A quel moment est-ce que tout avait déraillé ? Les dernières minutes étaient passées aussi vite que des secondes, glissant à l’esprit du chasseur dans une fuite pernicieuse : l’arc à la main, flèche tendue sur un filin, c’était comme si les heures précédentes n’avaient pas existé. Le debrief’ par certaines grosses têtes du Gunpowder Squad, Alec bien trop habitué aux démonstrations de force, muet et impénétrable – le prénom de Calista gagnant ses oreilles ; une imperceptible trahison, un frisson d’appréhension gagnant ses tripes, après un chemin électrique tout le long de son dos. L’ordre était venu de Lancaster lui-même, Lancaster et ses exigences : et eux deux, ayant choisi de s’y lancer à corps perdu, pour certaines raisons, en rejoignant le groupe d’élite du maire. Autant faire avec – la conviction avait forcé le Lynch à garder un faciès impassible alors qu’on leur avait assigné la mission. Routine. Ou presque. Depuis combien de temps est-ce que la Wolstenholme évitait soigneusement le terrain, planquée derrière ses écrans d’ordinateur ? Aux dernières nouvelles, la seule fois où le chasseur s’était mêlé de cette histoire, les choses avaient mal tourné. Et le cercle vicieux semblait n’être voué qu’à se répéter. Peu avaient importé les précautions qu’ils avaient prises, le silence avec lequel ils avaient agi, Alec les sens en éveil partout autour d’eux, la blonde dans son sillage ; une toute nouvelle disposition des forces pour eux. Plus le temps passait, plus Lynch s’était habitué à la perspective d’être seul sur le terrain, de ne devoir compter que sur lui-même – et parfois, la voix de la jeune femme dans son oreillette pour le guider. Ce soir, tout avait été plus compliqué ; et tout était parti à vau l’eau. De plus en plus, ceux qui se rassemblaient pour répondre avec force aux décisions de Lancaster – avant, il y avait eu Uprising et leur stupide blog, maintenant, il y avait Insurgency, ces tarés qui poussaient tout autant les chasseurs que les transmutants à passer à l’offensive pure et dure. L’offensive, Calista l’avait rencontrée de plein fouet ; bien brusquement ramenée dans la brutalité du terrain dans toute sa splendeur – la balle avait volé à toute vitesse, évitant soigneusement le chasseur pour se lancer sur la blonde. Comme s’il s’agissait d’un geste calculé – geste stupide somme toute, que de s’attaquer à la jeune femme derrière plutôt qu’à celui qui tenait les armes. Dans le sillage de Rosenberg, Lynch avait eu tout juste le temps de deviner une autre silhouette, encochant une flèche en représailles.

Et le chaos pour répondre à tout cela. Alec était bien incapable, pour l’heure, de savoir si sa flèche avait trouvé la moindre destination, puisqu’il eut tout juste le temps de ciller avant que le décor sous ses pieds ne change de manière drastique. Où étaient-ils ? Où étaient-ils ? Une panique traitresse aurait pu glisser en lui, emportée par les battements précipités de son cœur ; mais il remarqua bien vite que Calista était toujours là, à ses côtés, et qu’elle avait elle-même subi le brusque changement de décor. « Calista- » grogna-t-il, sentant son crâne tambouriner plus longuement qu’habituellement – d’un revers de main, il sentit le liquide chaud et poisseux qui s’échappait d’une entaille sur son front ; celle-ci ne semblait pas se refermer. Qu’est-c’qu’il avait pu s’passer ? Il retint cette interrogation, au combien obsédante ; le décor autour d’eux avait complètement changé, plus similaire encore à un champ de bataille rempli de dangers – silencieux, pour l’heure. Sans aucune douceur – presque, gagné par ses souvenirs se précipitant à toute allure, dévoré par une inquiétude traitresse, Lynch attrapa la blonde pour inspecter