pas trop mes oignons. Mais heu... Comment dire... En fait elle a fait ses valises mais elle est partie en emportant un petit cadeau. Et la pochette surprise c'est moi. Je sais que ça a l'air dingue et que je m'y prends comme un manche mais heu... Bah je suis votre fille...»

Voilà. Délicat, subtil et bien présenté, du grand art ! J'avais l'impression d'être Luke Skywalker face à Dark Vador, sauf que les rôles étaient inversés. C'était moi qui lui annonçais la nouvelle. Et puis je n'avais pas de sabre laser. Et je lui souhaitais de ne pas être asthmatique en plus d'être aveugle, ça aurait fait tâche !

«Vous allez me laisser sur le palier ou éventuellement je peux entrer poser mes affaires ? C'est pas que ça caille dans votre couloir mais presque...»

J'avais l'espoir qu'il me laisse entrer, mais d'un autre côté, j'avais si mal présenté les choses que je n'aurais pas été étonnée qu'il me ri au nez et me foute dehors. D'ailleurs, je mourais d'envie de me jeter dans ses bras, parce qu'après tout c'était mon père, que je rêvais depuis plus de seize ans de le rencontrer... Mais la terreur me clouait au sol et m'empêchais de faire le moindre mouvement.
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Razen Townshend
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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeSam 12 Déc 2015 - 23:18

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



Les journées, à défaut d’être aussi bien planifiées que des cadrans d’horloge et d’être rythmées avec précision et prédictibilité ont au moins l’avantage d’avoir un matin, un midi, un soir et une nuit qui reviennent assez régulièrement, suivant la courbe du soleil. Et si pour Razen, c’est la nuit polaire depuis plus de vingt ans, il doit admettre que le matin, le midi, le soir et la nuit restent bien présents dans sa vie grâce à un seul élément tangible autre que les allers-venues de son frère : son estomac. Il grignote. Sans souci. Sans se brider non plus. Son estomac est réglé comme une horloge, avec une ponctualité désarmante. Le matin, il mange, le midi, il mange, le soir, il mange, la nuit, il vide le frigidaire à défaut de parvenir à dormir. Et là, affalé sur le canapé où il n’écoute que d’une oreille la météo du lendemain et la publicité inintéressante, il grignote encore un morceau de pain en attendant que l’heure du repas soit là. Tic tac, tic tac… ses oreilles n’arrivent pas à se détacher des déplacements de la trotteuse dans sa nouvelle montre, ses doigts partent dans sa barbe pour la frotter et se perdre dans les poils. Il grignote en mâchant dans le vide, le regard perdu sur un point invisible pour lui, les oreilles saturées d’idioties pour mieux devenir sourd en plus d’être aveugle. Il n’y a que dans ces moments là qu’on peut dire que Razen est bien. Pas besoin de réfléchir, pas besoin d’écouter, pas besoin de penser. Assis en tailleur sur le canapé, l’aveugle écoute le temps passer et active ses mâchoires dans un réflexe machinal. Tic tac, tic tac… l’aiguille des minutes se décale dans un clic détonnant. Le soupir qui suit n’appartient peut être pas à l’horloge et encore moins à la montre mais il rythme lui aussi les minutes. Il est rageant pour Razen de n’avoir rien à faire. Il aimerait bien tenter à nouveau de cuisiner mais comme la dernière fois il a failli poser négligemment la main sur la plaque électrique pas encore tout à fait refroidie et que ces derniers temps, il a eu son compte de brûlures… il préfère ne pas récidiver.

Et en parlant de brûlure, son épaule le tire désagréablement et l’imbécile ne peut s’empêcher de se tortiller pour passer une main sous son col et aller effleurer du bout des doigts le bandage qui couvre une bonne partie de son épaule et de son bras droit. Elle l’a pas touché, la petite garce de compétition dont Alvin s’est stupidement et entiché, et attiré les foudres dans tous les sens du terme. Une mutante. Youpi. Une mutante aussi stupide qu’impulsive, encore plus parfait. Dans un grognement, Razen s’aperçoit qu’il a terminé son morceau de pain et s’allonge sur le canapé en tentant de ne pas réveiller la douleur de son épaule bandée pour le moment assommée sous les antalgiques. Il va l’étrangler. Dès qu’il aura trouvé des yeux et un minimum d’autonomie bien sûr. Il va l’étrangler ou alors il va commencer par attraper Alvin et prendre l’un pour frapper sur l’autre. Oh, oui, ce serait bien. Et ce qui serait bien aussi, c’est qu’il arrive à [i)vraiment[/i] en vouloir à son petit frère. Mais non. Comme il est stupide, il se contente de grignoter, de glander, de tenter de grappiller ça et là des heures de sommeil comme toujours. Et il s’emmerde un peu, aussi. Déjà qu’être aveugle, en temps normal, c’est pas non plus super folichon niveau occupation autonome, mais en plus, avoir un bras immobilisé pour il ne sait déjà plus combien de temps… on a vu mieux. Un bâillement, Razen se redresse, sachant pertinemment qu’il ne va pas réussir à dormir pour le moment. Ses doigts se perdent sur le canapé, sur la table basse, attrape un roman dont il déchiffre rapidement la couverture écrite en braille. Le Seigneur des Anneaux. Parfait. Il l’a commencé il y a deux jours et même s’il ne supporte pas le style d’écriture de Tolkien, il aime trop l’univers pour s’en lasser. C’est la neuvième fois qu’il le relit, s’il se souvient bien. Neuvième fois en braille, bien sûr. Malheureusement, il n’a pas le temps de lire plus d’une demi-douzaine de pages que la sonnette éclate à ses oreilles. Aussitôt, Razen se méfie. Okay, la dernière fois, la personne n’a pas sonné et c’était ça le problème. Mais en général, ils n’ont pas masse d’invités. Un regard totalement inutile en direction des chambres, Razen lance un tout aussi inutile « Alviiiiiin » puisqu’aux dernières nouvelles, son frère n’est toujours pas là. Il doit se résoudre à se traîner de lui-même vers la porte. Et comme les aveugles n’ont même pas droit au judas, il y va totalement à l’aveuglette. La porte s’ouvre, sans défaire la chaînette. «Heu... Salut ?»

Aussitôt, l’anglais réajuste sa position et fixe vers le bas. Ou un peu plus bas. Une gamine ? « C’est pour quoi, des tickets de tombola ? » Il n’est pas agressif, juste moqueur. Une gamine. Pourquoi se méfier d’une gamine, hein ? Ses doigts glissent en direction de la chaîne pour envisager de la défaire. «Heu... Vous... Vous allez trouver ça très con, j'suis sûre... Je m'appelle Ailionora, j'arrive de Cincinnati... Enfin non, en fait je suis partie de Dublin, et puis j'ai fais une escale... Fin bref, ça on s'en fout, en fait... Je... J'espère que vous avez bonne mémoire à défaut de voir... Enfin pardon, c'est pas ce que je voulais dire...» Razen arque un sourcil, sans trop comprendre ce qu’il y a à comprendre. « Quoi, tu t’es perdue ? Dublin, c’est pas vraiment la porte à côté. » Le discours de la gamine est vraiment… totalement bordélique. Comme la chambre de Razen, mais ce n’est pas très important. Bordélique donc, et sans aucune logique et encore moins de sens. Ce n’est pas que ça l’emmerde de taper la discut’ avec une gosse qui embête les gens sans savoir ce qu’elle veut leur dire, mais Razen a d’autres chats à fouetter. Ou pas. Il s’emmerdait donc… il est bien obligé d’admettre que ça lui fait une distraction. Le voilà qui ouvre entièrement la porte et s’adosse au montant en croisant les bras dans une nonchalance qui le caractérise. Et donc ? «Je suis désolée, je... Je vais essayer de faire bref. Vous avez du connaître une femme qui s'appelle Gillian Vailintin... C'était il y a pas loin de dix-sept ans, en fait. Bon je ne sais pas trop comment était votre relation, c'est pas trop mes oignons. Mais heu... Comment dire... En fait elle a fait ses valises mais elle est partie en emportant un petit cadeau. Et la pochette surprise c'est moi. Je sais que ça a l'air dingue et que je m'y prends comme un manche mais heu... Bah je suis votre fille...» Heureusement, bon sang, heureusement que Razen est adossé à quelque chose. Parce que sinon… « QUOI ? » Il éclate de rire. Entre ça et se viander, il a choisi le plus simple et le plus pratique. Il éclate de rire. Gillian, bien sûr que ça lui évoque quelque chose, ce doit être l’une de ses plus longues, plus anciennes et plus stables relations. Quand ils étaient encore en Angleterre, Alvin et lui. C’était il y a… la gosse a pas tort, pas loin de dix-sept ans. Oh… oh putain. Il rit encore, Razen, mais son rire commence à devenir jaune alors qu’il se rend compte que soit elle est super forte niveau vanne, soit il y a peut être un soupçon, infime, hein, de vérité. « Tu te fous de ma gueule, si j’avais une gamine, je serais le premier au courant, non ? » Non. S’il se souvient bien de Gil’, il se souvient encore plus de la manière dont ça s’est terminé entre eux. Brutalement. Douloureusement pour lui. En même temps, sortir avec une flic… ça avait immanquablement quelque chose de stupide de sa part mais… il ne pouvait pas résister à Gil’. C’était la femme parfaite, drôle, affectueuse, énergique… elle était de celles qui ne s’apitoient pas devant sa cécité et qui, au contraire, la prennent avec un naturel rafraichissant. Sauf qu’elle avait fini par le plaquer en découvrant qu’il n’était peut être pas aussi honnête qu’il avait pu le laisser sous-entendre.

«Vous allez me laisser sur le palier ou éventuellement je peux entrer poser mes affaires ? C'est pas que ça caille dans votre couloir mais presque...» La voix de la gosse – comment elle lui a dit s’appeler déjà ? – le sort de ses pensées et de ses souvenirs et le voilà qui regarde dans le vide, sans faire le moindre effort pour faire semblant de la regarder. La laisser entrer ? Ses affaires ? Et puis… d’abord… comment pouvait-il penser la croire ? « Attends… tu es sérieuse ? » Ailionora. Si c’est une blague… elle est sacrément bien préparée. Parce qu’il avait confié à Gillian adorer le prénom d’Eleanor, et qu’elle lui avait soutenu mordicus que seuls les prénoms irlandais tenaient la route. Sans même y penser, Razen se décale. Une fille. Okay. Bien. Il n’y a qu’un moyen d’en être sûr, autre que le test de paternité qu’il ne serait de toute manière même pas capable de lire. Il déteste faire ça en général, le Razen. Il déteste user à ce point de sa mutation, dans une optique bien définie, avec un but bien ancré dans son esprit. Lorsqu’il effleure des objets ou des personnes, il peut les comprendre avec une acuité plus ou moins intense, selon sa concentration et ses envies. Les êtres humains, il perçoit leurs aspirations ; les objets leur origine. Et s’il creuse davantage, il peut en savoir plus de l’histoire de ce qu’il touche. Humains ou objets. « Tes… affaires ? Parce que tu comptes camper quelque part ? Bon, entre, je vais appeler tes parents, ils vont s’inquiéter. » Il fait tout, absolument tout, pour ne pas la toucher. Ne pas l’effleurer.

Ne pas savoir. Pourquoi ? Parce qu’il ne veut pas vraiment être certain de quoique ce soit tant qu’il ne saura pas quoi en penser. Elle a du préparer son discours, ce n’est pas possible autrement. Elle a du préparer son discours, bien le ficeler, pour lâcher toutes les informations nécessaires. Et rejeter loin, très loin, l’hypothèse d’un amas de coïncidences. Sauf qu’il n’a pas de fille, il ne veut pas de fille, il n’espère pas de fille. Sa main libre de toute écharpe cherche dans sa poche son téléphone, ne le trouve pas – pour changer. Il l’a entendue entrer, il ferme derrière elle et se tourne dans sa direction approximative. « Bon, écoute. Je suis à peu près convaincu que je n’ai pas de fille et même, il vaut mieux pour toi que tu ne sois pas ma fille parce que je ne pense pas être le père tout à fait parfait. Et puis, t'as un mère, c'est déjà bien, non ? » Elle n’a qu’à voir l’état de l’appartement dans lequel vivent deux frères vieux garçons – ou presque. Il se passe une main dans les cheveux pour les décoiffer d’un mouvement nerveux. Quelques pas le mènent vers la table du salon où il cherche son téléphone. « Donne-moi un numéro. Tu sais, c’est pas bien de fuguer comme ça, si Gil est ta mère et qu’elle a pas changé, tu vas te prendre une sacrée rouste. Et elle doit se faire un sang d'encre. Et... pourquoi est ce que tu penses que c'est moi ton père ? C'est quand même dingue cette histoire ! »

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Ailionora Townshend
Ailionora Townshend

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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeLun 14 Déc 2015 - 22:27

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



« C’est pour quoi, des tickets de tombola ? »

Je haussais un sourcil, perplexe, et croisais les bras avec une moue bougonne. Ce n'était vraiment pas nécessaire de me rappeler que j'étais petite pour mon âge et qu'on me donnait souvent deux à trois ans de moins, mais surtout je trouvais ça vexant venant d'un type qui n'aurait pas bronché si je m'étais promenée en tutu rose à paillettes devant lui ! Ca s'entendait donc même dans ma voix ? Surtout, pour la crédibilité, on repasserait... Je préférais alors chasser l'idée de mon esprit pour le détailler du regard. C'est vrai qu'il était aussi bien rasé qu'un vieux paillasson usé, qu'il portait une tenue tout sauf classe... Oui il avait l'air d'un ado et non d'un homme de presque quarante ans... Mais c'était mon père. J'avais enfin mon père sous les yeux, et j'étais bien plus impressionnée que je ne l'aurais cru. Je fronçais les sourcils en voyant son bras, apparemment blessé, maintenu par une large bande de tissu. Allons bon... On ne lui avait jamais dis que faire de la luge quand on ne voit rien c'est pas bien malin ? Ou peut-être qu'il faisait un boulot dangereux, qui sait ? Pourquoi pas flic, comme maman ? Ou agent secret, c'est cool ça, agent secret !

