Kingsley Moren avait passé une journée des plus banales et routinières qu’il était possible de le vivre pour un avocat de province, chasseur de son état. Il s’était levé aux aurores pour sortir ses chiens avant de se rendre à son cabinet, ou la pile des dossiers en retard grandissait dangereusement : son associé n’avait pas vraiment le cœur aux affaires en ce moment, et lui-même rognait parfois sur son temps de travail pour accomplir ses devoirs de membre de la gunpowder squad. Alors forcément, les fusions et acquisitions prenaient du retard, les couples en pleine crise tardaient à divorcer, rendant les cas plus toxiques et désagréables à traiter. Alors pour aujourd’hui, il avait décidé d’abattre une masse de travail impressionnante en douze heures, s’enfermant dans son bureau en intimant à sa secrétaire de ne l’interrompre son aucun prétexte. Il s’était préparé une carafe entière de café, posé sur un coin de son bureau, un paquet de cloques à coté, et il avait mis son téléphone en silencieux : il ne répondrait à personne avant 19h30, et que le cas des époux Clayton torché. L’avocat s’y était tenu, avait fini la carafe et son paquet de cigarettes dans le temps imparti. Cependant, cette efficacité avait son prix : il avait l’impression qu’un pic vert lui martelait les temps, que son cœur a tout rompre –merci la caféine- et surtout, surtout, il était une véritable pile électrique. Sortir, il lui fallait sortir, aller prendre l’air, n’importe quoi pourvu qu’il puisse marcher, délasser ses muscles qui se nouaient dans son dos et ses épaules. Il rangea les dossiers dans le placard qu’il referma à clé, glissa cette derniere dans la doublure de son costume trois pièces avant de quitter les lieux, rallumant son portable. Trois messages : son banquier qui lui proposait de nouvelles stock options, Satoko sa jeune protégée nippone, et Ren Townshend. Ren était l’un de ses supérieurs hiérarchiques, et un message de sa part ne pouvait signifier qu’une chose : une nouvelle proie lui avait été attribuée, et il avait 48 heures pour faire son œuvre.

L’avocat verrouilla la porte du cabinet, répondant rapidement à son élève avant de s’adosser à un mur pour lire le message de Ren : le dossier contenait deux photos de moyenne qualité d’une toute jeune femme, les traits fins, et un souvenir effleura son esprit. Il avait déjà traqué cette jeune femme, fut un temps, mais elle s’était évanouie dans la nature comme une chape de brume au petit matin, et plus personne ne l’avait plus vu, et ce pendant plusieurs mois. Il s’était imaginé qu’elle s’était enfuie dans quelques pays exotiques, loin de Radcliff, et était passé à une autre proie. Erreur. Kingsley fixa le regard vert de la jeune femme sur son écran, avant de lire une adresse, le nom d’un café du centre ville, et un ordre : Capture. Vive. Intéressant. Dans la plus grande majorité des cas, ses cibles étaient des victimes, des proies à occire, rarement des colis à livrer. Elle devait être vraiment … Spéciale pour intéresser ainsi sa majesté Lancaster et ses rats de laboratoire. Soit, ça le changerait.
Le chasseur ne prit pas le temps de remonter chez lui avant de partir à la recherche de Rose Larsen : il avait sur lui largement  de quoi neutraliser une abomination sans avoir besoin de faire un détour. Et puis, vêtu ainsi, il serait moins menaçant qu’en uniforme de la Gunpowder squad, et pourrait s’approcher de ladite demoiselle bien plus facilement. Kingsley se rendit devant le café indiqué sur sa lettre de mission, sans y entrer, il consulta les horaires, souriant de s’assurer que ce dernier ne faisait pas de nocturne en semaine : la donzelle devait donc finir son shift dans une demi heure, il n’aurait pas à l’attendre très longtemps. Au pire, il savait se montrer patient dans ce genre de circonstances…
De l’autre bout de la rue, il l’observa fermer boutique, puis s’enfoncer dans la ville d’un pas rapide, les poings enfoncés dans les poches. Elle n’attendait personne, encore un bon point. Il la suivait, à bonne distance, de suffisamment loin pour qu’elle ne s’en rende pas compte, jusqu’à un certain point. Et puis, la bonne occasion. La petite ruelle sombre, alors que le jour déclinait. Son terrain de jeu favori. Alors qu’elle s’enfonçait dans l’allée exigue, il fit tomber ses clés volontairement sur le sol, dans un tintement bien audible, avant de crier, l’air presque innocent :