sa blessure. Evidemment, ces cons de dégénérés n’pouvaient pas faire les choses bien – la balle était toujours logée dans l’épaule de la jeune femme, et chaque seconde s’écoulant à partir de ce moment n’offrait que plus de risques. Si seulement le projectile s’était fait un chemin à travers la chair de la blonde pour en ressortir, il n’y aurait eu que l’hémorragie à surveiller. « Il va… va falloir qu’on s’occupe de ça. » et pour la première fois de son existence, il aurait voulu sentir la douleur de sa plaie disparaître, savoir que sa propre mutation l’avait trahi à nouveau ; mais les picotements étaient toujours là, le sang également, indiquant le sadisme du destin. Pile quand il en avait besoin, son sang n’était plus à même d’aider la jeune femme. Une injection, et tout aurait été réglé – une injection ; et déjà tout son esprit tourbillonnait sur cette idée, ce regret plus acerbe et amer qu’il ne l’aurait voulu. Avec quelqu’un d’autre, n’importe qui, le chasseur n’aurait eu aucun mal à garder son sang-froid, presque impassible à voir les ruisseaux couleur vermeil trahir la vie qui s’enfuyait, le danger qui s’épaississait. Mais c’était Calista, et dans sa gorge, dans chaque fibre de son être, Alec n’pouvait que ressentir l’impuissance, grandiose et détestable. Il y avait des choses à faire pourtant – il avait vécu treize ans, survécu à tout dans l’monde de la chasse sans avoir recours à son pouvoir inhumain. Ces souvenirs-là s’étaient enfuis, tout son esprit tentant de reconstituer les ultimes secondes qui les avaient amenés ici. Ici, où ? Dans la pénombre inquiétante, étouffante, Alec crut deviner une présence, juste par-dessus l’épaule de la jeune femme ; les transmutants s’étaient-ils retrouvés ici, avec eux ? Non, c’était sûrement le pouvoir de Rosenberg qui les avait amenés ici, et il aurait été bien con d’avoir manqué son coup au point de s’retrouver ici avec eux. Premier élan clairvoyant de la part du chasseur. Le seul ; avant que l’inquiétude ne reprenne sa place gouvernante. Lynch se dressa sur ses jambes, observant silencieusement ce qui se rapprochait, sans pour autant lui sembler familier d’une quelconque façon. « Qu’est-c’que… ? » marmonna-t-il, baigné dans la perplexité. Il était pourtant déjà prêt à parer à tout problème, une nouvelle flèche ayant trouvé place sur le filin de son arc, tendu. Ici, il n’connaissait que Calista – et l’hésitation ne dura que quelques secondes, avant qu’il ne lâche la corde de son arc, le projectile sifflant pour se ficher droit dans le cou de la chose qui s’approchait d’eux. Peu importait l’allure humanoïde de ce nouveau protagoniste, ses deux jambes, ses deux bras, la flèche dans le cou ne sembla même pas lui faire quoique ce soit ; elle ne le ralentit même pas, ne le tua pas – et instilla une rage toute nouvelle dans les tripes du Lynch. Putain de transmutants, avec leurs délires tout nouveau : qu’est-c’que c’était que ce délire, maintenant ? La chose était encore loin, et Alec en profita pour prendre Calista par le bras, la forçant à se relever – ils n’avaient pas d’temps à perdre. « Faut qu’on bouge de là. » faisaient-ils maintenant partie d’ces chasseurs comme tous les autres, piégés dans un univers parallèle construit de toutes pièces par un connard à l’imagination meurtrière ? Il n’voulait pas y croire, n’voulait pas s’attarder sur une telle idée – au contraire, sans faire état de la moindre protestation de la part de la blonde avec lui, Alec l’entraina dans la première direction qui captura son regard ; droit devant, le plus loin possible de cette chose qui ne mourait pas. Peu importait s’il devait en crever lui, il n’était pas prêt d’accepter la fatalité de leur désastreuse condition.

