Sujet: the world is gone (Artreas) Mer 18 Nov 2015 - 17:32
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Depuis qu’Andreas avait mis les pieds à Radcliff, il cherchait désespérément comment annoncer la nouvelle à ses enfants. Hors il ne s’était senti près à aucun moment, lui-même trop déstabilisé par la vie sans elle. Il n’avait pas arrêté d’avancer mais, il avait cette impression désagréable d’avancer dans un brouillard gris et froid, sur un chemin délabré et cahoteux. En vérité, le soleil s’en était allé avec Aisling et rien ne semblait plus briller du même éclat, il craignait de se laisser emporter. Elle avait fait de lui un homme meilleur et indéniablement, la souffrance qu’il retirait de cette perte le menait sur un chemin qu’elle n’aurait jamais voulu qu’il emprunte. Un chemin dont elle l’avait tiré à de nombreuses reprises dans qu’elle n’en sache jamais rien. Aujourd’hui, malheureusement, il ne pouvait plus reculer, il avait déjà trop tardé. Il devait parler à Artur et Moira. Ses enfants devaient savoir et il ne savait diable pas comment annoncer une telle chose aux seules personnes qui lui restaient au monde. Pas lâche mais, pas non plus pourvu d’un courage sans faille, il avait décidé de leur annoncer séparément même si son cœur n’en subirait que plus de peine. Il ne se sentait pas capable de les affronter tous les deux en même temps. La témérité dont il pouvait faire preuve fondait comme neige au soleil dès qu’il pensait à ce qu’il avait à dire. Il ne savait pas comment le faire. Il avait beau retourner toutes les phrases du monde et ses connaissances dans sa tête, rien n’y faisait, aucun mot ne semblait dire la chose sans dommage. Il allait devoir annoncer à Artur que sa mère, la femme qui l’avait élevé était morte, qu’elle avait été assassinée par un homme dont la police ne savait strictement rien. Un homme qu’il voulait tuer à son tour mais, dont il ne retrouvait pas la trace. Ça, il n’en dirait rien, il ne parlerait pas non plus de son sentiment de culpabilité, ça ne ramènerait pas sa femme et ça ne soulagerait ni son fils, ni sa conscience. Tout ce qu’il pouvait donner à Artur, c’était l’alliance que sa mère avait portée et ses dernières volontés qu’il découvrirait en même temps que lui, n’ayant pas osé y toucher plus tôt. Le pire, c’est qu’il devrait recommencer la même chose -peu ou prou- avec Moira le lendemain et il ne savait franchement pas s’il arriverait à gérer ça, deux jours de suite. Il avait pris congé pour l’occasion, bien conscient qu’il ne vivrait pas la chose remarquablement bien. De plus, ses relations avec Artur étant ce qu’elles sont, il n’avait aucune idée de comment l’annonce de la nouvelle se passerait.
Sa serviette sous le bras, il effectua le trajet à pied, l’expression figée et le regard éteint. Personne n’aurait apprécié le croiser dans la rue à cet instant et sans qu’il ne s’en rende réellement compte, une femme et ses enfants l’évitèrent largement. Il ne prenait même pas la peine de s’en offenser, pas maintenant. Il serait temps de se fustiger pour son attitude plus tard, de se dire qu’Aisling n’aurait pas aimé cela et qu’il devait lui rendre hommage, pas lui faire honte. Plus ses pas le rapprochaient de l’appartement de son fils, plus son chargement semblait lui peser lourd et plus son chagrin semblait récent. Jamais il n’aurait dû attendre autant, ça n’allait être que plus dur et plus éprouvant. Il avait été un imbécile et il allait probablement le payer d’une phrase cinglante sans doute méritée. Pour une fois, peut-être accepterait-il la critique. Ou alors... comme souvent, la discussion serait le reflet de leur personnalité respective, trop proche pour les rapprocher vraiment.
Arrivé à destination, Andreas frappa à la porte, droit et fier, ne laissant rien paraître, trop accoutumé à présent à ne plus rien afficher d’autre qu’un air ennuyé ou profondément agacé quand les circonstances le réclamaient. Il allait pourtant devoir briser cette sale habitude qu’il avait prise en arrivant, car ici, il ne pouvait pas se permettre d’afficher un tel visage. Il allait devoir agir en père, quelque chose qu’il n’avait pas fait depuis trop longtemps, une autre de ses fautes qu’il ne pouvait plus guère réparer à présent.
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Artur Kovalainen
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Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Jeu 19 Nov 2015 - 0:35
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A vingt-six ans et demi, Artur faisait partie de ces personnes brillantes qui le savaient et l’exploitaient du mieux qu’elles le pouvaient. Il parlait couramment six langues, pouvait se débrouiller dans une ou deux autres pour la simple raison qu’il n’avait pas encore pris le temps de creuser à fond le sujet. Docteur en génétique, Artur était capable de donner le change dans bien trop de domaines pour qu’on ne puisse pas le qualifier de polyvalent. En regardant le ciel, Artur avait cette mémoire et cette notion de la rigueur qui le poussaient non pas à réciter platement les constellations observables mais en plus à en décrire les étoiles, leur distance à la Terre et pour certaines leur âge et leur année de découverte. Artur, donc, était un surdoué. Mais s’il n’avait pas son pareil lorsqu’il s’agissait de décortiquer des ADN et d’analyser des échantillons sanguins, il y a un domaine de la chimie dans lequel il était loin, très loin, peut être trop loin d’exceller : devant les œufs, le fromage et le jambon, Artur n’arrivait plus à savoir ce qu’il devait faire en premier lieu pour préparer une omelette. En voyant ça, on ne pouvait plus que comprendre son obstination à manger rapidement en journée et au restaurant les week-ends, lorsqu’il n’oubliait tout simplement pas. Artur ne savait pas cuisiner. Il n’y prenait d’ailleurs aucun plaisir. C’était un acte nécessaire, bien évidemment, mais qu’il l’agaçait plus que tout. Ses doigts glissèrent sur sa tablette, affichèrent pour la troisième fois la recette de l’omelette et il s’affligea de voir qu’il n’arrivait vraiment pas à en retenir les principes élémentaires. Son cerveau s’acharnait à décortiquer les réactions chimiques sous-jacentes pour chercher une échappatoire. Il avait besoin de résonner, il avait besoin de réfléchir.
Rigoureux, perfectionniste, minutieux et peut être même un peu trop maniaque, Artur finit par se décider à se saisir d’un œuf et à le briser sur le bord du plat. Un peu trop violemment : la coquille dégringola, le jaune se perça, le blanc se répandit sur l’ensemble du plan de travail. Et une flopée de jurons mêlant le chinois au finnois en passant par de savoureuses insultes gaéliques fut ôtée de ses lèvres dans un persiflage acide. Le reste de l’œuf, la coquille qui avait survécu dans sa main, partit s’écraser dans la poubelle, le brun s’énerva sur son éponge pour nettoyer sans attendre l’ensemble. Pourquoi donc s’était-il mis en tête de cuisiner s’il se montrait aussi lamentable à cet exercice ? Il se le demandait encore. Pour l’individu aussi intolérant face à l’échec, c’était incompréhensible que de s’acharner à se mettre ainsi en difficulté. S’apercevant qu’il lui manquait à présent le compte exact d’œufs, Artur remit son tablier et se mordit la main de frustration. Incapable de cuisiner, il hésitait présentement entre commander japonais et sortir acheter au premier commerce du coin un plat précuisiné. C’était tentant, excessivement tentant même. Mais non. Il voulait réussir cette omelette, c’en était presque devenu à ces yeux aussi importants qu’un quelconque examen débouchant sur une qualification élitiste. Et surtout, Moira la lui avait réclamé la veille. Une omelette pour le repas du soir. Et il avait envie de lui faire plaisir. Artur soupira, rangeant les ingrédients non utilisés, jetant le reste de dépit, si on pouvait considérer comme reste le peu de blanc et de jaune qu’il avait réussi à sauver dans l’opération. L’épicerie était en bas de la rue, il n’en aurait que pour une petite dizaine de minutes en faisant vite. Un coup d’œil à sa montre lui apprit que s’il avait encore quelques heures devant lui pour profiter de son dimanche après-midi de congé, il n’avait pour autant aucun intérêt à tarder s’il voulait terminer ce plat trop compliqué dans les temps et avoir après ça quelques dizaines de minutes pour terminer de lire cet article reçu la veille traitant sur les dernières nouveautés dans le domaine de l’astrophysique.
Attrapant sa veste, il ne prit pas la peine de se vêtir plus chaudement, se contentant de glisser dans ses poches ses clés et un billet. Il n’en aurait pas pour longtemps. Ses pas dégringolèrent les marches d’un pas vif. Il fallait qu’il s’habitue à monter et descendre les escaliers, c’était bon pour le cœur et le souffle, ça l’obligeait à se solliciter ses muscles constamment et à entretenir le peu qu’il parvenait à acquérir chaque semaine un peu plus pour ne pas récidiver son lamentable échec face à la dégénérée abattue trop peu de semaines plus tôt. Un sac peu rempli sous le bras, Artur revint très exactement huit minutes après avoir franchi la porte de son immeuble. Il considéra du regard l’ascenseur, soupira devant les escaliers qu’il commença à gravir au pas de course. Trois étages, c’était peu mais c’était bien suffisant, son souffle commença à lui manquer à peine le deuxième palier passé. Et son cœur rata un battement lorsqu’il parvint à son étage. Parce que quelqu’un attendait déjà sur le perron. Il ne lui fallut guère plus d’une seconde pour reconnaître la stature de son père. « Tu pourrais m’appeler avant, tout de même. C’est presque impoli de ne pas prévenir les gens et d’arriver à ce point à l’improviste devant chez eux, tu le sais ? » Sa voix résonna dans la cage d’escalier, Artur tenta de cacher son essoufflement pour contourner son père et glisser ses clés dans la serrure. Une torsion de poignet, la porte s’ouvrit sur l’appartement impeccablement rangé. Artur laissa un petit sourire paraître sur ses lèvres lorsqu’il invita son père à rentrer. Il y avait quelque chose d’agréable à être maniaque : il savait pertinemment que son appartement était aussi propre que clair, jusqu’aux livres classés par ordre alphabétique. Seule fantaisie : le courrier posé sur la table basse du salon et quelques magazines scientifiques éparpillés sur le canapé. Sa veste quitta ses épaules, il l’accrocha au porte-manteau, tendant une main forcée et polie en direction de son père pour qu’il lui confie la sienne, posant les œufs et le café tout juste achetés sur le meuble le plus proche. « J’imagine que Maman ne devrait pas tarder à arriver elle aussi ? Je peux te servir quelque chose à boire ? »
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Ven 20 Nov 2015 - 23:17
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Son fils, la chair de sa chair qu’il avait délaissé pour lui offrir mieux, pour lui permettre de connaître le bonheur de posséder quelque chose de plus grand que lui. Andreas avait couru après la science et il en avait perdu son fils et le problème, c’est que s’il savait, il recommencerait peut-être, pour son bien, son bonheur. Il voulait qu’Artur connaisse cette sensation à son tour. Pourtant il regrettait de ne pas avoir été présent pour lui, de ne pas l’avoir accompagné et soutenu plus qu’il ne l’avait fait. Cette erreur, il ne pouvait pas la réparer, le temps continuait de filer, c’était ainsi et il le savait. Il ne serait jamais omniscient, son don à lui était affilié à la nature, émotionnel. Il le ressentait en permanence, comme une vie à part entière. À ce fils, il devait aujourd’hui annoncer qu’il n’avait plus de mère, qu’un être moins qu’un homme l’avait privé du plus grand soutien qu’il avait jamais eu. Andreas se doutait bien qu’il ne serait certainement pas accueilli à bras ouvert. Leurs têtes-à-têtes n’avaient jamais été plus que polis, parsemés de quelques échanges intellectuels. Personne n’aurait pourtant été capable de s’y tromper, ils étaient bien père et fils, aucune tension telle que celle-là ne peut exister entre des étrangers ou des personnes ne partageant pas un certain passif, à tout le moins. Il allait devoir faire preuve de tout le contrôle dont il était capable pour être un support, quel qu’il soit et ça n’allait pas être facile.
