C'était un soir froid, un soir froid pour un cœur en manque de chaleur. Vraiment, depuis qu'elle était partie, je n'avais plus grand chose à faire tard le soir, je faisais souvent les cents pas ou je lisais des bouquins. Bref, rien d'extravagant. Je n'avais plus d'envie et surtout pas envie d'être seul. Encore, toujours. J'en pouvais plus, j'étouffais dans cet appartement où j'avais eu tant de moments avec ma douce. Je n'avais qu'à laisser mes pensées divaguer et je sentais alors son parfum, la douceur de sa peau, la candeur de ses caresses. J'en étais à un point où plus rien n'avait de sens dans ma vie. La seule chose dont j'étais sûr était mon engagement envers les gens comme moi. Au moins eux ne m'annoncerait pas qu'il ne voudrait jamais se marier avec moi.

Je venais de quitter l'appartement que je louais pour me faire une petite virée en ville. Je ne savais pas si j'allais m'imprégner d'une boite de strip tease ou d'un bar ce soir. J'avais juste envie de ne pas être chez moi, pas envie de finir ma journée seul. J'imagine bien que des millions de personnes se sentent aussi abandonnée que moi à l'heure où je pense ça. Je sais bien que certaines personnes ont bien plus souffert que moi et qu'elles continuent leurs vies, qu'elles ne sombrent pas dans cette vague de dépression post largage. Mais autant dire que je faisais partie des faibles, que je n'étais pas assez fort pour me comporter comme un jeune homme devrait le faire. Que j'étais hanté par mon passé.

C'est un bar peu peuplé qui m'a tendu les bras cette nuit-là, ça aurait très bien pu être ce club de strip-tease deux rues au dessus. Mes pas me guidaient, pas mon cerveau. Sinon j'aurais pu parcourir le monde pour retrouver ceux que j'aimais. Dans cet endroit peu chaleureux, je pris de mon élixir de jouvence. J'étais habitué au whisky pur, celui qui était plus chaud, à température ambiante. Je ne sais plus combien de fois j'ai tapé sur mon verre afin que le serveur me serve encore une fois, combien de verre j'avais pu boire cul sec. Une chose était sûre, le monde avait adopté d'autres mœurs. Je n'étais pas ivre, j'étais juste libre. J'avais un poids en moins, je ne sais pas si c'était celui que j'avais dans la gorge ou sur le cœur qui s'évada. C'était juste bon de ne plus être enchaîné. Ma carte bleue flamba, comme souvent. J'étais heureux d'avoir ce petit job à côté qui me permettait de pouvoir faire ce que je voulais.

L'heure ? Pas la moindre idée, l'endroit ? Encore moins. J'avais juste une envie incroyable de chanter une chanson. Je ne savais pas encore laquelle. J'avais envie de mettre un peu de gaieté dans ce coin de Radcliff. Ville bourrée de tortures, bourrées de psychopathes et de gens capables, comme moi, de choses extraordinaires. Quand j'étais dans cet état, mon don ne faisait que s’intensifier. N'étant déjà pas capable de le contrôler à bien, maintenant c'était pire. J'avais ce bourdonnement dans les oreilles qui ne cessait jamais. « It feels good, girl, it feels good.. To be alone with you tonight. » (Hozier – to be alone) chantais-je. C'était une bien triste chanson. Même ici, dans cette ville, je ne trouvais pas chaussure à mon pied. «But I don't know what else that I would do, than try to kiss the skin that crawls from you, than feel your weight in arms I'd never use... It's the God that heroin prays to... »

La chanson que je chantais était plus triste que jamais, en tout cas moi je l'étais ce qui la rendait pire que l'originale. Je n'avais pas remarqué que des personnes étaient sortis de chez eux, ou avaient regarder par leur fenêtre. Le monde avait disparu et tout ce que je touchais était mélancolie. Ce ne fut que quelques minutes plus tard qu'un homme, assez grand, ma taille, vint à ma rencontre. Le brun dit donc « Monsieur ? Vous avez l’air d’avoir eu une dure journée !  Vous savez que vous déranger les gens, il va falloir que je vous demande de me suivre ! » « Non, j'ai pas eu une dure journée, c'était une journée nulle... » Ma voix était pleine d'entrain, j'avais le sourire aux lèvres. Enfin, c'est ce que je croyais. D'un point de vue externe, ulysse était une épave, sa voix vacillait comme lui. Il tenait à peine debout, marcher à peine droit.

« Puis je dérange personne, je chante pas fort. Ils abusent celui-là ! » La fin de sa phrase était plus un cri qui venait de loin qu'une simple parole. De son doigt, il pointa le voisinage d'un air suspect, fronçant ses sourcils. « C'est eux les fous. Moi, j'ai rien fais m'sieur ! » Bonjour big brother, pensais-je. Ils sont constamment en train de nous surveiller, de nous vendre. Les humains étaient de plus en plus collaborateur avec ces sadique de hunters. Ils ne voient pas le bien que nous pourrions leur faire. Ils ne savent pas que nous sommes bon. Ils ne savent pas que je ne peux pas lire dans leurs fichues pensées parce que je n'arrive même pas à exprimer les miennes ?! Il y a de la rage et de l'incompréhension en moi, c'était pas pour autant qu'il fallait m'enfermer, c'était pas pour autant qu'on devait faire régner le silence.

J'avais tellement peu des digressions de ce genre que je n'arrivais pas à me contrôler. J'avais envie de tout envoyer promener. Le gars était un flic, je ne le compris que lorsque je fus forcé d'aller dans la voiture. Ca va c'était un gentil, il m'avait pas passer les menottes. Puis merde, j'avais rien fais de mal. Ils se foutent de la gueule des gens, j'avais pas exercer de pouvoirs, j'avais juste chanter dans la rue. Maintenant, tu vas voir que ça va être un crime ! « Moi, on m'enferme, mais les chasseurs, on s'en tape l'haricot, n'est-ce pas monsieuuuuur l'agent ?! » J'en riais même tant s'était décevant, mon rire se transformait même en soupire. « Les gars sympa comme moi, c'est la nuit au poste puis les connards qui nous traque on les laisse tranquillement ! Tout ça parce que c'est toutou Thaddeus qui l'a demandé ! Parce que tout le monde est à sa botte ici ! » Je n'arrivais pas à faire la distinction ce soir, je parlais ouvertement de mes pires cauchemars. De ces traqueurs, que je ne connaissais pas tous, je voulais les voir tombé un à un. Et j'en parlais, sans même savoir si cette personne qui conduisait cette voiture en était un ou pas...

Le flic, c'était un peu comme s'il existait pas. Personne n'existait autour de moi. Même pas moi. J'étais tellement au bout de ma vie, au fin fond de mes pensées que rien n'aurait pu me perturbé. C'est pour ça que je laissais ma tête se posait contre la paroi entre le flic et moi. C'est pour ça aussi que je fermais les yeux pendant qu'il m'emmena au bout de mes rêves. Case prison, veuillez attendre trois tours avant de rejouer.