Sujet: + we can move mountains. (les porcinettes) Jeu 28 Mai 2015 - 16:04
★ we can work a miracle
lyudmila & abbie
J’ai même fait des cookies.
Franchement, si j’suis pas la plus gentille des voisines d’en face, j’vois pas ce que je suis. J’ai laissé le chat aller miauler à sa fenêtre, je l’ai récupéré là-bas tous les soirs, j’me suis fait insulter par les voisins mécontents du raffut. Mais j’ai rien dit. Tu souris, avec tes grands airs de conne, et de toute manière, de loin, ça s’voit pas que tu serres les dents en disant que tu vas leur foutre le chat dans la figure et qu’ils vont voir s’il était chiant, jusqu’à présent. T’façon, on m’dit tout le temps que de loin, j’ai l’air gentille. De près, pas toujours, paraît-il. Mais ça me choque pas, jusqu’ici. J’trouve que je fais pas mal d’efforts, depuis que Judas est parti. Ça pourrait être pire. Oh oui. Tellement pire.
Mais bref. Cookies. J’les attrape en sortant de la voiture. Comme ça elle va pouvoir commencer à les boulotter dans sa chambre d’hôpital, avant même sa sortie. Ça la mettra de bonne humeur. Parce que les médecins et les infirmiers peuvent être chiants, parfois, quand tu sors de l’hosto. C’est leur don, vous voyez. Vous les briser, vous rappeler ce qu’il faut faire, ou ne pas faire. Enfin, dans mon souvenir. Y en a sûrement des très gentils. Comme partout.
J’sais pas si on va me laisser rentrer avec les cookies. Et la boîte m’encombre les mains. J’essaie d’ouvrir mon sac à main pour la mettre dedans, mais il glisse et il s’éclate par terre. J’arrive pas à le rattraper à temps, forcément. Sinon ce serait beaucoup trop drôle. Y a une loi, vous savez. La loi de Murphy. En gros, tout ce qui peut chier chie. Pas au sens physiologique du terme. Au sens de tout ce qui peut foirer foire. Ouais, bah moi, c’est un peu ça. Si une merde peut m’arriver, soyez sûrs que j’me la prendrai en pleine gueule. J’ai un super mauvais karma. J’sais même pas c’que j’ai fait pour mériter ça. Mais j’essaie d’arrêter d’me poser la question. C’est l’genre de chose pour lesquelles on a jamais de réponse. Et si on continue de trop y penser, on finira par d’venir fou. Et j’ai pas prévu de finir en asile à gueuler comme une démente parce que je me suis demandé ce que j’avais bien fait pour avoir un karma pareil. Faut pas déconner. J’ai des meilleurs projets de ma vie, même s’ils sont pas beaucoup plus grands.
À commencer par ramasser ça, et aller fourrer des cookies dans l’bec de Mila. J’suis sûre que ma délicieuse cuisine va lui avoir manqué.
Ça y est, j’ai réussi à tout faire tenir dans mon sac. J’peux repartir.
Je finis de traverser le parking visiteur de l’hôpital, et j’me faufile dans le bâtiment. Je crois que j’ai la tête d’une fille à qui on peut faire confiance, parce que la fille de l’accueil ne me jette même pas un regard quand j’passe. Enfin si. Un très léger coup d’œil. Et la voix m’est grande ouverte. De toute manière, pas besoin de son amabilité de porte de prison. J’connais le ch’min.
Enfin, c’est vite dit. C’est la première fois que j’réussis à m’y rendre sans me perdre. Et là, je débarque dans la chambre, like a boss.
« J’me suis même pas perdue. Dis « bravo Abbie ». »
Je veux te l’entendre dire.
« Bon t’es prête ? Magne-toi, ça me stresse les hôpitaux. Le blanc, les bistouris, les blouses, tout ça tout ça. J’espère que la morgue est loin de ta chambre. »
Je fouille dans mon sac, ce-disant. Et la boîte. Elle est là, la boîte. La voilà, la putain de boîte.
« Dès que t’es prête, c’est pour toi. »
Je la sors triomphalement, et je lui jette ce regard torride et passionné, aussi torride et passionné que peut être son amour pour les cookies. Et pour moi.
« T’as signé ton papier de sortie et tout ? Ils te foutent la paix maintenant ? »
Y a intérêt. Qu’elle m’ait pas appelé pour rien.
