Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Dim 31 Jan 2016 - 0:31
The world is gone
Andreas & Artur
Hurler était aux antipodes du comportement habituel d’Artur. Jurer, se répandre en mots aussi vulgaires que grossiers, insulter son père et lui ordonner de fermer sa putain de gueule était en profond désaccord avec le ton posé et doux qui enveloppait d’ordinaire sa voix, ses gestes, son visage et sa respiration. Oui, rien de tout cela ne lui ressemblait. Et pourtant, ce fut lui et pleinement lui qui perdit le contrôle de ses actes, qui envoya valser dans le salon l’ensemble du dossier et, au travers des feuilles voltigeantes, ce fut toujours qui empoigna avec violence le bras de son père pour le tirer hors de la pièce pour le pousser hors de chez lui. Il ne voulait pas le voir, il ne voulait plus le voir. Parce que la présence de son père dans son appartement, l’absence de sa mère à ses côtés… tout cela rendait le cauchemar bien réel, bien tangible : en un mot : irréfutable. Et cela… Artur ne pouvait le concevoir. Vraiment. Il n’avait pas besoin de savoir que son père était désolé, tout ce qu’il voulait, c’était sa mère, uniquement sa mère. Et les larmes qui se perdaient en cascade acide sur son visage imberbe détonnaient suffisamment pour tout détruire autour de lui. Et le réduire à néant. Parce qu’il était proche de la rupture, Artur, il n’en avait même jamais été aussi proche et son comportement si hors piste le hurlait autant que sa voix. « Je suis beaucoup de choses Artur mais, je ne suis ni calme, ni indifférent. » Artur voulut chasser cette main étrangère posée sur son épaule, il le voulut vraiment. Mais ses muscles de Hunter refusèrent de lui obéir et sans savoir si ce fut contre son gré ou non, Artur se trouva rapidement dans les bras de son père. Et chuta. Définitivement. Ses sanglots se perdirent sur l’épaule de son père. Ni calme, ni indifférent : il ne l’était peut être pas mais son attitude le laisse pourtant croire, exacerbant davantage encore l’irrationalité des pleurs du plus jeune. « Personne ne peut nous la rendre. Personne ne le pourra jamais tout comme je ne chercherai jamais à la remplacer. Elle t’a élevé, elle est et sera toujours ta mère. N’oublie jamais ça. »Elle t’a élevé. Les larmes n’en finissaient plus. Et si Artur aurait souhaité avoir quinze, vingt ans de moins et rester dans les bras de son père, lorsque ce dernier le relâcha, il fuit à regret pour se complaire dans le rôle qu’il jouait depuis tant d’année, dans le rôle du fils regardant son père avec un mépris digne d’un égal intellectuel. N’était-ce pas ce qu’il était, après tout, face à cet homme qui ne lui avait rien appris et donné toute son attention à Moira ? Un soupçon de rancœur traça son chemin dans ses pensées, une rancœur tenace, une rancœur vienne de plus de dix ans, une rancœur qui lui permit une fraction de seconde de retrouver un peu d’aplomb. Ce qu’il lui fallait pour se raccrocher à la corde raide tendue sur laquelle son père et lui se promenaient comme deux funambules. Une corde de laquelle il était tombé, une corde qui surplombait le brasier ardent de la détresse et de la folie.
Artur se réfugia contre le mur le plus proche, s’en servit pour ne pas chuter plus bas. Il ne pouvait pas soutenir le regard de son père, il ne pouvait pas supporter sa présence. L’alliance de sa mère toujours fermement serrée dans son poing brûlait son épiderme, se gravait dans sa peau, s’incrustait dans sa chair. Et il craignait encore de la perdre. Une deuxième fois. Une ultime fois. Ses jambes flageolaient, toute son attention n’était dirigée que dans un but : qu’il ne s’effondre pas physiquement. « J’aurais préféré ne jamais avoir à t’annoncer ça. Et si on m’en laissait le choix aujourd’hui, j’échangerai volontiers ma vie contre la sienne si ça pouvait la ramener mais, personne ne le peut. » Si ses mains se plaquèrent sur ses oreilles dans un premier temps, pour filtrer inutilement la voix de son père, Artur ne put que relever la tête à cette dernière phrase. Echanger sa place avec sa mère ? Son regard se fit errant le temps d’une respiration. Avant de se faire glacial. Effectivement. Effectivement, si on lui proposait à lui aussi d’échanger son père avec sa mère, Artur n’aurait aucune seconde d’hésitation, ni même un sourcillement. Le choix serait vite fait. Par calcul, par stratégie, par sentiment aussi brut que spontané. Sa mère était sa mère, sa mère était son repère. Et rien ni personne n’avait jamais pu l’éloigner d’elle, ni la distance, ni les études, ni même ce que tentait de lui faire comprendre Ciaran les premières années à propos de l’inconséquence de ses parents qui avaient laissé un tel génie s’embourber dans des classes d’élèves médiocres et insipides et qui avaient préféré concentrer leur attention sur sa grande-sœur aux capacités si monstrueuses qu’elles les charmaient tous. Tous sauf lui, bien sûr, lui qui était si brillant, si clairvoyant, lui qui les surpassait en tout. Se souvenir de tout cela lui fit l’effet d’une claque, et Artur se redressa brusquement.