Ok Aily, tu regardes trop de films. Beaucoup trop. Ton paternel c'est ni James Bond, ni Ethan Hunt, alors tu descends de ton petit nuage... Mon aimable conscience n'avait pas tort. Il avait peut-être simplement glissé dans la baignoire et s'était connement cassé le bras, mais je préférais imaginer quelque chose de plus classe. Car dans mon esprit, mon père c'était un peu ce super héros sans cape ni justaucorps moulant, ce type que n'importe quelle gamine aurait regardé avec admiration en disant fièrement « c'est mon papa ! ». D'ailleurs, quiconque savait que mon père était aveugle ne pouvait être étonné en apprenant que mon super héros favori était Daredevil. Mais je m'égarais au pays des comics et en oubliait ce qui se passait sous mes yeux. J'avais envie de lui sauter au cou, de lui dire à quel point il était...

« Quoi, tu t’es perdue ? Dublin, c’est pas vraiment la porte à côté. »

… Ok oubliez tout ce que je viens de dire, c'est un débile. Sans dec, Dublin c'est pas la porte à côté, je viens de te dire que j'arrive, couillon ! D'un autre côté, je ne l'aidais pas vraiment, avec mon discours bancal et mes hésitation... Si c'était bien mon père, on pouvait aisément dire « les chiens ne font pas des chats » : Il avait l'air à peu près aussi con que moi. Et puis je continuais sur ma lancée, jetant un pavé dans la mare en lui annonçant la si chouette nouvelle... Et si je m'étais attendue au « quoi ? », j'étais beaucoup moins préparée à l'entendre rire comme si je venais de lui raconter une bonne blague...

«Dites, heu... Si vous voulez vraiment vous marrer, je connais une super blague sur un aveugle qui rentre dans un bar, vous allez voir elle est tordante...», raillais-je.

Boucle-la, Aily, boucle-la ! J'aurais du apprendre à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler, mais c'était plus fort que moi. Ca sortait instinctivement, surtout dans des situations aussi ridicules.

«Non je ne me fous pas de votre gueule, j'aurais pas fais tout ce chemin pour un canulars... Et jusqu'à preuve du contraire, c'est maman qui s'est farci les nausées et le gabarit bibendum, pas vous ! Donc... Ça tient pas la route, votre affaire... Si elle ne vous a rien dit bah... Déjà elle a eu tort mais ça c'est mon avis, et ensuite vous ne pouviez pas savoir que vous aviez une fille. CQFD.»

Boooon, certes, ça ne devais pas être facile à encaisser, après tout si j'avais été dans son cas, je n'aurais p'tet pas cru non plus à cette histoire... Mais ça devenait un peu vexant de l'entendre me demander si j'étais sérieuse ou si je me foutais de sa gueule... J'avais dépassé ce stade, j'étais épuisée et je n'avais vraiment plus envie de me moquer de qui que ce soit. Je levais les yeux au ciel et entrais dans l'appartement dès que j'en eu l'autorisation. Et... C'était le boxon. A croire qu'un ouragan était passé par là ou qu'on avait fait la fête ici la veille. Des restes de pizza froide avaient été jetés sur la table basse, le sol était jonché de choses diverses et variées... Maman aurait fait un infarctus en voyant ça. Elle qui était une maniaque sans nom du rangement et de l'ordre, elle n'aurais pas pu supporter de vivre ici. Moi... J'm'en foutais. En fait ça me faisait même un peu rire. J'avais passé mon enfance et la moitié de mon adolescence à ranger, nettoyer, mettre en ordre... A tel point que depuis que maman était partie, j'avais laissé les choses s'empiler chez moi avec un bonheur inimaginable ! Mais tout de même... Tout ce bordel, ça me stressait un peu. Je posais ma valise et mon sac à côté du canapé, et retirais mon bonnet et mon écharpe. Il faisait quand même vachement plus chaud ici ! Et voilà que l'autre andouille voulait appeler mes parents... Je me retenais de lui dire que c'était inutile, puisque j'en avais un sous les yeux ! A croire qu'il était dans le déni et préférait rester aveu... Ah bah non. Ça c'était déjà le cas.

« Bizarrement je ne compte pas dormir dehors, non ! Et j'ai dépensé tout ce que j'avais pour venir ici, alors... Vous êtes peut-être convaincu que vous n'avez pas de fille, mais moi je suis à peu près convaincue que j'ai un père, et ce père c'est vous. Pas la peine d'y passer trente ans, non ? »

Et puis sa réflexion me fit totalement sortir de mes gonds. Je serrais les poings, luttant contre la colère qui commençait à monter en moi et les larmes qui menaçaient de couleur sur mes joues. Toute ma vie j'avais cherché mon père. Toute ma vie j'avais vécu avec ce manque, avec ce petit quelque chose que les autres avaient et moi non... Et j'avais droit à ça ?

«C'est... Déjà bien ? C'est tout ce que vous trouvez à dire ? Putain mais j'hallucine ! Je préfère cent fois avoir un père imparfait que pas de père du tout ! Tu sais combien de temps je t'ai attendu ? Combien de lettres j'ai écrites sans jamais savoir où les envoyer ? Tu sais combien de putains de fois j'ai rêvé que j'avais un père comme tout le monde et qu'il veillait sur moi ? Tu sais combien je t'en ai voulu quand maman picolais comme un trou jusqu'à en gerber ses tripes par terre et que j'étais toute seule pour ramasser ses merdes ? Tu le sais, ça ? Non, bien sûr, puisque t'as PAS de fille ! »

J'étais comme ça. Sanguine, impulsive, vulgaire. J'avais besoin de lui dire que je lui en voulais, parce que c'était vrai. Mais j'avais besoin qu'il me prenne dans ses bras pour sécher ces larmes qui baignaient à présent mon visage sans que je puisse les retenir. Je poussais un profond soupir et tentais de me calmer, de reprendre posément.

«J'ai pas fugué... C'est maman qui est partie. Je sais pas pourquoi. Tout allait mieux, même mes résultats et... Je sais pas... Elle m'a appelé une seule fois et m'a dit de ne pas m'inquiéter... Elle a dit que les services sociaux viendraient me chercher mais... Je veux pas... Je veux pas qu'on me place chez des inconnus, alors j'ai fais des recherches, à partir de photos que maman a gardé, de souvenirs... Je suis remontée jusqu'à toi... Alors je n'ai aucune certitude, ton nom n'apparaît pas sur mon acte de naissance, rien... Va falloir me croire sur parole, c'est tout.»

J'essuyais d'un geste rageur les larmes sur mon visage et reniflais avec élégance et délicatesse avant de m'approcher de celui que je pensais être mon père.

«Oui cette histoire est dingue, et si ça te pose un problème, on peut même faire un test de paternité ! Seulement j'aurais espéré que tu me croirais sur parole... On reprend au début, d'accord ? Moi c'est Ailionora, et toi ?»

Je lui tendis la main pour imiter les gens civilisés, avant de me souvenir qu'il ne me voyait pas.

«Ah heu... Désolée... En fait je te tends la main, là... Histoire qu'on se dise bonjour...»

J'avais bon espoir qu'il réagisse, mais j'avais oublié un détail : Autant d'émotions d'un coup, c'était la porte ouverte à la perte de contrôle de ma mutation. Et lorsqu'il me saisit la main... Un violent frisson me parcouru l'échine, suivit d'un sentiment très désagréable de solitude, de perte et un.. Ricanement ? Bordel pourquoi j'entendais un clown rire, là ?
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Razen Townshend
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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeJeu 17 Déc 2015 - 18:28

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



Razen, sans être un très grand cinématophile, a tout de même une culture assez disparate et complète ; e même s'il est aveugle, il serait stupide de croire qu'il ne connaît pas ses classiques. Aussi, face à cette gamine qui se proclame être sa fille, il a l'impression d'être propulsé sans qu'on lui demande son avis au milieu d'un remake plus ou moins brinquebalant de Star Wars. Il ne manquerait plus qu'elle fasse de l'asthme et le tableau serait complet. Sauf qu'elle ne fait pas d'asthme, sauf qu'ils ne sont pas dans un film, sauf que… elle se fout de sa gueule, hein, c'est évident. Contrairement à ce que pourrait sous-entendre sa question, Razen ne sourit pas, trop occupé à démêler ses pensées et son étonnement pour ça. Non, Razen ne sourit pas : il est bien trop occupé à rire de cette déclaration. Lui, avoir une fille ? Et puis quoi encore, la prochaine vanne c'est que son petit frère va être papa ? Bon, d'accord, mauvais exemple puisqu'Alvin va réellement être père. Misère. Misère de misère, le sort s'acharne contre eux comme pour leur prouver que le sang de Townshend ne peut qu'être transmis et plutôt deux fois qu'une. «Dites, heu... Si vous voulez vraiment vous marrer, je connais une super blague sur un aveugle qui rentre dans un bar, vous allez voir elle est tordante...» Ah, ahah, comme s'il ne la connaissait pas celle là. Mais il doit bien admettre que la gosse semble bien informée sur le sujet et que si c'est une blague… Le rire de Razen commence à se teinter de jaune, l'angoisse et la compréhension s'entremêle dans un ensemble un peu douteux. S'il avait une fille, il serait le premier au courant, non ? Gillian, dont il se souvenait parfaitement, n'aurait tout de même pas fait la blague de… «Non je ne me fous pas de votre gueule, j'aurais pas fais tout ce chemin pour un canulars... Et jusqu'à preuve du contraire, c'est maman qui s'est farci les nausées et le gabarit bibendum, pas vous ! Donc... Ça tient pas la route, votre affaire... Si elle ne vous a rien dit bah... Déjà elle a eu tort mais ça c'est mon avis, et ensuite vous ne pouviez pas savoir que vous aviez une fille. CQFD.» CQFD. D'une voix songeuse, il répète « CQFD… Ce qui fait chier Dumbo » détaille-t-il dans un réflexe vieux de sa quatrième, cinquième ?, famille d'accueil lorsqu'avec Alvin ils s'amusaient à faire tourner en bourrique l'un des gosses de ceux qui les accueillaient et qui possédait des oreilles particulièrement décollées et imposantes. CQFD. Une main dégringole son visage, se perd sur son menton.

Elle plaisante. Elle plaisante forcément. Sauf qu'elle n'a pas tort, Gillian peut très bien le lui avoir caché et… Vous ne pouviez pas savoir que vous aviez une fille. Okay. Bien. Razen est un peu perdu, là, mais s'il parvient rapidement à déduire une chose, c'est bien qu'ils seront mieux à l'intérieur de l'appartement que sur le palier. De toute manière, toutes les choses légèrement craignos sont supposées être rangées dans sa chambre ou dans celle de son frère donc… Il finit par lui faire signe d'entrer. Et refuse de la toucher, refuse même de l'effleurer de peur que son inconscient ne se précipite pour confirmer ses dires et lui balancer en plein visage la panique d'une paternité vérifiée ou l'étrange déception d'une paternité factice. Il ne veut pas savoir. Il préfère fermer les yeux, aussi ironique que cela puisse être pour un aveugle, et se contenter de rester dans son petit univers où la gamine s'est perdue, la gamine lui fait une blague, la gamine se fout de sa gueule. Razen préfère se raccrocher à ce qu'elle dit plutôt qu'à ce qu'elle lui avoue, c'est bien plus simple. Ses… affaires donc ? Parce qu'elle compte camper quelque part, peut être ? « Bizarrement je ne compte pas dormir dehors, non ! Et j'ai dépensé tout ce que j'avais pour venir ici, alors... Vous êtes peut-être convaincu que vous n'avez pas de fille, mais moi je suis à peu près convaincue que j'ai un père, et ce père c'est vous. Pas la peine d'y passer trente ans, non ? » J'ai dépensé tout ce que j'avais. Misère, putain, misère de misère.