J’pose la boîte de cookies sur la petite tablette au bout du lit. J’attends qu’elle finisse ses affaires. De se préparer. J’regarde autour de moi.
Décidément, j’aime toujours pas les hôpitaux.
J’reporte mon attention sur Mila. J’la dévisage un instant. J’lui souris.
« T’es moins moche de jour en jour. Tu vas bientôt retrouver un visage symétrique, à ce rythme. Ça fait toujours mal, quand on te fait des chatouilles ? »
Au fait, j’ai oublié de te dire bonjour, Mila.
Bonjour.
J’t’ai manqué, j’espère.
hors jeu :
(c) elephant song.
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Sujet: Re: + we can move mountains. (les porcinettes) Mar 9 Juin 2015 - 22:54
― abbie & lyudmila ―
never let your fear decide your fate, i say you kill your heroes and fly.
Dans la vie, y a toujours des chieurs. C’est un fait, c’est plus à prouver et tout le monde le sait mais pourtant Mila peut pas s’empêcher de se demander comment les gens de cette trempe font pour survivre – elle peut pas être la seule à avoir des envies de meurtre, c’est pas possible, elle serait même étonnée d’apprendre qu’il a jamais reçu de raclée cet abruti. Parce qu’il en mérite une, son foutu voisin de chambre. Jusqu’à présent elle était seule, faut dire qu’elle a rien demandé c’est juste qu’elle a eu de la chance, ils ont peut-être jugé qu’elle était suffisamment exécrable pour pas en rajouter une couche en lui refourguant un copain éclopé ; elle se demande ce qui les a fait changer d’avis, allez savoir, elle parierait sur une vengeance des infirmiers qu’elle a pourris. Dès qu’il a débarqué la veille, elle a su qu’il allait l’emmerder avec sa voix trop grave et son sourire jaunâtre. Le pied en l’air, l’épaule plâtrée, il a pas l’air en très bon état mais il a toujours une meilleure gueule qu’elle – en même temps c’est pas bien compliqué, même un clochard a plus de sex appeal, ah ça faut la voir avec son œil au beurre noir, ses bleus partout et ses lèvres fissurées. Elle est belle la sauvage, on dirait qu’elle a voulu s’en prendre à un ours à main nues. « Dis, Lulila... Nan c’pas ça. Lyudila. Nan plus. Lyuma... Rha, j’peux t’appeler Lily à la place ? » « Non. » La réponse est directe, elle prend même pas la peine de le regarder et se contente de rassembler ses affaires en vrac, sans grand soin d’ailleurs. L’organisation c’est juste pas son truc. « Donc, Lily. Tu m’as toujours pas dit c’qu’est arrivé à ton p’tit minois alors qu’moi, j’ai accepté d’te raconter mes mésaventures. T’sais, ç’doit aller dans les deux sens s’tu veux qu’ça marche ! » Elle lève les yeux au ciel avec tellement d’exaspération qu’on dirait qu’ils vont disparaître dans leurs orbites et elle est forcée d’inspirer profondément pour pas s’énerver – c’est une mauvaise idée, ça fait déjà mal de respirer alors elle ose pas imaginer ce que ça donnera si elle se fout à gesticuler. Sa silhouette se tourne vers son interlocuteur et elle finit par s’approcher en lui lançant un regard tellement noir que ça suffit à effacer le sourire de l’idiot. « Primo, c’est Lyudmila. Pas Lila, Lily ou j’sais pas quoi. Lyud. Mi. La. Et si tu sais pas l’dire, tu fermes ta gueule. » Tant de politesses, c’est flatteur. Pardonnez-lui, les bonnes manières font pas partie de ses vertus et c’est encore pire quand elle est d’une humeur de chien. « Secundo, ça t’regarde pas alors arrête de m’poser c’te question en boucle. Et tersio j’ai rien d’mandé moi, c’toi qui racontes ta vie à tout l’monde mais j’en ai rien à foutre de tes histoires. » Il ouvre la bouche, il va encore se mettre à lui taper sur le système et elle a aucune envie de le laisser faire alors elle prend les devants : son index vient violemment s’enfoncer dans l’épaule invalide du type, qui lâche un petit glapissement de douleur sous l’impact. Bien fait.
