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 + we ain't go down like this. (connor)

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MessageSujet: + we ain't go down like this. (connor)   + we ain't go down like this. (connor) Icon_minitimeMar 12 Mai 2015 - 22:27

i will be right to you
connor & abbie



Soirée de merde.

Soirée de merde, clients de merde, boulot de merde. Et comme la fille trop bonne trop conne que je suis, j'ai laissé Margo prendre un break de deux heures pour aller coucher Hugo. Comme si c’était mon boulot, à moi, de gérer son putain de bar. Comme si j’avais pas assez de m’occuper de mes patients toute la journée, d’enchaîner les rendez-vous de 9h à 18h, d’arriver une heure en avance, et de partir une ou deux heures après, histoire de finir la paperasse dans les temps. Comme si mes journées n’étaient pas assez chargées comme ça, pour que j’me retrouve à empiler un deuxième job une fois le soir tombée. J’aimerais lui rappeler que j’suis pas son employée. Que j’suis là bénévolement, que j’ai aucun contrat. Mais elle s’en souvient. Oh, elle s’en souvient très bien. J’suis pas payée comme un employé, j’me tape les pourboires et une minuscule paye. Parce que c’est pas mon boulot, qu’elle le sait, et qu’elle me donne juste ça pour me remercier. Le seul truc, c’est qu’elle pige pas que depuis que son frère est parti, je me cogne le travail qu’il faisait, et celui que je faisais déjà. Elle pige pas qu’en tant que gérante, c’est elle qui aurait dû prendre la deuxième part du co-gérant, quand il fout le camp. Bouger son cul, engager une baby-sitter avec le blé que tous ces pochtrons d’habitués lui filent, et gérer son bar comme une vraie patronne. Merde.

Soirée de merde, et clients de merde. Encore un qui vient de renverser son verre sur le comptoir parce qu’il n’arrive même plus à le tenir dans sa main tellement elle tremble. Et vas-y que j’me cogne le nettoyage derrière lui, et qu’en plus je suis censée le faire avec le sourire. Alors je le fais. Paraît que dès que je souris, j’ai l’air gentille. Même si je suis à deux doigts de lui bouffer ce gros boudin potelé qui lui sert de doigt, et qu’il tend vers moi.

« Oooooh toi. Toi là. T’es vraiment une fille gentille, tu l’sais ça ? T’es à croquer. J’te l’dis, si j’avais dix ans de moins… »

Vas-y, c’est ça, lève ton gros doigt vers le plafond, t’auras l’air victorieux. Au moins, t’as l’espoir de te dire qu’avec dix ans de moins, t’aurais pu tenter ta chance. Mais rassure-toi mon vieux. Même avec vingt ans de moins, t’aurais pris ma paume dans ta gueule, et t’aurais pas compris ce qui t’arrivait.

« J’t’en ressers un ? »
« Pardi, bien sûr qu’tu m’en r’ssers un ! »

Et s'il te plait, c'est pour les chiens ? Ivrogne.

J’attrape son verre et j’le fous dans le bac, avec les autres. Il est collant d’alcool, j’vais pas le lui redonner — même s’il le mériterait. J’suis peut-être sur les nerfs, mais ça m’empêche pas d’être professionnelle. Je passe ma vie à râler contre les connards qui font payer à leurs clients leur journée de merde. Manquerait plus que ça déteigne sur moi, tiens.

J’attrape un verre propre, j’enfile son p’tit chapeau à la bouteille de whisky, et je laisse la machine décider à ma place de la quantité à donner à ce gros plein de sucre fermenté. J’suis pas sûre qu’il boive beaucoup de soupe, vu sa taille. Ses pieds touchent même pas la p’tite barre du tabouret.

Une fois le verre remplit, je lui pose sur le comptoir. Il l’attrape de sa petite main grassouillette, et le lève. C’est ça, à ma santé.

« Pas d’glaçons, t’as retenu. L’autre, faut toujours que j’lui rappelle ! »

Et c’est pour ça qu’il trinque, lui ? Et bah dis donc, tu m’étonnes qu’il est imbibé à ce point. À mon avis, il doit pas beaucoup décuver de la journée. Encore un qu’il va falloir que je raccompagne généreusement à la fin du service.

Alors que j’retourne laver des verres, laissant les affaires suivre leur cours, les clients discuter et les verres s’entrechoquer, je sens un regard sur moi. J’me retourne pas. J’ai pas envie de m’énerver. J’ai l’impression que si j’fais volte-face, j’vais voir un truc qui va pas me plaire, et que ma main va finir dans la tronche dudit truc, et que Margo va trouver le droit de m’engueuler. J’suis pas prête à subir les réprimandes d’une patronne qui n’est même pas la mienne. Mais j’ai hâte qu’elle revienne. Qu’elle ait fini de coucher Hugo, et qu’elle me file un coup de main. Elle habite au-dessus du bar, c’est quand même pas la mer à boire, de faire le trajet, non ? Pourtant, j’ai un sale pressentiment. Ce sale pressentiment que j’vais me cogner toute la soirée, parce qu’elle va s’être endormie avec son fils, ou avoir trouvé une excuse parfaite pour me planter. Et comme une bonne fille trop généreuse, j’lui dirai que c’est pas grave, parce qu’en soit, c’est pas si grave. J’aimerais juste être payée au nombre d’heures, des fois. J’pense qu’elle rigolerait moins. Beaucoup moins.

Oh et puis merde. Je me retourne. J’vois le vieux lubrique relever les yeux et détourner précipitamment la tête. Faut de tout pour faire un monde, comme dit l’autre ; et surtout, faut beaucoup de cons, et de mecs qui croient que parce qu’ils ont un truc qui pendouille entre les jambes, ça leur donne le droit de reluquer à tout va les filles comme des morceaux de viande. Mais c’est un habitué. Margo m’en voudrait si j’le contrariais. Alors j’vais simplement faire autre chose. Là où il aura un moins bon angle de vue sur mon cul.