- Mademoiselle, Vos clés !

Il trottina vers elle, un air concerné sur le visage :

- Je crois que c’est tombé de votre poche ou de votre sac …

Un sourire, avenant, éclairait son visage presque doux à l’instant. Qui se douterait que sous ce costume d’excellente facture italienne se cachait un des monstres des nuits de Radcliff ?


   

Rose avait passé une journées épouvantable. Tout cela avait débuté au petit matin. Son réveil n'avait pas sonné pour une raison inconnue et la pauvre avait dû sauter la case du petit déjeuner, quitte à entendre les grognements de son ventre jusqu'au midi, pour arriver à l'heure à son travail et ainsi éviter les énièmes réprimandes de son patron sur son manque d'assiduité qui était tout sauf volontaire. Deuxièmement, celui-ci lui avait annoncé que, ayant un rendez-vous apparemment des plus importants, elle devrait le remplacer jusqu'à la fermeture du café, c'est à dire à 23h précise, sans espérer avoir ces heures supplémentaires comptées dans son salaire.
N'ayant que ce petit boulot pour vivre, la belle ne broncha pas et accepta, bien entendu à contre-coeur. Ah, ce que sa petite vie d'adolescente lui manquait.
Comme d'habitude, Rose partagea sa pause café avec Priam, un habitué de l'établissement -comme la plupart des clients venant ici- qu'elle apprenait à connaître et qu'elle appréciait bien. Il lui apportait toute son expérience du monde adulte et elle adorait cela, il lui faisait, le temps d'un instant, oublier sa vie quotidienne.

Cette journée fut d'une lenteur incroyable, comme tout bon lundi qui se respecte, les clients partaient au fur et à mesure et les seules personnes venant désormais à cette heure-ci était soit des jeunes alcoolisés ou alors des mendiants réclamant une mie de pain ou des gâteaux rassis. Plutôt que de les jeter, Rose leur donnait discrètement lorsqu'elle était la seule à surveiller le café.
Elle regarda sa montre. L'aiguille pointa 23h. Il était temps de rentrer chez elle. La belle poussa un soupir de soulagement avant d'enfiler son manteau et de prendre son sac à main. Elle allait enfin pouvoir rejoindre son lit, chose qu'elle avait attendu depuis si longtemps. Elle n'avait que quelques mètres à parcourir et elle serait chez elle.
Une fois le café éteint et la porte verrouillé, la jeune femme s'engagea dans la rue, silencieuse quand tout à coup, un bruit de clé se fit entendre avant qu'une voix masculine brise à nouveau le silence, l'interpellant pour quelle récupère les clés qu'elle avait fait tomber. Bien que ceci semble assez louche, Rose se dit qu'il valait quand même mieux le coup d'aller voir et de ne pas tracer son chemin. Après tout, si elle avait réellement fait tomber ses clés, il était plus sage d'aller les récupérer. Elle était si fatiguée en ce moment que ça pourrait être totalement crédible.
Elle n'eut pas le temps de se retourner que l'homme était déjà à sa portée. Il était blond et souriait. Un air angélique s'affichait sur son visage. Il habillé d'un costume de grande couture, chose rare pour les personnes fréquentant ce quartier. Que faisait-il ici ? Il ressemblait à un homme important, et personne ne se souciait des petites personnes qui vivaient ici. La jeune fille fronça les sourcils, l'air méfiant. Elle regarda rapidement autour d'elle, ils étaient tous deux seuls dans cette petite ruelle sombre. N'importe quoi pourrait arriver. Son coeur se mit à battre fort, mais elle ne montrait rien.
Rose le regarda rapidement pour mémoriser son visage, au cas où il lui arrive malheur avant de tendre doucement sa main pour récupérer ses clés. C'était une habitude qu'elle avait prise en regardant des téléfilms policiers à la télé. Si la victime survivait, elle se devait de décrire son agresseur, et, méfiante comme était la jeune femme depuis que des Hunters étaient venu frapper à sa porte, elle avait toujours peur du pire.

