Party bloody hard

Ce soir, c’était la fête. C’était la musique, la foule, l’alcool, la danse. C’était une trêve géante le temps d’une journée, où chacun remisait ses armes et ses idéaux durant quelques heures. On aurait bien assez le temps de s’étriper le reste du temps, alors autant profiter des rares moments de paix. Surtout quand les moments en questions promettaient d’être incroyablement animés. Décors, costumes : la mairie de Radcliff avait mis le paquet pour donner l’impression qu’on était revenu cent cinquante ans en arrière. Chacun y allait de son déguisement, de sa tenue plus ou moins d’époque avec des anachronismes dont on ne tenait pas rigueur. Et ça allait bien comme ça.

Seth se promenait au milieu des passants, les détaillant tous plus ou moins, son côté pickpocket tentant de savoir qui pouvait éventuellement avoir quelque chose d’intéressant dans ses poches ou son sac. Avec sa chemise de lin en partie ouverte, son pantalon noir, ses longues bottes et sa ceinture de tissu rouge, il passait relativement inaperçu … si l’on exceptait la crête, bien entendu. Même ses colliers, bracelets et bagues ne détonnaient pas tant que sa coiffure si caractéristique. Mais il était hors de question qu’il s’en sépare pour une vraie bonne raison, et cette soirée n’était pas une excuse suffisante à son goût pour un changement capillaire.
Tandis qu’il se faufilait dans les rues de la ville, il finit par donner un coup dans l’épaule d’une passante. Il se retourna vers elle et leva la main.

- Oups, désolé.

Il reprit son chemin, mais à peine eut-il fait deux pas qu’il s’arrêta en fronçant les sourcils. Il n’avait pas vraiment pu apercevoir le visage de la jeune femme qu’il venait de bousculer, et pourtant, il avait une furieuse impression de déjà-vu. Se retournant, il croisa son regard une nouvelle fois et plissa les yeux.

- On s’est pas déjà vus ?

Il était presque sûr de lui, mais il n’était pas certain d’avoir la réponse à sa question, puisque du coin de l’œil, il voyait déjà un petit mouvement de foule accompagné de murmures presque choqués. Il se demandait bien ce qui allait lui sauter dessus cette fois.

Qui avait eu l'idée de cette satanée fête déjà ? Juste par curiosité, pour qu'Alyah puisse lui en toucher deux mots et lui fracasser le crâne au passage ? Et puis question d'autant plus intéressante, comment se faisait-il que la mécanicienne grincheuse se retrouve au milieu de la foule déchaînée et en fête ?

Pour le coup, il serait intéressant de remonter à deux jours plus tôt, quand la sonnette de son appartement avait retenti, fait rare. Peut-être que c'était tout simplement l'un des voisins qui était encore en rade de bière ? C'était bien le seul à oser s'aventurer chez elle. Mais non, en ouvrant la porte à la volée, elle était tombée en face de la jeunette de l'étage du dessus, avec son insupportable gamine de deux ans dans les bras. On ne savait pas vraiment par quel saint s'était fait entuber ce jour là pour que ça arrive, mais il semblait bien que cette enfant appréciait Alyah. Pour le peu de fois qu'elles s'étaient croisées, l'enfant se perdait en babillages incompréhensibles devant l'Israélienne qui se contentait d'un regard dédaigneux avant de se cloîtrer de nouveau dans son miteux appartement. La fibre maternelle ? Non, aucune trace.
Bref, la jeunette s'était parée de son plus beau sourire face à la mutante, et ne s'était pas laissé démonter par l'air grincheux d'Alyah. Et là l'improbable s'était produit, elle lui avait demandé si elle pouvait surveiller sa gamine le soir de la fête. Non mais vraiment ? L'Israélienne avait commencé à se bidonner jusqu'à ce qu'elle se rende compte que la proposition était sérieuse. Alors là non, surveiller sa gamine ? Quel enfer. Elle n'avait pas l'étoffe d'une baby sitter, si le bébé finissait entre ses mains, l'enfant allait repartir en sachant démonter une arme à feu. Alors il lui fallut trouver une excuse en vitesse, et elle n'avait rien trouvé de mieux que de dire : "Moi aussi je vais à la fête."

En deux jours donc, elle avait dû trouver un costume d'époque, mais les magasins avaient été dévalisés en vu de l'événement. Et bien qu'elle sache faire beaucoup de choses, coudre ne faisait pas partie de ses capacités. En plus, elle ne se voyait pas déambuler en robe d'époque et se faire écraser la poitrine par un corset. Il n'y avait rien de moins efficace que de courir dans du taffetas. Alors la mutante avait dû se trouver un costume d'homme, ce qui serait sûrement moins grotesque sur elle qu'une robe, soit dit en passant. Et comme ça elle n'aurait pas non plus l'impression de tromper son jogging habituel. Comme c'était un des derniers costumes qu'il restait, il y avait un défaut dans la couture. En effet, au lieu d'être un costume à queue de pie, la veste avait plutôt été taillée en queue de chat. Grosse ironie ? Toute cette histoire en avait déjà le goût.