Faire le point. Démêler le vrai du faux, rejeter le vrai pour embrasser le faux. En temps normal, Razen est quelqu'un d'assez lucide, il accepte la réalité et les emmerdes avec un calme et une nonchalance presque désespérante. En temps normal, aussi, il ne se retrouve pas entre deux parts de pizza propulsé de tuteur de son frère de trente deux ans à père d'une gosse de quoi ? Quinze ? Seize ? Dix-sept ans ? Il ne sait même pas gérer les gosses comme ça. A son âge, il était responsable de Ren et d'Alvin donc bon… Sa main valide part à la recherche d'un téléphone pour se réveiller de cet hybride entre rêve et cauchemar et Razen consolide un peu plus la petite histoire qu'il s'est inventé, en tentant aussi de convaincre la mioche que, un, il est à peu près convaincu qu'il n'est pas père, que deux, si Gillian est sa mère, alors elle devrait déjà être bien contente d'avoir quelqu'un pour veiller sur elle et de trois, il est bien conscient de ne pas être l'idéal du père de famille, entre son sens totalement surfait du rangement et son travail – inexistant – se frottant un peu trop avec l'illégalité et la violence. Son épaule immobilisée en est d'ailleurs la preuve. Donc oui, Elle a une mère, et c'est déjà bien. Non ? Non, visiblement. «C'est... Déjà bien ? C'est tout ce que vous trouvez à dire ? Putain mais j'hallucine ! Je préfère cent fois avoir un père imparfait que pas de père du tout ! Tu sais combien de temps je t'ai attendu ? Combien de lettres j'ai écrites sans jamais savoir où les envoyer ? Tu sais combien de putains de fois j'ai rêvé que j'avais un père comme tout le monde et qu'il veillait sur moi ? Tu sais combien je t'en ai voulu quand maman picolait comme un trou jusqu'à en gerber ses tripes par terre et que j'étais toute seule pour ramasser ses merdes ? Tu le sais, ça ? Non, bien sûr, puisque t'as PAS de fille ! » Il s'immobilise dans son mouvement lorsqu'il l'entend commencer à vraiment s'énerver contre lui. Des lettres. Pour lui. Je préfère cent fois avoir un père imparfait que pas de père du tout. « Tu… tu m'as écrit des lettres ? Enfin, je veux dire… tu as écrit des lettres à ton père ? » Il ne pourra jamais les lire. Razen a du mal à respirer. Lui aussi, il aurait aimé avoir un père, mais un père en vie, un père qui aurait pu récupérer Ren, qui aurait pu correctement élever Alvin, un père qui n'aurait pas laissé ses fils se séparer, vivre d'une vie d'errance et de contrats plus ou moins moraux. Razen aussi, il aurait aimé avoir une mère. Il n'a pas choisi d'être orphelin, n'avoir qu'un seul de ses deux parents lui aurait largement suffit, ne l'aurait pas obligé à porter sur les épaules sa responsabilité d'aîné. Mais… il peut aussi la comprendre. Et il peut comprendre les larmes qu'il entend dans sa voix.

Brutalement, il a envie de la prendre dans ses bras, cette gamine, juste pour vérifier, juste pour être sûr, juste pour… juste pour. Il l'entend pleurer, il sent dans sa voix des larmes qu'il a lui même provoquées. Mais l'anglais a beau sentir, comprendre, percevoir instinctivement tout ça, il ne sait pas pour autant comment il est supposé réagir. Alors… il la laisse parler, tentant d'assimiler ce qu'elle lui dit puisque c'est la seule chose qu'il est capable de faire pour le moment. «J'ai pas fugué... C'est maman qui est partie. Je sais pas pourquoi. Tout allait mieux, même mes résultats et... Je sais pas... Elle m'a appelé une seule fois et m'a dit de ne pas m'inquiéter... Elle a dit que les services sociaux viendraient me chercher mais... Je veux pas... Je veux pas qu'on me place chez des inconnus, alors j'ai fais des recherches, à partir de photos que maman a gardé, de souvenirs... Je suis remontée jusqu'à toi... Alors je n'ai aucune certitude, ton nom n'apparaît pas sur mon acte de naissance, rien... Va falloir me croire sur parole, c'est tout. Oui cette histoire est dingue, et si ça te pose un problème, on peut même faire un test de paternité ! Seulement j'aurais espéré que tu me croirais sur parole... On reprend au début, d'accord ? Moi c'est Ailionora, et toi ?» Cette histoire est dingue ? C'est le moins qu'on puisse dire, selon Razen. Maman picolait, Maman est partie, Maman a dit que les services sociaux viendraient la chercher. Une bouffée de colère s'empare de Razen à ces mots. Ce n'est pas la Gillian qu'il a connue, bordel, ce n'est pas celle qu'il a connu qui foutrait sa fille dans le système des familles d'accueil… Mais étrangement, ça lui ressemble tout de même assez pour qu'il croie la mioche.

On reprend au début, d'accord ? Le voilà qui inspire. Qui garde le silence. Son attitude est éloquente, du moins c'est ce qu'il pense, lorsqu'il passe sa main valide sur ses yeux et les frotter, comme un voyant le ferait pour éclaircir sa vision en même temps que ses pensées. Il a beau être aveugle depuis plus de vingt ans, certaines habitudes ont du mal à se perdre. «Ah heu... Désolée... En fait je te tends la main, là... Histoire qu'on se dise bonjour...» Hein ?   « Tu... tu me sers la main ? Je... okay. » Il ne sursaute pas, mais c'est tout comme. La plupart des gens n'ont pas forcément conscience de tout ce qu'implique la cécité, tant la vue a tendance à être omniprésente pour eux pour ne pas être prise constamment en compte de manière inconsciente. Allez, Razen, prends une décision maintenant. Serrer la main de la gosse, c'est faire un test de paternité, c'est brider sa mutation pour ne pas la connaître réellement mais c'est aussi ne plus avoir le droit de fermer les yeux. Et risquer d'être déçu et soulagé. Alors, Raz… pilule bleue ou pilule rouge ?   « D'accord » commence-t-il en tendant une main maladroite dans le vide en espérant qu'elle fasse d'elle même le chemin qu'il lui reste à faire. Il dirait bien quelque chose de plus seulement il ne s'attendait pas vraiment à ce frisson glacé lorsqu'il saisit la main de sa fille.

De sa fille. De sa fille. La certitude le traverse avec la violence de l'électricité, parcourt ses muscles, éteint son cerveau. La certitude est si brutalement qu'il expire tout l'air de ses poumons. Et surtout, qu'il ne maîtrise plus du tout son pouvoir. D'un soupir, il comprend l'inquiétude de sa fille, perçoit ses espérances, touche du doigt ce qu'elle attend de lui. Mais il n'a pas le temps d'encaisser tout cela que déjà une nouvelle bouffée d'angoisse le submerge et que par réflexe, il tire Ailionora vers lui pour l'enlacer, comme pour la protéger de ce rire sardonique qu'il entend derrière lui.

Razen ne saurait expliquer d'où, exactement, vient sa peur des clowns. Elle a beau précéder sa cécité, elle lui noue encore les entrailles à la moindre mention de ces comiques infantiles, elle l'angoisse et s'affirme lorsqu'il prend conscience de la proximité d'une de ces créatures. La seule chose qui lui permet de ne pas pleinement paniqué ? Sa maturité, cela va sans dire. Sa maturité, le fait qu'il soit un adulte capable d'affronter ses peurs en gardant la tête froide et surtout, surtout, la proximité d'Ailionora qu'il a besoin de préserver de cette horreur. Son angoisse augmente d'un cran encore lorsqu'au rire glacial du clown s'ajoute une perte d'équilibre. Ce n'est pas tant les chutes en elles-mêmes qui effrayent l'anglais que la simple perspective d'une chute qu'il ne saurait voir venir, qu'il ne saurait empêcher, qu'il ne peut qu'appréhender. Elle n'a d'explicable, cette bouffée d'angoisse qui le submerge et qui englue ses membres dans une terreur au goût artificiel bien présent mais il ne faut pas longtemps à Razen pour l'étouffer et prendre sur lui. Et se rendre compte, aussi, qu'il est bien obligé d'accepter la réalité. Son bras valide se détache de la gamine, il fait un pas en arrière. « Moi c'est Razen. Ton… ton père du coup. » Bien. Voilà qui est fait. « Je crois qu'on va devoir discuter un peu, tous les deux, alors. Parce que… » Il repense à tout ce qu'elle a pu lui dire un peu plus tôt. « Tu peux me guider jusqu'au canapé et m'amener une bière ? Sers-toi dans le frigo, prends ce que tu veux. » Elle va être surprise du revirement de situation mais Razen a peut être eu le courage de surmonter rapidement ses peurs pour accepter la réalité, il n'a pas envie de s'expliquer pour le moment. Elle sera mise au courant bien suffisamment tôt pour sa mutation, autant ne pas précipiter les choses. « Et du coup… tu viens de Dublin ? Gil' n'habite plus à Manchester ? » Il tente d'en savoir plus avec une maladresse qui pourrait être touchante s'il n'avait pas conscience de ne pas avoir droit à l'erreur.  

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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeMer 30 Déc 2015 - 1:34

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



« CQFD… Ce qui fait chier Dumbo »

… Ok... Minute... Ce type a bu, ou bien c'est moi qui divague ? Ou alors j'avais face à moi un mec un peu con... Ouais... Ca semblait logique... « c'est ton père, Aili... » Bordel oui ! C'était mon père... Bon sang... Con comme un balai, le padre et aussi bigleux qu'une taupe. Ça partait bien. J'avais un peu de mal à savoir s'il était en train de se foutre royalement de ma tronche ou si c'était sa façon naturelle de s'exprimer, mais je commençais à me vexer. J'avais fais un voyage éreintant, et je devais encore batailler avec un type qui n'acceptait pas ce que je lui disais. J'aurais presque préféré qu'il me dise « ok, je suis ton père ! » et qu'on puisse passer à la suite... Mais c'était bien trop surréaliste, bien trop illogique. Il avait le droit de poser des questions, le droit de ne pas me croire... Le droit de penser que je racontais des salades depuis le début.

C'est peut-être en partie pour ça que je m'énervais à ce point lorsqu'il me lança que c'était « déjà bien » d'avoir une mère. Parce qu'il ne semblait pas réalisé à quel point j'avais pu chercher une figure paternelle dans mon enfance, à quel point j'aurais aimé pouvoir me blottir dans les bras de mon père quand ma mère m'enguirlandais... Et inversement, le contraire aurait très bien marché, j'en étais certaine. Quand je voyais les autres gamins entourés de leur deux parents, que ça soit un père et une mère, deux mères ou deux pères, qu'est ce que ça changeait ? Ca faisait toujours deux... Chez moi, il n'y avait jamais eu ça, et j'en avais souffert autant que ma mère, j'en étais certaine. Jamais personne pour lui préparer un petit repas quand j'étais trop jeune pour le faire, jamais un je t'aime prononcé par quelqu'un d'autre que sa fille... Elle avait fini par s'enfermer dans une carapace nocive dont j'avais été incapable de la tirer. Et pourtant, je n'étais pas certaine que mon père aurait pu faire quoi que ce soit pour elle... D'ailleurs, auraient-ils seulement été heureux, tous les deux ? Pas sûr...
Mais l'autre andouille qui commençait à buguer en me demandant si je lui avais bien écris des lettres...

« Non non, elles étaient pour le père Noël, les lettres... A ton avis ? »

J'entendais au loin ma mère me faire « Ailionora, surveille ton langage ! Ailionora, soit polie ! Ailionora, ne parle pas aux inconnus ! » Oui bah Ailionora elle en avait littéralement plein le cul ! Et finalement, pleurer et évacuer ma colère et ma tristesse m'aidait à me détendre, en quelque sorte. Je pouvais enfin dire à ce père inconnu combien je lui en avais voulu, à quel point j'aurais voulu qu'il soit là... Mais j'étais incapable de lui dire aussi à quel point sa présence m'avait manquée, à quel point j'aimais déjà ce père que je n'avais jamais connu... Tout était confus dans mon esprit, parce que je ne savais finalement plus où j'en étais. Et s'il me mettait à la porte ? Si j'avais fais la plus grosse bourde de ma vie en venant ici ? Je ne voulais pas terminer dans une famille d'accueil qui ne ferait que me nourrir pendant les quelques mois me séparant de ma majorité pour ensuite me mettre à la porte.. Je ne voulais pas être ballottée d'un foyer à un autre jusqu'à mes 18 ans. Et dire que j'étais venue me perdre dans un pays où la majorité ne s'atteignait qu'à 21 ans...