- «  Merci beaucoup. Je pourrais les récupérer maintenant ? »

AVENGEDINCHAINS

Elle avait l’air fatiguée, probablement lasse d’une journée entière de service dans le café qui l’employait. Elle semblait avoir les traits un peu tirés, mais ça ne gâchait rien à la douceur de son visage, à la délicatesse de son dessin. Elle était jeune et très, très belle, Kingsley ne pouvait pas le nier. Mais avec le temps, il avait appris à faire abstraction de la beauté extérieure des êtres pour ne se concentrer que sur leur pureté intérieure et leur spiritualité. La demoiselle avait beau avoir un visage angélique, il n’en demeurait pas moins que c’était les enfers qui dévoraient ses entrailles et couraient dans son sang. Et ça, il ne le perdait jamais de vue. Comme prévue, elle s’était retournée, l’avait attendu, l’air suspicieux, sur la défensive, et pourtant tellement vulnérable … Il la laissa le dévisager, comme si le fait qu’elle voit son visage pouvait véritablement changer quelque chose… Il lui offrit un sourire tranquille, sans détourner le regard du sien, s’avançant un peu plus vers elle.

- Je ne sais pas si ce sont les votres, mais je les ai vu par terre, alors comme il n’y a que vous … Tenez !

Il tendit les clés à la jeune femme, bien qu’il sache pertinemment qu’elles ne lui appartenaient pas, puisque c’était les siennes. Mais ce moment d’attention qu’il lui volait était une première étape : il se rapprochait d’elle, et elle était à portée de main à présent. En tendant les doigts il pouvait toucher ses cheveux, ses joues, le bout de son nez rougi par le froid, il aurait pu lui empoigner la gorge d’une main de faire, la gifler si violement qu’elle serait tombée sur le sol. Cependant il avait décidé d’adopter une autre stratégie avec elle, plus subtile, plus délicate : sans violence il devait réussir, d’une manière ou d’une autre, à l’attirer un peu plus loin pour pouvoir l’endormir avec de l’éther et l’amener à Ren sans le moindre bleu, ce qui serait un exploit pour le hunter, habitué aux méthodes bien plus … musclés.

- Je suis vraiment désolé de vous importuner alors qu’il est tard, avec le couvre feu qui arrive, vous devez être pressé … Mais j’ai rendez-vous chez une amie au 28, Camelia Street et je crois que je me suis complètement perdu…. Vous sauriez quelle route dois-je prendre, par hasard ?

Sa voix était douce, teintée d’une sorte de gêne, alors qu’il avait fourré ses mains dans les grandes poches de son manteau noir. Il savait parfaitement ce qu’il faisait : par son langage corporel, sa gestuelle, il savait qu’il donnait l’image d’un homme presque réservé, et surtout, inoffensif. Il fallait dire que le chasseur avant sa belle gueule pour lui : comment la jeune femme aurait elle pu imaginer que cet homme en pantalon de costume et chemise immaculée, avec ses cheveux blonds vaguement en bataille et ses grands yeux bleus était probablement l’un des pires cauchemars des gens de sa race ? C’était là tout le talent de Moren, cette aura à la fois dangereuse, mais aussi tellement attirante …


   