Je sors de derrière mon comptoir, deux petites soucoupes avec l’addition en main. J’en pose une à la cinq, une à la treize. Je ramasse les verres de la huit, et ils me redemandent la même chose. Je hoche la tête, j’attrape le verre qui traîne à la onze depuis que le gars a foutu le camp, et je retourne derrière mon comptoir. Du coin de l’œil je vois la porte qui s’ouvre. Et un mec qui marche pas droit pour la route, un. Ce sera jamais que le cinquième, ce soir.

Il faut que Margo engage quelqu’un d’autre, quand elle veut prendre des jours de congé. Même pour de simples heures de break. Moi, j’tiens pas la route toute seule.

Mojito, pinte de blonde, kir. Sur le plateau, et roulez jeunesse. Alors que j’passe à côté du nouveau venu — qui n’a visiblement pas l’air d’être au mieux de sa forme —, j’me rends compte que je le connais. Et l’espace d’une petite seconde, mon plateau dans la main, j’ralentis pour le regarder. J’sais pas ce qu’il fout là. Il a plutôt tendance à fuir cet endroit comme la peste, depuis qu’on a eu quelques petites explications. Et depuis qu’il m’a planté une aiguille dans le bras, encore plus.

Je donne mojito, kir et pinte à leurs propriétaires, passe un coup de chiffon sur la onze, et je retourne vers mon comptoir. Mais cette fois, j’ai les yeux bas. Je trace. J’fais comme s’il n’était pas là.

Mais il est là. Il est là, et il est soûl.

Suffisamment soûl pour être là.


(c) elephant song.
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MessageSujet: Re: + we ain't go down like this. (connor)   + we ain't go down like this. (connor) Icon_minitimeMar 12 Mai 2015 - 23:49

― abbie & connor ―
i should have known, the crown weighs heavy,
heavy as i sit back in my throne.

« Dehors. » « Allez, fais pas ta pute. » « J’ai dit : dehors. Rentre chez toi. »

Et maintenant j’suis là, comme un con, planté sur le trottoir à pas savoir quoi faire. C’pas la première fois qu’on me vire d’un bar, soyons honnêtes. Ça m’arrive même plus souvent qu’il le faudrait, mais alors celle-là on me l’avait pas encore faite : il trouve que j’ai trop bu, c’t’abruti. Ouais, et alors ? J’le paie l’alcool alors qu’on m’le donne, merde. J’crois qu’il veut faire trop de zèle, p’t’être qu’il pense qu’on est potes et qu’il prend soin d’moi mais il se fourre le doigt dans l’œil, et jusqu’au coude. J’vais pas rentrer chez moi. J’veux boire. Alors j’vais boire. Et s’il veut pas m’remplir mon verre, tant pis pour sa gueule. Faudra pas venir s’plaindre de mes infidélités.

J’marmonne dans ma barbe comme un vieux qui retrouve plus son dentier, pis mes paluches viennent se planquer au fond de mes poches quand je commence à avancer. Ça tangue un peu mais j’tiens debout alors ça fait rien, mes guibolles continueront de me porter jusqu’au bout – elles ont plutôt intérêt. L’air est plus froid qu’mes prunelles, le ciel aussi noir que la robe d’une veuve, et j’suis obligé de remonter le col de ma veste pour me protéger un peu. J’traîne des pieds en me demandant quelle heure ça peut bien être, mais ça m’intéresse pas assez pour que j’me penche réellement sur la question alors j’laisse tomber. J’erre comme une âme en peine, c’est triste à voir, on dirait un paumé à la recherche d’un p’tit coin de paradis, un pauvre type qui sait plus où il va. Mais moi je sais. Enfin, à peu près. Le premier bar que j’croise, j’le prends en otage. J’m’en fous bien de savoir où, avec qui, comment, j’veux juste visser mon cul sur un tabouret et m’brûler l’œsophage à grands coups de whiskey bon marché ; rigolez pas, les p’tites gens font avec les moyens du bord même si c’t’un affront. Un jour j’achèterai une vraie bouteille, une vieille qui t’fait vriller la tête avec une seule goutte. Mais en attendant j’me contente de ce que j’ai. Vous savez c’qu’on dit : qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.

Ah. Mon cerveau réagit plus vite que moi, j’me retrouve collé devant une porte que j’ai pas l’impression de connaître. Dedans c’est lumineux, y’a un peu d’agitation, ça m’a l’air pas trop mal. En vérité ça pourrait tout aussi bien être un club échangiste, rien à foutre, s’ils ont de quoi boire j’me porte volontaire. J’mets même pas une seconde à pousser la porte, et je m’engouffre à l’intérieur, titubant un peu trop à mon goût. Faut m’excuser, j’ai jamais été un mec très équilibré – prenez ça dans l’sens qui vous fait plaisir. J’tourne au ralenti alors j’reste debout au milieu de la salle, lançant un regard circulaire pour scanner un peu mon nouvel environnement. C’est plutôt cool, d’ailleurs. La décoration est assez sobre, un peu old school pile comme j’aime, les autres pochtrons ont pas l’air trop cons, et puis l’ambiance qui se dégage du coin me plaît bien. Comment ça s’fait que j’connaisse pas ce bar ? Il est p’t’être même mieux que ceux où j’trimballe habituellement ma carcasse, j’vais songer à être infidèle plus souvent, ça s’avère beaucoup plus fructueux que prévu. Un sourire ravi mais visiblement alcoolisé vient recourber mes lèvres et je lève une main vers mon oreille, dérobant la cancéreuse perchée là depuis trop longtemps déjà. Il me faut deux tentatives avant de pouvoir l’allumer mais j’espère que personne a rien vu, et je tire une taffe en relevant la tête. J’aurais pas dû.