Des zombies. Bah voyons, comme s’ils n’avaient besoin que de ça. C’était une perspective à laquelle le Lynch était incapable de croire, quand bien même la blonde à ses côtés semblait sure d’elle, enjouée rien qu’à l’idée d’avoir été jetée dans la gueule d’un loup plus redoutable que jamais. Saletés de transmutants ; était-ce possible de faire pire que de leur tirer dessus et de les envoyer dans un endroit pareil ? Comment est-ce qu’une telle chose pouvait être humainement possible ? La rage qui pulsait dans les veines du chasseur, eut au moins pour effet de laver son esprit de toute distraction possible ; emportant fermement Calista avec lui, Alec n’avait certainement pas envie de s’attarder : il allait retrouver ce connard de Rosenberg, et lui foutre une balle dans la tête – peu importaient les ordres de Lancaster. Il n’avait, de toute façon, jamais eu l’intention de se fier en quoique ce soit aux directives du maire : s’il faisait le boulot quand on lui demandait de l’accomplir, il n’en était pas pour autant à vouer toute sa confiance et son âme à Thaddeus. Il n’aurait qu’à aller sur le terrain, la prochaine fois, ce maire tout juste apte à souffler sur les braises des tensions déjà omniprésentes. Il fallait qu’ils trouvent un endroit calme – ou du moins, le plus calme qu’ils pouvaient trouver – et l’urgence était de s’occuper de l’épaule blessée de Calista ; si cette assurance vibrait avec frénésie dans l’esprit du Lynch, ça n’semblait pas être le cas pour la Wolstenholme. Définitivement, cela était un indéniable indicateur qui montrait au combien la blonde avait perdu l’expérience du terrain : avec n’importe qui d’autre, Alec aurait attrapé le téléphone portable pour le balancer dans le néant de l’oubli – il se forçat à ravaler sa rage, roulant simplement des yeux dans la pénombre. Et pourquoi est-c’qu’il n’avait plus sa propre mutation ? Il en grognerait presque de mécontentement, perturbé plus qu’autre chose, par l’aspect totalement imprévu de chaque événement qui se déroulait devant eux. Alec et Calista, voués à se lancer sur une chaine indescriptible et imprévisible de péripéties toutes plus déplaisantes les unes que les autres. « Hey. Est-ce que vous êtes vivante ? (…) Je veux dire, un vrai humain, parce qu’y a des … zombies dans le coin. » une chose était sure, le chasseur à ses côtés, lui, avait toujours toute sa tête ; et au moment de dévisager la deuxième blonde qui se pointait au décor, il la reconnut instantanément. Il avait accroché le coin de son regard en une fraction de seconde, tandis qu’il dévisageait leurs adversaires. L’inconnue avait été l’un d’entre eux – et les dégénérés étaient si solidaires entre eux, qu’elle se retrouvait elle aussi dans cet univers complètement fou. Etait-elle une transmutante, alors ? Par mesure de précautions, le Lynch préférait s’imaginer que oui, et qu’elle avait en réserve de potentielles attaques dangereuses. Ce n’était pas pour rien, que ses muscles tout entiers se tendirent en silence, l’adrénaline coursant à toute vitesse à travers ceux-ci pour réveiller ses réflexes : il n’y avait qu’une personne à qui il pouvait se fier ici, et c’n’était pas cette fille, peu importait l’air fragile qu’elle affichait.

« Votre blessure... C'est grave. Je suis infirmière, si on trouve un coin plus sûr, j'peux vous aider. » et avant même qu’une certaine politesse altruiste ne vienne effacer les frontières de la méfiance, Alec plaça un bras entre Calista et la soi-disant infirmière, dévisageant celle-ci sans la moindre once de honte. Si la Wolstenholme devait être la sociable du groupe ; Alec, lui, n’avait aucune réticence à être le bougon qui n’faisait confiance à personne. « Ouais on sait que c’est grave. Grâce à votre patron ou je n’sais quoi. » il n’fallait pas être né du siècle dernier pour faire A+B, y’avait peu de chances pour que l’inconnue soit directement issue de cet univers parallèle, et comme à Radcliff elle n’avait pas été avec eux, Rosenberg avait été l’allié qu’elle avait choisi. « On va s’en occuper, mais vous comprendrez assez vite que c’est pas bien facile de trouver un endroit calme ici. » elle pouvait être infirmière, directrice d’une association humanitaire, ou grande justicière du monde moderne, que ça n’changeait rien à l’équation – elle était une dégénérée, potentiellement dangereuse, et quand bien même elle avait les pouvoirs du Messie, elle n’était pas prête de poser sa main sur Calista tant qu’il y avait Alec pour se mettre entre eux. Malgré la tension palpable, l’animosité grandiose qui s’était déjà mise en place au sein du petit groupe, ils avaient des ennemis communs ; et ceux-ci se rappelèrent à eux, en des grognements, des bruits de raclements contre une porte voisine – le Lynch attrapa le bras de la chasseuse à ses côtés, signifiant un couloir à quelques pas de là par lequel ils pourraient tenter une échappée – vers plus loin, vers ils ne savaient où. « Faut qu’on bouge de là. » marmonna-t-il avant de tourner son attention vers la troisième protagoniste de cette histoire : « Vous v’nez avec nous, on va devoir comprendre comment ce truc marche si on veut sortir de là. » signifiant qu’il ne lui laissait pas le choix, il lui offrit une de ces œillades dont il avait le secret, celles qu’il réservait à ceux qui se présentaient toujours comme ses adversaires, lorsqu’il chassait. Ceux qu’il détestait, et étaient comme eux, ironiquement. Mais ce soir, Alec ne se grimait pas d’illusions, son front entaillé le prouvait – il était humain, on ne peut plus humain, et chasseur qui plus est ; tout ce qui aurait pu les faire se ressembler un tant soit peu avait disparu, avec la bonne volonté du Lynch.