L'homme qui se tenait en face d'elle avait l'air confiant, tranquille. Il lui inspirait confiance, mais elle ne sut pourquoi quelque chose bloquait. Son instinct lui disait de se méfier, mais l'inconnu semblait charmant. Elle devait être fatiguée, son esprit lui jouait un mauvais tour.
Il lui tendit sa main pour lui montrer les clés en question. Rose les pris pour les regarder d'un peu plus près et elles n'avaient rien à voir avec les siennes. Celles que l'homme lui proposaient étaient des clés de voitures, Mercedes qui plus est. La jeune femme n'avait pas de voiture et certainement pas une Mercedes. La belle haussa doucement les épaules avant de regarder l'homme dans les yeux. Il la surplombait d'au moins une tête et demie, si ce n'est plus. Il était très imposant de par sa carrure et sa taille. Il devait probablement être avocat ou chef d'entreprise, du moins il en avait le charisme et l'aura de leader.

- «  Hm.. Non, ce ne sont pas les miennes, navrée.. »

La belle fouilla alors dans son sac à la recherche de ses propres clés, pour vérifier s'il lui en manquait, elles étaient toutes là. C'était étrange, quelles clés étaient tombées alors ? La rue était déserte, il n'y avait qu'eux deux présents ici, l'aurait-il fait exprès afin de l'aborder ? Non… Pourquoi ferait-il cela ?

La situation était douteuse, mais avant que Rose ne fasse la remarque à l'inconnu, celui-ci renchaîna, lui disant qu'il s'était perdu et qu'il avait rendez-vous avec une amie. Ce n'était pas étonnant, les personnes de son rang social ne venaient jamais ici en temps normal. Il donna une adresse à la jeune femme qui était quelques rues plus loin. Elle regarda rapidement sa montre, elle avait le temps de l'accompagner, mais il fallait qu'ils fassent vite si elle ne voulait pas avoir des problèmes avec la police. Rose acquiesça alors, souriant même à l'homme.

- «  D'accord, pas de problème, mais il faut faire vite. Suivez moi. »

La jeune femme s'en voulait d'avoir douté de lui, il avait l'air inoffensif, il ne ferait pas de mal à une mouche, la belle en était persuadée. Elle commença alors à marcher, s'enfonçant dans la ruelle en faisant signe à l'homme de la suivre. Rose arriva alors à l'adresse dite par l'inconnu avant de se tourner vers lui :

- «  Vous voilà arrivé. Vous êtes sûr que c'est la bonne adresse ? Je ne vois personne ici. »

A peine ces mots dit que les soupçons de la jeune femme revinrent au galop. Et si elle s'était bêtement faite avoir par l'homme qui ne voulait tout simplement que la voler ou lui faire du mal? Son coeur se mit à battre la chamade, Rose recula alors de quelques pas avant de saisir son téléphone portable dans la poche de son manteau, son regard sur l'inconnu ayant complètement changé, elle paniquait et cela se sentait à vue d'oeil.

AVENGEDINCHAINS

Kingsley avait expérimenté des dizaines et des dizaines de méthodes de chasse au fil du temps, de la plus délicate à la plus violente, en passant par toutes les nuances d’agressivité et de malice pour faire baisser leur garde aux monstres qui ne se tapissent pas que sous les lits. Comme tout guerrier, il aimait de temps un autre une belle confrontation, violente et titanesque, mais il connaissait aussi ses limites : les mutants n’étaient pas humains, ils étaient autre chose de plus vil, de plus dangereux, et tenter de se battre à armes égales avec eux comportait son lot d’incertitude et d’aléas, non négligeable. Un chasseur compétent était un chasseur prudent, qui neutralisait les bêtes avant de les affronter, sans quoi il ne ferait probablement pas long feu. Concernant la mutante en face de lui, Kingsley considérait qu’a priori, sa « particularité » n’était pas de celles qui étaient de nature à mettre directement sa vie en danger. Il restait néanmoins vigilant : si elle n’était pas capable de cracher du feu ou de le transformer en statue de pierre en un regard, elle était peut être capable de lui envoyer du spray au poivre dans les yeux ou un bon coup de genou dans les parties.