Et forcément, c’est dans cette charmante position que la trouve Abbie, qui débarque comme une fleur, de celles qui piquent mais qui font plaisir à voir. Pour le coup, Mila aurait presque envie de lui sauter au cou mais elle s’abstient, optant plutôt pour un large sourire qui lui donne l’impression de sentir chaque muscle et chaque parcelle osseuse constituant son visage encore ankylosé. Elle ricane, l’amusement venant teinter son regard pour faire disparaître toute trace d’hostilité. « Dans tes rêves ma vieille, j’suis sûre que t’as triché. » Et puis la blonde continue sur sa lancée, elle s’agite, débite un tas de mots à la suite alors que son acolyte la regarde en arquant un sourcil moqueur, empoignant ses affaires n’importe comment. « Ça fait au moins trois jours que j’suis prête, j’attendais plus qu’toi. Et pis maintenant que tu l’dis, j’ai vu passer pas mal de brancards cette nuit, fais gaffe y en a p’t’être un qui va s’échapper... » Elle lui donne un coup de coude joueur mais regrette immédiatement cette décision, l’éclair de douleur qui la transperce lui rappelle trop bien qu’elle a deux côtes brisées et une épaule qui se remet encore d’avoir été déboîtée. Ça, les traces sombres disséminées un peu partout sur son épiderme, les plaies encore fraîches à son visage, sa cheville douloureuse – aucun doute, elle risque pas d’oublier son état et c’est justement ce qu’elle déteste le plus. Il est majestueux son palmarès, ça mériterait même une coupe, celle de la connerie pour qu’elle puisse s’en servir afin de boire le sang de ses ennemis. En attendant elle aura pas mieux qu’une boîte de cookies et très franchement elle a pas l’intention de s’en plaindre, c’est bien le seul truc potable que sait faire Abbie. « Ouais ouais, j’me suis occupée de tout c’est bon, pas la peine de jouer la mère poule. » Sa main libre attrape la boîte et même si elle met plus de temps que la normale pour l’ouvrir, elle parvient à ses fins et en extirpe un biscuit qu’elle coince entre ses lèvres sans plus de cérémonie. Trop bon. Elle le dit pas mais le cœur y est puis de toute façon, Abbie le sait très bien alors c’est pas la peine de venir flatter son égo. « T’es pas prête de m’faire des chatouilles, ils disent qu’y en a pour trois mois avant qu’les os se reconsolident, même si d’ici trois-quatre semaines j’aurai plus trop mal. Ça m’emmerde. » Elle est censée faire quoi, pendant tout ce temps ? Le kick-boxing est pas envisageable, ses entraînements avec Alyah encore moins, et elle risque pas de nuire à qui que ce soit dans son état. Elle se sent juste faible, elle déteste ça et elle se retient tant bien que mal d’envoyer valser son poing dans la première surface qu’elle croise. La boîte retourne dans les mains de sa propriétaire brusquement – c’est trop encombrant au goût de Mila, faut l’excuser – et elle commence déjà à se diriger vers la porte, refusant de passer une seconde de plus dans ce putain d’hôpital, mais une voix vient l’intercepter. « Eh, Lidamila ! Tu pourrais m’dire au r’voir ! » Pour toute réponse, elle continue d’avancer en brandissant son majeur dans les airs de sorte à ce qu’il puisse le voir, pas décidée à lui octroyer une seule seconde. « J’suis plus là, trouduc ! » Et sur ces mots tendres, elle s’engouffre dans le couloir aseptisé, cherchant même pas à s’assurer qu’Abbie l’a suivie – elle se doute que si c’est pas déjà fait, elle tardera pas à la rattraper. Tout ce qu’elle veut, c’est se tirer d’ici, oublier l’odeur médicamenteuse et la bouffe infecte, s’empiffrer des cookies qu’on lui a offerts et croiser les doigts pour qu’elle se remette de ses blessures plus vite que la moyenne. Elle supportera pas longtemps d’être à moitié handicapée, ça va vite la rendre imbuvable et vaudrait mieux qu’elle se trouve un nouveau moyen de s’occuper. On fait comment, quand on peut plus rien dégommer ? Elle en sait foutrement rien, va falloir qu’on lui apprenne et c’est franchement mal barré.
bibi la belle gosse:
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Sujet: Re: + we can move mountains. (les porcinettes) Sam 20 Juin 2015 - 0:02
★ electric worry
lyudmila & abbie
Même pas foutue de reconnaître que j’ai pu retrouver mon chemin sans aide, et sans triche. J’ai même pas laissé de miettes ou de p’tits cailloux dans le couloir. Comme une grande, vous dis-je. Une vraie de vraie. Mais Mila, elle pense que j’ai triché. Mila, elle est injuste, et elle doute sans cesse de mes capacités. À juste titre, faut avouer. J’lui ai pas donné grande raison d’avoir confiance en moi, les dernières fois où on a eu besoin de retrouver notre chemin.