Alors finalement je me calmais, voyant bien l'air décontenancé sur le visage de mon père. Autant lui laisser le temps de ruminer tout ça, nous aurions bien le temps d'en rediscuter plus tard. Je fus d'ailleurs surprise de le voir si vite obtempérer en me tendant la main à son tour. Je serrais la sienne... Et c'est là que tout bascula. Qu'un frisson d'angoisse coula le long de mon échine comme un filet d'eau glacée, là que je sentis la peur m'étreindre et l'angoisse figer mes poumons dans ma cage thoracique. Je la détestais, cette sensation... Je détestais avoir l'impression de ressentir la peur des autres quand j'étais moi-même déjà terrifiée. Je détestais tout simplement le fait de ne pas maîtriser ma mutation et de faire un carnage partout où je passais. Bon sang que j'aurais préféré pouvoir me téléporter ou passer à travers les murs !

J'étais si perturbée que je me raidis instinctivement lorsque je sentis une force me tirer en avant. J'échouais dans les bras de mon père, me détendant immédiatement à son contact rassurant. La chaleur d'un parent, le sentiment d'être protégée... C'était ça qui m'avait manqué pendant toutes ces années, ça que je cherchais depuis si longtemps et que je goûtais à présent avec l'envie d'y revenir. Je m'agrippais au t-shirt de mon père, roulant des yeux terrifiés autour de moi et murmurant des excuses étouffées par le tissu. Finalement, je me calmais, contrôlais ma respiration et sentis ma mutation cesser de faire n'importe quoi avec le premier venu. La vague de terreur se retira mais je ne voulais pas lâcher mon père pour autant. Pas maintenant. Alors, quand il me lâcha pour faire un pas en arrière, je clignais des yeux sans trop comprendre. D'un coup... Son discours changea complètement. Comme si cette étreinte et cette poignée de main avait suffit à lui faire accepter l'idée. Là vraiment... Je n'y comprenais plus rien. Rien du tout. Alors c'était tout ? Ca y est ? Il acceptait l'idée d'avoir une fille alors qu'il avait si farouchement soutenu le contraire deux minutes avant ?

« Heu... Ok... C'est... Coo... Non c'est pas cool du tout ! Minute, là... C'est tout ? Une poignée de main et tu acceptes l'idée ? 'Fin c'est génial, hin, mais... Heu... C'est soudain... Qu'est ce qui t'a convaincu ? »

Tout en disant – ou plutôt bégayant – tout ça, je lui pris l'aidais à se rasseoir dans le canapé en évitant soigneusement les cadavres de boîtes de pizzas et les vêtements au sol. Je regardais ensuite autour de moi, cherchant la cuisine du regard, et y trottinais pour y trouver de quoi boire et manger. Après avoir récupéré une bière et du saucisson dans le frigo, je fouillais dans les placards à la recherche d'un couteau... Et tombais avec ravissement sur un énorme paquet de chips. Par-fait ! Voilà qui ferait ma journée ! J'attrapais au passage une grande bouteille de soda à l'orange et un verre, et revint les bras chargés au salon.

« Chais trouvé des chips ! Ch'me chui permis d'me chervir, du coup ! » Lançais-je, la bouche pleine.

Je tendis la bière à mon père, me disant naïvement qu'il devait savoir mieux que moi comment on les décapsule, et me mis à siroter mon soda en me coupant un morceau de saucisson. J'aurais pu avaler un bœuf, mais c'est seulement à cet instant que je me rendais compte à quel point j'étais affamée.

« Hum... j'suis née à Manchester, ouais. J'y ai passé par mal d'années, mais on a déménagé il y a quelques temps avec maman. Ils l'ont muté dans un autre service de police, et comme elle en pouvait plus de ses collègues à Manchester, elle a décidé de plier bagages. Elle voulait qu'on se rapproche de mes grands parents, alors on a posé not' baluchon à Dublin ! C'est cool comme ville, y a une chouette ambiance ! Bon il flotte tout le temps, mais c'était pareil en Angleterre, ahah... »

Et voilà. J'étais lancée, impossible de m'arrêter ! J'avais toujours eu ce besoin de parler, de meubler, de rajouter des détails dans ce que je disais... Je fuyais les blancs dans une conversation, ça me mettait mal à l'aise. Et là... Là j'avais l'impression d'être assise sur des charbons ardents. J'avalais une poignée de chips avant de reprendre.

« Et du coup... Vous vous êtes connu à Radcliff, avec maman ? Pourquoi vous... Pourquoi vous êtes pas restés ensemble ? »

La question légitime que devaient se poser tous les gamins qui grandissaient avec un parent en moins...

« Désolée... C'est pas le genre de question cool, mais... Ca m'a toujours tracassé... »

Je jouais avec le couteau machinalement, oubliant un instant que ce n'était pas la chose la plus intelligente qui soit, et me recoupais finalement un morceau de saucisson.

« Tu vis tout seul, ici ? C'est pas trop galère ? »

Inutile d'ajouter quoi que ce soit au sujet de ses yeux, c'était suffisamment explicite... Bon sang, j'avais une discussion presque normale avec mon père. Et jamais je ne l'aurais imaginée comme ça !
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Razen Townshend
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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeDim 10 Jan 2016 - 14:41

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



On reprend au début, d’accord ? D’accord. Sans être excessivement rationnel ou porté sur la logique, Razen doit bien admettre que lorsqu’on lui met la vérité sous les yeux, il ne peut que la voir. Sans mauvais jeu de mots sur sa cécité, bien évidemment, il est très sérieux. Seulement… il y a un monde entre être rationnel et tutti quanti et accepter facilement l’idée qu’une relation vieille de dix-sept ans ait pu déboucher sur une gamine sans qu’il soit au courant. A dire vrai… Razen n’arrive même pas à déterminer ce qui est le pire dans ce qui vient d’être dit : Gillian a rompu alors même qu’elle était enceinte de lui, Gillian est alcoolique, Gillian a confié leur fille aux services sociaux. Leur fille. Sa fille. Il faut l’avouer, Razen a du mal à encaisser l’ensemble. Elle lui a écrit des lettres. Il ne sait pas pourquoi mais ce simple fait vient s’additionner à la longue liste des choses qu’il n’arrive pas à classer du pire au moins pire. Il y a trop, bien trop à encaisser. On reprend au début, d’accord ? Le voilà qui inspire, le voilà qui soupire, le voilà qui tente de réfléchir et de trouver une priorité sur laquelle se concentrer. Il se passe une main sur le visage, nerveux. Comprend un peu tard, aussi, que loin de rester immobile et silencieuse, la gosse lui tend une main comme pour réellement reprendre au début, rembobiner la cassette et effacer les sauvegardes automatiques. Finalement… il parvient à faire un choix, le Razen, il parvient même à se décider à la toucher, se décider à risquer un contact épidermique. Il parvient même à se décider à faire ce test de paternité dont il sera le seul à connaître l’existence et le résultat. Sa main se tend à son tour, il sent les doigts d’Aily s’y glisser et… tout bascule. Vraiment.

Ce n’est guère compliqué : tout le monde a un certain nombre de peurs, de terreurs, d’angoisses assumées ou non. Tout le monde. Chez Razen, ces angoisses se concrétisaient depuis toujours en deux notions bien distinctes : les chutes, la sensation de chute, de déséquilibre, celle qui vous entraîne vers le sol, et les clowns, sans explication rationnelle pour ces derniers. Ce n’est guère compliqué chez Razen, autour de ces deux notions élémentaires qui le terrifient, le tétanisent, le désarment complètement et le rendent pleinement vulnérables, papillonnent d’autres angoisses omniprésentes mais bien moins conscientes et assumées. Et si en général, il n’est confronté qu’à une ou, exceptionnellement, deux de ces angoisses, là… les doigts de sa fille se lient au sien, tout bascule et il se retrouve plongé dans l’océan de ses tourments, perd instantanément pieds, lutte pour respirer lorsque le rire sardonique d’un clown danse à ses oreilles et que tout son organisme appréhende une chute impossible, comme si ses pieds se trouvaient désormais au bord d’un précipice ou qu’il était désormais dans un tel déséquilibre que rien ni personne ne pouvait empêcher une chute désastreuse. Et quelle est la réaction de Razen lorsqu’il prend confiance d’un simple contact de sa paternité, qu’il est perdu d’un simple toucher dans un amas complexe de sensations provenant de sa fille, dans cette peur qui s’agglutine autour de lui ? C’est la réaction la plus logique, la plus humaine, la plus naturelle chez lui mais aussi la plus incongrue qu’il pourrait avoir : il tire Ailionora dans sa direction pour l’enlacer et la protéger de cette peur artificielle qui n’a rien de réelle.

Razen ne saura dit ce qui est le plus perturbant dans cette succession trop rapide de prises de conscience. C’est sa fille, il le sait, c’est sa fille qu’il tient dans ses bras, c’est sa fille qu’il veut rassurer, c’est sa fille aussi s’excuse et qui s’agrippe à son tee-shirt. Razen a élevé ses deux frères, l’un plus longtemps que l’autre, il a veillé sur eux, les a rassurés lorsqu’ils se réveillaient de cauchemars éprouvants. Razen a élevé ses deux frères le mieux qu’il pouvait et même s’il n’est pas spécialement fier de ce qu’il a fait d’Alvin, il sait qu’il n’aurait pas su mieux s’y prendre. Il a fait les mauvais choix, mais il ne les a fait que dans une seule optique : préserver ce qu’il restait de leur famille. Razen, donc, n’est pas un novice lorsqu’il s’agit d’être responsable de quelqu’un de bien plus jeune que lui. Mais rassurer sa fille, avoir, même, une fille… il ne connait pas. Il ne connait pas ce concept, il a du mal à l’encaisser tout en étant forcé, du fait de sa mutation, d’accepter la réalité. La vague de terreur se calme, disparait peu à peu et Razen se rend compte qu’il n’a plus le choix. On recommence au début, d’accord ? Le voilà qui se mord la lèvre. D’accord. Moi c’est Razen, ton… ton père du coup. Oui, il est son père. Et oui, ils vont vraiment devoir discuter tous les deux, parce qu’ils vont avoir beaucoup de choses à se dire. « Heu... Ok... C'est... Coo... Non c'est pas cool du tout ! Minute, là... C'est tout ? Une poignée de main et tu acceptes l'idée ? 'Fin c'est génial, hin, mais... Heu... C'est soudain... Qu'est ce qui t'a convaincu ? » Il se pince l’arête du nez, déjà fatigué à l’idée de devoir vaguement tenter d’expliquer sa mutation à une gamine. Parce que oui, ils vont aussi devoir parler de ça histoire qu’elle comprenne que… Un soupir, il se laisse guider jusqu’au canapé, il s’y laisse même tomber, indifférent au fait qu’elle doive déblayer quelques cadavres de pizza qu’il n’a pas encore pris le soin de dégager. « C’est ton humour et ta manie de trop parler, tu ne pouvais pas tenir ça de Gil’, tu le tiens forcément de moi. » répond-il pour la faire patienter. « Plus sérieusement… quand je dis qu’il va falloir qu’on discute, y’a de ça aussi. » conclut-il, préférant avoir une bière dans les mains avant de trop s’avancer. Il réfléchit : sur la manière d’aborder les choses sur les questions à poser, sur ce qu’il va bien pouvoir dire à son petit frère et plus encore sur ce qu’il va faire d’Ailionora. Parce qu’il n’a pas besoin de se poser la question pour savoir qu’il est hors de question qu’elle soit récupérée par les services sociaux. Derrière moi, je l’entends fouiller dans les placards, ne me souvenant qu’un peu tard qu’on a la sale manie – que j’ai la sale manie plutôt – de paumer aussi bien mon téléphone qu’un flingue dans les différents rangements. Je fronce les sourcils, l’entends revenir. Bon, et bien mon arme n’est ni dans le frigo, ni dans le tiroir à couvert, c’est déjà ça. « Chais trouvé des chips ! Ch'me chui permis d'me chervir, du coup ! » Elle m’arrache un sourire d’une simple phrase, j’hausse les épaules en récupérant ma bière que je décapsule avec le premier objet métallique trouvé sur la table basse. « T’inquiète, fais comme chez toi, y’a pas de souci tant que tu fais tourner » Autant instaurer des règles claires dès le début : il n’est pas un maniaque du diététique, loin de là, son petit ventre de presque quadragénaire le prouve même, à condition que tout le monde soit au même régime. Une gorgée de bière, il se réinstalle sur le canapé, coudes posés sur ses jambes.