J’me souviens pourquoi je viens pas ici. J’me souviens trop bien d’un coup, ça m’fout une douleur dans les tripes et j’ai le palpitant qui s’arrête de battre pendant une seconde. C’est sa faute. Elle me passe devant, yeux baissés et allure rapide. Putain. Manquait plus qu’ça, cette soirée est vraiment merdique finalement. J’observe la blonde se camper derrière son comptoir et je soupire en secouant doucement la tête. Fallait qu’ça tombe sur moi. Fallait que j’me retrouve pile dans le bar où elle bosse, la bougresse. J’devrais certainement tourner les talons et rentrer chez moi pour me terrer avec une de mes bouteilles personnelles, mais j’suis pas sûr que ce soit une meilleure option – dans les deux cas j’suis face à des morceaux de Mia. Au moins ici, j’peux espérer me changer les idées grâce à tous les débiles qui peuplent le bar, prêts à s’foutre une mine, aussi pathétiques que moi. Fuck it, j’vais pas fuir comme une p’tite merde.

En quelques pas, j’suis au comptoir et je m’assoie sur l’un des tabourets, continuant de malmener ma clope à défaut de pouvoir me défouler avec autre chose. J’la regarde et ça fait comme un goût amer sous ma langue, comme la bile qui remonte le long de la gorge pour faire venir le cœur au bord des lèvres. J’la regarde et j’vois rien, rien qu’une nana aux longs cheveux blonds et aux yeux clairs, rien qu’une femme sans importance. Mia, elle est plus là. J’m’en suis assuré. J’l’ai tuée en arrachant le don d’Abbie, mais le vide s’est pas comblé. J’crois même qu’il s’est creusé. Cette fois mon sourire est acerbe, mes prunelles s’éteignent en restant figées sur elle comme le calibre d’un flingue contre sa tempe. « Visiblement j’me suis perdu. Mais j’crois qu’il va m’falloir un remontant pour pouvoir faire le chemin inverse. » Un seul ça suffira pas mais on va commencer doucement, elle a pas besoin d’savoir que je compte dévaliser toutes ses étagères jusqu’à ce que je m’étouffe dans mon propre vomi. Mon vieux m’a toujours dit d’épargner les détails aux donzelles, paraît que ça fait mauvais genre sinon, c’est pas galant et ça vous fait passer pour un malotru. Le plus con dans cette histoire c’est que j’en suis un, alors c’est voué à l’échec, personne y croit. « Ça mérite bien un p’tit cadeau d’la maison, tu trouves pas ? » Quitte à être condamné à boire ici, autant essayer d’me le faire offrir. Elle me le doit bien vu les aiguilles qui s’enfoncent dans ma poitrine à chaque seconde passée près d’elle ; elle me fout à l’agonie. Faut bien que j’remplace l’hémoglobine qui semble me quitter aussi précipitamment qu’ma femme a pu le faire. Qu’on me saigne à blanc, j’remplirai mes veines au tord-boyau.
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MessageSujet: Re: + we ain't go down like this. (connor)   + we ain't go down like this. (connor) Icon_minitimeJeu 28 Mai 2015 - 15:21

man is a parasite
connor & abbie


J’pensais qu’il allait faire demi-tour en m’voyant, et avoir l’intelligence de foutre le camp. J’pensais qu’il en avait eu sa claque de moi, de m’voir, même si c’était pas tout à fait moi. Moi sans être moi, le cauchemar de plusieurs années. Il voyait sa gamine, sa gosse égarée, c’te p’tite chose que la vie avait pris beaucoup trop tôt. Trop tôt, comme trop d’autres choses. Vie de merde. Sale pute.

J’respire. J’ai envie de lui dire de se tirer, d’aller cuver son whisky ailleurs, qu’y a aucune bouteille pour lui ici. Pas parce que j’le déteste. Connor, j’le déteste pas. J’ai même du respect pour lui. Plus que du respect, j’lui dois quelque chose. Une fière chandelle. J’lui dois sûrement d’être encore en vie, et, surtout, de pas être devenue cinglée. Mais j’veux qu’il dégage. Parce qu’il est soûl, et que j’ai pas envie d’entendre parler de sa gamine, ou qu’il me fasse des sous-entendus de merde sur je sais pas trop quoi. J’ai pas envie qu’il s’noie dans son chagrin, et qu’il souhaite que ce putain de vaccin ne fasse plus effet, ou bien qu’il se vante de me l’avoir plongé dans les veines.

J’sais pas pourquoi j’veux pas qu’il soit là. Peut-être que c’est qu’au fond, j’m’inquiète pour lui. Peut-être, ou peut-être pas. Mais vaut mieux qu’il foute le camp. S’il est là pour mettre le bar à sac, j’vais lui faire comprendre que j’ai p’t-être des bras gros comme des épingles, mais j’ai plus de couilles que la plupart des pochtrons affalés aux tables.

Il prend place au comptoir, alors que je suis en train de mettre des verres à laver, de ranger un peu mon comptoir, ou plutôt le bordel de mon comptoir. Ramasser le verre d’un gars qui vient de se tirer en me laissant un généreux pourboire, et passer un coup de chiffon pour enlever la petite auréole de condensation que sa pinte a laissée, le temps d’être bue. Et puis alors que je fous le verre dans un bac, il me lâche une petite phrase ou deux. Il doit s’croire le meilleur au monde, avec sa clope et sa gueule d’alcoolique déjà sérieusement éméché. Il a bien attaqué la soirée, lui.

« Y a se perdre, et être au fond du trou. J’pense que t’es plus proche de la deuxième option que d’la première. Éteins ta clope, ou tu verras jamais la couleur du moindre remontant. On fume pas ici. »

J’ai pas l’intention de me montrer aimable et délicate. Je suis de mauvaise humeur. Ma sympathie, elle s’est envolée au moment où ce connard m’a maté le cul, de l’autre bout du bar. Je vais peut-être faire un effort pour les autres clients, mais pas pour Connor. Surtout que cette imbécile croit qu’il peut s’faire offrir à boire, ici. Il a pris les canards pour les enfants du bon Dieu, lui. À moins que ce soit l’inverse. J’sais plus. J’m’en contrefiche comme de l’an dix-huit.

« Non, j’trouve pas. Va en falloir un peu plus pour me prouver qu’tu l’mérites, ton cadeau. Pour le moment, tout ce que je vois, c’est que t’as l’air suffisamment à la ramasse pour atterrir ici, et j’sais pas si j’suis bien disposée à t’encourager dans la débauche. C’est pour ton bien, tu sais. »

J’ai pas l’intention de lui dire d’aller aux alcooliques anonymes. Il fait bien ce qu’il veut de sa santé, franchement.