Quand il frappa et que la voix d’Artur lui parvint de derrière, il comprit que ce serait encore moins évident que ce qu’il avait anticipé. La remarque de son fils, quoi que légitime, le fit tiquer, il n’avait pas souvenir qu’Artur soit capable d’une telle impolitesse en retour, jamais il n’aurait osé accueillir sa mère avec une telle phrase. En réponse, il se tut. Aisling... Comme un poignard se frayant un chemin dans ses entrailles, son souvenir était incisif, atrocement douloureux. Tout ceci n’allait vraiment rien avoir de facile. Le temps qu’il lui ouvre, Andreas chercha ses mots, en vain. Comment annoncer à son enfant, même adulte, qu’il avait perdu sa mère. Lui-même, en apprenant la nouvelle n’avait pas réagi de la meilleure des façons et il ignorait totalement comment la chose se passerait. En temps normal, il aurait probablement fait un commentaire sur l’accueil, sur l’appartement rangé, presque aseptique mais, il ne lui venait même pas à l’esprit qu’il aurait encore pu agir comme ça des mois auparavant. Quelque chose avait définitivement changé en lui et ça n’était pas pour le meilleur, il en avait parfaitement conscience. La porte passée, il attendit un geste quelconque lui faisant montre de s’asseoir, s’installer quelque part. Et puis la question tomba, la première qui lui coupa les jambes et le souffle. Inconsciemment, il se crispa, ses poings se serrèrent et ses yeux se voilèrent alors qu’un long frisson glacial lui parcourait le dos. C’était instinctif, un tic nerveux qu’il tentait d’annihiler en obligeant son corps à rentrer dans les rangs et lentement, ses muscles se relâchèrent. Il en oubliant la seconde question, trop focalisé sur la première.
- « Artur... » Il s’autorisa à se passer une main sur le visage. « Est-ce que tu veux bien t’asseoir s’il te plait ? »
L’entrée en matière n’avait absolument rien de bien mais, il ne se voyait pas lui annoncer ça tout-à-trac au milieu de l’entrée alors qu’il avait l’impression que le monde se dérobait à nouveau sous ses pieds. Ce qu’il avait à dire ne se disait pas entre le café et le biscuit. Il n’y avait, de toute façon pas de bon moyen de le dire. Cela dit, il y en avait de très mauvais. Il aurait pu demander à Artur depuis combien de temps il n’avait pas eu de nouvelles de sa mère mais, ça aurait pu le faire culpabiliser et ça n’était pas le but. Définitivement pas la bonne façon de faire non plus. Alors il s’approcha et posa sa main sur son épaule, trop doucement et il la serra un peu.
- « C’est important. »
Il était loin le ton froid et distant. Sa voix restait assurée mais éthérée, brisée d’une certaine façon. On pouvait museler ses émotions, tenter de contrôler son corps mais, dès lors où on était humain -ou mutant- certaines circonstances faisaient de vous un être normal, capable de souffrir et d’être brisé et s’il répugnait à afficher ses faiblesses, il ne pouvait pas rester de marbre devant son fils. Brisé, il l’était, mort, certainement pas. Les flammes de la vengeance surgiraient tôt ou tard. Il retira sa main, maladroit dans le geste qu’il n’avait pas eu assez, d’un support qu’il n’avait que trop peu donné et qui n’augurait rien de bon. Bon sang, il aimait son fils et devoir lui dire que la personne la plus importante dans sa vie n’était plus le tuait lui aussi à petit feu.
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Artur Kovalainen
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Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Sam 21 Nov 2015 - 0:04
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Il ne s’attendait vraiment pas à le voir. Comme tous les ans, Artur avait compté passer voir ses parents pour l’anniversaire de sa mère mais pas avant. Trop de travail, trop de choses à gérer et pas vraiment l’envie de traverser l’Atlantique pour seulement un weed-end. Et comme tous les ans, ne voir ses parents qu’une à deux fois dans l’année lui suffirait amplement. S’il n’était pas vraiment froissé avec son père, il n’avait rien à lui dire. C’était un inconnu à ses yeux. Un inconnu qui l’aimait, là-dessus il n’avait presque aucun doute, mais un inconnu avec lequel il n’avait pour seule affinité que leur domaine d’expertise commun : la génétique. Il ne s’attendait vraiment pas à le voir. Et dans sa surprise, Artur en oublia d’être poli, en oublia d’enfiler son masque d’hypocrisie et d’obéissance filiale qui lui seyait si bien en temps normal. Agacé par son précédent échec culinaire, parce qu’il fallait appeler un chat, un chat, et que son omelette avorté en l’espace d’une poignée de seconde ne pouvait qu’être qualifié d’échec ; agacé, donc, Artur oublia un instant de ne serait-ce que dire bonjour à son père. De suite, il entra dans l’agression calme, la provocation cachée sous couvert d’une remarque qu’il jugea tout à fait légitime. Il aurait pu prévenir, c’était la moindre des politesses.
Ouvrant la porte à son père, Artur s’engouffra dans son appartement impeccablement rangé, posa ses achats sur la première table venue le temps de se délester de sa veste et de se tourner vers son père pour faire de même. Sur le ton de la conversation, Artur posa des mots sur une interrogation latente née de l’incongruité de la situation. Si les parents Kovalainen avaient pour habitude de faire des conférences et d’intervenir un peu partout dans le monde, ce n’était que très rarement l’un sans l’autre. Et plus encore, l’irlandais savait que sa mère ne manquerait pour rien au monde de venir le voir, de venir les voir lui et Moira si elle en avait l’opportunité. La réaction de son père ralentit ses mouvements, les figeant dans la glace. Sa main retomba, sans la veste de son père. - « Artur... » Le susnommé fronça les sourcils, dessinant par réflexe ses traits selon un schéma bien défini, si loin de la réalité qu’on ne pouvait que le décrire comme étant artificiel. Maître de ses émotions, maître de son apparence, Artur fixa son père. Il n’aimait pas cette voix. Il aimait encore moins voir son père aussi défait. Parce qu’il n’y avait pas d’autre mot pour décrire l’attitude d’Andreas Kovalainen. « Est-ce que tu veux bien t’asseoir s’il te plait ? » Pendant une fraction de seconde, Artur envisagea réellement de décliner l’invitation mais il devait reconnaître à son père qu’à défaut d’avoir été présent pendant son enfance, il avait au moins donné la vie. Il pouvait bien lui concéder cela, après tout ce n’était guère contraignant. « C’est important. » Le ton grave de son père fit naître une pointe d’angoisse dans les pensées d’Artur. Cette main posée sur son épaule, et l’angoisse devint anxiété. Bien présente, bien tangible. « Que se passe-t-il ? » La question lui échappa par réflexe, Artur la balaya sans tarder d’un geste de la main pour couper toute réponse de son père. Prenant son inspiration, il laissa un haussement se glisser sur ses épaules, avec une nonchalance feinte. « Si tu veux, laisse-moi juste ranger mes courses et je suis tout à toi. Fais comme chez toi. » Il s’octroyait de la sorte quelques minutes de plus pour passer le fil de ces derniers mois dans ses pensées et surtout chercher une raison plausible à la venue de son père, au retard de sa mère, à l’air grave et à l’atmosphère tendue qu’amenait avec lui Andreas. Moira.
Ses mouvements s’arrêtèrent, il reste immobile devant son frigidaire ouvert le temps d’une respiration. Etait-ce pour Moira que son père était là ? Avec lenteur, il plaça les œufs au frais, reléguant tout souci d’omelettes loin en arrière-plan. Moira, sa cécité, sa vaccination. Il se souvenait de ces heures pendant lesquels son père et Moira expérimentaient, complices, sur sa mutation. Cette jalousie douloureuse qu’il pouvait éprouver en voyant son père gaspiller son temps libre avec sa sœur alors que lui aussi pouvait avoir besoin de son attention. Il revoyait sans difficulté les sourires fiers de son père devant sa sœur contrôlant sa dégénérescence. Non, son père ne comprendrait pas, s’il l’apprenait, le choix qu’avait du faire Artur devant sa sœur. Après tout, Artur était le seul à avoir compris la monstruosité de son aînée, il était le seul depuis toujours à voir ce qu’elle était vraiment. Prenant sur lui, se forçant à dénouer ses épaules, à dissiper sa tension, à laisser ses doutes et ses conclusions de côté ou du moins en arrière plan, Artur revint dans le salon où l’attendait son père. D’une voix faussement enjouée, à plusieurs années lumières de ses réelles émotions qu’il cachait depuis bien trop de temps maintenant pour qu’une personne autre que sa mère ne sachent les déchiffrer, et encore, il attira son attention.
« C’est bon, je suis là. Tu voulais donc me parler ? Quelque chose d’important ? » La mort dans l’âme à l’idée d’entendre potentiellement son père parler de sa sœur et de sa mutation disparue, de sa vue disparue aussi, Artur rompit la distance les séparant et s’en vint s’asseoir sur le canapé, l’un des rares meubles de la pièce contenant un peu de désordre, comme un état anarchique sur un continent un peu trop calme. Ses mains décalèrent les magazines, ne se retinrent pas de les ranger proprement pour les poser en pile sur la table basse. Un léger sourire, pleinement factice il ne fallait pas s’y tromper, aux lèvres, Artur regarda fixement son père avec cette tranquillité artificielle qu’il avait appris de lui par la force de l’exemple. « Je suis tout ouï. »
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Sam 21 Nov 2015 - 17:33
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Si Andreas avait songé a beaucoup de choses depuis qu’il avait pris la route pour l’appartement d’Artur, il n’avait absolument pas prévu de se retrouver confronté à une telle question en premier lieu. Il était pourtant rare qu’il vienne rendre visite à son fils sans sa femme, leur relation n’étant pas des plus chaleureuses. Ils étaient capables de discuter mais, ils n’avaient jamais véritablement rien d’importe à se dire et même s’il aimait son fils, il ne pouvait pas forcer une discussion juste pour se montrer présent. Ça n’aurait pas eu un effet bénéfique, loin de là, du moins, en était-il persuadé. Après tout, lorsque lui-même avait agi ainsi des années auparavant, rien n’aurait pu le dissuader de quoi que soit et le forcer à entretenir une conversation n’aurait fait que le murer davantage. Il se voyait donc mal faire quelque chose qui l’aurait braqué à une époque. Aisling aurait su comment s’y prendre, lui n’en savait rien, les choses se résumaient ainsi.