Les questions. Ah oui, les questions qu’il veut lui poser, ce qu’il doit éclaircir, ce qu’il veut comprendre… les sujets qu’il veut aborder en somme. Le voilà qui se pince à nouveau l’arête du nez, comme si ce simple tic pouvait lui permettre de réfléchir plus efficacement. Dublin donc ? pas Manchester ? « Hum... j'suis née à Manchester, ouais. J'y ai passé par mal d'années, mais on a déménagé il y a quelques temps avec maman. Ils l'ont muté dans un autre service de police, et comme elle en pouvait plus de ses collègues à Manchester, elle a décidé de plier bagages. Elle voulait qu'on se rapproche de mes grands parents, alors on a posé not' baluchon à Dublin ! C'est cool comme ville, y a une chouette ambiance ! Bon il flotte tout le temps, mais c'était pareil en Angleterre, ahah... » Un sourire songeur nait sur ses lèvres, presqu’instantanément. Il n’est pas vraiment allé à Dublin, lui. Même si avec Al’, ils ont pas mal bougé, il n’a jamais posé ses bagages là bas mais il a de rares, très rares, souvenirs des descriptions enflammées que lui en faisait Gil’ quand allongés devant la télé, ils s’imaginaient passer des vacances à l’étranger. Ca remonte à loin, très loin. « C’est chouette tout ça… ça ne m’étonne pas de Gil’, elle rêvait de retourner en Irlande… » se sent-il obligé de dire, comme pour revendiquer lui aussi une certaine connaissance de la mère d’Aily. A dire vrai… il n’a pas pensé à Gil’ depuis des années. Un soupçon de regret, un soupçon de nostalgie, et puis c’est tout. Le voilà qui se mord la lèvre, avale une nouvelle gorgée pour s’octroyer le droit légitime de se taire. « Et du coup... Vous vous êtes connu à Radcliff, avec maman ? Pourquoi vous... Pourquoi vous êtes pas restés ensemble ? » Il fronce instantanément les sourcils, réaction qui doit tout aussi instantanément être notée par sa fille. « Désolée... C'est pas le genre de question cool, mais... Ca m'a toujours tracassé... » Lentement, Razen se redresse, colle son dos contre le dossier, vire ses chaussures et remonte un genou vers sa poitrine, calant son pied sur le canapé. Il secoue la tête, sa main valide jouant avec la bouteille de bière qu’elle fait dangereusement tourner entre ses doigts. « Nan, t’inquiète, c’est logique de se poser la question. » Il soupire encore une fois, cherchant les bons mots. Bordel, elle a quel âge déjà ? Seize ans ? « C’est juste qu’on était pas trop d’accord sur nos perspectives d’avenir. C’est elle qui a rompu, moi je suis parti et elle a du découvrir après coup qu’elle était enceinte ce qui fait qu’elle n’a pas pu me prévenir. Enfin… j’imagine. » A dire vrai, il ne fait pas qu’imaginer, il ment. Mais il est convainquant dans son mensonge et la petite n’a pas besoin d’en savoir plus. Elle n’a pas besoin de savoir, par exemple, que son père est un mercenaire, un escroc, un faussaire et un arnaqueur et que sa mère, inspectrice de police, n’a pas vraiment apprécier découvrir la vérité au moment même où ils songeaient à aller plus loin dans leur relation.

Préférant changer de sujet, ils aborderont le sujet Gillian en profondeur plus tard finalement, il tend la main en direction d’Ailionora, très normalement. « Donne-moi le saucisson, tiens. » Si elle ne l’a pas mentionné, l’odeur est trop caractéristique pour qu’il ne la reconnaisse pas et pour que son estomac n’en réclame pas instantanément. « Tu vis tout seul, ici ? C'est pas trop galère ? » A nouveau, les sourcils de Razen se froncent, il se mord la lèvre, rétractant la main pour se frotter le menton. « Non, je vis avec mon frère. Ton oncle du coup. Je ne sais pas quelle heure il est mais en général, il n’a pas vraiment d’horaires fixes donc… tu le verras quand tu le verras. » Il s’arrête là, il songe à s’arrêter là avant de se souvenir que… putain oui, Alvin est l’oncle d’Ailionora. L’oncle de sa fille. Parce qu’il a une fille. « Euuh… j’imagine que tu veux en savoir plus sur lui. Il s’appelle Alvin. Il est… c’est un mec bien. » Son épaule se rappelle à son bon souvenir, les connaissances du mec bien qu’est son frère aussi. « Il me supporte, donc c’est forcément un mec bien et comme il est habitué à ce que je sois une taupe, il me permet d’être assez autonome. » D’ailleurs, en parlant de ça. Le voilà qui soupire encore, une énième fois. Le voilà qui pose sa bière aussi, et qui se prend la tête entre le main. « Bon, je… c’est compliqué comme situation. Qu’est ce que tu sais de moi au juste ? Que je suis aveugle, mais sinon ? » La question ne porte en réalité pas sur ce qu’Ailionora sait mais sur ce qu’elle croit savoir. Ce que Gil’ a pu lui raconter. Quel métier est-il supposé faire, quel est son caractère, quels sont ses tics et manies, quelles sont ses passions ? « Plus important… parle moi de toi, aussi. » Son cerveau s’active, il cherche une solution. Il a beaucoup de questions à lui poser, il s’imagine que c’est la même chose de son côté. « Si tu veux, on peut jouer au jeu des questions-réponses. Tu poses deux questions, j’y réponds et j’ai le droit de t’en poser deux ? » Est-ce qu’à seize ans, on est déjà suffisamment chiant pour ne pas avoir envie de faire de genre de jeux puériles ? Razen a du mal à s’en souvenir puisqu’à seize ans, il s’occupait d’Alvin, dix ans et de Ren, huit ans. Autrement dit… les jeux étaient encore d’actualité à l’époque. Et six ans plus tard, Razen apprenait à Alvin à falsifier des papiers et arnaquer les institutions pour combler son compte en banque, ce qui était un jeu d’un tout autre genre.

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Ailionora Townshend
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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeJeu 14 Jan 2016 - 1:09

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



J'avais du mal à piger l'attitude de mon père. Car soyons d'accord, il venait lui-même de reconnaître qu'il était mon géniteur. Après m'avoir rit au nez et avoir soutenu que je me trompais forcément, hin ! Non parce qu'autant mettre les choses au clair, il n'y avait aucune logique dans tout ça ! Pourquoi passer de l'un à l'autre sans transition ? J'avais du louper l'épisode le plus important de la saison, parce que j'étais complètement larguée. Et au final... Au final je m'en foutais, pour le moment. Il ne m'avait pas mise à la porte, m'avait même invitée à me servir dans le frigo pour venir discuter avec lui. Pour être honnête, c'était au delà de mes espérances... J'avais un père, bon sang. Je l'avais cherché pendant toute mon enfance, dans mon reflet dans le miroir, sur le visage des hommes que ma mère avait pu vaguement fréquenter... J'avais passé seize ans à me demander si je ne ferais pas mieux d'oublier l'idée de le retrouver et me contenter de ce que j'avais. Il fallait croire que la persévérance avait du bon, finalement !

Alors je vins me poser sur un fauteuil, m'y installa confortablement après avoir enlevé mes chaussures. Bon sang c'que ça faisait du bien ! J'avais probablement les pieds en sang d'avoir tant marché et je ne rêvais que d'une chose : Un bon bain brûlant. Avec de la mousse. Et des jouets genre canard en plastique, petit bateau, tout le bazar, quoi ? Quoiiiii ? Qui a dit que passé huit ans on avait plus le droit de s'amuser dans son bain ? Je dormais encore avec mon vieux chien en peluche et je n'avais pas honte, alors pourquoi essayer de faire la grande, hin ? J'avais envie du temps avant d'être adulte, et pour le moment, tout ce que je voulais c'était être la petite fille à son papa. Oui c'était niais, oui c'était ridicule... Et oui j'n'en avais rien à foutre. Point barre.

Il me fit d'ailleurs sourire en relevant le fait que je ne risquais pas d'avoir hérité mon sens de l'humour de ma mère. Ah ça... Maman, c'était le genre de femme à sourire quand elle se brûlait. Je l'aimais beaucoup, mais il fallait avouer qu'on ne s'amusait pas souvent avec elle. Elle trouvait les jeux puérils et inutiles, n'aimait pas perdre son temps avec des enfantillages, et était d'un sérieux à vous glacer le sang. Si bien que ses petits moments d'insouciance et de relâchement, je les chérissais plus que tout au monde. Seulement, mon visage s'assombrit légèrement quand il ajouta « plus sérieusement ». Oula... Qu'y avait-il de si grave pour qu'il ait l'air soudain aussi sérieux ? Bah ! Ca viendrait en temps et en heure. Pour le moment, je grignotais distraitement mes chips et en passait une poignée à mon paternel. Il avait dit « fais tourner », j'étais une gamine obéissante alors j'obtempérais ! Je lui faisais ensuite le récit palpitant de ma petite vie... Rien de bien extraordinaire et une histoire vite achevée, au final. J'avais eu l'enfance presque normale d'une gamine presque normale, et j'étais une ado... Pas si normale que ça, au final. Seulement, j'hésitais à lui parler de mes petits problèmes mutants pour le moment. Ca avait beau être mon père, je ne savais pas assez de choses de lui pour lui confier quelque chose d'aussi délicat. Je remarquais néanmoins que malgré les années, il semblait avoir de bons souvenirs de ma mère.

« Ah ça... Elle a longtemps eu la nostalgie de l'Irlande, et elle cause en gaélique quand elle a trop b... Fin bref. »

Je n'étais pas des masses enjouée à l'idée de décrire ma mère comme une ivrogne. Seulement, le fait était là : Elle buvait, et beaucoup trop qui plus est. Et finalement, je lui posais cette question qui me brûlait les lèvres depuis si longtemps. Pourquoi ne pas être restés ensemble ? Pourquoi avoir rompu alors que... Que ma mère était enceinte ? Je fus déçue par la réponse que me donna mon père. Une réponse résignée, qui ressemblait à un truc tout fait, réchauffé, préparé à l'avance... Je hochais tristement la tête.

« Oh... D'accord... C'est bizarre qu'elle m'ait gardée, alors... Enfin pour moi c'est cool, hin... Sinon j'serais pas là à t'emmerder avec mes questions... »

Oui j'étais déçue. Déçue que ça se finisse comme ça, que ça soit le hasard de la vie qui ait fait les choses ainsi. Déçue et en colère car j'étais impuissante face à tout ça. Machinalement, je lui tendis le saucisson et le couteau, oubliant un instant que bigleux comme il l'était, ça serait sûrement galère pour lui.

« Heu... Tu veux de l'aide ou ça va aller ? Nan parce que je sais pas du tout où est l'hôpital dans c'te ville et j'ai pas trop trop envie d'aller y faire un tour si tu t'plantes le couteau dans la main, quoi... »

Oui j'étais sérieuse. Je me doutais bien qu'il avait du apprendre à se débrouiller depuis le temps... Mais quelque part, je crois que j'avais envie de lui rendre service, de lui être utile... De me rendre indispensable pour quelqu'un. C'était peut-être con, mais faudrait faire avec. Mon père ajouta alors qu'il avait un frère, et je retrouvais immédiatement mon sourire. J'avais un tonton en plus d'un papa, si ça c'était pas chouette ! J'avais tout autant hâte de le rencontrer – et de comploter avec lui pour faire des farces à mon père – et m'apprêtais à demander comment il s'appelait, mais mon père me devança. Alvin... Sérieusement ? Comme le chipmunk ? C'est pas possible, le prochain ça sera qui ? Théodore ? Et je ne me souvenais plus du nom du troisième, mais passons. Mes... Grands parents avaient fait dans l'originalité, vraiment !

« Coooool ! J'ai hâte de le rencontrer, il a l'air chouette ! T'as d'autres frères et sœurs ? »

Seulement, j'avais à peine fini de poser ma question qu'à nouveau, cet air soucieux passa sur le visage de mon nouveau daddy. Je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir et fronçais les sourcils. Après un moment de silence, je me décidais finalement à répondre.

« Je ne sais pas grand chose. Maman m'a dit trois choses : Ton père est aveugle, il vit aux Etats-Unis, et crois-moi c'est mieux ainsi. Il ne t'aurait rien apporté de bon. Voilà. C'est tout. Ma grand mère était plus mitigée, elle disait que même si elle ne t'avait jamais rencontré, tu étais forcément un type sympathique pour avoir réussi à supporter ma mère pendant des mois, et qu'elle aurait au moins pu t'accorder une chance. Donc... J'avoue, au début, j'ai eu une image assez négative de toi, jusqu'à ce que maman se mette à faire n'importe quoi. Là j'ai eu des doutes, j'ai commencé à me renseigner, mais ce n'est que très récemment que j'ai trouvé ton nom et ton adresse. Alors oui, à part le fait que tu es mon père, je ne sais rien de toi. »

Pourquoi... ? Pourquoi cette question ? Je sentais venir la tuile, le bon gros parpaing balancé au milieu de la conversation, le truc qui allait probablement me faire revoir totalement l'image que j'avais de mon père... Ca ne m'enchantait qu'à moitié, cette histoire, et j'hésitais donc à demander « pourquoi ».





Minute... Il voulait jouer à un jeu ? Le jeu du « tu me poses deux questions, j't'en pose deux » ? Sérieusement ? Je haussais un sourcil, surprise. D'un autre côté, c'était peut-être le meilleur moyen pour que nous apprenions à nous connaître sans bombarder l'autre de questions non stop. Alors... Pourquoi pas.