Je crois que je devrais faire un effort. Qu’il mériterait peut-être un petit verre. Mais le truc, c’est que c’est pas mon bar. C’est pas mon bar, et c’est pas moi qui décide d’offrir un verre à tel ou tel client. Et même si c’était mon établissement, j’sais pas si j’aurais consenti à lui offrir quoi que ce soit. Il a trop bu. Comme toujours. Je trouve ça triste. Et peut-être qu’être virulente, c’est ma manière à moi de lui faire comprendre. Le tact, toutes ces conneries là. J’ai jamais compris à quoi ça servait, dans l’fond.

Un type prend place à côté de Connor. J’le vois du coin de l’œil, mais j’y prête pas une attention particulière. Pas tout de suite, du moins. Et puis, j’entends sa grosse voix. Un peu pataude, engourdie par l’alcool, elle aussi.

« Ce s’ra… Ce s’ra cooooomme d’habitude. Ouaip’. »

Je relève les yeux, et j’le regarde. Cet enfoiré de Sherman. J’ai envie d’lui coller mon pied dans les bijoux de famille chaque fois que j’le vois. Mais j’dis rien. Juste ce regard noir, et ce p’tit grognement.

« Le mot magique, c’est pour les chiens ? »
« S’il te plait, ma beauté. »
« J’suis pas ta beauté. »
« Mais t’es une beauté. »

C’est pas la soirée, pauvre con. Recommence ça encore une fois et j’vais te castrer.

Je lui sers sa pinte, et j’lui fous sous le nez. J’me suis déjà retourné quand il reprend la parole, avec sa putain de voix dégoulinant de mièvrerie, d’hypocrisie, et de connerie.

« Merci, soleil de ce bar. »

J’vous jure, j’vais lui défoncer la gueule à coups de crosse. Ou de n’importe quoi qui me tombera sous la main d’ici là.

Mais j’ai pas le temps de dire quoi que ce soit que j’l’entends parler. À quelqu’un d’autre. Et que j’devine rapidement à qui il parle. Et que j’ai comme l’impression que ça va pas bien se passer. Comme l’impression que mon pressentiment s’était avéré juste, et qu’il aurait mieux valu que Connor ressorte aussitôt qu’il était entré.

« Tiens, mais c’est c’bon vieux Chapman. Oh mais attends, t’es plus flic. J’te dois plus de respect. C’est vrai qu’t’es tombé bien bas. J’vois pas qui pourrait encore bien vouloir te respecter. »

Et il ricane, l’abruti. Il ricane, et je sens mes muscles me tendre, exactement comme si j’étais Connor. Et j’en ai mal pour lui. Mal à l’égo. Je vous ai déjà dit que je détestais ce gars ?

« Pourtant j’me souviens de ce temps où t’étais encore un mec respectable. Une femme, une fille, un boulot, tout ça. Maintenant, la bouteille… Tu m’diras, y a bien longtemps que j’dis que c’est une bien meilleure compagne qu’une poule. Toi qui as eu les deux, t’en penses quoi ? »

Tu m’demandes pas mon avis, mais moi, j’en pense que t’es un con. J’en pense que j’pourrais intervenir, mais que je ne fais rien. Parce que c’est pas mon bar. Et que je trouve beaucoup plus drôle l'idée de laisser Connor faire. Je garde le dos tourné et j'fais la sourde oreille, en souhaitant silencieusement qu'il lui explose les dents.

Parce que tu ricanes, pauvre con. Mais y a des soirées, comme ça, où faudrait apprendre à fermer sa gueule.

Alors ricane, ricane, tant que t’as encore des dents pour le faire.

Et rira bien qui rira l’dernier.


hors jeu :

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MessageSujet: Re: + we ain't go down like this. (connor)   + we ain't go down like this. (connor) Icon_minitimeJeu 11 Juin 2015 - 21:49

Y a des moments comme ça, où j’me dis que j’dois sûrement être un peu maso. Parce que, franchement, qu’est-c’que j’fous là ? Avec Abbie dans les parages, j’aurais dû déguerpir. J’aurais mieux fait d’me tirer dès que mon regard a croisé sa direction, m’trouver un autre bar et boire jusqu’à oublier son putain d’visage qui n’a plus rien de celui de Mia. Je sais pas ce que j’fous. Je sais pas pourquoi j’viens m’planter sur ce tabouret merdique, à ce comptoir merdique, avec mon sourire merdique. Tout est merdique, du parquet jusqu’à ma clope qui a pas l’air de plaire à la principale intéressée. Comment ça, on fume pas ici ? Si elle croit que j’vais l’éteindre ou aller la griller dehors, elle rêve. Tant pis j’reste là, et si ça lui plaît pas elle aura qu’à m’foutre un procès au cul tiens, histoire qu’on rigole, histoire de voir si m’foutre dans la merde peut redonner un peu d’couleurs au quotidien – on sait jamais. En attendant j’me contente d’afficher un sourire en coin délicieusement détestable, typiquement le genre de rictus qui me donne l’air d’une tête à claques. Ce que je suis, objectivement. Je tire une nouvelle taffe de mon second poison favori et puis je souffle la fumée dans sa direction, ça lui vient au visage et aucun doute que l’odeur va s’imprégner du fond de ses narines jusqu’aux racines de son cuir chevelu ; si ça peut l’emmerder c’est encore mieux, la c’rise sur le cake ou j’sais plus quoi. « Nique la police. C’est bien ça qu’ils disent les jeunes, non ? » L’ironie transpire du bout de mes lèvres et j’lâche un vague ricanement en continuant de m’encrasser les poumons tranquillement. J’suis con je sais, y a rien de drôle je sais, c’est pathétique je sais. Je sais, merde. J’m’en tape. Puis vu comme elle est aimable j’vois pas pourquoi j’ferais des efforts, faut pas déconner non plus. Elle veut pas m’offrir de remontant et la seule excuse qu’elle trouve c’est qu’elle fait ça pour mon bien. Cette fois mon éclat de rire est plus franc, parce que j’trouve ça sincèrement comique. Et puis quoi encore ? Elle va m’prendre par la main et m’dire qu’elle est là pour moi ? On sait tous les deux qu’c’est ridicule, on est pas amis, on l’sera jamais, et à mes yeux c’est la seule catégorie de gens qui peut bien m’dire « c’est pour ton bien » en le pensant. Alors pour la crédibilité, elle repassera. « Tu parles, dis plutôt qu’t’es radine, ça s’ra plus plausible. » C’est complètement stupide c’que je raconte, j’sais bien en plus que c’est pas son bar et qu’elle peut donc pas offrir des trucs comme elle veut. Mais rien à foutre. J’suis bourré, ça m’donne le droit d’être con. J’veux dire, plus que d’habitude, quoi.