Pour ce qu’il avait à dire, Andreas jugeait qu’il ne valait mieux pas se dissimuler derrière les façades qui étaient les siennes habituellement et plus encore depuis les derniers événements. Les expressions d’Artur ne lui échappaient pas et elles avaient quelque chose de bien connu. Il n’était décidément pas son fils pour rien. Sa question était légitime vu le ton qu’il avait employé et l’une des rares marques d’affection qu’il osait employer avec lui. Pourtant, il ne dit rien de plus quand il l’entendit lui demander d’attendre. Il n’avait aucune envie de repousser encore l’échéance, surtout pas pour des courses mais, il prit sur lui, véritablement, allant d’installer alors qu’il essayait d’analyser les réactions de son fils qu’il scrutait du coin de l’œil. C’était comme s’il tentait de reprendre contenance, de se calmer tout en cherchant ce qui pouvait causer un tel trouble chez l’homme qu’il n’avait jamais vu perturbé par grand-chose. Il le perdit de vue à cet instant et se replongea dans ses propres souvenirs alors qu’il préférait de loin y échapper. Malheureusement, depuis qu’il avait pris la décision de leur parler, c’était comme s’il avait ouvert une porte qu’il n’était plus capable de refermer ou du moins, bloquer pour un temps. Il joua un instant avec son alliance, absent, à des lieux de l’appartement d’Artur et des États-Unis. Il était de retour en Irlande, chez eux, cerné par un vide immense. La voix de son fils le ramena instantanément et il fixa son regard dans le sien sans jamais le lâcher une seule seconde. Ses mots, il les cherchait avec soin tout en faisant abstraction du sourire qui se peignait sur le visage de son enfant. Plus attentif, il aurait pu deviner la façade, le masque du mensonge mais, il n’avait pas la tête à ça, loin de là. Avec un calme qui l’étonna lui-même, ses mains atteignirent la chaîne qu’il avait autour du cou pour l’ouvrir et récupérer l’alliance qui avait appartenu à Aisling. Il aurait normalement dû l’enterrer avec elle mais elle lui avait dit il y a longtemps qu’elle voulait qu’elle revienne à leur fils s’il lui arrivait quelque chose. Il avait donc agi selon ses vœux, hors testament. Ses souvenirs de sa femme étaient une malédiction, beaucoup trop clair, trop vivant pour qu’il soit capable d’oublier. Sans un mot, il la posa avec respect sur la table alors que la solitude s’abattait à nouveau sur ses épaules. Ne trouvant aucun autre moyen d’annoncer l’horreur, elle sortit, brusque, de ses lèvres avant qu’il ne trouve plus la force de dire les choses.
- « Ta mère voulait qu’elle soit à toi. » La suite est ignoble, brutale. « Elle a été assassinée. »
Pendant un instant, il perdit à nouveau son souffle, comme si l’air n’était que trop rare dans ces moments-là. Ne voulant pas noyer Artur sous les informations, il n’en dit pas plus pour l’instant. Il serait encore temps de lui donner davantage d’informations quand il les demanderait car, il ne doutait pas qu’il le ferait. Il se pencha, saisit la main d’Artur et y posa l’alliance qu’il avait reprise sur la table, ne supportant de la voir là. Il referma ses doigts dessus, serrant un peu plus fort que nécessaire. En dehors du son de sa voix, Andreas maîtrisait tout le reste parce qu’il était ainsi et qu’il en montrait, selon lui, déjà trop. Il était persuadé que c’était la manière dont il devait agir pour être là, présent pour son fils qui venait tout juste d’apprendre qu’il ne verrait plus jamais sa mère. Et soudain, ses erreurs le frappèrent. Il n’avait pas prévenu ses enfants avant, ils n’avaient pas pu être là pour l’enterrement de leur mère. À quel point avait-il fauté, accaparé par son chagrin égoïste ? Mais, au fond, y avait-il seulement une bonne manière de réagir ?
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Artur Kovalainen
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Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Lun 23 Nov 2015 - 22:14
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Artur n’était pas stupide, loin de là. Bien au contraire, il l’était peut être pas assez. Trop intelligent, il avait tendance à chercher des réponses là où il n’y avait pas de questions et à atteindre les limites des connaissances actuelles dans un domaine avant d’être pleinement rassasié. Curieux, intuitif, ses interrogations et sa jalousie l’avaient mené à entreprendre dès ses quinze ans de lourdes recherches en génétique pour comprendre et décortiquer le gène de sa sœur, pour se renseigner au maximum et chercher dans le monde des personnes révélant la même monstruosité. Parce que oui, bien sûr, aux yeux d’Artur, ce qu’il ne pouvait pas avoir était définitivement monstrueux. Et l’usage que sa sœur pouvait en faire, qu’il soit bon ou mauvais lorsqu’elle en jouait pour influencer d’autres et se venger sur eux, cet usage prouvait que ce n’était qu’une aberration plus que tout le reste.
Artur n’était pas stupide, loin de là, donc. Et face à son frigidaire ouvert, il était en train de réfléchir à ce qui pouvait causer chez son père qu’il respectait à défaut de pouvoir l’admirer, cette brutale perte de contrôle. Tous les deux, l’irlandais ne le savait que trop bien, étaient bâtis sur le même modèle, tant sur le plan du calme constant que sur leur curiosité scientifique et leur intellect. Et pour que son père se montre aussi hésitant, Artur ne pressentait que deux raisons plausibles. Moira ou sa mère. Et tout naturellement, aussi intelligent qu’il pouvait l’être, Artur n’arrivait pas à considérer sincèrement la deuxième hypothèse. Qu’il soit arrivé quelque chose à Moira, soit, il était présent au moment clé et c’était d’ailleurs un petit peu lui qui était responsable de l’état de sa grande sœur. Qu’il soit arrivé quelque chose à sa mère en revanche… Nul complexe d’Œdipe caché derrière son attachement pour Aisling, c’était juste qu’elle était un modèle à ses yeux, une voix rassurante et un soutien sans failles. Sa mère, en somme, était ce que tout le monde pouvait attendre d’une mère à la différence près que puisque c’était la sienne, elle était nécessairement parfaite. Et même davantage que cela.
Figé devant la porte du réfrigérateur, Artur prit le temps de poser ses pensées, de les classer avec minutie et de se composer un visage calme avec un soin tout particulier. Quoique son père puisse vouloir lui annoncer, il se savait parfaitement capable de ne pas laisser son hypocrisie se lézarder, son visage se briser et le masque s’effondrer. Quelques mots, il sortit son père de ses pensées. Leurs regards se croisèrent avec une intensité qui manqua de faire chanceler le plus jeune. Je suis tout ouï parvint il à faire rebondir dans un sourire factice mais avec néanmoins tout ce qu’il fallait d’artificiel pour qu’il soit crédible. Je suis tout ouï. Un soupçon d’insolence caché sous l’obéissance et le respect filial, il laissa ses doigts parcourir les magazines pour les remettre correctement en place. Du coin de l’œil, toutefois, il surveillait son père, de l’angoisse acidifiant son palais.
Des mouvements lents, Artur fronça les sourcils. Vit avec inquiétude apparaître une chaîne et une bague. Non. Pas une bague. Une alliance. Quoique son père puisse vouloir lui annoncer… Un frisson dégringola sa colonne vertébrale. Ses yeux s’empressèrent d’aller vérifier les annulaires de son père, son estomac se contracta en y retrouva la jumelle de celle à présent posée sur la table. D’ordinaire, Artur était si détaché vis-à-vis de son père qu’il ne se gênait pas pour lui dénier le droit d’être appelé papa mais par son simple prénom, andreas. D’ordinaire, Artur ne se sentait pas mourir à chaque respiration. « Isä, où est Maman ? » Les yeux fixés sur l’alliance, Artur se maudissait de réfléchir aussi vite. Parce qu’il ne voulait pas comprendre. « Daid, où est ma mère ? » Ma. Ce possessif voulait tout dire. Sa voix aussi. Tremblante. Désastreuse. Il n’osait pas bouger. C’est important. Non, ce n’était pas important. C’était pire que ça. « Ta mère voulait qu’elle soit à toi. Elle a été assassinée. » Voulait. Non. Il refusa d’entendre ça. Ne rien entendre, disparaitre, s’enfuir. Tout cela était hors de sa portée. Son père se pencha, lui attrapa la main et y renferma l’alliance brûlante, incandescente.
Choc. Artur atteignit ses limites et se leva d’un bond pour s’enfuir de l’autre côté de la pièce, le poing obstinément fermé sur l’alliance métallique dont le contact lui était insupportable. Sans le respect qu’il avait pour sa mère, l’alliance aurait déjà volé de l’autre côté de la pièce et il en aurait profité pour hurler. Sauf que non. Ce n’était pas possible. Il ne pouvait pas s’en séparer et il ne pouvait pas hurler. Fuyant de l’autre côté du salon, Artur se réfugia dans un coin, à l’angle de sa bibliothèque consacrée à l’astrophysique. Le domaine de sa mère. Le sien. Il se passa une main dans les cheveux. Il n’arrivait pas à parler, il n’arrivait pas à penser. Elle a été assassinée. Assassinée. Quelqu’un a tué ma mère. Son masque se craquela. Se ravagea. Artur voulait s’effondrer. Il voulait respirer. Mais son cœur était en train de s’emballer et ses poumons de se contracter. Respiration haletante, suée abondante. Crise de panique. Choc. Pas de larmes, pas de cris. Juste le choc et les mots de son père résonnant à ses oreilles comme des sentences de mort en continu. Assassinée. Pas morte. Pas morte. Artur tourna le dos à son père, laissa ses doigts glisser sur la tranche des livres qui remplissaient le meuble, la plupart offerts par sa mère justement.
Colère. Artur fit volteface. Il hésita. Et son hésitation se lut pleinement sur son visage. Il était incapable de la contenir, incapable de contrôler ses traits, incapable de masquer son visage ravagé par le choc, le déni, la colère. Toujours pas de larmes. Elles viendraient bien assez vite. Le poing toujours serré sur l’alliance, Artur hésita. Et finit par choisir sa question. Larmoyante. Suppliante. Agressive. « Pourquoi elle ? »
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Mer 25 Nov 2015 - 22:28
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Lâche. Andreas aurait voulu être lâche et se soustraire au fardeau qui était le sien mais, à présent assis seul dans l’appartement, il ne pouvait plus reculer. Sa solitude était plus atroce que jamais, elle lui pesait. Toutes ces années, Aisling avait été un pilier et il avait appris à se reposer sur elle en partie, tout comme elle sur lui. Son équilibre avait été bouleversé et il ne semblait pas s’en remettre. Ses propres failles, il ne les voyait même pas chez son fils et pourtant, ils étaient les mêmes. Il aurait dû voir, essayer de craquer la carapace, de creuser. Il n’en fit rien, ne remarquant pas les signes. Il dut se décider à parler, à dire les choses mais Artur était intelligent, il avait commencé à comprendre et il ne voulait pas y croire. Comment lui reprocher ? Lui-même avait du mal à y croire. Parfois, dans les moments de calme que lui offrait l’éveil, il préparait deux tasses et puis il se souvenait. La tasse, le mug, l’assiette, quoi qu’il ait fait en double... finissait fracassé au sol. Le phénomène tendait à disparaître mais, il n’était pas encore exceptionnel. Le plus dur, c’était de l’entendre l’appeler papa dans une langue qui était la sienne, celle de ses origines, celle de son sang. Curieusement, ça le touchait alors qu’il n’avait jamais été particulièrement penché vers le chauvinisme. Son fils s’adressait dans sa langue et ça n’était pas sans douleur. Il ne lui laissa pas le choix et lui mis l’alliance dans la main. Artur était comme lui, trop souvent et il savait que sa réaction ne serait pas calme. Sa mère... C’était sa mère. Il avait d’ailleurs presque entendu la possessivité dans l’article. Il avait toujours été plus proche d’elle que de lui et il le regrettait aujourd’hui. Il ne pourrait pas être l’épaule dont il avait besoin à moins qu’il ne se trompe complètement, ce qui restait un espoir. Le père n’eut d’autre choix que de regarder son fils se relever et s’éloigner. Plus mesuré que sa propre réaction, il devait le lui reconnaître mais, il garderait cette faiblesse pour lui. Ses enfants ne devaient pas savoir, jamais, comment il avait réagi. Peut-être une erreur de plus mais, il tenait à garder ça pour lui. C’était son deuil, sa perte. Il ne supporterait pas de la partager. Pas avec ses enfants. Pas... s’il pouvait leur épargner sa propre douleur. Andreas ne se leva pas, n’alla pas l’enlacer. Il ignorait la manière dont il réagirait s’il le faisait et il ne voulait pas susciter de l’animosité. Ça n’était vraiment pas le moment.