Effectivement. Il aurait aimé échangé la vie de son père contre celle de sa mère. Mais il n’avait droit qu’au pire de ses parents, qu’à celui dont il n’avait jamais attendu quoique ce soit. Il n’avait plus droit qu’à son père, alors même que Moira s’éloignait de lui. Il n’avait plus droit qu’à cet homme qu’il respectait et méprisait au même titre qu’il respectait et méprisait ses supérieurs qui n’avaient strictement rien à lui apprendre. Si Artur était arrogant ? Enfant précoce perdu dans la foule des gamins de son âge, il n’avait jamais pu que les regarder de haut. Adolescent égaré dans un lycée dont il était la risée, il n’avait jamais pu que détester ses pairs. Et face à son père, il contemplait au travers de ses larmes enfin taries l’absence totale de l’admiration qu’il aurait – théoriquement – du lui conférer. Sa voix se fit plus ferme, comme si les larmes perdues sur l’épaule de son père avaient suffi à panser ce trou qui s’était creusé au milieu de sa poitrine au moment même où il avait compris que quelque chose n’allait pas. Comme si ces quelques secondes de répit qu’il s’était octroyée avaient suffit pour le remettre d’aplomb. « Sors. » Ce n’était pas une invitation, ce n’était pas un conseil, ce n’était pas une demande. C’était un ordre. Un ordre que le fils donnait à son père en le regardant dans les yeux, sans la moindre déférence simulée. Son hypocrisie ne relevait que du réel : que de cette douleur dans ses yeux qui n’avait rien d’artificiel. « Laisse-moi seul désormais, Andreas. » Il se redressa davantage encore, piqué dans son orgueil, blessé dans son ego. Et mains tremblantes. S’effondrer était encore à sa portée, il ne lui fallait qu’un léger coup de pouce pour qu’il cède à nouveau aux sanglots. Sauf qu’il était hors de question qu’il se prête une nouvelle fois à cette plaisanterie devant son père. Son chagrin, il le garderait pour lui. Et son père… Artur franchit d’un pas la distance qui le séparait de la porte de son appartement et l’ouvrit sans qu’il n’y ait besoin de plus d’informations. « S’il te plait. Laisse-moi seul. »
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Lun 1 Fév 2016 - 21:47
the world is gone
nothing is real but pain now
Les gestes étaient maladroits, inexpérimentés mais, Andreas devait le faire parce que dans l’immédiat, malgré ses erreurs et leur caractère respectif, Artur avait besoin de lui, aussi saugrenu que cela pouvait être. La scène aurait été aperçue par des inconnus qu’ils n’auraient rien trouvé à redire mais, quand on connaissait le père et le fils, ce qui se déroulait n’avait rien d’anodin, c’était même tout le contraire. Il n’était pas naïf évidemment. Ce qui était en train de se passer ne se répéterait sans doute jamais, il le savait. Seules les circonstances les avaient amenés à en arriver là. Ils n’avaient pas évolués selon les schémas standards et se ressemblaient bien trop pour que ça ne se reproduise. En attendant, Andreas soutenait son fils, littéralement. Il comprenait que son propre comportement ne soit pas ce à quoi il s’attendait. Après tout, il s’acharnait à ne jamais rien montrer, à ne plus rien montrer. Ainsling lui aurait sans doute passé un savon si elle avait encore été parmi eux. Elle avait toujours détesté voir son mari ne feindre aucune faiblesse. Il en avait pourtant, de très nombreuses et elle les avait toutes connues, celle qu’elle représentait également. Il n’était tout simplement pas près à la laisser partir, il ne le pouvait pas, pas alors qu’il devait retrouver son meurtrier. Peut-être qu’un jour, après ça, il pourrait vivre à nouveau. Peut-être.
Il laissa finalement la situation suivre son cours et laisser Artur s’éloigner à nouveau, s’isoler, prendre de la distance. Tellement semblables que son fils en aurait hurlé s’il s’en rendait compte. Mais qui pouvait donc lui dire à présent ? La seule personne consciente de cette ressemblance était désormais hors d’atteinte. Et Andreas sut. Il sut que son fils pensait exactement la même chose que lui. Un tel regard ne trompait pas. Si cela le blessa ? Sans aucun doute. Cependant, depuis des mois, la peine était une chose à laquelle il s’était habitué. Ce qu’il ressentit ne fut qu’un déchirement de plus et il comprit... il comprit qu’on pouvait s’habituer à la peine, à la tristesse, à ce déchirement. S’y habituer mais qu’on ne pouvait ni l’oublier, ni l’estomper. Elle était là, se renforçant juste. Au moins savait-il à présent ce qu’il en était réellement. Chacun suivait sa route, comme il en avait toujours été. Il assumerait ses erreur jusqu’au bout. Aussi, il attendit patiemment ce qui arriva ensuite. C’était la suite logique de cette conversation. Partir. Bien entendu, il ne le fit pas à la première injonction, trop brusque. Il restait son père, que cela lui plaise ou non. Il avait été très clair à ce sujet. La phrase suivante, elle, fut accompagnée d’une attitude qui ne lui plaisait guère. Quand enfin, il jugea la demande acceptable, il franchit la porte ouverte laissant derrière lui testament, alliance et copie du dossier.
Laisser cette alliance derrière lui fut une chose difficile. Elle avait représenté leur union, une union qui ne signifiait rien aux yeux de son fils mais, c’était à sa mère. Quelque part, il venait à nouveau de perdre Aisling. Fidèle à lui-même, Andreas descendit les escaliers et sortit. Il marcha longuement pour rentrer chez lui mais l’air frais lui faisait le plus grand bien. Ce n’est qu’une fois chez lui qu’il s’autorisa enfin à relâcher ses muscles et toute la tension qu’il avait accumulé. Le masque se fissura et les digues se brisèrent. Colère, amertume, tristesse, peine, rage, haine, dégoût, solitude... Tout le frappa de plein fouet et il prit conscience que le lendemain, son état serait pire encore parce qu’il allait enfin dire à sa fille qui il était et qu’il était fort probable que le pardon ne vienne jamais. Aujourd’hui, il savait avoir perdu son fils. Demain, il perdrait peut-être sa fille.