« D'accord... Mais tu triches pas, hin ? Heu... Alors ouais, des questions j'en ai... Bon... J'vais commencer par répondre aux tiennes. Qu'est ce que j'peux te dire sur moi... J'ai seize ans, je mesure un ridicule mètre cinquante cinq, je déteste les sucreries, je voue un culte à Scorsese et Spielberg, j'ai appris le braille pour pouvoir un jour lire les mêmes bouquins que toi, et oui je sais c'est débile... Ah et je fais du patinage artistique, aussi. Si tout se passe bien je serais sur la piste aux prochains jeux Olympiques ! »

Ahah ouais... Si tout se passait bien... Si ma vie arrêtait de faire le yo-yo tous les deux jours, ça m'aiderait à trouver du temps pour m'entraîner et être au taquet dans les temps !

« Y a pas grand chose d'autre à dire, j'crois... J'suis une gamine assez ordinaire, hin ! Aller ! A mon tour ! Du coup... Comme j'te demandais, tu as d'autres frères et sœurs ? Et pourquoi tu m'as demandé ce que je savais de toi ? »

Ça c'était la question à huit dollars cinquante. Avec une réponse que j'n'étais pas certaine d'avoir envie d'entendre, finalement...
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Razen Townshend
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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeLun 1 Fév 2016 - 22:11

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



Razen a conscience de pas mal de choses en général, à commencer par le fait que sa mutation en plus d’être invisible, est très incompréhensible pour toute personne autre que lui. C’est la vie, c’est comme ça, c’est le karma. Les personnes qui sont au courant se comptent sur ses lobes d’oreille, celles qui la comprennent en profondeur se comptent sur le bout de son nez : en un mot comme en dix, il le sait bien, le Razen, que même Alvin ne comprend pas vraiment ce que ça implique d’avoir une compréhension intuitive de tout. Si sa compréhension explose par le toucher, Razen a toujours eu des facilités à l’école, il n’a pas mis bien longtemps à apprendre le braille, il a l’oreille absolue et lorsqu’il s’agit de reconnaître le pas de son frère, il se débrouille à merveille. Et il sait, par une simple poignée de main, que cette gamine est sa fille. Il le sait même s’il ne l’explique que difficilement, même s’il ne l’accepte que plus difficilement encore. Razen, donc, a conscience d’un certain nombre de choses et plus encore que son changement d’attitude va forcément lui attirer des emmerdes à plus ou moins long terme. Parce qu’il doute sincèrement que sa fille puisse être stupide, avec une mère comme Gil, avec un père comme il peut l’être, et il doute aussi sincèrement qu’elle ne… qu’elle ne tique pas. Il esquive la question, il esquive le problème avec la souplesse d’une anguille, laissant sa nature de mercenaire prendre le dessus pour cette fois. La faire patienter, voilà son but, il détourne la conversation en lui promettant une discussion et des réponses.

Une bière. C’est ce qu’il lui faut. Et les voilà rapidement posés sur le canapé, une bière entre ses mains, un saucisson et des chips se promenant entre eux deux. Elle est née à Manchester ? Ca lui semble logique mais… n’a-t-elle pas parlé de Dublin ? C’est qu’il essaye de suivre, le Razen, concentré comme pas deux pour ne pas se perdre dans ses pensées et dans l’histoire de sa fille. Sa fille. Ah, elles ont déménagé. D’accord. Ce qui n’est guère étonnant. Razen se fait happer bien malgré lui par des souvenirs de discussion et aussitôt, un sourire nostalgique se pose sur les lèvres, un sourire songeur. Il se souvient des discussions qu’ils avaient, allongés sur le lit. Il se souvient de leurs promesses, de leur vision de l’avenir, aussi ironique que ce soit de la part d’un aveugle. Il se souvient, aussi, de l’affection toute particulière qu’avait Gillian pour les anglais comme lui. Razen avait même mis du temps à comprendre pourquoi elle l’aimait alors qu’elle ne se gênait pas pour cracher sur le dos de ces connards d’anglais… Quelque part, il se sent obligé de réagir, obligé de rebondir, comme pour revendiquer quelques réminiscences de la personnalité de Gil’. Si elle lui manque ? Pas vraiment. « Ah ça... Elle a longtemps eu la nostalgie de l'Irlande, et elle cause en gaélique quand elle a trop b... Fin bref. » Quand elle a trop quoi ? Razen a beau être en train de boire, ça ne l’empêche pas de tourner la tête en direction de la mioche. Il retient de justesse une question tandis qu’il cherche de quoi combler la place vacante dans la phrase de la gamine. D’Ailionora, autant que tu t’habitues à son prénom, c’est ta fille, ducon, résonne la voix de son ex dans sa cervelle de mollusque. Mais il n’a pas le temps de trop s’appesantir là-dessus que déjà une question-qui-fâche explose entre lui et elle. Comment ils se sont connus ? Où ? Razen fronce une nouvelle fois les sourcils, réfléchit. Répond, aussi, avec ses mensonges habituels et ses non-dits, pour mieux noyer le poisson et satisfaire la curiosité légitime de la minus. D’Ailionora. Pas trop d’accord, elle a rompu, il s’est cassé, fin de l’histoire. Oh, et il n’était pas au courant qu’elle était enceinte, bien sûr. « Oh... D'accord... C'est bizarre qu'elle m'ait gardée, alors... Enfin pour moi c'est cool, hin... Sinon j'serais pas là à t'emmerder avec mes questions... » « Pardon ? » Qu’est ce qu’elle raconte, là ? Elle est déçue ? De quoi ? De lui ? D’être là ? D’être vivante ? D’être… Oh. Sa mère lui manque, oui, bien sûr. Razen comble les trous, encore, comme il peut. Il rafistole ce qu’il entend, ce qu’il comprend, ce qu’il perçoit. « Mais bien sûr que c’est cool. Et je suis bien content que tu sois là et… » et il se tait. Parce qu’il ne sait honnêtement pas encore s’il est heureux de quoique ce soit, trop de nouveauté, trop de choses pour qu’il puisse faire calmement le point entre deux questions et trois gorgées de bière. Et une rondelle de saucisson : oui, nouveau changement de sujet. Ses doigts réceptionnent le couteau et la bouffe, il commence à le couper lorsque la voix de la mioche immobilise ses mains. « Heu... Tu veux de l'aide ou ça va aller ? Nan parce que je sais pas du tout où est l'hôpital dans c'te ville et j'ai pas trop trop envie d'aller y faire un tour si tu t'plantes le couteau dans la main, quoi... » Hein ? Ah, oui, il est aveugle, il est supposé ne pas être doué avec ses mains… Razen agite le couteau en direction d’Aily avec un petit sourire. « T’inquiète, gamine, j’étais aveugle bien avant de rencontrer ta mère, ce saucisson ne risque rien entre mes doigts ! Et mes doigts non plus, d’ailleurs. » En revanche, l’œil de la gamine… s’il s’aperçoit un peu tard qu’agiter un couteau dans le vide – même s’il a une bonne estimation de la localisation de la môme – n’est pas une idée de génie, Razen ne laisse rien paraître et continue à parler comme si c’était tout à fait normal. En quelques mouvements, il se coupe deux ou trois rondelles et dépose les deux armes, saucisson et couteau, sur la table basse devant lui, pour mieux récupérer sa bière et mâchouiller la viande.

Et encore une question. Une nouvelle question. Totalement légitime, comme les précédentes, mais presque aussi épuisante pour lui qui a l’impression de devoir dire des évidences et parler de sa vie privée à une gamine curieuse et une inconnue. Ta fille. Oui, sa fille. Pas si inconnue que ça, ou du moins sa mère ne l’est pas, en théorie. Et donc… non, il ne vit pas tout seul. Et oui, il a un frère – même deux en théorie – et ils vivent en colocation et… elle le verra plus tard. Sauf qu’il ne peut pas s’arrêter là, il en a bien conscience. C’est sa fille, c’est son oncle, c’est sa nièce, c’est le sang des Townshend. La famille. Celle qu’il était supposée maintenir soudée, maintenir unie. Il s’appelle Alvin. Déjà, c’est un bon début. Et c’est un mec bien. Aux dernières nouvelles. « Coooool ! J'ai hâte de le rencontrer, il a l'air chouette ! T'as d'autres frères et sœurs ? » L’excitation et les questions, les points d’exclamation et les exclamations de sa fille commencent à vraiment l’épuiser et il sent sur ses épaules la quarantaine qui le regarde d’un air goguenard. T’es vieux, Raz, t’as une fille de seize ans qui est une pile électrique et qui ne sait pas tenir sa langue. Sauf qu’encore une fois… ses questions se justifient et il ne sait vraiment pas par où commencer. Alors… autant partir de Gil’. Des rides se forment sur son front, son visage devient soucieux. Et sa bière quitte sa main pour que sa tête plonge mieux dans ses paumes. Que sait-elle de lui, au juste ? Qu’est ce sa mère lui a raconté, qu’est-il supposé faire dans la vie ? « Je ne sais pas grand chose. Maman m'a dit trois choses : Ton père est aveugle, il vit aux Etats-Unis, et crois-moi c'est mieux ainsi. Il ne t'aurait rien apporté de bon. Voilà. C'est tout. Ma grand mère était plus mitigée, elle disait que même si elle ne t'avait jamais rencontré, tu étais forcément un type sympathique pour avoir réussi à supporter ma mère pendant des mois, et qu'elle aurait au moins pu t'accorder une chance. Donc... J'avoue, au début, j'ai eu une image assez négative de toi, jusqu'à ce que maman se mette à faire n'importe quoi. Là j'ai eu des doutes, j'ai commencé à me renseigner, mais ce n'est que très récemment que j'ai trouvé ton nom et ton adresse. Alors oui, à part le fait que tu es mon père, je ne sais rien de toi. » Ca fait beaucoup et ça fait peu. Mais au moins, tout est dit et ses épaules se décrispent soudain, contre son gré. Il va pouvoir mentir, s’inventer une vie, s’inventer des occupations, s’inventer une légalité sans que la mioche, sans qu’Ailionora, ne se rende compte de quoique ce soit.

Mais il ne faut pas s’attarder sur le sujet et Razen rebondit sans plus tarder, se contentant d’assimiler ce qu’elle a dit et noter les blancs pour mieux les combler plus tard avec le manuel du père idéal. Il rebondit, encore, pousse la discussion sur un aiguillage qui la mènera sur un terrain plus clément pour l’aveugle. Allez, minus, on fait un jeu ? Oui, il va sur ses quarante, il n’en a d’ailleurs jamais été aussi près, mais il propose un jeu à la môme. En même temps, elle a seize ans et à seize ans… il ne sait pas ce qu’une gosse, une ado même, est supposée avoir dans le crâne. Et puis, comment la faire parler d’elle autrement ? Le silence qui lui répond intrigue Razen et l’angoisse légèrement. Non, il ne l’a quand même pas déjà désespérée ? Sa voix se fait inquiète. « Alors ? Ca te tente ? » Inquiète et pressante, oui, on peut le dire. « D'accord... Mais tu triches pas, hin ? Heu... Alors ouais, des questions j'en ai... Bon... J'vais commencer par répondre aux tiennes. Qu'est ce que j'peux te dire sur moi... J'ai seize ans, je mesure un ridicule mètre cinquante cinq, je déteste les sucreries, je voue un culte à Scorsese et Spielberg, j'ai appris le braille pour pouvoir un jour lire les mêmes bouquins que toi, et oui je sais c'est débile... Ah et je fais du patinage artistique, aussi. Si tout se passe bien je serais sur la piste aux prochains jeux Olympiques ! » Au mot tricher, les lèvres de l’aveugle se tirent dans un sourire taquin. Lui, tricher ? Jamais. Du moins, jamais officiellement. Mais son sourire se teinte vite d’un certain nombre de regrets lorsqu’il l’entend répondre à ses questions. Seize ans, un mètre cinquante cinq, le surnom de minus lui va donc à merveille. Elle voue un culte à des réalisateurs ? Parfait, il ne verra jamais ce qu’il lui plait tant chez eux. Elle a appris le… « Tu as quoi ? » et elle fait jeux Olympiques Pardon ? Ses yeux ont beau fixer le vide, ses sourcils s’écarquillent. Réflexe de voyant qu’il n’a pas perdu, réflexe expressif. « Les… Les JOs ? » Elle est… sérieux ? Un sifflement glisse entre ses lèvres. « Putain, ma gosse est douée en sport. » C’est sorti tout seul, il ne faut pas chercher. Elle a appris le braille et c’est une championne. Pas étonnant que Gil’ la lui ait cachée, il a une gosse douée. Alors que, il se souvient très nettement des mots de la rouquine, il n’est qu’un enfoiré de menteur, de raté, d’hypocrite et il terminera sa vie dans un carton sous un pont. Un avis extrêmement positif aux dernières nouvelles. Et donc… les jeux olympiques. Sauf que… même si elle ne semble pas s’en rendre compte, c’est mal barré. Dans une ville dont elle ne peut sortir, dans un climat pour le moins instable, avec un père hors-la-loi, une mère disparue, un autre pays, une autre législation, un père aveugle, un père assassin, un père mercenaire, un père comme il l’est. Mais soit. Au moins, elle se démerde dans un domaine. Et elle sait lire le braille. « J’suis impressionné, sérieux. » Il garde ses réflexions pour lui, préfère n’en énoncer que le bon côté.