Quand Artur le regarda à nouveau, il sut. Il connaissait ces émotions, il les avait vécue et les vivait encore pour certaines. La question tomba, une question à laquelle il s’était préparé à répondre par un mensonge. Un mensonge si bien conçut qu’il aurait presque pu y croire lui-même si la culpabilité ne le rongeait pas. Il avait si bien répété cette scène dans sa tête que rien, pas même une expression dissidente ou une variation dans sa voix ne permit de le trahir.
- « On ne sait pas. » On. La police... pas lui. Lui savait. « On ne sait pas qui non plus mais je le cherche, on le cherche. » Une vérité dissimulée, il payait très cher ses informations mais seulement après vérification. Il refusait de courir après des chimères.
Il aurait pu rajouter que l’acte était prémédité mais, à quoi bon ? Il n’avait pas besoin de ce genre de détails. Andreas n’allait pas rajouter à la peine d’Artur le poids de savoir que l’acte était prévu, qu’il avait été étudié et que son auteur avait agi sans aucune raison apparente. Lui les connaissait et c’était bien suffisant. Son fils ne savait pas ce qu’il était et il ne saurait jamais à moins qu’il trouve le moyen de lui offrir l’égalité avec sa sœur. Les choses devaient rester ainsi, moins il en savait sur son compte, mieux cela valait, il n’en ferait pas une cible. Moira avait les armes pour se défendre, pas lui. Du moins le croyait-il.
Dans cette conversation, le plus dur restait à faire. Il fallait amener Artur à prendre connaissance du testament de sa mère, une chose que lui-même n’avait pas encore faite. Une chose que sa femme, il l’apprendrait, avait parfaitement anticipé tant elle le connaissait bien.
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Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Lun 30 Nov 2015 - 23:32
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Isä, où est Maman ? La question franchit ses lèvres avant mêle qu’il ne se rende compte de ce qu’elle signifiait vraiment. D’ordinaire, Artur n’avait aucun scrupule à appeler son père par son prénom, à se placer comme un égal face à cet homme qui à défaut d’avoir été présent pour lui lui avait au moins donné le jour. D’ordinaire, Artur n’avait aucune considération pour Andreas et se contentait des bases du respect filial et des conversations phatiques, ne cherchant pas le moins du monde à affirmer avantage un certain échange avec l’homme assis face à lui. Mais d’ordinaire, sa respiration ne se faisait pas laborieuse, son cœur ne battait pas de manière erratique et son sang ne lui donnait pas l’impression de se transformer en glace. Artur était intelligent, sûrement trop. Parce que cette alliance posée sur la table, ces mots prononcés avec une rudesse indélicate, cet enchaînement de syllabes, succession de sons, ce sujet, ce verbe, ce complément, cette alliance déposée dans sa main et enfermée comme un trésor honteux, tout cela était superflus.
Et sa mère était morte. Morte. Assassinée. Partie. Le choc fut le premier à arriver, entraînant à sa suite un déni violent et brutal. Acide, aussi, bien sûr. Un déni d’une force inimaginable, amplifié par la tendance de l’Irlandais au mensonge et à l’hypocrisie. Morte. Pire que morte : assassinée. Et une seule réalité parvenait à se frayer un chemin dans les pensées d’Artur : quelqu’un avait tué sa mère. Son masque lézardé se fissura un peu plus. Sa respiration, douloureuse, s’étrangla davantage. Et son visage se décomposa sans qu’il ne puisse rien y faire. Pas de larmes, pas de cris. Pas encore. Le choc et le déni ne pouvaient que le laisser aphone. Puis, frayant sa route sur le champ de bataille dévasté, effleurant de ses doigts les cadavres, foulant de ses pieds nus la terre remuée, trempant ses lèvres dans le sang et la douleur versés par le fils, arriva la colère. Si le choc était sourd et le déni muet, la colère fut violente. A la hauteur de la douleur, à la hauteur du reste, à la hauteur de la chute. Artur fit volteface, se détachant des livres qui lui rappelaient sa mère pour se concentrer sur l’autre résidant. Une hésitation se trahit sur le visage du plus jeune, perdu dans ses questions, perdu dans ses mots, perdu dans son être.
Artur était un maître du mensonge, un maître de la manipulation et des faux-semblants. Hypocrite comme d’autres savaient être joyeux, il pouvait simuler chaque expression et émotion sans la moindre difficulté, pliant son apparence au moindre de ses désirs, se jouant de ses interlocuteurs comme avec de petites marionnettes. Il tirait les ficelles, amadouait les sceptiques et endormait les méfiants d’un simple sourire timide. Mais il était incapable de ne pas être dévasté par la mort de sa mère. Incapable, aussi, d’agencer deux pensées, de concaténer deux questions. Seuls deux mots tracèrent un chemin sur ses lèvres. Timides, larmoyants, agressifs, remplis de ces larmes qu’il ne parvenait pas à verser et encore moins à assumer, ces deux petits mots s’échouèrent en supplique. Pourquoi elle ? Pourquoi avait-on décidé de lui voler sa mère, pourquoi avait-on décidé de s’en prendre à l’un des êtres qui comptaient le plus pour lui, pourquoi parmi les sept milliards d’êtres humains que comptait la planète était-ce sur elle que le sort venait de s’acharner ?
Ces deux petits mots pleurés d’une gorge nouée portaient en réalité bien plus d’interrogation que ce que l’on pouvait croire au premier abord. Et bien plus de colère aussi. Artur se sentait capable d’aller égorger le premier venu si on lui murmurait d’une voix pleine de vice qu’un peu de sang lui rendrait sa chère mère. La colère, gluante, amère, avait cette saveur aigre qui lui rongeait la gorge, sans être suivie de la douceur qu’on aurait pu chercher. Elle était animale, cette colère. Et elle le poussa à se détacher davantage de la bibliothèque. Pourquoi elle ? - « On ne sait pas. » Le couperet tomba sur sa nuque avec la précision chirurgicale d’une guillotine. « On ne sait pas ? » répéta le plus jeune d’une voix pâle, conscient plus que jamais du poids de l’alliance posée dans sa main droite. « On ne sait pas qui non plus mais je le cherche, on le cherche. »
Les yeux d’Artur se détachèrent de son père pour s’enfuir vers un point indéterminé, à mi-chemin entre le canapé et le parquet de l’appartement. On ne sait pas qui non plus. On. Ce on. La colère était savoureuse, finalement, perdue dans sa gueule, rongeant ses papilles, se nourrissant de ses ignorances comme pour mieux les cristalliser. La colère, acide. Douçâtre. Violente. Irraisonnée. Une ire à la hauteur de l’indifférence habituelle d’Artur, une fureur aussi agressive que pouvait l’être la jalousie malsaine dont il se montrait si souvent le plus fervent adepte. Sa voix siffla lorsqu’il se rapprocha une nouvelle fois de son père. « En définitive, Andreas, tu ne sais rien. » L’accusation roula sur sa lèvre, persifla entre ses lèvres dans une insolence rare chez Artur. S’il n’y avait entre lui et son père que des discussions polies et vides de tout intérêt, Artur n’était guère du genre à se laisser aller à la facilité de la provocation. « Ma mère a été assassinée et tu te caches derrière ton ignorance et une promesse futile ? » Il articulait avec lenteur le moindre de ses mots, comme pour masquer derrière sa voix ses hurlements de détresse. Assassinée. Le jeune n’était plus à présent qu’à quelques mètres de son père. Le poing toujours serré sur l’alliance, de crainte de la faire tomber, de crainte aussi de ne plus la sentir et d’être contraint de la voir. Le poing serré, enfin, de cette colère qui refusait de disparaitre et qu’il refusait de faire disparaître. Il planta davantage son regard dans les prunelles de son père. « Où. Quand Comment. J'ose espérer que tu sauras répondre à ces trois petites questions ou pour celles-là non plus, on ne sait pas ? »
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Mar 1 Déc 2015 - 0:32
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Il était bien entendu évident que l’incapacité à donner le nom du responsable à Artur ne lui plairait pas. Andreas lui-même en était malade et il ne perdait pas de vue que son fils avait toujours été très proche de sa mère, il avait malheureusement tout fait pour que les choses en arrive là. C’était certes trop tard pour réparer une telle erreur mais, il restait sn père et de fait, il avait un rôle à tenir et à jouer, n’en déplaise à son cadet. C’était pourquoi il ne lui révélait pas les tenants et les aboutissants de la situation qui était loin d’être simple et plus loin encore d’être résolue. Il était hors de question qu’il mêle ses enfants à ça et il y perdrait la vie à son tour si nécessaire mais, il ne les sacrifierait pas et ne les mettrait pas plus en danger qu’ils ne l’étaient déjà de par sa seule présence et la situation de la ville. Son deuil, il le supporterait seul, c’était ainsi que les choses devaient se passer.
Reconnaissant chez son enfant ses propres réactions, il ne fut pas surpris d’y trouver la rage et la colère, pas plus que le choc de la perte. Ses repères venaient de s’effondrer. Encore quelque chose qu’il connaissait bien. Le masque qu’Artur cultivait depuis le début sans qu’il n’en sache rien venait de craquer et il avait un aperçu de qui pouvait être son fils sans même le savoir. Aussi, quand il perçut le changement et que le ton de sa voix mua, le regard d’Andreas se durcit considérablement et tout son être se figea. Avant même que son fils n’ait terminé sa diatribe, il s’était levé, faisant appel à des années du contrôle de son don pour se contrôler lui-même. À son tour, sa voix se fit calme, froide, excessivement cassante.
- « C’est certes du meurtre de ta mère qu’il s’agit mais également celui de ma femme, celle qui a partagé ma vie de longues années et à qui ma propre vie appartenait. Tâche de ne pas l’oublier quand tu parles de ça je te prie et je ne te le dirai pas deux fois. Tu es mon fils mais, il y a des choses que je ne peux pas tolérer. J’espère que c’est clair. »
Sans bouger d’où il était, sa présence était littéralement écrasante. Il n’usait pourtant pas de son pouvoir qui pouvait avoir cet effet oppressant, il était juste lui-même en cet instant, père et époux, habité par un sentiment de vengeance incommensurable, car plus que jamais, c’était la tête du responsable qu’il voulait. Andreas n’était pas un homme sanguin mais, nul doute que le cadavre du responsable fumerait un jour ou l’autre, défiguré par la foudre, calciné par la chaleur que ses paumes auraient dégagée autour de son cou.