On jette pas un coup d’œil à son camarade de chambre, tout du long d’notre discussion. Discussion, c’est p’t-être un bien grand mot. Mais disons qu’c’est notre manière à nous de dire : « Salut ma vieille, comment ça boume aujourd’hui, bien dormi ? » Chacun son art et sa manière de dire bonjour. Notre méthode est pas moins efficace qu’une autre. Et elle évite aux connards dans l’genre qu’a l’air d’être son fabuleux copain de chambre de s’incruster dans nos conversations. T’façon, on veut pas d’eux.
J’peux pas m’empêcher de grimacer brièvement. J’ai l’impression que ses trois mois de convalescence vont être longs, à la p’tite. Elle est pas du genre à rester inactive aussi longtemps. Et il va déjà falloir la garder au lit pendant les trois-quatre semaines que la douleur va durer. Sinon, chaque fois qu’elle va lever le petit doigt, elle va tellement souffrir qu’elle va gueuler comme une truie qu’on égorge sur la première personne à portée de main. Et en l’occurrence, ça risque d’être pas mal moi, pour rendre les choses tout à fait agréables et supportables.
« T’as pas intérêt à pleurer pour prendre tes calmants, j’te préviens, ou j’te prive de cookies. Et d’toutes les autres choses que tu peux aimer dans la vie. Genre, moi. »
Histoire de m’faire gonfler les chevilles un coup, alors qu’on prend la direction de la sortie de la chambre. Ah, l’extérieur. J’en rêve, à l’idée de l’rejoindre, et de m’éloigner de ces murs trop blancs, de ces pièces trop aseptisés, et de cette connerie que je respire à plein nez depuis que j’suis entrée dans la piaule de Mila et qu’j’ai vu l’espèce de trouduc qui lui servait de compagnon de chambre.
Ledit trouduc qui se fit royalement envoyer chier lorsqu’on sortit, soit dit en passant. Pour mon plus grand bonheur, sans que je ne comprenne réellement pourquoi. À croire qu’on est allergique à certaines personnes sans même les connaître. À croire que la connerie a des ondes bien particulières, et que certains — genre Mila et moi — ont un radar pour ça. La vie est bien faite, parfois.
J’lui emboîte le pas, à la Mila. Même moche comme ça et avec des côtes en vrac, elle se déplace vite, la cochonne. À croire qu’elle a un don de résistance à la douleur, en plus de son foutu truc que j’ai jamais vraiment compris.
« Il m’a l’air tout à fait chiant, dis-moi. Comment t’as fait pour pas l’étouffer avec ton oreiller ? »
Moi, j’aurais au moins essayé. Quitte à m’faire foutre en isolement par la suite. Ou bien j’aurais trouvé le moyen de lui faire asséner une dose de calmant pour éléphant. Enfin, j’aurais trouvé un moyen. Un moyen pour qu’il me foute la paix.
« J’admire ta patience. Tu seras récompensée. »
J’sais pas trop comment, puisque je lui ai déjà fait tout ce que je savais faire — soit des cookies. J’trouverai un autre moyen. Une partie de lancer de Judananas, ou bien un bon film avec un pot de glace vanille-caramel, ou j’sais pas. J’ai le temps d’y réfléchir.
On traverse le parking, On va arriver à la voiture. Et comme d’hab’, je m’y prends à l’avance pour chercher mes clés. Car j’ai beau toujours mettre le strict minimum dans mon sac à main, et avoir bien moins de trucs qu’une fille lambda dedans, j’retrouve quand même jamais mes clés du premier coup. C’est pas grave. Elle est occupée par les cookies. Ça va la t’nir encore un moment. Enfin j’espère. Le temps que je trouve ces putains de–
Ah. Ça y est. Les voilà.
« Bon, tu veux faire quoi pour fêter ta libération ? À part faire une indigestion de cookies et venir shooter dans mon chat ? »
Je rentre dans la voiture. J’mets les clés sur le contact, le temps qu’elle balance son sac à l’arrière et qu’elle rentre dans l’habitacle.