J’ai pas l’temps de sortir mes plus beaux arguments – auxquels j’ai pas encore réfléchi d’ailleurs – qu’on me vole mon interlocutrice. Mes prunelles se posent instinctivement sur le nouvel arrivé, calé sur le tabouret à ma droite. Il a l’air encore plus farci que moi le bougre, ça fait pitié à voir ; et c’est là que j’réalise le superbe spectacle que j’dois offrir. Puis j’le reconnais, ce type. Sherman, j’sais plus son prénom, on est pas exactement intimes. J’ai pas la moindre envie d’l’être avec lui, j’l’ai croisé un paquet d’fois au poste parce que c’est un sale exhibitionniste. Récidiviste, en plus. J’sais pas comment ça s’fait qu’il soit toujours pas enfermé ce con, une vraie merde ambulante celui-là. Pourtant j’peux pas m’empêcher de ricaner dans ma barbe en observant leurs interactions, l’agacement d’Abbie est tellement palpable que j’devine les démangeaisons qui doivent lui parcourir la main à l’idée de lui foutre un pain dans la gueule ; j’dis pas, il le mériterait. J’suis peut-être pas un gentleman ou chevalier servant, mais j’comprendrai définitivement jamais les gros lourds dans son genre. Vous m’direz, il aime montrer sa queue à tout l’monde dans la rue alors il est hors catégorie, y a un truc qui déconne sévèrement là-dedans. J’reste dans mon coin, plus concentré sur ma clope qu’autre chose, j’attends mon heure pour gagner un verre d’une façon ou d’une autre. Mais forcément, il m’a vu aussi. Et forcément, il peut pas s’empêcher de m’adresser la parole. Y a des gens, faudrait les tuer à la naissance, j’vous jure. Quand les mots se fraient un chemin jusqu’à mon cerveau, j’sens mes muscles se raidir les uns après les autres. Il aurait pas dû. Il est tellement stupide qu’il se sent même obligé d’en rajouter une couche, la tartine s’étale et une colère sourde m’envahit sournoisement. J’bouge pas. J’le regarde même pas. J’suis toujours en train de fumer sereinement, j’ai rien laissé paraître si c’n’est mes mâchoires qui se sont contractées dangereusement. Il va l’regretter.

Une dernière taffe de mon incandescente pour la route et puis j’me redresse lentement, venant me pencher par-dessus le comptoir pour l’écraser dans le premier verre vide que je croise – pardon, y a pas de cendrier alors on fait avec les moyens du bord, c’pas ma faute, on fume pas ici. Abbie m’engueulera plus tard. Pour l’moment j’suis un peu occupé. Ma silhouette se tourne vers ce connard, un rictus méprisant venant étirer le coin de mes lèvres. « Tu veux savoir c’que j’en pense ? » L’intonation est calme, tellement que ça en est franchement inquiétant. Je m’approche de lui, la démarche nonchalante, et puis j’attaque. Sans prévenir, mon poing s’écrase contre son nez qui craque sous l’impact, sa tête basculant vers l’arrière alors qu’il lâche un râle de douleur. D’une main, je saisis son crâne pour le projeter vers le comptoir, le côté droit de son visage s’abat sur le bois avec un bruit sourd et il gémit une nouvelle fois. Je me penche vers lui, ma bouche à quelques centimètres seulement de sa face quand je me mets à parler froidement. « J’en pense que la prochaine fois, j’te refais l’portrait dans les formes. T’as raison, j’suis plus flic, maintenant y a plus rien qui m’empêche de t’faire la peau et Dieu sait qu’j’en rêve depuis des lustres, mon gros. » Y a pas de vagues dans ma voix, c’est presque monocorde mais la menace n’en est pas moins réelle. J’lui aurais bien sorti mon couteau-papillon pour l’voir pisser dans son froc mais j’me garde ce tour pour la prochaine fois, ça sera mon p’tit plaisir personnel. Mes doigts se cramponnent à sa tignasse pour la serrer alors que j’continue de le comprimer contre la surface dure, appuyant mon poids sur lui. « Et si j’apprends qu’tu recommences à montrer ton p’tit oiseau partout, j’viendrai t’chercher moi-même. Vaut mieux qu’tu fasses profil bas, Sherman. Conseil d’ami. » Mon sourire pue le sarcasme alors que j’le relâche aussi brusquement que je l’ai chopé, et il se relève avec un air mi-outré, mi-craintif. J’lui prête même pas attention en préférant me tourner vers Abbie à nouveau, arquant un sourcil avec un air de défi. « Ce s’ra un whiskey sec, l’meilleur que t’as en stock. J’crois que j’viens clairement de mériter qu’ce soit offert par la maison. » Après tout j’suis sûr qu’elle mourrait d’envie de lui foutre son poing dans la tronche elle aussi, j’viens de lui rendre service quoi qu’elle puisse en dire, elle doit le savoir au fond. « Tu m’dois bien ça. » Qu’elle comprenne ce qu’elle veut dans cette phrase, ça peut autant faire allusion à Sherman qu’à nos précédentes rencontres, même si en vérité elle me doit rien et vice versa. C’que j’ai fait c’était pas pour elle, c’était pour moi, c’était de l’égoïsme pur et dur mais l’résultat a été positif que de son côté. Ça m’apprendra c’que je savais déjà : karma is a fucking bitch.
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MessageSujet: Re: + we ain't go down like this. (connor)   + we ain't go down like this. (connor) Icon_minitimeSam 20 Juin 2015 - 0:02