- « Puisque l’horreur que j’ai voulu t’épargner t’intéresse... Elle a été froidement abattue d’une balle dans la tête, à son bureau, à la maison, le vingt-et-un novembre. Il n’y avait pas de mobile, pas d’indice, rien. Je traque le responsable depuis qu’elle a été mise en terre dans ma ville natale, là où elle voulait être. »
Avec la même lenteur et froideur mécanique, il sortit une copie du dossier qu’il n’aurait pas dû avoir et le claqua sur la table comme lui seul en état capable. Il n’en manquait pas, de copies et par-dessus, le testament de sa femme, une copie lui aussi, qu’il n’avait même pas encore ouvert.
- « J’ai ôté les photos. Appelle ça de la faiblesse ou l’ignorance volontaire d’un homme qui a perdu sa femme. »
Il les avait assez vues ces photos, il les connaissait par cœur au point qu’elles s’étaient imprimées derrière ses paupières. Il avait vu le corps, il n’oublierait jamais. Il pouvait comprendre la peine de son fils mais, jamais, il ne le laisserait mener la danse. L’envie de s’en prendre à son fils, à son grand dam, était bien présente et il lui fallait toute la volonté du monde pour ne pas agir comme tous ces gens qu’ils méprisaient pour être capable de violence sur leurs enfants. Définitivement, Andreas réalisa que la mort d’Aisling lui avait enlevé quelque chose qu’il était désormais incapable de remplacer. Il était plus furieux que jamais et plus dangereux aussi. Ses scrupules avaient été réduits à peau de chagrin. Le pire était sans doute qu’il savait pertinemment qu’Artur n’en resterait pas là et qu’il lui faudrait toute la retenue du monde pour ne pas agir de façon inconsidérée à l’encontre de son fils.
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Artur Kovalainen
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Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Mer 2 Déc 2015 - 19:48
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Elle a été assassinée. La colère se répandait dans ses veines au rythme de cette phrase, le choc refluant pour laisser sa chair à vif, ses émotions brisées et son visage escarpé comme des falaises détruites. A vif, coupant, hors de contrôle. Si Artur ne s’apercevait pas qu’il réagissait exactement comme devait avoir réagi son père des semaines plus tôt, c’était pour la simple raison qu’il était bien trop centré sur lui-même et sur sa propre douleur pour comprendre qu’il n’était pas le seul à en souffrir. Elle a été assassinée. Pas de larmes, pas de cris, juste ce violent sentiment d’injustice et de désillusion. Après le déni, la colère et certainement même que les négociations allaient suivre le tout mais pour le moment, il se concentrait de décortiquer ce que lui confessait son père et d’y chercher un coupable, quelqu’un pour porter le blâme. On ne sait pas. Acide ignorance échouée dans ses oreilles, amère désillusion. La colère du plus jeune se cristallisa dans ses pupilles lorsqu’il fit quelques pas pour s’éloigner de la bibliothèque, s’ancrer dans la réalité et se rapprocher de son père.
On ne sait pas. Ah ouais ? Mais cet homme qui se tenait face à lui, savait-il seulement quelque chose au final ou se contentait-il des constats de la police ? Douloureuse, la colère. Acide, oui, mais sifflante, persiflant entre ses lèvres dans une insolence rare chez Artur. Il n’était pas de ces enfants qui rejetaient avec morgue l’autorité de leurs parents, il n’était pas de ceux qui s’enorgueillissaient de dire non ou de provoquer avec délectation leurs aînés. Artur n’avait jamais été particulièrement insolent, pas outre mesure du moins. C’était plutôt l’enfant calme, discret, intelligent et obéissant qui peaufinait son apparence de fils parfait pour garder en lui-même sa rancœur et ses espoirs, sa jalousie et ses objectifs. Mais au diable les apparences, au diable le contrôle, au diable la mesure : sur le visage d’Artur s’exprimaient pour la première fois depuis des années ses réelles émotions, aussi violentes que déroutantes, aussi brutales que destructrices. Elles lui écorchaient la face, l’Irlandais étant peu habitué à les recevoir avec autant de force, ne sachant pas gérer et ses sentiments, et ses pensées, et ses réflexions. Le tout s’accumulait en lui pour l’amener au bord de l’implosion. Ma mère a été assassinée et tu te caches derrière ton ignorance et une promesse futile ? L’accusation jaillit de ses lèvres comme une étincelle. Elle frôla l’explosif, se faufila dans ses nerfs et se serra sur son poing qui renfermait le plus douloureux de ses trésors. Artur n’eut pas le temps de terminer sa diatribe que déjà son père s’était levé et ne détournant pas un seul instant le regard, avec un aplomb né autant de son arrogance que de sa maturité vaniteuse, le fils fixa son père de ses pupilles glacées, rencontrant chez leurs pairs une colère jamais vues jusque là. « C’est certes du meurtre de ta mère qu’il s’agit mais également celui de ma femme, celle qui a partagé ma vie de longues années et à qui ma propre vie appartenait. Tâche de ne pas l’oublier quand tu parles de ça je te prie et je ne te le dirai pas deux fois. Tu es mon fils mais, il y a des choses que je ne peux pas tolérer. J’espère que c’est clair. » Le finnois se glissa dans ses oreilles sans qu’il ne frémisse et ne perde pied une seule seconde. De toute manière, Artur se noyait déjà, submergé par la mort de sa mère, enseveli dans son incapacité à gérer l’ensemble de sa détresse.
Cessant son avancée, il crispa la mâchoire, pinça ses lèvres pour éviter de répondre sur le vif, préférant bien au contraire choisir ses mots. Perdu, hors de contrôle oui mais toujours doté d’un certain instinct de survie et d’un intellect non pas hors norme mais très proche de la précocité dont pouvait faire preuve ses deux parents. Naturellement, Artur opta pour le finnois lui aussi. « Comme du cristal. » Sa voix, glaciale, n’avait rien de contrite bien au contraire. Aussi froide que celle de son père, la voix d’Artur n’en dépareillait que par son léger tremblement, oppressée comme pouvait l’être le plus jeune par la présence écrasante de son aîné. « Mais n’oublie pas toi non plus que je suis peut être ton fils, mais j’étais avant tout le sien et je suis désormais un adulte. » Artur se força à se taire, se souvenant de toute la prudence qu’il se devait de déployer face à toute personne différente de son reflet lorsqu’il s’observait dans le miroir le matin. Le voilà qui ferme les yeux : Artur détourna le regard, se contraignant à une humilité et une contrition tardives et factices mais néanmoins concédées. Un murmure, gaélique. « Je suis désolé, je me suis oublié » laissa-t-il filé à destination et de sa mère, et de son père. Sa mère. Morte.
« Puisque l’horreur que j’ai voulu t’épargner t’intéresse... Elle a été froidement abattue d’une balle dans la tête, à son bureau, à la maison, le vingt-et-un novembre. Il n’y avait pas de mobile, pas d’indice, rien. Je traque le responsable depuis qu’elle a été mise en terre dans ma ville natale, là où elle voulait être. » Artur se força à respirer. Calmement. Il devait reprendre le contrôle, il devait tempérer ses réactions, il devait abattre ces larmes qui menaçaient enfin de briser ses défenses, il devait reconstruire ses murailles. Et surtout : il voulait être sourd. Abattue. L’image s’imposa à son esprit avec un souci de réalisme héritée de son perfectionniste. Sa mère, souriante, s’effondrant comme cette dégénérée qu’il avait lui-même égorgé quelques semaines plus tôt. Sa mère, abattue. Abattue. Le terme lui restait en travers de la gorge, il ne parvenait pas à y faire abstraction, il ne parvenait pas à occulter tout ce qu’il sous-entendait. On abattait une bête, on abattait un traître, mais on n’abattait pas une mère, c’était tout simplement… trop. Une larme dégringola les yeux d’Artur tandis qu’il se réfugiait de l’autre côté de la pièce, à côté d’une fenêtre débouchant sur la cour en contrebas. Un mouvement dans son dos, le bruit d’un dossier claquant sur une table, la voix de son père s’éleva une nouvelle fois. « J’ai ôté les photos. Appelle ça de la faiblesse ou l’ignorance volontaire d’un homme qui a perdu sa femme. »
Artur ne pouvait pas se retourner. Offrant son dos à son père, de rares larmes à sa fenêtre et ses paupières fermées sur ses pupilles noyées, il voulait devenir sourd, aveugle. Il voulait prendre Moira dans ses bras, prendre Ellie dans ses bras, il voulait se voir doter d’une habileté capable de lui faire remonter le temps. Abattue Incapable d’accepter ce terme, Artur ne pouvait pas aller plus lui, ne pouvait rien enregistré de plus. « A son bureau… à la maison… » Ses lèvres reformèrent en anglais les mots prononcés par son père, comme s’il les découvrait enfin. A la maison. Dans sa maison, dans leur maison. Même s’il n’avait pas du mettre les pieds dans celle là, les déménagements rythmant leur vie dans une promotion active du détachement systématique des biens matériels. A la maison. L’évidence s’imposa d’elle-même. « Elle n’a pas été tuée. Elle a été assassinée. » Ses réflexes reprenaient le dessus, comme si la réflexion était le seul secours que son cerveau pouvait lui offrir pour faire face à l’horreur de la situation. Les termes choisis par son père s’imbriquèrent dans son esprit comme un puzzle bien pensé. « Abattue. Assassinée. A la maison. » Elle était la cible de quelqu’un. Pas d’un névrosé, pas d’un malade mental, pas d’un voleur lambda. Elle avait été tuée volontairement et Artur pouvait même s’hasarder sans trop douter de la justesse de son instinct à affirmer que c’était un meurtre avec préméditation. La seule question qui ne trouvait pas de réponse dans son esprit, c’était « Pourquoi ? » Il y avait bien une raison : un homme comme l’était Artur refusait de concéder le moindre centimètre au hasard. Tout avait une cause et tout débouchait sur une conséquence. D’une main rageuse, il effaça une des larmes qui s’étaient échappées pour s’accrocher à son visage imberbe avant de se retourner et de glisser son regard directement vers le dossier, ignorant délibérément son père.
Artur était loin d’être un trouillard. Peut être lâche sur les bords puisqu’il ne semblait être capable de considérer d’un regard courageux que la fuite ou sa propre préservation, il avait pourtant démontré ces dernières années que le courage faisait étonnamment partie de ses attributions. Artur était loin d’être un trouillard, malgré tout ce qu’on pouvait penser de lui lorsqu’il se réveillait en hurlant de l’une de ses terreurs nocturnes. Mais il avait peur d’ouvrir ce dossier et de ce qu’il pourrait y trouver. Quelque part, il en voulait à son père de lui mettre sous les yeux, de l’avoir apporté, de l’avoir jeté de cette manière. Mais quelque part, aussi, il lui en était reconnaissant. Adulte, membre de la police scientifique, il devait être le Kovalainen le plus qualifié pour comprendre le genre de comptes-rendus qu’hébergeait ce genre de feuillets. Et de ce fait, il savait aussi à quel point était considéré comme confidentiels ces documents et qu’ils ne tombaient pour ainsi dire jamais légalement dans les mains des familles. L’Irlandais fronça les sourcils. « Tu cherches vraiment. Et tu ne laisses rien au hasard. Tu cherches toi-même. Tu as des pistes. Tu as des pistes, n'est-ce pas ? » Sa voix s’affirma dans une fraicheur comparable à celle de son père, dénuée de sentiments pour mieux masquer la réalité de sa douleur.