La ruelle qu’il avait indiqué à la jeune femme était un cul de sac, et elle se retrouvait présent coincée entre un mur de briques sales et le hunter, une situation qui convenait parfaitement à ce dernier : la faible lueur d’un lampadaire vétuste faisait courir des ombres inquiétantes sur le visage lisse et racé du chasseur qui s’était approché de la jeune femme, encore un peu plus, un peu pour qu’une parfaite inconnue puisse se sentir à l’aise :

- En effet Mademoiselle Larsen, il n’y a personne ici … Personne à part vous et moi … Voyez vous, il s’avère que votre cas est particulièrement intéressant pour les gens comme moi …

Il fit un pas de plus, de telle sorte qu’un souffle à peine sépare son visage du sien : il y avait quelque chose de sauvage dans le regard du chasseur, l’excitation de la traque, à moins que cela soit l’odeur de la peur et de la panique de la pauvre enfant qui le grise plus qu’il veuille bien l’avouer … Le revers de la main du chasseur vint effleurer le visage pâle de la jeune femme, alors qu’il lui murmura presque à l’oreille

- Oh, ne faites pas cette tête, je n’attenterai pas à votre vertu jeune fille, cela ne fait pas parti de mes vices, loin s’en faut. En revanche, il m’est nécessaire de voir ce dont vous êtes capable, et il serait beaucoup, beaucoup plus facile pour chacun d’entre nous que vous obtempériez sans discuter. Ce serait moins fatigant pour moi, et moins douloureux pour vous …

La menace n’était même pas voilée, elle entourait la jeune femme comme un étau invisible, implacable. Kingsley voulait les voir, ces fameuses ailes, il voulait les voir de ses yeux, et se faire une opinion sur la question. On lui avait parler d’immenses appendices à taille humaine, capables de porter leur détenteur et de décoller comme l’aurait fait un animal. Mais quel genre d’ailes ? D’aigle, de colombe, de chauve souris ? Aurait elle de longues plumes duveteuses et blanches, ou plutôt sombres comme la couleur de sa chevelure. Il ne pouvait le nier, Kingsley était curieux. C’était peut être la seule chose qui pourrait sauver la jeune femme d’une mutilation atroce d’ailleurs …



   

Kingrose

Oh Dear, you're in trouble...

A peine la jeune Rose eu compris que tout cela n'était qu'un stratagème qu'elle se retrouvait coincée entre un mur et le hunter. Celui-ci se rapprochait de plus en plus d'elle, elle pouvait sentir son souffle chaud contre sa joue. Le coeur de la jeune femme battait la chamade. Elle ne pouvait plus bouger, elle était tétanisée par la peur. La belle vit sa vie défiler devant ses yeux. Cette fois-ci il n'y avait plus ses parents pour la protéger. Elle était livrée à elle-même. Des petites larmes commencèrent à perler au coin de ses yeux. Elle ne reverrait plus ses parents, ils ne sauront peut-être même pas ce qu'il lui arriverait. D'ailleurs, elle-même ne savait pas ce que l'homme voulait d'elle. Après tout, il aurait pû une bonne centaine de fois la tuer, pourtant il n'en fit rien, alors qu'est-ce qu'il lui voulait ?