search and destroy
connor & abbie


Intérieurement, je me marre. Parce que y a des gens qui sont assez cons pour faire ce genre de choses. J’veux dire, critiquer et même insulter quelqu’un de plus dangereux qu’eux. Quelqu’un qui peut leur faire la peau avec rien que le p’tit doigt, s’il en a envie. Y a des gens qui sont suffisamment arrogants — et suicidaire — pour donner un violent coup dans la corde sensible, et attendre la réaction avec un sourire béat aux lèvres. Pauvres insectes, misérables vermisseaux.

Et moi, j’ai attendu. J’ai attendu la réaction qui, je le savais, viendrait, et serait bien plus violente que ce que ce pauvre abruti n’aurait jamais pu escompter. Parce que malheureusement, Connor est comme ça. Et pour qui le connaît un tant soit peu — et même moi je ne le connais pas tant que ça —, on sait que ça doit mal se terminer. On sait qu’la bête a été blessée, saignée à blanc, et que c’est pas une bonne idée de donner un coup dans les plaies béantes et purulentes, en ricanant comme un abruti de première catégorie, et en demandant : « Est-ce que ça fait mal, dis ? » Mais voilà, certains ont été privés de cerveau à la naissance, et ne comprennent pas ce simple concept. Tellement pas qu’ils se permettent ce genre de confrontation. Et malheureusement pour eux, les gens qui pourraient intervenir ne font rien. Tout d’abord, parce que personne n’aurait osé se mettre en un Connor enragé à ce point et sa proie. Et ensuite, parce que la seule personne à gérer le bar et qui aurait pu balancer férocement un verre dans la tronche de l’ancien flic pour le calmer un peu, alias moi, a délibérément décidé de ne pas intervenir et de savourer le spectacle.

Moi, j’prendrais les pop corn si y en avait, et j’ferais même la queue pour voir cette tronche de cul se faire défoncer par Connor.

Moi, j’regarde, et j’profite.

Je jette le mégot dans la poubelle, sans même penser à engueuler Chapman pour ça. J’ai enlevé le verre juste à temps pour que la gueule de Sherman puisse s’écraser sur le comptoir. J’leur tourne le dos, et je lave tranquillement le récipient. J’sens les regards outrés — voire effrayés — sur mon dos, mais j’m’en contrefous. J’suis pas toujours du bon côté dans une baston. Mais là, j’considère que Connor, c’est l’bon côté. Et si toutes ces têtes de con ne sont pas d’accord, tant mieux pour eux. J’suis pas officiellement employée de ce bar, à la fin, merde.

J’peux pas m’empêcher d’avoir un putain de sourire en coin. J’connais la réputation de Sherman, j’sais qu’il s’est déjà fait coffrer pour exhibitionnisme. Et c’est aussi pour ça que j’ai laissé Chapman lui rafraîchir les idées sur sa place dans la chaîne alimentaire. Y a des mecs qui mériteraient de faire un séjour définitif derrière les verrous, et même de s’y faire piquer, avec un peu d’chance. J’suis pas pour la peine de mort, j’ai pas dit ça. Mais y a vraiment des cons, dans la vie, et parfois, j’me dis qu’il faudrait trouver comment s’en débarrasser une bonne fois pour toute, ou bien au moins les mettre à profit.

Pendant que Connor se tourne vers moi pour quémander à nouveau son whisky gratos, j’vois Sherman se relever, du coin de l’œil. Je le vois ouvrir la bouche, chercher ses mots pour répondre quelque chose, mais essuyer sa lèvre fendue de sa manche. Il titube, bien sonné, et se tient le nez. Et puis, j’vois sa cage thoracique se gonfler. Il a dû trouver quelque chose. Quelque chose à répondre, malgré son cerveau déjà bien entamé par la connerie. Sauf que j’ai plus envie d’entendre sa voix. J’ai plus envie d’entendre quoi que ce soit qui puisse sortir de sa bouche.

« Casse-toi, trouduc. »

Il me regarde, sans comprendre. J’baisse pas les yeux. J’ai pas encore répondu à Connor, mais ça va v’nir. J’soutiens le regard de cette enflure de Sherman. Et il sait que j’hésiterais pas à répéter. Il sait que Chapman, lui, hésitera pas à cogner à nouveau. Alors il ramasse ses cliques et ses couilles, et il s’en va avec sa bite sous l’bras. J’ose espérer qu’il nous embêtera plus de la soirée, cet abruti.

J’me tourne vers le bar, j’attrape un verre, et je verse un whisky. J’me retourne vers Connor, et j’lui plante le verre sous le nez.

« Les chaleureux remerciements de la maison pour le spectacle. Fort distrayant, et tout à fait éducatif pour tous les autres trouducs de ce bar. »

C’est tout ce à quoi il a le droit. C’est déjà plutôt pas mal.

Sauf que ça, c’était sans compter Margo.

Margo, qui a croisé l’autre connard de Sherman à la sortie du bar, et qui a entendu mes dernières phrases. Qui a vu le verre de whisky offert par mes bons soins. Putain, c’est p’t-être un des premiers verres que j’offre depuis que je travaille ici. Mais ça loupe pas. Elle a dû passer une franchement mauvaise journée, parce que v’là qu’elle me tombe dessus comme si j’étais qu’une putain d’employée qu’elle pouvait traiter comme de la merde.

« C’est une blague, j’espère ? »

Quand j’la vois, comme ça, debout à l’entrée du bar, je sens que la journée est terminée pour moi.