Les minutes s’alignaient, rendant de plus en plus compliquée une situation qui leur avait échappée dès le début ; c’était bien la première fois depuis longtemps, que le Lynch n’avait aucun moyen de savoir dans quoi il foutait les pieds. Ça n’faisait que le rendre plus agressif, prompt à sauter à la gorge de n’importe quelle personne semblant un tant soit peu hostile – ou revêtant le visage de l’ennemi. Contrairement à Calista, il n’avait pas le moyen de se foutre derrière un écran d’ordinateur pour voir le monde de façon bien plus idéale qu’il ne l’était en réalité : il était celui qui allait sur le terrain, coûte que coûte, et rencontrait des adversaires toujours plus prompts à le tuer tout autant qu’il était prêt à le faire lui-même. La blonde, peu importait ses allures frêles et effrayées, était une potentielle menace ajoutée à tout ce qui se précipitait déjà autour de lui : si elle n’faisait pas partie des hunters, c’était qu’elle était dans un autre camp – potentiellement, celui de leurs ennemis. « J’suis pas sûre que si elle avait été avec lui, il l’aurait envoyé dans un monde plein de zombies. J’pense que c’est plutôt les gens qu’on aime pas qu’on envoie se faire bouffer par des zombies. » ce fut au tour du chasseur de rouler des yeux ; somme toute, ils ne faisaient pas une si bonne équipe que cela quand ils foutaient tous les deux les pieds sur le terrain ; diamétralement opposés, et l’échec se lisait partout autour d’eux. En la Wolstenholme, l’épaule sanguinolente, en le Lynch qui avait lui-même perdu sa mutation sous le coup d’un mystère impossible à résoudre. Et surtout, en le paysage tout autour d’eux, qui n’ressemblait à rien à la réalité qu’Alec se prit à apprécier plus que de mesure, maintenant qu’elle lui était tout à fait inatteignable. Trop souvent, le chasseur avait donné le bénéfice du doute à certaines personnes, et les choses ne s’étaient jamais soldées de la bonne manière. Il ne dit mot cependant, ravalant les répliques cinglantes qu’il aurait volontiers renvoyées à n’importe qui – même à la blonde à ses côtés. A vrai dire, il y avait un problème plus urgent ; il se rappela à eux lorsque Calista décrivit ce qu’elle ressentait – sans être infirmier, ou médecin, l’expérience du terrain avait appris à Alec bien des choses : quand bien même elles étaient totalement effacées aujourd’hui à cause de la tare qui était apparue en lui du jour au lendemain, le Lynch avait aligné cicatrices sur cicatrices. Il s’était pris des balles, lui, avant même que Calista ne ressente le désir de s’demander ce que ça pouvait faire, de s’en manger une dans le corps ; sauf que cette fois, contrairement à leur discussion précédente, son sang ne pouvait pas la soigner en un clin d’œil.