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Lun 7 Déc 2015 - 19:33
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La colère. Grand bien lui fasse. C’est un manque de réaction de sa part qui l’aurait préoccupé. Sa réponse dans le cas présent était légitime, cependant, il ne pouvait tolérer que son fils en oublie la douleur des êtres qui l’entouraient. Aisling avait été compassion, pardon, elle avait été la voix de la raison et de la paix pendant tout le temps qu’ils avaient passé ensemble et en agissant comme il le faisait, Artur lui manquait de respect. S’il devait le remettre à sa place en lui rappelant ce fait, Andreas n’hésiterait pas un seul instant, même si l’arme était à double tranchant. Dans un premier temps, il valait mieux lui rappeler à qui il avait à faire. Ils n’avaient jamais été très proches mais, il ne pouvait pas laisser passer ça. Il restait père et époux et cette perte était aussi la sienne. Il affrontait la situation, aussi, il attendait d’Artur un minimum de respect dans le cas présent. L’apparente contrition de son fils lui suffit mais, il ne fut pas dupe. Son fils ne s’était pas calmé, il ne faisait que rendre les armes provisoirement. Il acceptait sans le faire, ça aussi, c’était clair comme du cristal. Artur pouvait lui rappeler autant qu’il le désirait qu’il était plus le fils de sa mère que de son père, les chiens ne faisaient pas des chats et il avait hérité des pires traits de son caractère, un caractère qu’il avait appris à museler et à tourner à son avantage.
- « Crois-moi, je suis parfaitement conscient des erreurs que j’ai commises à ton égard. Ça ne te dispense pas pour autant de respecter qui je suis et de te demander ce que ta mère aurait voulu de toi. Je te connais mieux que tu ne le crois Artur et je ne pense pas m’aventurer quand je dis que tu aurais sans doute préféré que ce soit moi et pas elle. Crois-moi, j’aurais largement préféré que les choses se passent de cette manière. Mais je respecterai sa mémoire chaque jour. Fais-en autant. Pas pour moi, peut-être même pas pour toi mais pour elle. »
Andreas détestait en passer par de telles méthodes mais, il n’en montrait rien. Le pire étant qu’il était tout à fait convaincu qu’Artur aurait sans doute voulu que les rôles soient inversés. Il ne lui en tenait même pas rigueur. Seulement, il était qui il était et il ne laisserait nul autre que lui, lui faire payer ses erreurs. Qu’il se soit oublié ou non n’y changeait rien. Et, s’il avait énoncé d’une voix froide les circonstances du meurtre de sa femme, ça n’était pas non plus pour faire payer à Artur son arrogance. Il avait voulu la vérité et il l’avait eue, Andreas n’avait jamais été le meilleur pour enrober la vérité de plus de douceur ou de tact sauf quand les circonstances l’exigeaient. Hors, son fils était un homme de faits et les faits, il les lui donnait crus. N’esquissant aucun mouvement après avoir claquer la copie du dossier amputé des photos et du testament complet qu’il n’avait toujours pas ouvert, il patienta. Il laissait à Artur tout le loisir de lui cacher sa tristesse et ses larmes, car il pouvait afficher toutes les façades du monde, il est très difficile d’empêcher un corps de réagir naturellement à un tel choc. Pleurer, même silencieusement et de façon minime pouvait se remarquer. Andreas savait mais, il laissait son fils à sa peine et sa rage. Leurs réactions étaient trop similaires pour qu’il commette l’erreur de croire qu’il aurait voulu d’un quelconque réconfort. À nouveau, quand Artur parla, il laissa les choses se faire et lui permis de poursuivre sa réflexion. Son fils réalisait ce qui s’était passé, la véracité des faits. Il assimilait la vérité.
Andreas ayant prévu de nombreux scénario, il s’était préparé en conséquence. Il ne fut pas surpris le moins du monde le voir ouvrir le dossier sans lui jeter un seul regard. La rationalisation faisait des merveilles pour les esprits scientifiques. Le détournement de la peine ne fonctionnait malheureusement qu’un laps de temps trop court. Il ne s’offusqua pas de la remarque presque surprise concernant ses recherches. Il n’avait pas bougé, n’avait pas repris place dans le fauteuil, il avait attendu et il attendait encore.
- « Je cherche oui. Je ne délaisse aucune piste si elle est tangible et plausible. J’ai des pistes et des contacts que je vérifie soigneusement. Je te tiendrai informé de mes avancées si tu le souhaites mais, pour l’heure, j’attends de nouvelles informations. Celles que j’avais ont fait leur temps. »
Bien entendu, il était hors de questions d’offrir tous les éléments à Artur. Cette vengeance était la sienne et il ne laisserait personne se mettre sur son chemin, pas même son propre fils. Ses doigts se resserreraient autour de la gorge du meurtrier et lui brûleraient peau et chair pour n’en laisser qu’un cadavre fumant, dans le meilleur des scénarios. Il garderait constamment trois pistes d’avance et si nécessaire, il n’hésiterait pas à orienter son fils vers de fausses pistes, aussi bien pour le protéger que pour garder la primeur de sa vengeance.
- « Avant de poursuivre dans cette direction si tu as d’autres questions à ce sujet. J’aimerai prendre connaissance avec toi du testament de ta mère. Je ne l’ai pas fait. J’attendais de te l’annoncer pour le faire. »
Autrement dit, il ignorait totalement le contenu du bout de papier et du petit coffret fermé à clef destiné à Artur. Il n’avait même pas ouvert le sien, une chose qu’il ferait seul, probablement quand il serait prêt, s’il l’était un jour.
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italique = finnois, comme pour le précédent post
Artur Kovalainen
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Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Lun 14 Déc 2015 - 12:59
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Andreas & Artur
Mais n’oublie pas toi non plus que je suis peut être ton fils, mais j’étais avant tout le sien. Si Artur n’avait pas été Artur, si Artur avait été bien plus impulsif et avait bien moins eu l’habitude de contrôler ses pensées et ses mots, ses propos auraient été davantage acides. Il aurait d’ailleurs commencé par faire remarquer à son père que s’il pourrait éventuellement se remarier à l’avenir, Artur n’avait, lui, qu’une et qu’une seule mère et que rien ni personne ne pourrait jamais remplacer Aisling Kovalainen. Mais Artur était Artur et tout cela était pour le mieux pour tous les deux. Artur était Artur, avec toute l’hypocrisie et le contrôle de soi que cela impliquait, il s’agaça donc bien plus sobrement de la remarque de son père, laissant pourtant glisser un peu d’acidité dans ses propos, guidé par une colère brûlante. Toisant son père sans la moindre crainte, il s’aperçut avec un peu d’amertume qui bien qu’édulcorés, ses propos étaient encore loin de ce que son père devait attendre de lui sur le plan du respect. Et que s’il voulait maintenir les apparences, il devait absolument faire marche arrière avant qu’il ne soit trop tard. Dans une contrition murmurée dans la langue maternelle de sa mère, Artur se força à s’excuser. Ce n’était pas sincère parce que s’il regrettait une chose, c’était de ne pas cracher à son père sa colère et l’horreur de sa situation. « Crois-moi, je suis parfaitement conscient des erreurs que j’ai commises à ton égard. Ça ne te dispense pas pour autant de respecter qui je suis et de te demander ce que ta mère aurait voulu de toi. Je te connais mieux que tu ne le crois Artur et je ne pense pas m’aventurer quand je dis que tu aurais sans doute préféré que ce soit moi et pas elle. Crois-moi, j’aurais largement préféré que les choses se passent de cette manière. Mais je respecterai sa mémoire chaque jour. Fais-en autant. Pas pour moi, peut-être même pas pour toi mais pour elle. » La réponse d’Artur se découla en deux temps. D’abord l’impulsivité. Brutale. Violente. Teintée de colère, noyée de cette fureur qui se glissait dans ses veines à chaque inspiration. Une colère dirigée contre l’unique personne présente, autrement dit son père. Une colère aussi injuste que cette situation et ce tête-à-tête forcé par les choses. Une nouvelle fois, si Artur n’avait pas été Artur, il n’aurait pas fait d’efforts pour retenir ses sarcasmes et ses mots. Mais puisqu’il tuait sa spontanéité avec acharnement depuis des années, il se contenta de fermer les yeux pour ne pas foudroyer son père du regard. Il voulait lui hurler que le seul qui manquait de respect à sa mère, c’était l’homme face à lui, celui qui ne comprenait pas à quel point la mort d’Aisling était si injuste qu’elle n’avait même pas lieu d’être. Celui qui lui avouait ne rien savoir, qui lui avouait leur avoir empêché, à Artur et sa sœur, de dire une dernière fois au revoir à leur mère. Fermant les yeux, Artur serra les poings et prit discrètement son inspiration pour mieux dénouer ses muscles. Fais-en autant. Pas pour moi, peut être même paspour toi, mais pour elle. Une nouvelle bouffée de colère irrita sa gorge et Artur du requérir à toute sa concentration pour parer son visage d’une moue désolée. « Tu as raison… c’était vraiment déplacé de ma part. Je… » Il ? Présentement, il hurlait de détresse, il hurlait de colère, il subissait un étrange mélange de fureur et d’errance, ne sachant ni à quoi se raccrocher, ni à qui en vouloir. Et même, juste assimiler que sa mère était bel et bien morte, cela lui semblait impossible.
Morte. Abattue lui précisa Andreas. Dans une indifférence et une impassibilité glacée, son père mit à mal le contrôle qu’Artur avait finalement réussi à imposer à nouveau à ses émotions. Avec une minutie appliquée, les mots forcèrent ses défenses maladroites pour frapper et dépecer ses pensées avec une violence inégalable. Abattue. Plus que la colère, le choc revint heurter le fils pour le faire battre retraite. Sa mère, abattue. Les images se succédèrent dans son esprit, torture à laquelle il ne pouvait échapper, torture à laquelle son intellect et son esprit scientifique, peuplé de cas similaires par le biais de son boulot, le soumettaient. Au moment même où une larme brisa les défenses d’Artur, il se détourna de son père pour se réfugier à quelques mètres de là, face à une fenêtre qui se fit spectatrice de ses paupières fermées et de sa respiration erratique. Lentement, Artur s’agrippa à la seule bouée valable : la réflexion. Se détacher, toiser avec indifférence les données du problème, intellectualiser le tout, mathématiser l’ensemble pour mieux faire taire le surplus de détresse qui faisait flageoler ses jambes et menaçait de le faire s’effondrer lamentablement, comme une marionnette dont des Parques injustes et illogiques auraient coupé les fils. A la maison, dans son bureau… les éléments se mirent en place avec douleur. Assassinée. Finalement, une conclusion émergea, précédée cependant d’une question déjà posée. Tu cherches vraiment. Son père cherchait vraiment.