Tandis que l'inconnu passait sa main sur sa joue en lui dictant ses consignes, elle comprit qui il était : un chasseur, c'est alors que des dizaines de questions affluèrent dans sa tête telles que qu'est-ce qu'il allait faire d'elle ? Comment l'avait-il trouvé avec tant de précisions ? Tout cela l'effrayait terriblement, mais il fallait qu'elle réagisse, qu'elle trouve un moyen de lui échapper. Rose ne voulait pas mourir maintenant. C'est alors qu'elle élabora un plan, et même s'il échouait, au moins elle n'aura pas été facile à vaincre. Il aurait été dangereux de nier l'évidence de sa mutation. La jeune femme n'était pas idiote au point de penser qu'un homme tel que celui qui était en face d'elle aurait pu prendre le risque de tendre un piège à quelqu'un non mutant, donc il était bien informé et nier l'aurait probablement énervé et il aurait pu la malmener. La belle choisi alors d'obtempérer.

Rose rougit alors doucement en acquiesçant aux paroles de l'homme, baissant les yeux et balbutiant ses quelques mots :

- «  Très bien.. Mais tournez vous alors s'il vous plaît le temps que j'enlève mon corset. »

Lui montrer ses ailes était un supplice pour la jeune femme. C'était la partie qu'elle estimait la plus intime de son anatomie, et les montrer aux chasseurs était comme signer son arrêt de mort. Mais peu importe. Le plus important pour l'instant était de ne pas le contrarier.
C'est alors qu'elle enleva son pull-over, le posant sur un conteneur à côté d'elle et elle commença à défaire son corset qui avait pour effet d’aplatir ses ailes au maximum contre son dos. A peine enlevé, de grandes ailes blanches s'étendirent de chaque côté de la jeune femme. Elles avaient à peu près 2 mètres et demi de diamètre et leur plumage était aussi blanc et doux que celui d'une colombe.

Une fois dévêtue, Rose attrapa alors doucement dans son sac un petit couteau qu'elle prenait toujours sur elle lorsqu'elle se promenait de nuit dans le quartier avant de murmurer doucement :

- «  Vous pouvez vous retourner... »

Kingsley était comme un chien aux abois, un prédateur qui a flairé l’odeur du sang et de la peur, et qui est incapable de s’en détacher. Il se délecte du regard affolé de sa future victime, de son pouls désordonné, de son souffle court. Il a envie de toucher ses boucles brunes, juste pour voir ses yeux s’écarquiller un petit peu plus, son corps se raidir. Il la fixait d’un regard sans battement de cil, froid et brulant en même temps, le regard d’un fou. Il voulait voir de ses yeux le prodige malsain de la mutation de la jeune femme, la contempler, pouvoir se faire son avis sur la question. Ses lèvres pâles s’étirèrent dans un sourire inquiétant alors qu’elle lui demandait, hésitante, de se retourner le temps qu’elle « libère » ses ailes de leur carcan :

- Mais bien naturellement, je ne me permettrai pas d’atteindre votre pudeur … Mais n’oubliez pas que je suis armé, et que je vous tirerai dessus sans hésitation si vous tentez quoi que ce soit ?

Il se retourna tranquillement, les mains dans les poches. Il ferma les yeux pour mieux entendre le bruissement des vêtements que l’on ôte, le zip du corset qui se desserrait et un autre bruit, une sorte de chuintement discret, fébrile, incapable à définir véritablement. Il avait hâte, tellement hâte de voir ça, que s’il n’était pas si concentré, il trépignerait comme un enfant. Il attendit cependant qu’elle l’autorise pour faire volte face, et la voilà, torse nu, la poitrine pudiquement cachée par un bras, deux immenses ailes de plumes blanches dans le dos, grandioses, immaculés. Les pupilles du chasseur se rétrécirent, fixant la jeune femme sans la voir vraiment, uniquement concentré sur les deux appendices duveteux. Il aurait aimé les toucher, mais n’oserait probablement pas. Il fit un pas vers elle, puis recula, comme hésitant à son tour. Son regard passait des ailes au visage de la jeune femme, sans jamais s’arrêter vraiment sur un endroit particulier. Etrangement, il avait l’air plus songeur qu’agressif à présent, comme s’il cherchait à voir quelque chose en elle, à répondre à une interrogation :

- C’est fascinant … Absolument fascinant … Et vous pouvez voler avec, ou sont elles uniquement décoratives ? … Non, ne répondez pas, je ne suis pas sur de vouloir savoir…

Il pencha la tête sur le coté, sa main se posant sur celle, en retrait, de la demoiselle. De toute évidence, elle tenait quelque chose dans son poing clos, mais il ne s’en émouvait pas plus que cela : Elle ne pourrait pas l’atteindre sérieusement avec quelque chose qui tenait dans sa main, alors si ça la rassurait et l’évitait de s’envoler comme une colombe, il prendrait le risque sans sourciller.