Bon gré mal gré, il oublia les débats futiles, entrainant les deux autres en direction du couloir – presque paisible, assommé par un silence de mort, en comparaison à tout ce qu’ils avaient connu jusque-là. S’il avançait prudemment, il vit Calista se pencher vers un des types allongés au sol ; une seconde suffit pour que tout déraille – avant qu’il n’ait tout bougé, la Wolstenholme avait déjà provoqué toute une chaine de réactions imprévisibles. Le crâne du zombie explosa sous ses coups de pieds, et Alec se précipita pour l’aider à se relever ; c’n’était pas comme si elle pensait à prendre la fuite, plus obnubilée par son pantalon et ses godasses. Ouais, les jeux vidéo, ça rouillait beaucoup plus que prévu finalement : il n’eut pas à se faire prier pour suivre leur compagne inconnue jusque dans une pièce relativement calme, dans laquelle ils pourraient trouver un quelconque refuge. Aussitôt la porte refermée derrière eux, le chasseur dévisagea Calista, l’analysant de la tête aux pieds – car après tout, personne n’pouvait imaginer ce que ça lui ferait, de s’faire toucher, mordre ou griffer par cette créature. Ou même si les résidus de cerveau explosé pouvaient causer quoique ce soit. « Tu vas bien ? T’as rien eu ?! » il observa la probable-transmutante alors qu’elle arrivait à leur hauteur ; et cette fois-ci, il s’exerça à ne rien dire, ni même laisser déborder cette méfiance naturelle qu’il éprouvait à l’égard de ceux qui s’avéraient être du côté des transmutants. C’était à Calista de décider quoiqu’il en soit, et ce serait se mentir de se dire qu’ils avaient tout leur temps pour trouver une sortie quelconque, avec la chasseuse dans cet état. « Laisse-moi t’aider. » au coin de son champ de vision, il trouva une chaise, ou quelque chose qui y ressemblait un tant soit peu, aidant la jeune femme à s’y asseoir – plutôt que de prolonger les choses éternellement, il lui enleva sa veste, débarrassant d’une première couche de vêtements la plaie sanguinolente que la soi-disant infirmière allait devoir soigner sans rien sous la main ; c’n’était pas ici qu’ils trouveraient quoique ce soit, c’était une évidence. Entre les mains de Calista, il vint prendre le badge qu’elle avait ramassé, l’observant comme pour distraire la chasseuse d’une expérience qui allait s’avérer être déplaisante au possible : « C’est quoi ça ? Pourquoi t’es allée chercher ça sur un mec potentiellement mort quand tu sais qu’y’a des zombies partout ? » pas question de lui faire la morale – ou presque – juste une envie de souligner ce qui aurait dû être une évidence, pour quelqu’un comme elle qui semblait tout savoir sur les zombies et ces machins complètement surréalistes.

Difficile de faire pire ; c’était comme ça que se passaient généralement toutes les missions. Il y avait celles durant lesquelles le Lynch parvenait à garder le nord, celles qui se réglaient rapidement, aussi vite qu’une flèche envoyée dans l’air pour imposer son courroux. Mais il y avait de plus en plus, ces missions qui dégénéraient à une vitesse ahurissante, et passaient d’une simplicité totale, à une prise de tête sans fin. Ils étaient dans cette situation ; et écouter Calista parler de cette soi-disant dimension parallèle dans laquelle ils se trouvaient, ne faisait qu’alourdir l’âpre sentiment qui était né dans les entrailles du Lynch aussitôt avait-il ouvert les yeux sur cet endroit. Umbrella Corporation ? Un jeu vidéo ? Alec dévisageait inlassablement le badge, comme s’il y cherchait des réponses qu’il serait capable de comprendre : maintes discussions entre la blonde et lui avaient déjà confirmé qu’ils appartenaient à deux univers complètement différents, ce qui rendait leurs hobbys diamétralement opposés. « Qu’est-c’que tu veux dire ? Qu’est-c’qu’y peut être pire que s’retrouver piégé par la volonté d’un dégénéré, dans un univers avec des zombies sans aucun moyen d’en sortir ? » c’est vrai quoi, jusqu’aux dernières nouvelles, tous les chasseurs qui avaient croisé le chemin de Rosenberg et de son pouvoir de taré, n’étaient jamais revenus. Ils semblaient se lancer sur le même chemin. La même destinée désastreuse et tout ce qui en découlait. Alec soupira, abandonnant ses réflexions pour se concentrer sur Calista, et la plaie saignante qui était désormais totalement à découvert ; contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, au vu de l’affection qu’il éprouvait pour la Wolstenholme, il ne laissa aucune grimace compatissante passer son visage. Ces douleurs-là, il n’les connaissait que trop bien ; il savait ce que ça faisait, de quoi il en retournait, et ainsi de suite. « Commençons par soigner ça, on s’inquiétera de ce qui a dehors après. » somme toute, pas une mauvaise idée ; Alec s’accroupit au niveau de Calista, l’observant un instant : « J'vais devoir aller chercher la balle de mes mains. » ce qui ne manqua pas d’éveiller la méfiance du Lynch à nouveau ; il aurait volontiers repoussé la blonde inconnue si une certaine retenue ne l’en empêcha pas. Ils n’avaient pas d’temps à perdre, mais cette décision était totalement débile. « Si vous faites ça, y’aura plus rien pour l’empêcher de mourir vidée de son sang. » comment était-il censé faire confiance à quelqu’un qui s’disait infirmière et n’avait aucun moyen d’arrêter l’hémorragie qu’elle était sur l’point de déclencher ?!