« On va au moins rentrer chez toi pour qu’tu poses tes affaires. Et puis faut pas que tu bouges trop pendant trois-quatre semaines, c’est ça ? J’espère qu’tu comptes pas chez moi pour jouer à la nounou. »
J’l’aime, ma Mila, mais faut pas pousser le bouchon trop loin non plus.
Et puis, elle peut très bien se garder sans moi, non ?
mimi la star :
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Sujet: Re: + we can move mountains. (les porcinettes) Mer 24 Juin 2015 - 20:19
À peine réunies que ça part déjà dans tous les sens, les petits sarcasmes joueurs sont balancés en vrac et les sourires s’étirent – tant pis si ça pique quand Mila montre ses dents, y a la coupure sur sa lèvre qui menace de s’ouvrir à nouveau mais elle est prête à prendre le risque. Parce que quand Abbie est dans les parages, elle met jamais bien longtemps à se marrer ou à faire des conneries. Voir les deux, ça dépend du jour et de leur humeur, ça dépend de beaucoup de choses à vrai dire mais la plupart du temps elles font des ravages, que ce soit volontaire ou pas. Faut dire qu’elles font la paire les bougresses, deux chieuses sur pattes qui sont pas foutues de rester en place ; ah ça elles se sont bien trouvées et ça fait toujours des étincelles, du bon côté comme du mauvais. Rien que la vision de cette foutue tête blonde suffit à apaiser un peu Lyudmila parce que c’est un repère dans cette putain de prison qu’est l’hôpital, c’est son ticket de sortie et son meilleur moyen d’oublier un peu ses côtes trop cabossées et ses tripes toutes retournées. Même si ladite tête blonde aime bien s’envoyer des fleurs pendant que son acolyte lève les yeux au ciel en se retenant de rire. « J’sais pas comment t’arrives encore à passer la porte avec la taille de tes chevilles, c’t’assez impressionnant. Et pis si tu m’prives de cookies, t’sais aussi bien qu’moi que j’te rendrai la vie impossible. » Un petit regard entendu pour marquer ses mots parce que c’est la simple vérité, elles sont aussi infernales l’une que l’autre quand elles s’y mettent alors c’est jamais une bonne idée de se lancer sur cette voie. Mais la seule voie qui intéresse Mila justement, c’est celle qui mène jusqu’au parking et loin d’ici parce qu’elle supporte plus ces murs blancs et ces enfoirés en blouse, ça commence à lui filer de l’urticaire et elle se dit qu’elle aurait définitivement pas pu rester un jour de plus ici sans devenir dingue. Alors forcément elle presse le pas, même si elle a l’impression que ses os grincent dans tous les coins à chaque fois que ses pieds martèlent le sol. Si c’est le prix à payer pour sa liberté, elle est prête à banquer. En vérité, si elle était pas boiteuse comme un éclopé, elle aurait probablement piqué un sprint jusqu’à l’extérieur. Dommage que sa cheville soit pas consentante.