- J’ai une question pour vous… Elle va vous paraitre étrange, mais tant pis … Etes vous une dégénérée ? Ou êtes vous … autre chose ?

Un ange. Il voulait en face de lui un ange, une créature céleste, éthérée et délicate, envoyée par le Tout Puissant sur son chemin pour le remercier de son œuvre, de son combat. Il essayait de ne pas avoir l’air trop avide, trop … pressée. La patience était une vertu nécessaire pour approcher un être sacré, et si cette Rose en était un …Il ne voulait pas prendre le risque de la laisser s’échapper.



   

Kingrose

Oh Dear, you're in trouble...

Plus le temps passait, plus Rose était terrifié par l'homme en face d'elle. Son regard était malsain et son sourire diabolique. Tout en elle lui suppliait de partir, de s'envoler. Mais elle ne pouvait pas. Si elle le faisait l'homme la tuerait probablement. Lorsque celui-ci se retourna et vit ses ailes un vent de panique souffla en elle. Son regard avait changé, il ressemblait à présent à un enfant, et plus au dégénéré qu'elle avait pû observe auparavant. Elle vit dans cette faiblesse une chance, une occasion pour le rouler dans la farine. C'était risqué, la jeune femme le savait, mais elle ne voulait pas mourir sans s'être battue.
A sa question, elle ne put s'empêcher de réprimer un petit sourire.

- «  Vous désireriez les toucher ? »

Jamais personne à part elle-même n'avait touché ses ailes avant aujourd'hui. Mais la jeune femme était prête à sacrifier sa pudeur pour sauver sa peau. La fascination qu'avait l'homme pour ses ailes était une bien trop grande occasion de s'en sortir pour qu'elle la sacrifie.

La belle grimaça lorsqu'il posa sa main sur la sienne, qu'elle avait refermé afin de tenir son couteau. Tout son corps se tétanisa, s'attendant à une réaction violente du chasseur, mais rien ne se passa, il continua d'être absorbé par sa paire d'ailes. La chaleur de sa main sur la sienne la mettait terriblement mal à l'aise, mais elle ne devait par sourciller. Certes, c'était très doux, mais elle se doutait bien qu'en une fraction de seconde cet homme pouvait se transformer et la mettre à mort si quelque chose le contrariait donc elle ne dit rien et le laissa faire.

Rose comprit alors qu'il était un fanatique lorsqu'il lui demanda à demi-mots si elle était « autre chose », il voulait probablement parler d'un ange. A cet instant, elle marqua un temps d'arrêt, mais décida finalement de rentrer dans son jeu, si la jeune femme pouvait exercer la moindre influence sur l'homme, elle devait saisir sa chance. L'avidité de celui-ci au regard de la possibilité qu'elle soit un ange était une trop belle occasion, certes lorsqu'il découvrirait qu'elle n'était qu'une simple mutante il la traquerait et la tuerait sans remords probablement mais dans tous les cas c'était le destin qu'il lui réservait.

Doucement, Rose sourit d'un air bienveillant avant de poser sa main sur sa joue, libérant l'autre de l'emprise du chasseur pour masquer sa poitrine avec celle-ci.