Il se releva sans attendre, scrutant tout alentour ; il détestait définitivement être impuissant. Et c’était la pire ironie qui soit, d’savoir que son impuissance découlait indéniablement du fait de ne plus avoir de mutation. Arrivé au bureau abandonné, il farfouilla dans les tiroirs à la recherche de tout ce qui pouvait valoir le coup ; rien, à vrai dire. Y’avait des dossiers ici et là, du charabia qu’il ne prit même pas le temps de décrypter : définitivement, s’ils devaient avoir besoin d’une trousse de secours, c’n’était pas ici qu’ils la trouveraient ! Il revint bien assez tôt vers les deux autres, prêt à assommer la soi-disant infirmière si tout dégénérait ; mais tout ce qu’il put faire, c’est constater. Constater qu’il n’y avait pas de flots de sang, pas de cris de douleur – juste la balle métallique entre les doigts de l’infirmière, et l’épaule de Calista, intacte. Sans attendre, il se pencha en direction de celle-ci, tâtant de ses doigts à la recherche de quelque chose, une cicatrice, une trace, un indice. Rien. Rien ; comme quand c’était ses plaies à lui qui se refermaient. Il dévisagea par réflexe la jeune femme qui s’avérait être une transmutante, en fin de compte ; normalement il aurait dû la tuer, lui faire sauter le cerveau sans attendre à défaut d’avoir un vaccin sous la main. Mais il n’en fit rien, optant pour l’option d’observer Calista à la place. « Y’a plus rien, c’est bon. Ça va… » souffla-t-il, incapable de retenir la vague de soulagement qui le prit – l’impuissance, définitivement, ça réveillait tout autant sa rage que ces états d’âme le rendant infiniment humain. La Wolstenholme était vivante, et seules les traces du sang qu’elle avait perdu perduraient ; une de ses mains glissa sur la joue de la jeune femme, quelques secondes d’imprudence et d’abandon. Avant que la réalité ne reprenne ses droits. Alec se releva bien assez tôt, son regard ne pouvant ignorer plus longtemps l’infirmière qui n’était pas que ça ; est-ce qu’un quelconque remerciement silencieux passa la barrière des apparences ? Peut-être. Peut-être pas. Il ne s’encombrait que trop rarement des politesses, et la fille avait déjà dû s’en rendre compte. « Okay, alors, comment on sort de là ? Et comment est-c’qu’un type peut nous envoyer dans un jeu vidéo, ou peu importe c’que c’est ? » s’il avait observé Calista – puisqu’elle semblait en connaître un rayon, il se tourna bien vite sur l’autre fille ; il n’y avait pas à prétendre, il l’avait vue, et elle avait une quelconque connexion avec Rosenberg. Autant cracher l’morceau si elle avait quelque chose d’utile à dire, ça n’pouvait que les aider. « Vous étiez avec lui, tout c’temps. J’sais pas si vous travaillez pour lui ou quoi, mais si vous savez comment fonctionne son pouvoir, on peut sortir d’ici – indemnes, de préférence. » entraient-ils dans une quelconque phase de coopération ? Quelque chose dans c’genre là, une attitude forcée pour le Lynch ; il devait bien ça à la transmutante. Maintenant plus que jamais.

Les miracles, il les connaissait sous l’nom de mutation ; guère autre chose, aucune fantaisie quelle qu’elle soit, aucune illusion pour alléger le poids de la réalité. Alec n’voyait cette blonde inconnue guère différemment que tous les autres qu’il avait chassés, traqués et assassinés avant elle : une menace quelconque – peu importait si ce soir-là on avait décidé de la déloger de son appartement sans qu’elle n’ait rien pu faire, l’inconnue pouvait parfaitement représenter un important poids dans la balance entre les deux camps. Humains et transmutants, ceux qui avaient l’talent de tromper la mort, et ceux qui devaient inlassablement la subir : Alec faisait partie de ceux qui n’connaissaient que trop bien ce lourd poids à porter, cette façon de ne plus être réellement humain, atteignable par quoique ce soit. Il serait hypocrite pourtant de sa part, de complètement blâmer la mutante pour ce qu’elle était : alors même que son pouvoir à lui s’était envolé, il était bien content que l’inconnue soit une dégénérée apte à aider Calista. Le soulagement qui le prit, eut au moins pour effet de repousser sa rancœur, ainsi que ses volontés de chasseur – pour la Wolstenholme, il était prêt à oublier tout le but de cette mission, si cela pouvait l’aider d’une quelconque manière. Mais désormais que la chasseuse se retrouvait avec la peau intacte, les tissus de son bras soudés comme si aucune balle n’avait jamais traversé ses chairs, tout ce à quoi Alec pouvait penser, c’était à Rosenberg. Le connard qui leur avait tirés dessus et les avait amenés ici ; le dégénéré qui en payerait de sa vie, et peu importait si Lancaster n’serait pas content de ce résultat – il y avait toujours de ces êtres pour prouver au Lynch que le chemin qu’il avait emprunté treize ans plus tôt était le bon.