Pour qu’il ait mis la main sur ce dossier, pour utiliser un tel vocabulaire, la seule conclusion valable était que son père cherchait vraiment à mettre la main sur le responsable de la dislocation de leur famille. Pendant des années, et il était stupide de croire que ce n’était pas toujours le cas, l’univers d’Artur n’avait été composé que de trois personnes en dehors de lui-même. Ses parents et sa sœur. Sa sœur, il risquait chaque jour de la voir disparaître à nouveau. Son père n’était qu’un étranger avec qui il parvenait à avoir des conversations polies mais dénuées de toute complicité. Sa mère en revanche… sa mère était morte. Et il comptait bien trouver le responsable. « Je cherche oui. Je ne délaisse aucune piste si elle est tangible et plausible. J’ai des pistes et des contacts que je vérifie soigneusement. Je te tiendrai informé de mes avancées si tu le souhaites mais, pour l’heure, j’attends de nouvelles informations. Celles que j’avais ont fait leur temps. » D’une oreille, Artur décortiqua ce que son père lui confiait. Notant la précision et l’imprécision de la réponse, notant aussi que si son père parlait beaucoup, ce n’était résumable qu’en une phrase au final : il cherchait. Et il était clair, aussi, qu’Artur n’aurait pas la primeur des informations que son père pourrait collecter. Je te tiendrai informée de mes avancées. Du vent, bien sûr.
Les doigts du plus jeune effleurèrent le dossier dans un soupçon d’appréhension. Il avait peur, il avait peur de parcourir ces lignes, de se sentir brutalement impliqué dans cette monotonie qui faisait son quotidien depuis quelques années maintenant. Alors qu’il allait enfin se convaincre d’ouvrir le document, Andreas lui offrit une nouvelle solution de fuite. « Avant de poursuivre dans cette direction si tu as d’autres questions à ce sujet. J’aimerai prendre connaissance avec toi du testament de ta mère. Je ne l’ai pas fait. J’attendais de te l’annoncer pour le faire. » Les mouvements d’Artur s’engluèrent dans l’incompréhension. Testament. Le terme lui resta en travers de la gorge. Non. Il était hors de question que son père prenne connaissance du testament de sa mère. Il était hors de question, même, que lui-même en prenne connaissance. Pas maintenant. Pas tout de suite. Seulement… il était aussi hors de question qu’il fasse le moindre faux pas. « Andreas, je… » Artur ferma les yeux, encore. Quoi de mieux que de s’enfermer dans le noir pour fuir la réalité. Perdu, acculé entre le dossier scientifique et le testament, Artur n’avait pas d’autre solution que de choisir entre la peste et le choléra. Ses doigts glissèrent au bas de ses manches s’y entortiller et les distordre pour mieux évacuer sa nervosité non feinte. Le testament de ta mère. Les pensées tortueuses d’Artur se figèrent un instant dans leur fourmillement incessant. Alors qu’il gardait le regard soigneusement loin de celui de son père, Artur releva brusquement la tête et plongea ses iris dans celles de son aîné. « Et Moira ? » Nulle considération pour l’état dans lequel devait être son père, mais une inquiétude brutale, certes tardive mais bien présente, pour sa grande sœur. Artur avait un fort instinct de préservation. Plus encore, son arrogance et son égocentrisme faisait de lui quelqu’un particulièrement tourné vers lui-même. Sauf qu’il y avait une autre personne qui comptait pour lui et s’il lui avait fallu tout ce temps, s’il lui avait fallu passer par le choc, le déni, la colère et finalement un certain statu quo pour s’en rendre compte, elle occupait désormais ses pensées. Sauf que s’il voulait lire le testament en présence de sa sœur, cela impliquait aussi que son père se rende compte de la cécité de sa fille aînée. Situation problématique. Nœud gordien qu’il résolut d’un coup de poignard et d’une diversion. « Tu l’as prévenue ? Tu es allé la voir ? Ou elle aussi, tu comptais lui envoyer le testament par la poste ? » Retour de la colère, retour de la douleur. Sa voix se cassa sans préméditation. « Pourquoi tu nous as pas appelés pour qu’on soit là pour… Le vingt-et-un novembre… ça fait cinq mois et tu veux que… » Cinq mois. Il venait d’en prendre conscience. La date s’était parée d’un voile noir mais il venait tout juste de se rendre compte à quel point elle était distante. Cinq mois que sa mère était morte, cinq mois qu’il l’ignorait. La culpabilité se mêla à la colère, l’acide s’empara de sa gorge et à nouveau, ses yeux se noyèrent de larmes sans qu’il ne puisse les en empêcher.
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Jeu 17 Déc 2015 - 20:50
the world is gone
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Si Andreas n’avait pas tout remarqué, il n’était pas dupe pour autant. Son fils jouait un rôle qui ne lui seyait guère, celui du fils respectueux et contrit. Artur avait tendance à oublier qu’il lui avait ressemblé à une époque et qu’il n’avait pas oublié qui il avait été avant de rencontrer sa mère. Il était peut-être devenu plus posé et patient mais, il restait un homme de secret et ne souffrait d’aucune intervention impromptue et non désirée dans son jardin. Une des raisons pour lesquelles Andreas n’écrivait que très peu de choses. Ses recherches, entre autre chose, étaient écrites de façon lacunaire les rendant inutiles, même à un initié. Il ne laissait jamais assez de piste sur le papier. À ce jeu, Artur n’était qu’un enfant mais, un enfant qu’il ne sous-estimait pas pour autant. Il aimait son fils mais, il ne jouait pas franc jeu avec lui, tout comme il ne le faisait pas. Une situation inextricable qu’il ne comptait pas débloquer de sitôt. Comme il le lui avait dit, les erreurs qu’il avait faites, il en était bel et bien conscient mais, il était trop tard pour rattraper ça. Cependant, il n’était pas non plus de ceux à prendre la part de responsabilité des autres. Qui que soit devenu Artur, il avait choisi de le devenir. Le choix, tout le monde l’a. Si son fils voulait lui tenir rigueur de la mort de sa mère, il ne pouvait pas l’empêcher de le faire, tous les arguments de la terre n’y suffiraient pas. Il ne lui restait qu’à espérer qu’il serait capable de faire la part des choses un jour, ce qui était nettement moins certains. Leur animosité remontait à suffisamment longtemps pour qu’Artur n’ait aucune envie de réfléchir plus longtemps et à tête reposée à la situation. Et, cette fois, malgré tous ses efforts et un rattrapage de justesse, il eut la certitude que pas une seule seconde, la chair de sa chair était véritablement désolée. Il ne releva pas cependant, son visage n’indiquant rien de plus que ce qu’il affichait depuis un moment, une neutralité stricte et un regard plus dur qu’il ne l’aurait voulu.
Concernant la recherche d’indices, qu’Artur le croit ou non n’avait que peu d’importance. Cette affaire était la sienne, il ne permettrait à aucun de ses enfants de se mettre en danger, il ne leur permettrait pas non plus de se mettre sur sa route. Le responsable était un mort en sursit, rien de moins. Sa vengeance, il se l’approprierait ou mourrait en essayant, il l’avait juré sur la tombe d’Aisling, conscient qu’elle n’aurait jamais voulu ça mais incapable de se détourner de son but. Andreas n’avait que peu de limites dans certains cas et celui-ci ne souffrait d’aucune limite. Rien ne l’empêcherait de tenter de mettre fin au jour du hunter responsable de son chagrin. Après... et bien advienne que pourra.
Andreas avait conscience qu’Artur ne désirait pas lire le testament, il ne l’avait lui-même pas ouvert. Il n’avait toujours pas ouvert la lettre qu’Aisling avait écrit, au cas où. S’était-elle doutée de quelque chose ? La chose n’aurait pas été surprenante. C’était d’ailleurs pour ça qu’il ne l’avait pas ouvert et qu’elle était toujours précieusement rangée dans le double fond de son bureau.
- « Moira n’est pas encore au courant. Je vais la voir demain. »
Oui, il avait fait passer Artur avant elle pour la première fois de sa vie. Il ignorait si son fils s’arrêterait sur ce fait. Il ne l’avait pas fait par souci de manipulation mais, cette fois, il avait tout bonnement agi comme cela lui semblait juste. Aucune arrière pensée, pas une tentative de prouver quelque chose. En vérité, Andreas n’avait plus rien à prouver à personne, pas même à ses enfants. Ils étaient assez grands et ça n’était pas un père qui leur servirait de modèle aujourd’hui. Surtout pas à Artur. Son ton restait égal, c’était terminé, Andreas ne s’énerverait plus parce que son fils avait décidé de passer ses nerfs et sa frustration sur lui. Il en avait eu l’habitude. Aujourd’hui n’était finalement pas différent d’hier sur ce point.
- « Je n’ai pas pu l’enterrer rapidement, tu sais aussi bien que moi et même mieux que l’on enterre par une victime de meurtre comme on l’entend. J’ai dû faire le nécessaire pour la rapatrier en Finlande. Affronter sa mort, régler ce qui devait l’être. Quand j’ai tenté de vous joindre, j’apprenais qu’un couvre-feu et une quarantaine avait été mise en place. Faute de vous faire venir, je suis venu. Le temps de m’établir, les mois s’étaient écoulés et je me suis enfermé dans mon deuil, mon enquête et mon travail. »
Il ne prétendait pas qu’il avait bien agi, il ne prétendait rien du tout. Il lui offrait à nouveau les faits bruts. Artur pouvait encore l’accuser de tous les maux et le détester, il était aussi là pour ça, être le réceptacle de sa haine.
- « Tu es libre de ne pas vouloir ouvrir cette enveloppe. Cela fait des mois que j’évite de poser les yeux dessus. Son contenu rendrait les choses encore un peu plus réelles. »
Il ne doutait pas de la réalité de la mort de sa femme, il en souffrait toujours chaque minute qu’il passait conscient du monde qu’il l’entourait mais, ouvrir cette enveloppe, la sienne en tout cas, c’était signer pour la fin de l’histoire et ça... et bien il en était incapable. Voir son fils pleurer ne rendait pas la chose plus simple et, presque comme un vieux réflexe de père, il posa ses mains sur ses épaules et les serra en signe de réconfort en voyant ses larmes. Il aurait aimé en faire plus mais, il n’était pas certain qu’il le laisserait faire. Même ça, il n’était pas certain que ça durerait très longtemps.
- « Je suis désolé Artur. Sincèrement désolé. »
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Artur Kovalainen
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Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Ven 1 Jan 2016 - 23:34
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Ce n’était pas qu’Artur ne pleurait jamais, c’était juste qu’il n’avait que très rarement de réelles bonnes raisons de le faire. Les larmes qui coulèrent brièvement le long de ses joues se craquelèrent dans une traînée salée, brûlant son épiderme imberbe, se logeant dans sa nuque dans une dégringolade amusée. Il avait envie de s’écrouler, maintenant que la colère ne laissait plus qu’un arrière goût de défaite dans sa bouche, maintenant qu’elle l’abandonnait pour le laisser aux prises d’un sentiment plus redoutable et destructeur. Il perdait pied, devant cette fenêtre. Il perdait véritablement pied et s’il ne pouvait se résoudre à montrer le moindre signe de faiblesse devant son père, pour une raison somme toute tout à fait obscure, il ne parvenait pour le moment pas à retrouver le nord, à stabiliser sa boussole interne plongée dans un champ magnétique. Risquant maintenant l’apathie la plus complète, la catatonie et le mutisme acide, Artur se précipita in extremis sur la seule bouée de sauvetage à sa portée et s’y accrocha avec l’énergie du désespoir. Se concentrer sur des détails pour oublier le reste, se déshumaniser pour être hors de portée de l’effondrement. La réflexion, la logique, le travail, ses réflexes se mirent en branle par instinct de survie et Artur revint vers son père, récupérera le dossier qu’il refusait d’ouvrir. Qu’il ne pouvait pas ouvrir. Cette certitude se faufile dans ses veines au moment même où ses doigts effleurèrent la surface cartonnée.