- «  Il était temps que vous vous en rendiez compte. J'avais bien peur que vous ne me traitiez avec la même antipathie que ces démons. »


A l'intérieur, la jeune femme était tétanisée de peur, mais à l'extérieur elle ne laissait rien paraître. Elle se devait d'être impeccable car l'homme était loin d'être un idiot, il semblait même brillant, seule sa folie était son point faible.

La jeune femme s'écarta alors doucement de son interlocuteur pour mieux le regarder dans les yeux.

- Je suis venue ici pour vous transmettre un message de la part de notre Seigneur Dieu. »

Le belle se sentait ridicule, elle qui n'avait comme tout enseignement religieux eu que des cours de catéchisme étant enfant.

La partie dévote du cerveau de Moren avait envie de la croire, de se laisser aller à sa passion pieuse et à la croyance que lui, Kingsley Moren, pouvait recevoir un message du divin au travers de pareille créature. Il était vrai que Rose avait son physiquement pour elle, tellement proche des images d’Epinal représentant les messagers de Dieu : sa peau diaphane, ses grands yeux ourlés de cils interminables, cette jeunesse sur son visage qui lui faisait paraitre tout juste sortir de l’adolescence. Cette pureté de ses traits décontenançait le chasseur, qui n’aurait pas du douter ainsi. Pourtant, il en avait cotoyé des jeunes chasseuses de 18 ans, parfois moins, et jamais il n’avait observé un faciès si proche de l’idée qu’il se faisait d’une créature céleste. Il secoua la tête, comme pour chasser l’étrange pensée de son esprit, avant de relever les yeux sur la jeune fille qui, timidement, lui avait proposé de toucher ses ailes. C’était tentant, terriblement même, mais le chasseur avait été éduqué à ne pas céder à ses pulsions et ses envies bassement terriennes, aussi il déclina poliment la proposition de la … Bon sang, qu’était elle …

- Je ne me permettrai pas, quoi que vous soyez… Et puis vos plumes pourraient être enduites d’un poison paralysant, pour ce que j’en sais…

La partie cartésienne du cerveau du traqueur quant à elle criait à la manipulation, à la perfidie d’une mutante qui tenterait par tous les moyens à sa disposition de le détourner de sa quête, et pourtant… C’était tellement doux de croire à la descente d’un ange sur Terre. Les phrases et l’air solennel qu’arborait à présent la jeune femme le fit sourire, presque tendrement : si elle n’était qu’une dégénérée, en tout cas elle mettait tout son cœur à essayer de le convaincre, uniquement pour sauver sa vie, qu’il ne comptait même pas prendre ce soir là. Alors autant s’amuser un peu, voir jusqu’où elle pourrait aller dans la mascarade pour sauver ses plumes et tout ce qui y était rattaché :

- Soit … Considérons une seconde que vous êtes ce que vous prétendez être, mademoiselle Larsen … Qu’est ce que notre Père aurait de si important à me transmettre pour vous envoyer, à vos risques et périls, jusqu’à moi ?

C’était un peu prétentieux d’ailleurs de s’imaginer que Rose ait pu être envoyé sur Terre uniquement pour lui, mais si on allait jusqu’au bout de l’idée, pourquoi pas hein. En revanche si elle était vraiment d’engeance divine, il allait probablement bruler en enfer pour sa désinvolture face à cette dernière. Il se repentirait plus tard, promis. Il continuait de fixer la jeune femme de ses yeux perçants, toujours trop près d’elle pour qu’elle se sente totalement à l’aise. Un geste de travers et elle se retrouverait avec une seringue de NH24 dans la carotide. Qu’est ce qui se passerait à ce moment là d’ailleurs ? est que sa mutation paralysée, ses ailes se dépouilleraient de ses magnifiques plumes comme un arbre de novembre de ses feuilles , ou se rétracteraient elles dans son dos dans un craquement d’os et nombres de gémissements ? Tant d’incertitudes que Kingsley brulait de découvrir par lui-même. Mais non, pas tout de suite, pas encore… Il voulait savoir d’abord jusqu’où elle irait pour le convaincre …