« Je connais pas Rosenberg. J'étais pas là par choix, ses hommes m'ont tirés de chez moi contre mon gré pour que je vienne soigner une fille. Ils devaient savoir pour mon don mais moi, j'ai aucune idée ils sont qui. Et j'ai encore moins d'idées comment revenir dans la... réalité. » l’animosité repoussée – orientée vers une seule et même personne qui ne se trouvait pas dans cette pièce – Alec lâcha un soupir aux paroles de la dénommée Costia. Définitivement, il n’y connaissait rien en jeux vidéos, c’n’était pas comme si ça avait été à un quelconque moment de son existence, une occupation qu’il avait jugée digne d’intérêt – même plus jeune, Alec avait été bien plus du genre à flirter avec la vie, la vraie plutôt qu’à baigner dans le virtuel. Voilà qu’ça se retournait contre lui, parce qu’il fallait croire que Rosenberg avait un amour incommensurable pour les jeux vidéos – ou les films nuls, si on en croyait Calista. « Je sais pas... peut-être que si on est vraiment dans un jeu vidéo, il suffit peut-être de battre le boss final pour être renvoyés d'où on vient ? » sa seule réponse fut de lever les yeux au ciel, son regard clair se baladant de l’une à l’autre de ses vis à vis ; il était bien tombé s’il devait s’mettre à combattre des monstres de tous les côtés. Sans mutation, et avec un arsenal somme toute restreint – ils étaient censés être partis uniquement pour une mission de reconnaissance, non pas en pleine guerre contre les zombies, ou pire encore. « On va pas rester à moisir ici. » marmonna-t-il, plus à l’adresse de lui-même qu’à celle des deux autres ; Calista allait encore retourner ses phrases pour les rendre plus sympathiques et ainsi de suite, autant se limiter dans les échanges verbaux. Son arc toujours avec lui, le Lynch attrapa l’arme de service qui ne le quittait jamais – question d’boulot, pour la tendre à Calista. « J’suppose qu’on peut dire que les conditions sont exceptionnelles. » qu’elle n’veuille pas aller sur le terrain était une chose, mais le terrain s’était imposé à eux ; s’ils voulaient s’en sortir ils allaient devoir le faire tous les trois. Mutants, chasseurs, ça n’avait pas d’importance n’est-c’pas ? Alec se souvenait bien qu’il avait déjà dû coopérer d’cette façon, avec nulle autre personne que Seth Koraha lui-même ; il pouvait l’faire avec une blonde peu impressionnante dont il connaissait déjà la mutation, hein ? Au pire, il aurait un prétexte pour s’en débarrasser. En la dévisageant, il tira le seul poignard à sa ceinture, avant de le lui tendre - « On va pas s’entretuer. Mais faut bien qu’on puisse se défendre. » qu’elle le prenne ou non, c’était le cadet de ses soucis : il n’ferait pas demi-tour pour elle, c’était une évidence qu’elle devait déjà avoir deviné. « On vise la tête, c’est ça ? » lança-t-il à l’adresse de Calista : plus les secondes défilaient sans qu’ils n’fassent rien, plus ils étaient de potentielles victimes offertes en chair à pâtée, ils allaient devoir bouger et vite – peu importait s’ils devaient tuer toute l’armée de zombies pour pouvoir sortir de là, ou faire n’importe quel acte stupide et quasi-imaginaire, ils le feraient. Parce qu’y’avait un putain de dégénéré dans le monde réel, auquel il avait une furieuse envie de planter une flèche en plein cœur.