« Oooooookay, le service est fini, j’ferme boutique moi, adressez-vous à la patronne. » Et, avant qu’elle ait pu rouvrir la bouche. « V’là le prix du whisky sec que J’AI offert à monsieur, la treize attend d’être débarrassée, et la vingt-et-un veut repasser commande. Bonne soirée, amuse-toi bien. »

C’est pas ma patronne. J’suis qu’une putain de bénévole ici. Et j’ai pas envie de me faire taper sur les doigts. J’ai pas envie de me prendre la tête avec elle, ni rien. Je sais que Margo va sûrement engueuler Chapman, et qu’il risque de devoir avaler son whisky rapidement avant de foutre le camp du bar à son tour. Les bastons, elle ne les tolère pas du tout. Et en général, elle exclut les deux. Moi, j’m’en soucie plus. J’ai posé mon tablier sur le comptoir — j’vais pas non plus ranger alors que j’suis traitée comme une esclave, faut pas déconner —, j’ai attrapé ma veste sur le porte-manteau, et j’ai pris la direction de la sortie, sans attendre ce qu’elle a à me dire. J’veux pas qu’on se prenne la tête. On s’engueulera demain, après son service. Là, elle va avoir autre chose à foutre.

Une fois dehors, je prends l’air. J’sais pas où est passé Sherman. J’le vois pas. Ça m’est un peu égal, et sur le coup, j’y pense pas.

En fait, dans ma tête, je compte. Je compte le nombre de secondes que Connor va mettre avant d’accepter l’idée de s’faire éjecter du bar par Margo, et d’se retrouver dehors comme un con, avec moi. Parce que c’est ce qui va lui arriver, qu’il le veuille ou non. Et y a des habitués qui adorent Margo. Et s’il obtempère pas, il se fera mettre dehors, qu’il le veuille ou non. Pas d’baston dans l’établissement, après tout.

Dans dix secondes, je pense que c’est plié.

Et…

Bingo.

« Tu tombes bien. T’as une clope ? »

J’aime pas fumer. Mais j’ai besoin de me passer les nerfs.

« Je t’aurais bien demandé une bouteille, mais j’pense que si t’en avais eu, tu serais pas venu là. »

Alors, j’demande une clope. Tant pis si c’est du foutage de gueule.

Et si Sherman revient, il est à moi.


(c) elephant song.
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MessageSujet: Re: + we ain't go down like this. (connor)   + we ain't go down like this. (connor) Icon_minitimeMer 24 Juin 2015 - 20:48

La désinvolture, c’t’un peu ma marque de fabrique depuis toujours. J’suis pas du genre à m’énerver pour rien, j’trouve que c’est une perte d’énergie et puis ça donne l’air franchement con si vous voulez mon avis. Tous ceux qui m’connaissent un minimum savent que j’sors pas facilement de mes gonds, mais que quand ça arrive c’est jamais très beau à voir. Et même si ces dernières années j’suis plus instable qu’avant, j’suis toujours pas une bestiole enragée, juste un pauvre type un peu plus violent qu’la moyenne quand on touche les sujets sensibles. Pas besoin d’être medium pour deviner d’quoi il s’agit, n’importe quel abruti est en mesure de l’savoir, y compris cette raclure de Sherman. Et pourtant, le v’là qui fout le pied en plein dans la merde. Le pire c’est qu’il cumule tout c’qui faut pas mentionner devant moi et il en est fier comme un coq, mais vous savez c’qu’on dit : suffit pas d’se foutre une plume dans l’cul pour y ressembler. Dans l’fond, j’sais même pas s’il a fait exprès en voulant voir si j’lui casserais la gueule, ou s’il avait sincèrement pas conscience de ce qu’il risquait. L’alcool rend teubé, certes, j’suis bien placé pour le savoir d’ailleurs, mais ça m’laisse quand même perplexe de découvrir de nouveaux niveaux de la connerie humaine chaque jour. On croit toujours qu’on a vu l’fond, qu’on l’a touché du bout des doigts ou même de tout son long, pis y a toujours un truc ou un connard pour prouver qu’non, vraiment, c’truc-là est illimité. J’crois que ça serait p’t’être même fascinant si c’était pas aussi pathétique, en fait. J’suis pas un sadique, mais j’dois bien avouer que l’voir souffrir sous la force de mes phalanges, ça m’soulage. C’pas sain, hein ? C’pas forcément parce que c’est lui en plus et c’est sûrement ça le pire, n’importe quel type aurait pu être à sa place que j’aurais été content. Une histoire de défouloir. Probablement. À vrai dire j’sais pas, j’m’en fous, j’veux pas savoir. J’veux rien. J’veux juste boire. Alors comme un sale gosse qui veut faire céder sa mère dans un grand magasin, j’réitère ma demande sauf que cette fois j’ai d’meilleurs arguments, cette fois elle a pas d’vraie raison de refuser et elle le sait. J’serais même prêt à lui faire ma bouche en cœur pour m’assurer la réussite d’la mission mais elle est trop occupée à fusiller Sherman du regard pour s’occuper d’moi. J’dis rien, j’la regarde faire en m’retenant de ricaner et j’lance une dernière œillade vers l’autre con qui finit par dégager sans d’mander son reste. C’est con que j’puisse pas apprécier Abbie à sa juste valeur. On fait une équipe pas si terrible que ça, finalement.