La remarque d’Abbie sur le trouduc la fait rire pendant une seconde, mais elle s’arrête en plein milieu parce que ça fait visiblement partie des trucs qu’elle doit éviter à cause de ses foutues côtes. « J’suis pas trop en condition d’étouffer les gens mais j’crois qu’une nuit de plus ici, et tu m’aurais retrouvée en cellule. » Ou dans la rue avec des infirmiers à ses trousses, ce qui a bien failli arriver quand elle a voulu se barrer en douce. Mais ses blessures l’ont rappelée à l’ordre et le personnel a pas eu trop de mal à la ramener dans sa chambre à son plus grand désespoir, sous un torrent d’insultes ukrainiennes. « Et arrête de m’faire rire. Ça fait mal. » Même respirer c’est laborieux – si elle veut bâiller faut qu’elle se prépare à souffrir ou qu’elle se retienne, y a pas d’autre alternative, sa cage thoracique veut pas se gonfler correctement sans que ça devienne un calvaire. Pourtant elle s’en fout de tout ça : elle sort, c’est tout ce qui compte et elle le crierait presque sur tous les toits. Mais elle se contente d’accélérer le pas en prêtant même pas attention aux gens qu’elle manque de bousculer au passage, et dès qu’elle franchit les portes, son premier réflexe est de se retourner vers ce foutu bâtiment cauchemardesque. Les deux bras en l’air, majeurs levés fièrement, elle a l’air profondément débile. Et profondément heureuse d’être enfin dehors. Une fois son petit rituel terminé, elle emboîte le pas à Abbie – chacune son tour – l’air plus légère de s’être débarrassée de sa frustration. La voiture se déverrouille, le sac de Mila atterrit lamentablement sur la banquette arrière et elle s’installe sur le siège passager, chopant la boîte de cookies pour la poser contre ses genoux. Ça sera plus pratique pour se goinfrer et elle tarde pas à démarrer les hostilités, enfournant l’un de ces précieux trésors dans sa bouche avec autant de classe qu’un clochard affamé. « P’tain, t’imagines pas comment la bouffe de l’hôpital était dégueulasse. Pire que quand t’essaies d’cuisiner autre chose que des cookies. » Elle passe déjà à un autre biscuit, faut croire qu’elle compte s’enfiler toute la boîte en un temps record. Et quand Abbie lui demande ce qu’elle voudrait faire, elle réalise qu’elle en sait foutrement rien. Tout ce qui lui vient à l’esprit est hors de sa portée momentanément, parce que tout ce qu’elle aime faire, toutes ses habitudes, absolument tout est incompatible avec son état actuel. Ça l’aide tout juste à réaliser les conséquences qu’elle va devoir subir jusqu’à ce que sa guérison soit complète, et elle se demande combien de temps elle va tenir avant de péter les plombs, ou faire un truc con. Les paris sont ouverts. « J’sais pas. J’veux bouffer un truc bien gras, du pur ‘ricain. Genre, un gros hamburger avec trop d’étages pour rentrer dans ma bouche. » Histoire qu’elle en mette partout comme un gamin qui sait pas manger, comme toujours. Elle prend une seconde pour réfléchir encore un peu, continuant à grignoter les offrandes d’Abbie en foutant des miettes dans sa bagnole au passage. « J’ai pas envie d’aller chez moi là, on peut pas rester dehors ? Ça fait une semaine que j’suis enfermée quasi toute la journée. J’sais pas, on a qu’à partir à la chasse à l’ours dans la forêt, c’bien ça qu’tu faisais quand t’étais gamine, non ? » Sourire railleur au coin des lèvres, elle observe son interlocutrice d’un air espiègle, avant de faire mine d’imiter un ours, même si le résultat est assez décevant. Et que du coup, sa boîte de cookies glisse de ses genoux pour venir s’écraser à ses pieds, la plupart des gâteaux s’étalant n’importe où. « Merde. » Elle commence à se baisser pour vouloir les ramasser, stoppée dans son élan par un éclair de douleur qui lui arrache un grognement. Pourtant elle persiste la sale gosse, elle réitère l’expérience mais elle est forcée d’arrêter à nouveau et de reprendre sa position initiale, parce qu’elle a l’impression que tous les os présents dans son abdomen vont se briser les uns après les autres. Et forcément, ça l’emmerde. Elle a pas l’habitude d’être handicapée comme ça et de voir ses capacités devenir aussi limitées, ce qui changera pas avant un moment et c’est loin d’arranger les choses. Ça l’énerve tellement qu’elle abat violemment son poing contre l’intérieur de la portière à sa droite, balançant une insulte en ukrainien qu’Abbie ne comprendra certainement pas mais qui suffira à ce qu’elle saisisse la colère qui gronde déjà chez sa camarade. Elle est sortie de l’hôpital depuis même pas dix minutes, et elle commence déjà à être salement irritée par toutes les précautions qu’elle va devoir prendre. Ça commence mal. Très mal.
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Sujet: Re: + we can move mountains. (les porcinettes) Sam 22 Aoû 2015 - 0:25
★ get ready for it
lyudmila & abbie
Elle a beau dire ce qu’elle veut, je sais qu’elle pourrait pas se passer de moi. Je sais qu’elle sait que je suis indispensable à sa vie, parce que c’est comme ça que les choses sont. Mais je sais aussi qu’elle ne l’avouera jamais, pas même sous la torture. Parce que moi non plus, j’avouerais pas sous la torture. Que j’ai b’soin d’elle, j’veux dire. Bon, j’ai b’soin de moi aussi, mais ça c’est un peu le B.A.BA de la vie.