« Y a pas grand chose d'autre à dire, j'crois... J'suis une gamine assez ordinaire, hin ! Allez ! A mon tour ! Du coup... Comme j'te demandais, tu as d'autres frères et sœurs ? Et pourquoi tu m'as demandé ce que je savais de toi ? » Une gamine assez ordinaire ? Vu la famille qu’elle se traîne, il n’irait pas jusque là. Et il a d’autres questions. Il a mille autres questions, même. Mais… Tu triches pas qu’elle a dit, la gamine. Tu triches pas, qu’elle a ordonné du haut de son mètre cinquante cinq. Donc il ne trichera pas, pas cette fois. Ou discrètement, mais avec le tact et la diplomatie de l’adulte responsable qu’il est. « Gamine, tu viens de me baver que tu vas participer aux Jos alors que tu dois avoir autant de poitrine qu’un loukoum, que tu lis le braille et avec ta mère, tu dois parler gaélique. T’es loin d’être ordinaire, tu sais ? » Oh, rassurez vous, il ne dit pas ça méchamment, il fait même vibrer sa voix d’un léger rire moqueur alors qu’il se réinstalle dans le canapé et cale ses pieds sur la table basse, comme pour se donner un instant de réflexion. « Tes questions… » Au moins, il n’y en a que deux. C’est déjà ça. Et une facile, en plus. Et… « J’ai un autre frère, ouais. Sauf que ça fait un bail que… » Il est en ville. Bordel. C’est compliqué. « que j’l’ai pas vu. » Il soupire, et cherche un moyen de justifier son hésitation. Le voilà qui enlève ses pieds de la table, qui s’assoit et pose ses coudes sur ses genoux. « Aily – si tu permets que je t’appelle Aily – tu dois savoir que… je suis orphelin. Depuis mes dix ans. Al’ avait deux ans à l’époque et Ren n’avait qu’un an. Ouais, c’est Ren le troisième. Du coup, on a été placé en famille d’accueil tous les trois et au bout d’un certain temps, Ren a été adopté sans nous. Du coup… » Du coup, Razen ? Il ne sait pas trop. « Faut pas trop parler de Ren à Alvin, il… il a pas trop apprécié son départ. » Et lui non plus, d’ailleurs. Un soupir. Une main qui dégringole son visage pour se coincer dans sa barbe et frotter son menton d’un mouvement songeur. « C’est pour ça que je t’ai posé la question, en fait. La question avec les frères et sœurs, et tout… Gil’ était au courant, forcément. Mais en même temps c’est ma vie privée et… bref. Ça répond à ta question ? » Oui, il a noyé le poisson, oui, il a un peu menti. Mais c’est qu’une gamine, elle ne lui en voudra pas. Il aura juste à attraper Alvin avant qu’il ne la croise pour lui faire un topo sur ce qu’il faut dire et sur ce qu’il ne faut pas dire en sa présence. « Mais… dis moi, ça fait pas masse de questions tout ça ! J’ai l’impression de t’avoir grugée ! Faut pas être timide, hein ! » Oui, elle n’a pas l’air timide, mais bon, Razen ne veut pas s’attarder sur des sujets sensibles alors… il faut bien agiter un foulard et hurler oh un poisson mort qui vole en regardant le ciel pour détourner l’attention discrètement. « Moi, j’aime bien lire. J’aime bien apprendre de nouvelles choses. Manger, aussi, c’est très important. Et… j’suis en train de me dire que tu as peut être sommeil ? Va falloir voir où tu vas dormir et… faudrait qu’on régularise ta situation aussi. T’as dit que t’avais une valise, elle est grosse ? On peut peut-être te caler dans ma chambre en attendant. » Il se lève en grognant. « J’vais peut être te faire visiter l’appart, quand même. »

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Ailionora Townshend
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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeSam 27 Fév 2016 - 22:19

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



Durant toute mon enfance, je me suis demandée pourquoi je n'avais pas de père, pourquoi il n'y avait personne pour faire le père Noël chez moi en décembre, pourquoi il me manquait ce héros dont je pourrais parler fièrement dans la cour de récré à grands coups de « mon papa il est tellement fort qu'il sait faire des pancakes au Nutella ! »... Sachant que je détestais les pancakes et le Nutella, ça n'avait pas beaucoup de sens. Ca m'avait manqué, c'était même irrationnel de voir à quel point je m'étais raccrochée à une figure paternelle qui n'existait pas. Chaque fois que ma mère m'engueulait, je lui répliquais que papa n'aurait pas fait comme ça, et blablabla... Puis une fois, sur le coup de la colère, elle m'avait répliqué que je ne pouvais pas savoir, puisque je n'avais pas de père. Après ça, j'n'ai plus jamais avancé cet argument. J'en ai voulu à ma mère, avec mon sale caractère de petite fille en quête de repères, je n'ai pas vu tous les efforts qu'elle faisait, parce que c'était plus facile de la brimer elle qu'un mirage dont je ne savais rien. C'était plus facile de la rejeter quand les gamins à l'école me disait que si je n'avais pas de père, c'était parce que ma mère était une sorcière... C'était toujours bien plus simple.

Et maintenant que j'avais face à moi celui qui venait – pour une raison qui m'échappait – de me reconnaître comme étant sa fille, j'étais perdue. J'étais à la fois euphorique et retenais pourtant une colère sourde et vicieuse qui menaçait d'exploser. Enfin menaçait... Je m'étais déjà légèrement emportée au début de la conversation. Trop de sentiments se mêlaient en moi, et j'aurais voulu qu'ils se taisent juste cinq minutes, le temps que je mette mes idées en ordre. Et lui... Qu'est ce qu'il en pensait, de tout ça ? Qu'est ce qui lui passait par la tête depuis qu'une gamine inconnue était venue frapper à la porte pour lui dire « saluuuut ! La moitié de mon patrimoine génétique, c'est le tien ! C'est pas Noël, je t'épargne l'overdose de foie gras mais c'est l'intention qui compte, non ? »
Il avait l'air de... Trouver ça cool, que je sois là. Ou plutôt il était content, et si la formulation était étrange, je sentis soudain une partie du poids de l'angoisse qui pesait sur ma cage thoracique s'envoler. Et... Wow... Tout doux avec ton couteau, Zoro... Il avait beau dire que ses doigts ne risquaient rien, mon visage en revanche... Je préférais éviter de finir défigurée d'entrée de jeu. Je plissais les yeux, suspicieuse, et reculais légèrement mon fauteuil pour être hors de portée de sa lame. Pas que je n'avais pas confiance mais... Non. Je n'avais pas confiance.

Entre deux chips et deux rondelles de saucisson, je répondais simplement à ses questions, trouvant plus qu'étrange de devoir raconter ma vie en dix secondes à mon père. Bordel j'avais un père... Genre un paternel, un padre, le mec qui est censé te faire les gros yeux quand tu veux sortir le soir, qui déteste par principe tous tes petits copains, ton meilleur pote et le type qui te fait peur, ton Gandalf perso qui dit « Vous ne passerez pas ! » dès qu'un méchant tente de te faire du mal... Ouais voilà, ce modèle là... Et j'étais flattée que ce père soit impressionné par ce que je lui disais. Le patinage, c'était toute ma vie, mon énergie, ma drogue, à peu près la seule chose pour laquelle j'étais vraiment douée... Et si je pouvais un jour ramener une médaille, même en bronze, et la brandir fièrement pour faire taire tous ceux qui trouvaient ma passion puérile, j'en serais heureuse. Il aurait put me dire que c'était débile, au lieu de ça il trouvait ça cool et... Minute, un loukoum ?

« Hè ! Qu'est ce qui t'fait croire que je suis une planche à pain, là ? Tu peux pas l'savoir, tu vois pas ! J'suis ptet roulée comme Pamela Anderson, hin ! Fin ça serait pas mieux, en fait... »

Le maillot de bain et la blonditude pour me la jouer Alerte à Malibu, très peu pour moi. Parfait. Deux références au grand et au petit écran en l'espace de cinq minutes, ça faisait trop.

« Et heu... Ouais je parle gaélique mais bon c'est un peu la langue nationale, chez moi... T'y coupes pas, faut au moins connaître la base, et vu que maman me parlait plus qu'en gaélique à la maison, j'ai pas trop eu le choix... »

Ah ça... Elle m'avait bien pris le chou, quand on était arrivées à Dublin ! « On est en Irlande alors on parle gaélique ! » C'est ça... Et on va s'habiller en vert et s'teindre en rousse, histoire de pousser le cliché encore plus loin ? Pourquoi pas adopter un leprechaun, tant qu'on y est ? Comme ça on irait tous vivre sur un arc en ciel et on serait heureux ! Ouaiiiiiis ! Sérieux... Je préférais encore m'intéressais à ce que mon père pouvait me raconter plutôt que de chercher une quelconque logique dans les lubies de ma mère. J'avais donc un oncle chipmunk, et un autre... Ren ? Sérieusement ? Razen, Alvin et Ren... On aurait dit le début d'une mauvaise blague, racontée par un type bourré. Je commençais à croire que mes grands parents avaient joué au scrabble au moment de choisir les prénoms, et avaient sélectionné les trucs les plus pétés d'la création. Et malgré tout, je me retenais de faire la moindre remarque. Parce que le reste ne me faisait pas rire du tout. Perdre ses parents si jeune, ce devait être une épreuve... Mais perdre ensuite un frère, c'était pire que tout. Je n'avais ni frère ni sœur, alors j'avais du mal à me mettre à sa place, mais je pouvais aisément imaginer quel calvaire ça avait été. Mon plus jeune oncle était peut-être toujours en vie, mais bel et bien absent.

« Oh... Je vois... J'suis désolée... Fin c'est super convenu de dire ça, mais je... C'est pas cool... »

Ouiiiii, Aily ? Sois plus précise, soit moins con, soit plus... Compatissante, quoi ! N'allez pas croire que ça ne me touchait pas, j'étais réellement peinée de savoir que je ne connaîtrais jamais mes grands parents paternels. Ayant eu une grand mère formidable, ça me faisait mal au cœur. Seulement, l'annonce m'avait saisie si violemment que mon cerveau était encore en train d'assimiler l'information.

« Je suis désolée, je dois passer pour une sacrée ingrate mais je... C'est horrible, j'arrive pas à imaginer comment on peut grandir sans le soutien de ses parents ou dans une famille disloquée comme ça... Ca n'a pas dû être facile, j'imagine... Ca répond à ma question, ouais... Je suis désolée, j'en parlerai plus... Ah et tu peux m'appeler Aily, c'est mieux que gamine ou nabot... »

En réalité, je me sentais presque gênée et penaude d'avoir posé cette question... Comme si je m’immisçais dans la vie d'un inconnu... Sauf que ce n'était plus un inconnu, c'était mon père ! Et avant qu'il ne renchérisse, je posais la question qui me brûlais les lèvres depuis dix bonnes minutes.

« Je... J'peux t'appeler papa ? Je comprendrais que tu veuilles pas, c'est peut-être trop tôt, mais j'arriverai pas à t'appeler par ton prénom... Et puis papa c'est plus cool que machin, hin ? C'est plus... Bah plus vrai... »

Je sentais le rouge me monter au joue et mâchonnais un bout de saucisson en ne rêvant que d'une chose : Disparaître dans le fauteuil. Qu'est ce que je ferais s'il refusais ? Ca voudrait dire qu'il ne m'acceptais pas comme étant sa fille ? Wow... Minute, pas de conclusions hâtives. Je me mordis la lèvre quand il me lança qu'il ne fallait pas que je sois timide... Il en avait de bonnes, lui ! Je venais de débarquer dans sa vie, bien sûr que je n'osais pas poser la moitié des questions qui me passaient par la tête ! « Papa, pourquoi le soleil chauffe ? Papa pourquoi on est malade en hiver ? Papa pourquoi tu mets ton slip sur ta tête quand t'as bu trop de bières ? »... Bon pour la dernière, j'espérais ne jamais voir ça. Et je ne pu me retenir de sourire. Il aimait lire... Pour un aveugle c'était un peu con ! Heureusement qu'on faisait de très bons bouquins en braille ! Le Silmarillion en braille ça devait être violent !

« Ouais ma valise pèse un âne mort, j'ai un peu pris la maison avec moi, en fait... Mais je voudrais pas t'embêter, hin ! Je suis bête, j'n'avais pas pensé que tu n'aurais peut-être pas la place pour une personne de plus... J'peux m'caler dans le canap', si tu veux, j'prends pas trop de place. »

Je me levais, époussetais les miettes de chips qui recouvraient mes vêtements et m'étirais longuement en faisant craquer chacune de mes articulations endolories pas le stress et la fatigue. Je répondis alors dans un bâillement.