Mais l’plus important dans tout ça, c’est mon verre. Il apparaît sous mon nez comme par magie et j’l’attrape entre mes griffes avec le sourire du soldat récompensé pendant qu’elle m’balance des jolis remerciements. Pour la forme, j’baisse la tête en signe de courbette, faisant un moulinet d’ma main libre en levant mon verre dans sa direction. J’lui refais le spectacle quand elle veut, à la condition d’avoir suffisamment d’grammes d’alcool dans le sang pour supporter sa face sans avoir envie d’me tirer en courant. Sauf qu’une voix intervient près d’nous et j’tourne la tête pour découvrir une nana que j’mets un instant à replacer – la patronne, c’est elle. Et elle a pas l’air contente, la p’tite. C’est à cause d’mon verre ? Tous des radins, ma parole. J’suis presque prêt à le lui dire mais Abbie m’coupe dans mon élan, son irritation plus que palpable à chaque mot qu’elle prononce. Y a de l’eau dans l’gaz on dirait, vaut mieux pas s’mêler de ces histoires ; les crêpages de chignons c’est l’truc le plus barbare sur Terre, sérieusement, y a qu’un suicidaire pour s’foutre au milieu et j’ai beau être tout c’que vous voulez, jamais d’la vie j’me risquerai à entrer sur un ring qui oppose deux femmes. Nope. J’préfère me noper dans une autre galaxie que faire un truc pareil. Mais visiblement le combat de titans sera pas pour ce soir, la blonde préfère se barrer aussi rapidement que l’autre est arrivée, et moi j’reste là à observer la scène en silence. Quelque part j’suis presque soulagé, comme ça j’serai plus obligé d’l’avoir dans mon champ d’vision, j’suis libre pour la soirée et j’vais pouvoir boire tranquille. Alors dans l’fond, c’pas plus mal. « C’est toi qui a cogné Sherman ? » Ok. J’me suis trompé. Merde, pourquoi j’ai toujours tort ? J’dois avoir une malédiction ou quelque chose comme ça, à ce stade c’la seule explication. « Ouais. » « Dehors. J’sais pas où t’as l’habitude de boire, mais ici, la baston c’est pas toléré. » Double merde. Dans une vie précédente, j’devais être un sacré connard et j’le paie maintenant. Mais du coup j’ai niqué mes prochains karmas parce que j’suis pas un exemple dans ma vie actuelle non plus, triple merde, attendez, j’peux pas m’rattraper ? J’crois que c’est un peu trop tard. À tous les coups, j’vais me réincarner en limace. Ou en coq. Vous savez à quel point c’est con, un coq ? « Ok, on se calme. Il l’avait mérité. Exhibitionniste et connard de service, j’te jure, j’ai rendu service à la communauté. Puis c’était pas une baston, j’l’ai juste un peu secoué. Rien d’bien méchant. Demande aux autres gars du bar, tu verras, j’dis pas des conneries. » J’me tourne à moitié vers lesdits gars du bar, cherchant un peu d’soutien, mais tout c’que je récolte c’est deux-trois regards noirs et un je-m’en-foutisme général. Merci pour la solidarité. « Dehors. » Fait chier. « T’es en train d’perdre un futur fidèle client. » C’est pas vrai. J’peux pas être fidèle ici alors que j’évite la barmaid qui était présente y a même pas cinq minutes. Mais elle a pas besoin de le savoir, on dira rien. J’la vois qui croise les bras contre sa poitrine et je sais pas si elle a fait signe aux autres pendant que j’regardais pas, mais j’vois deux clients qui se lèvent et qui font mine de venir vers moi. C’est ça, ses vigiles ? Bah putain, j’espère qu’elle se fera jamais braquer. Mais j’ai pas envie d’causer des emmerdes ce soir, j’ai juste envie d’boire encore un peu et d’aller m’coucher, alors j’laisse tomber. Mes paumes se lèvent en signe de paix et j’lâche un profond soupir. « Ça va, j’m’en vais. J’finis juste mon verre d’abord. » Je l’avale cul-sec, j’me redresse en faisant un salut militaire à la patronne et j’lui lance un sourire qui fait à peu près l’même effet qu’un majeur levé – c’est tout un art de l’faire sans se servir de ses doigts, parce que bon, ça s’fait pas envers une dame. Même quand c’est une emmerdeuse.

Retour à la case départ. J’me suis fait éjecter, j’suis dehors, il fait froid, il fait nuit, et j’ai toujours pas fini d’étancher ma soif. J’crois que la soirée peut pas être pire. Et puis elle m’demande une clope. J’avais encore tort, faut croire. J’sais pas pourquoi elle est encore là, elle aurait mieux fait de rentrer chez elle, plutôt que m’demander une cigarette. « J’sais pas. Faut m’prouver que tu l’mérites, ton cadeau. » Ouais, j’me fous ouvertement d’sa gueule en répétant c’qu’elle m’a dit à ma première demande d’un verre gratuit. Mais elle a pas été trop chiante avec moi, alors j’peux bien faire ce geste. Juste pour cette fois. J’plonge la main dans la poche arrière de mon jean, amène le paquet à moitié écrasé jusqu’à moi pour en extirper deux cancéreuses et j’lui en tends une, fourrant l’autre entre mes lèvres. J’allume la mienne et puis j’lui balance le briquet dans la tronche – si elle l’attrape au vol tant mieux, sinon elle s’le prend en pleine face c’est son problème ; j’allais quand même pas lui mâcher l’travail, faut pas déconner. « Les bouteilles sont stockées au chaud chez moi, j’me balade pas encore dans la rue avec. J’comptais dévaliser ton bar mais c’t’un peu compromis par mam’selle porte-de-prison. T’es d’jà pas très aimable, mais j’crois qu’elle, elle te bat à plate couture. » J’dis pas, elle est peut-être très gentille la demoiselle. Mais dans c’cas, elle cache bien son jeu. Et maintenant, j’suis là, dans le noir, à fumer avec Abbie. Y a des jours, vaudrait mieux rester couché. « Mais d’puis quand tu fumes, toi ? J’ai pas l’souvenir que ça fasse partie d’tes vices. » Non pas que j’la connaisse par cœur, mais quand même un peu plus qu’il le faudrait. C’est c’qui arrive quand on enquête sur quelqu’un, les aléas du métier et toutes ces conneries. « Au moins, cette fois j’me souviendrai d’plus v’nir ici. » J’dis ça plus pour moi que pour elle au final, comme une note mentale histoire de pas l’oublier, parce que j’ai pas franchement envie de recommencer l’expérience. J’aurais pu lui demander quels jours elle bosse, histoire de venir aux moments où j’suis sûr de pas la croiser, mais j’pense pas que j’sois noté comme bienvenu maintenant. Tant pis pour ma gueule, j’aurais qu’à retourner dans mon trou habituel en espérant qu’on arrête de m’foutre dehors. Sinon, j’vais finir par être obligé d’aller boire dans la ville voisine.
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