Elle m’a fait rire à avoir envie de le zigouiller, ce charmant voisin de chambre. Heureusement que j’suis venue la chercher, alors. Ça craint, de devoir aller payer une caution, et d’risquer de la perdre pour la taule. J’serais jalouse des prisonniers, moi. C’est quand même pas c’qu’elle veut, si ?
La voiture a à peine démarré qu’elle a ouvert la boîtes de cookies et commencé à s’empiffrer. Parce que Mila, elle est comme ça. Mila, aime se gaver de beurre de sucre et de chocolat, tout ça mélange sous forme de petites galettes, pour oublier qu’elle a de la peine. Ou qu’elle a mal. Là, elle a surtout mal, faut avouer. En même temps, les côtes cassées, c’est jamais agréable. J’me souviens de ce que ça fait. Et je me souviens que c’est la loose. Même si ça fait — heureusement — bien longtemps que ça ne m’est pas arrivé.
Quand elle fait allusion à la magnifique étendue de mes talents culinaires, je lève un majeur bien senti dans sa direction, en gardant le volant à une main. De toute manière, ma bagnole c’est une automatique — comme pratiquement toutes les caisses dans ce foutu pays. Alors j’en ai pas besoin pour le pommeau de vitesse. Et j’ai une bonne direction. Alors je peux conduire à une main et rester comme ça pendant des heures, si elle le cherche. Ou du moins, jusqu’à arriver chez moi. Et je trouverai le moyen de me garer sans ma deuxième main. Rien à foutre.
Je baisse finalement mon doigt, et ma main vient rejoindre l’autre sur le volant.
« T’es médisante. Je suis en train d’apprendre à faire une pizza. J’ai réussi à pas faire cramer celle chez Siward, l’autre soir. Tu vas voir, je vais bientôt pouvoir t’en faire une. Faut juste que je trouve le courage d’aller acheter les ingrédients au bout de la rue. »
C’est le plus compliqué. Vraiment le plus compliqué. C’est si loin. Et si cher.
Elle me fait rire, avec ses idées à la con. Mais j’l’aime comme ça.
« Ça m’avait manqué de t’entendre émettre des idées à la con comme ça. Mais j’ai pas envie de tuer des ours, moi. Pauvres ours. On peut aller au parc, si tu veux. On aura qu’à acheter des pop corns, s’asseoir sur un banc et en balancer sur les gens qui passent. C’est l’heure idéale, y a plein d’enfants à c’t’heure-ci. »
J’aime l’idée. J’ai réussi à me donner envie toute seule.
« Ou on peut procéder à un vote, si tu veux. Je vote pour mon idée. J’aime bien mon idée. Ça m’inspire. »
Elle va encore me dire que mes chevilles vont gonfler, mais c’est bien le dernier de mes soucis. J’m’en contrefous, moi, que mes chevilles gonflent. Balancer des trucs sur les gens ça me tente.
« On peut aussi essayer de s’asseoir sur une branche d’un arbre pour éviter que les gens nous voient leur balancer des trucs dessus, mais j’ai peur que tu sois pas assez souple pour grimper là. T’arrives déjà pas à attraper des pauvres cookies tombés à la mer. Et puis on ira t’acheter un bon hamburger plein de gras une fois que t’auras touché vingt personnes. J’te mets au défi. Si t’y arrives sans te faire casser la gueule, je te paye un menu maxi best-of avec le hamburger de ton choix, et même un dessert. Et puis si tu te fais tabasser t’inquiète pas, j’suis là pour te défendre. »
Je tourne en direction du parc, sans vraiment lui demander son avis. J’comprends qu’elle ait pas nécessairement envie de s’enfermer.
« Laisse tomber, laisse-les par terre, j’t’en referai. Va pas trop forcer non plus. Sinon j’vois pas pourquoi je devrais faire des efforts pour pas te faire rire. »
Et ceci avec un sourire en coin. Parce que c’est quand même pas ma faute si elle glousse comme une pintade fréquemment, non ? J’y suis pour rien, moi, dans tout ça.
« Et arrête de jurer, là. Je sais pas ce que ça veut dire mais ça doit pas être catholique. Et y a des oreilles pures et chastes, dans cette voiture. »
Je parle du chien en plastique hideux posé sur ma plage arrière, bien sûr. La question ne se pose pas.
(c) elephant song.
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Sujet: Re: + we can move mountains. (les porcinettes)