« J'avoue que ouais, j'suis un peu claquée... Je sais pas quelle heure il est ici, mais à Dublin faut bien rajouter neuf heures, du coup j'irais bien dormir... Mais pas avant d'avoir fais la visite ! »

Sautillant d'une jambe sur l'autre, j'attendis qu'il se lève pour me montrer un peu à quoi allait ressembler mon nouveau chez-moi... Malgré la fatigue, je pétillais d'énergie et d'euphorie, j'avais envie de sauter partout, de hurler, de chanter, de danser, d'aller saluer les voisins pour leur dire que mon pôpa était génial... Ouais je le connaissais depuis vingt minutes et alors ? Alors que nous allions commencer la visite, je lui posais la question la plus indiscrète mais aussi indispensable qui soit ?

« Au fait... Qu'est ce qui t'es vraiment arrivé ? T'es tombé dans un escalier ? T'as des sacrés bleus sur le visage... »

Alors oui, cette petite voix aiguë, c'était de l'inquiétude... Parce qu'en y regardant de plus près, ça ressemblait très fortement à un passage à tabac.
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Razen Townshend
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MessageSujet: Re: Standing in the shadow of our lies... [Razouzou]   Standing in the shadow of our lies... [Razouzou] Icon_minitimeSam 26 Mar 2016 - 13:53

Standing in the shadow of our lies...
Ailionora & Razen



Razen n’a jamais songé réellement à se poser, à avoir des enfants et à terminer sa vie, pépère, dans un rocking-chair, à raconter à des marmots cette merveilleuse époque où il vivait en vendant des gens, en traquant des gens et en volant des gens. En même temps, ce n’est pas qu’il ne sait pas raconter les histoires, c’est plutôt qu’il est du genre à raccourcir drastiquement les épopées des héros pour arriver le plus rapidement possible à la fin. C’est l’histoire d’une princesse qui fait une indigestion de pommes, un prince lui fait du bouche à bouche et ils vont fracasser la tronche de la vendeuse de pommes à coup de pioches en chantant. Par exemple. Et donc, Razen a rapidement rangé dans un placard ses prétentions de père pour se concentrer sur ce qu’il a toujours fait : être un grand frère. Bon, ses capacités de grand frère sont plutôt limitées, mais il estime ne pas s’en être sorti trop mal avec Alvin et… et c’est tout mais c’est déjà pas mal, n’est-ce pas ?

Face à Ailionora, ce n’est pas que Razen est complètement démuni, c’est juste qu’il ne sait ni ce qu’elle attend de lui, ni ce que le monde attend de lui. Se découvrir une paternité, de base, ça surprend, mais se découvrir une fille de seize ans… c’est pire encore parce qu’il a l’étrange impression qu’il a loupé quelque chose avec elle avant même de découvrir son existence. Il part avant de sacrés malus, pour tout dire, et le fait que Gillian n’ait même pas tenté de le prévenir, même pas tenté de l’avertir en dit long sur ce qu’elle pensait d’un Razen père. Pas qu’il lui en veuille mais… mais. Mais ce n’est pas le moment pour penser à son ex et aux sentiments mitigés qui le submergent. Apprendre à connaître la mioche qui se trouve devant lui, voilà la priorité. Poser des questions, s’apprivoiser le temps qu’il sache ce qu’il va devoir faire. La garder, oui, bien sûr : il n’a pas le choix et la question ne se pose plus à partir du moment où sa mutation lui a hurlé leur patrimoine génétique commun. Mais il va devoir retrouver Gillian, c’est une certitude. Retrouver son ex, parler de leur fille, mettre les choses au point. Le cerveau de Razen part dans tous les sens, se concentre sur bien trop de réflexion à la fois, grappillant au passage un peu d’énergie dans le saucisson et les chips. Ils ont ça en commun, c’est déjà ça. Il l’écoute parler, il s’écoute être impressionné, il tente de capter un peu de cet instant pour pouvoir le raconter et l’expliquer à Alvin lorsque son petit frère rentrera. Ses mots dépassent sa pensée et pas qu’une seule fois mais à plusieurs reprises. Les JOs. Le sport. Le cinéma. Les questions de Razen sont balayées, son cerveau fonctionne à plein régime mais ne donne pas mine de ralentir. Une gamine assez ordinaire ? Il ne la connait que depuis quoi… vingt, trente minutes mais elle lui semble déjà être la gamine la plus extraordinaire de l’univers. Normal, c’est la sienne. C’est sa gosse. La plus belle des Towshend. Plate comme une planche à pain, mais la plus belle malgré tout. Parce que c’est sa fille. L’orgueil d’un père… « Hè ! Qu'est ce qui t'fait croire que je suis une planche à pain, là ? Tu peux pas l'savoir, tu vois pas ! J'suis ptet roulée comme Pamela Anderson, hin ! Fin ça serait pas mieux, en fait... » Le sourire de Razen ne se veut pas mystérieux, mais il l’est bel et bien. « … on va dire que je te laisse le bénéfice du doute, c’est vrai que je n’y vois pas grand-chose » Le bénéfice du doute mais surtout un nouveau mensonge à rajouter à la longue liste de ceux qu’il forme et laisse s’étirer devant lui sans aucun scrupule. Pas besoin de rajouter sa mutation sur le tapis pour le moment, ils sont suffisamment à faire pour apprendre à se connaître. « Et heu... Ouais je parle gaélique mais bon c'est un peu la langue nationale, chez moi... T'y coupes pas, faut au moins connaître la base, et vu que maman me parlait plus qu'en gaélique à la maison, j'ai pas trop eu le choix... » Un nouveau sourire, nostalgique cette fois. S’il se souvient de ce qu’à tenter de lui apprendre Gillian ? Vaguement. Sa mémoire est efficace, mais pas à ce point, et s’il doit approximativement pouvoir encore traduire certaines choses, ce sont plutôt des phrases qui ne devraient pas tomber dans l’oreille de sa fille, histoire qu’elle ne tente pas d’imaginer les circonstances ayant poussé Gillian à les prononcer et Razen à les retenir. Quoiqu’il en soit, il chasse Gillian de ses pensées parce que c’est à lui, maintenant, de parler de lui-même. De ses frères, de sa famille… C’est compliqué, ça l’épuise d’avance. Beaucoup de choses à dire, beaucoup de choses à penser et pourtant, il doit bien lui en parler. Après tout… c’est sa fille, non ? Il soupire, il cherche un moyen, il commence à parler. Ses frères, ses parents, son enfance, l’adoption de Ren… Ca répond à ta question ? Qu’il est mignon, le Razen, de s’inquiéter comme ça… disons qu’il veut plutôt changer rapidement de sujet, maintenant que l’affaire est close et que son hésitation précédente est justifiée. « Oh... Je vois... J'suis désolée... Fin c'est super convenu de dire ça, mais je... C'est pas cool... » Il fronce les sourcils, secoue la tête comme pour dire que ce n’est pas si dramatique que ça. « T’en fais pas, mistinguette, j’ai ça va bientôt faire trente ans maintenant donc bon… » Donc bon voilà. Il ne va pas épiloguer là-dessus. En revanche, sa fille elle… « Je suis désolée, je dois passer pour une sacrée ingrate mais je... C'est horrible, j'arrive pas à imaginer comment on peut grandir sans le soutien de ses parents ou dans une famille disloquée comme ça... Ca n'a pas dû être facile, j'imagine... Ca répond à ma question, ouais... Je suis désolée, j'en parlerai plus... Ah et tu peux m'appeler Aily, c'est mieux que gamine ou nabot... » Un claquement de langue, Razen se passe une main dans les cheveux. « Je te dis que c’est pas grave, gamine, t’en fais pas. Dans tous les cas… ça n’a pas du être facile pour toi de ne pas avoir de père ou de famille paternelle et… » Et il fait quoi, là ? De la psychologie, de la philosophie de comptoir ? Il est fatigué, le Razen pour s’embarquer là dedans, sur un terrain très dangereux. Parce qu’après tout, le père d’Ailionora, c’est lui. C’est lui qui n’a pas été présent. « Je... J'peux t'appeler papa ? Je comprendrais que tu veuilles pas, c'est peut-être trop tôt, mais j'arriverai pas à t'appeler par ton prénom... Et puis papa c'est plus cool que machin, hin ? C'est plus... Bah plus vrai... » Et il ne l’a pas volée celle là. Il ne l’a pas volée, il ne l’a pas vue venir, il aurait mieux fait de se la fermer. Parce que le Razen, il veut bien être son père, il n’a pas encore franchi l’étape conduisant à devenir son papa. Il préfère ne pas répondre, il préfère esquiver la question et rebondir sur le fait qu’en dehors de s’intéresser à sa famille, elle a fait sa timide en ne s’hasardant pas sur d’autres sujets. Et il en vient même à se rendre compte qu’entre le décalage horaire et tout ça, la gamine, elle doit être fatiguée. Pitié, faites qu’elle soit fatiguée pour qu’il puisse encaisser comme un grand le contre coup de tout ça. « Ouais ma valise pèse un âne mort, j'ai un peu pris la maison avec moi, en fait... Mais je voudrais pas t'embêter, hin ! Je suis bête, j'n'avais pas pensé que tu n'aurais peut-être pas la place pour une personne de plus... J'peux m'caler dans le canap', si tu veux, j'prends pas trop de place. » Il se marre, le Razen. Je ne voudrais pas t’embêter, elle en a des bonnes la mioche, à se pointer la bouche en cœur et à s’inquiéter après coup. Elle en a des bonnes mais elle a surtout le foutu caractère des Townshend, même un aveugle pourrait le voir. Et justement, l’aveugle le voit. « J'avoue que ouais, j'suis un peu claquée... Je sais pas quelle heure il est ici, mais à Dublin faut bien rajouter neuf heures, du coup j'irais bien dormir... Mais pas avant d'avoir fais la visite ! » Elle se lève, il s’étire et se lève à son tour. « Aucune idée de l’heure non plus, il doit y avoir vaguement une horloge par là bas… » Il agite son bras en direction de la cuisine. « Dans tous les cas, hors de question que tu dormes dans le canapé, morveuse, tu vas te caler dans ma chambre et demain, avec les yeux et les bras d’Alvin, on verra comment réorganiser tout ça. En attendant, donne moi ta valise, je te montre ma chambre. »

Il s’étire, fait craquer à son tour ses articulations comme il peut malgré son bras immobilisé en écharpe, fait quelques pas en contournant le canapé. Et s’immobilise sous la dernière question de sa fille. « Au fait... Qu'est ce qui t'es vraiment arrivé ? T'es tombé dans un escalier ? T'as des sacrés bleus sur le visage... » Ah oui. Les bleus. Ce n’est pas qu’il les oublie, c’est plutôt que comme il ne les voit pas, il a tendance à penser que les autres non plus ne les voient pas. Razen se pince les lèvres, Razen ne sait pas comment réagir, Razen hésite pendant une seule petite seconde sur la réponse à fournir. La petiote, elle est choupie. Elle est mignonne. Elle n’a peut être pas besoin de savoir que la copine de son oncle est une psychopathe qui a voulu tuer son père il y a quelques jours. « Longue histoire, t’en fais pas, je suis solide. Allez, viens, suis moi ! »

Sa main se plaque contre le mur, il l’attend quelques secondes, lui arrache d’autorité sa valise – qui pèse effectivement un âne mort – et la guide dans l’appartement pas bien grand. Ses mains se posent sur les portes qui ont tous une petite indication en braille pour qu’il ne se perde pas même lorsqu’il n’est pas réveillé. « Salle de bain, WC, Chambre d’Alvin et en face… » De son coude indemne, il ouvre la porte de la pièce qui doit être aussi chaotique que le reste. Presque aussi chaotique. Pas vraiment personnelle, elle reflète l’intégralité de la personnalité de Razen, des étagères de livres au bric à brac mécanique qui est posé sur un bureau en chantier. Une pile de vêtements sales dans un coin, une armoire ouverte sur un champ de bataille d’habits qui ont tous une petite étiquette en braille qui lui indique la couleur, un ordinateur portable équipé de toute la technologie disponible pour qu’un aveugle puisse s’en servir. Théoriquement rien de compromettant. Si ce n’est, peut être, le flingue posé sur son bureau. En quelques pas, Razen laisse tomber la valise et va foutre le flingue dans son dos. « Tiens, je te laisse t’installer, on papotera plus en détails demain pour… et bien pour voir tous les détails justement, d’accord ? Je sais plus trop où sont les interrupteurs en revanche… » Il se gratte la tête, gêné. « Mais tu devrais les trouver. Si tu as besoin de quoique ce soit, je serai dans le salon, d’accord ? » C’est marrant, il vient de se rendre compte que sa fille va pouvoir se promener à poils dans la baraque sans qu’il ne puisse s’en apercevoir, et qu’elle se changerait sous ses yeux qu’il ne tressaillirait pas. Il est un peu con, le Razen, parfois, lorsqu’il se fait ce genre d’observation et il s’en rend bien compte. C’est pour ça qu’il s’empresse de la laisser tranquille. Il va lui falloir du temps pour encaisser. Beaucoup de temps. Et de saucisson. Et de chips. Et de bières.

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