Alors il chercha à gagner du temps. Vraiment. Respiration délicate, questions, mouvements englués dans l’incompréhension, il regretta un instant de ne pas avoir ouvert le document pour fixer ses yeux sur des mots porteurs de sens et perdre un instant l’ouïe. Testament. Un frisson de terreur le força à regarder une nouvelle fois la réalité en face, dans toute son horreur et son caractère définitif. Testament de ta mère. Sa main quitta le dossier, partit s’entortiller en bas de ses manches pour les torturer nerveusement. De ta mère. Les pensées d’Artur éclatèrent en fragments de verre, se fichant dans sa boite crânienne comme de multiples attaques à la douleur sans pareille et Artur se sentit à nouveau au bord du gouffre et de la chute. Et Moira ? fut la question qui le sauva un instant, le maintenant à quelques pas du bord du précipice. Si, au fil des ans, il était devenu incapable de penser aux autres avant lui-même, la deuxième personne qui occupait ses pensées et son univers était sa sœur. Qu’il avait en toute conscience mutilée il y avait de cela déjà plusieurs jours. Situation complexe dans laquelle il se retrouvait, tiraillé entre l’incapacité d’être confronté aux dernières volontés de sa mère sans sa sœur et la crainte évidente de la réaction de leur père face à la cécité de sa fille adorée. Ne trouvant pas de porte de sortie devant lui, Artur se jeta dans la bataille d’un mouvement désespéré, jonglant entre colère et diversion, entre inquiétude et question amère. « Moira n’est pas encore au courant. Je vais la voir demain. » Si l’esprit affuté d’Artur nota immédiatement que pour la première fois depuis longtemps, son père l’avait fait passé avant Moira pour cette annonce macabre, il ne s’y attarda pas davantage, trop occupé à comprendre qu’il ne lui restait que quelques heures avant que son père soit au courant. Et surtout, qu’il ne lui restait que quelques poignées d’heures avant qu’il ne puisse plus reculer quant à la lecture du testament. La respiration d’Artur, accélérée de colère, laborieuse de détresse, perdue entre cette pensée constante pour sa mère et tout le reste, devint erratique lorsque sa voix se brisa. Vingt-et-un novembre. Une date lâchée par son père quelques instants plus tôt, une date si lointaine qu’elle lui paraissait surréaliste. Cinq mois. Cinq longs mois. Artur se passa une main devant le visage alors que son père se complaisait dans un ton égal et assassin qui heurtait à chaque mot un peu plus la vulnérabilité du cadet. « Je n’ai pas pu l’enterrer rapidement, tu sais aussi bien que moi et même mieux que l’on enterre par une victime de meurtre comme on l’entend. J’ai dû faire le nécessaire pour la rapatrier en Finlande. Affronter sa mort, régler ce qui devait l’être. Quand j’ai tenté de vous joindre, j’apprenais qu’un couvre-feu et une quarantaine avait été mise en place. Faute de vous faire venir, je suis venu. Le temps de m’établir, les mois s’étaient écoulés et je me suis enfermé dans mon deuil, mon enquête et mon travail. » Une dizaine d’années plus tôt, une douzaine pour être précis, et Artur se serait plaqué les mains contre les oreilles pour ne plus rien entendre. Au lieu de ça… ses yeux se noyèrent de larmes, contre son gré. Et son père n’en avait pas fini. Pas encore. Si d’ordinaire, Artur était bien imperméable à ce genre d’attaques gratuites, parce qui il percevait ce manque de sensibilité comme tel ; si d’ordinaire, comme le pyrugiste est ignifugé à ce qu’il contrôle, Artur ne pouvait être blessé par l’indifférence dont qu’il usait à longueur de journée, toutes ses défenses étaient actuellement à plat et il n’était à présent plus qu’un fils apprenant de la bouche de son père le décès de sa mère. Cinq mois plus tôt. Et de la présence d’un testament à portée de soupir. « Tu es libre de ne pas vouloir ouvrir cette enveloppe. Cela fait des mois que j’évite de poser les yeux dessus. Son contenu rendrait les choses encore un peu plus réelles. »
Artur s’éloigna, la gorge sèche. « Tais toi… s’il te plait Papa, tais-toi… » Ce ne fut qu’un murmure, ce ne fut qu’une supplique. Et le papa concédé, exception parmi les andreas habituellement articulés sans la moindre émotion, fragilisa encore plus l’ensemble de son self-control. Les jambes du fils faiblirent, il ne put faire davantage de pas de l’autre côté de la pièce et s’assit pour ne pas s’écrouler dans le fauteuil le plus proche, se prenant la tête entre les mains avec avoir glissé l’alliance de sa mère dans sa poche. « Tu aurais du nous appeler… » Sa voix se craquela dans des pleurs difficilement contenus. Le fils n’essayait plus de ne pas pleurer, il tentait désespérément de conserver une voix audible malgré ce poids qui pesait sur sa poitrine. Il avait besoin de l’étreinte rassurante de sa mère, il avait besoin des bras rassurants de sa sœur, il avait besoin des lèvres sucrées d’Ellie. Pas de la présence de son père, pas de la voix de son père, pas du regard de son père. Et encore moins de sa compassion. « Je suis désolé Artur. Sincèrement désolé. » Le poing d’Artur se serra par réflexe lorsque la main de son père se posa sur son épaule.
D’un mouvement vif, Artur se redressa, envoya promener le bras de son père, attrapa le dossier d’un mouvement rageur pour le balancer en direction d’Andreas. « TA GUEULE ! » Ce n’était pas la première fois qu’Artur perdait à ce point le contrôle de ses mots, de ses pensées et de ses actes, mais c’était suffisamment rare, d’autant plus en présence de son père, pour qu’on ne puisse que s’en étonner. « ARRÊTE d’être aussi calme, aussi indifférent ! » Fixant les feuilles volantes qui se dispersaient dans le salon, Artur trouva brutalement insupportable l’existence même de cet homme auquel il ressemblait bien trop, tant par son attitude que ses réactions. Sa main empoigna le bras de son père, ses muscles mobilisèrent son entraînement Hunter pour le pousser hors de la pièce, en direction de la porte. « Dégage, bordel, dégage de mon appart, dégage de ma vie. J’en ai rien à foutre que tu sois désolé, je veux que tu me rendes ma mère. » Les larmes coulaient abondamment sur ses joues, leur acidité ravageant l’habituelle absence de spontanéité du plus jeune. Il n’avait jamais crié ainsi, jamais sur son père, jamais aussi naturellement sans peser le moindre de ses mots. « Tu mens ! Elle peut pas être morte… Elle peut pas… » Artur s’appuya contre le mur le plus proche, manquant une nouvelle fois de s’effondrer. Son cri se mua en murmure et, encore une fois, en supplique à l’intention de son père, à l’intention de l’univers, à l’intention d’une quelconque entité supérieure, à l’intention de sa soeur. « Elle a pas le droit… T’as pas le droit de dire ça. »
Sujet: Re: the world is gone (Artreas) Mar 19 Jan 2016 - 15:42
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Oh, Andreas se savait parfaitement coupable de ne pas avoir réagi plus tôt, de ne pas s’être battu lus contre lui-même. Il aurait dû agir de bien des façons et faire bien des choses différemment mais, on ne pouvait pas changer le passé. Il était un scientifique, un chercheur mais, les si, il n’y croyait pas un seul instant. Bien entendu que ses enfants lui en voudraient de ne pas avoir assisté à l’enterrement de leur mère. Bien entendu qu’Artur prendrait mal chacune de ses décisions concernant Aisling. Elle l’avait élevé plus qu’il ne l’avait jamais fait. Il n’avait pas été un bon père, il n’était même pas sûr d’avoir été un bon mari. Mais, Andreas était ce qu’il était et il était au moins capable de reconnaître la plupart de ses erreurs. Il avait aimé sa femme, il aimait ses enfants. Il ne le montrait peut-être pas de la meilleure des manières qui soit, c’était évident mais, il les aimait réellement. Il ne pouvait pas en vouloir à Artur de le détester, de s’énerver, de le juger. Il ne pouvait pas tout laisser passer mais, il ne lui en voulait pas pour autant même s’il aurait sans doute préféré que son fils comprenne que sa mère avait été tout ce que son père avait jamais eu comme équilibre dans sa vie. Car oui, Andreas avait perdu tout son équilibre. Il avait régressé dans son comportement, plus que jamais. Plus froid, plus distant, plus cinglant qu’il ne l’avait été parfois avant de la rencontrer. Ils avaient eu de nombreuses disputes, parfois graves, parfois insignifiantes et elle l’avait apprivoisé. Il espérait que son fils connaisse ça un jour et comprenne. En attendant, il subissait son deuil et la colère d’Artur, sa peine aussi.
Comme demandé, il se tut, il attendit mais parla trop tôt. Il affronta cette vision qui le blessait mais contre laquelle, il ne pouvait rien faire. Il faisait pour Artur ce qu’il avait été incapable de faire pour lui. Lui faire admettre la vérité, aussi cruelle et hideuse soit-elle. Il fallait qu’il comprenne que sa mère était morte et qu’elle ne reviendrait jamais. Tout comme lui devait l’admettre. Et il attendit que la tempête passe, que son fils se calme car il savait qu’elle passerait. Il encaissa, indifférent, il ne l’était pas, calme non plus. Il s’efforçait simplement de l’être parce que c’était ce qu’il était.
- « Je suis beaucoup de choses Artur mais, je ne suis ni calme, ni indifférent. » Il posa sa main sur celle de son fils et lutta contre sa poussée, il l’attira même à lui, non-habitué du geste de réconfort qu’il n’avait pas plus eu pour sa fille que son fils. « Personne ne peut nous la rendre. Personne ne le pourra jamais tout comme je ne chercherai jamais à la remplacer. Elle t’a élevé, elle est et sera toujours ta mère. N’oublie jamais ça. »
Il le relâcha, le laissant s’isoler à nouveau jusqu’à ce qu’il se décide à le rejoindre, maladroit mais décidé. Il s’autorisa un certain relâchement, masquant pourtant encore une vaste partie de sa peine. Il ne pouvait pas, même malgré les reproches, laisser voir à quel point il était dévasté. La faiblesse, il ne pouvait pas se permettre de l’afficher et Aisling était hier et encore aujourd’hui sa faiblesse.
- « J’aurais préféré ne jamais avoir à t’annoncer ça. Et si on m’en laissait le choix aujourd’hui, j’échangerai volontiers ma vie contre la sienne si ça pouvait la ramener mais, personne ne le peut. »
Et il se serait pris la gifle la plus magistrale de tous les temps si sa femme avait été là même s’il le pensait sincèrement et qu’elle en avait parfaitement conscience. Oui, il aurait largement préféré qu’elle lui survive, que le monde profite bien plus longuement de sa présence, du soleil qu’elle était pour chacun. S’il s’était laissé aller, il aurait pleuré avec son fils mais, il ne pouvait pas. Pire encore, il savait que ramener les morts était possible mais, il savait également qu’ils ne revenaient pas, pas vraiment. Ce qui revenait n’était qu’une pâle imitation de l’original. Il avait pourtant osé y penser un jour et puis il s’en était immédiatement voulu. Cela aurait fait de lui un égoïste, un immonde personnage. Rien de ce qu’il pourrait faire ou dire ne pouvait convaincre Artur qu’il était réellement touché et abattu. Il ne pouvait pas lui dire tout ça.