Elle se baladait donc dans la ville, de verre en verre, dans un costume avec une queue de chat. Ses cheveux étaient retenus en un chignon sous un chapeau, mais la finesse de sa carrure et de ses traits ne trompaient pas sur son appartenance à la gente féminine.
Au moins, dans la foule, elle passait plus ou moins inaperçue. Personne ne l'emmerdait, et c'était bien comme ça. Elle n'allait de toute façon pas tarder à rentrer chez elle et profiter du confort de son lit pour continuer à sombrer dans sa dépression post blessure.
Au passage cependant, elle fut bousculée, pas très fort certes, mais suffisamment pour en rajouter à sa mauvaise humeur. Elle se retourna pour lancer un regard cinglant à l'individu, juste à temps pour attraper ses excuses à la volée. "On s’est pas déjà vus ?" Elle se raidit et secoua la tête. "Nope, jamais, enfin pas que je me souvienne," éluda-t-elle, ne voulait pas s'attarder dans sa mémoire. Elle n'avait pas envie que quelqu'un d'autre dans cette foutue ville fasse le lien avec la présumée terroriste. Elle voulut s'enfuir rapidement, mais la foule s'agglutinait dans le sens contraire, la forçant à se rapprocher de l'inconnu. Heureusement celui-ci semblait être aussi absorbé par le spectacle, un homme se baladait en effet en calebute, sans vraiment se rendre compte de l'attention qui se concentrait sur lui. Les gens s'écartaient à son passage, comme s'il était contagieux, alors qu'il avait juste l'air de vouloir jouer un sacré tour. La vision étrange eut au moins l'effet d'arracher un sourire à la mutante, voire un ricanement à peine étouffé. "Le messie du XXIème siècle" rigola-t-elle.

Spoiler:

Bob était dans la forêt.
Dans la ville.
Non, il était dans la forêt. Ou alors, il était en ville? Il ne savait pas. Il avait l'impression d'être dans la forêt. Il avançait comme il pouvait, c'était une végétation dense. Il n'en revenait pas. Pourquoi il était habillé en pirate? Pourquoi il avait froid comme ça? Il était fiévreux depuis un moment. Il le savait, il se sentait moite Comme lorsqu'on avait la grippe. Une moiteur désagréable et pernicieuse qui vous murmurait d'une voix suave qu'il ne servait à rien de rester debout, à rien de s'acharner à faire des chose. Putain, mais c'était quoi ce déguisement de pirate... Merde. Il avait une gueule de mec qui se déguisait, sérieusement? Il grogna un peu, manquant de s'étaler au sol de toute sa longueur. Il était rassuré que personne ne soit là pour le voir et pourtant, une voix cinglante lui disait que si. Il était même face à plein de personnes qu'il ne connaissait pas et il ne se rendait pas compte.
Habillé? Non? Si.... En pleine ville... Mais non, c'était en forêt. les arbres, les animaux. Il y avait beaucoup d'animaux qui le regardaient. Dévisageaient? Pourquoi des animaux le dévisageraient? Parfaitement ridicule. C'était parfaitement ridicule. Pourquoi il avait cette sensation. Dieu qu'il avait chaud et froid en même temps. Ses sens étaient agressés de partout, son sang pulsait dans ses veines et chaque pulsation entrainaient  sa vague de douleur et trainait derrière elle la même langueur. Il se sentait au ralentit, comme sur une vieille VHS. Quelque chose lui tirait sur la couenne et il ne déterminait plus quoi. Il n'était pas assez lucide pour ça. Le remède. C'était ça non? Le truc qu'on lui avait refilé. Il avait vu Danny. Mais Danny était mort, ça n'était donc pas possible... Il s'arrêta pour contemplé une rangée d'arbre et eut un léger rire groggy en se faisant la réflexion qu'elle était aussi dense et bien alignée qu'une rangée d'immeuble.

"- haha... une ville arbre... La blague..."

Il continua son chemin, longeant la ranger. Il était couvert de sueur. Ça lui rappelait les trips sous meth' quand il se droguait avec son frère. Rien que de penser au loser qu'il était à l'époque un sanglot retenu lui échappa avant de se transformer en rire aigüe, névrotique. Il s'appuya contre un arbre, pour reprendre son souffle et calmer le tournis qui venait de s'emparer de puis. Ne pas vomir. Ne pas vomir devant les gens. C'était quoi ce délire. Il était seul dans la forêt. Il pouvait bien vomir, ça dérangerait personne. Non, hurlait une voix énervé au fin fond de son crâne, il ne pouvait pas. Il n'était pas seul. Ca n'était pas parce qu'ils n'était pas sous son nez qu'il n'y avait personne.
Des murmures lui parvenaient, mais il savait parfaitement que c'était le remède. Il hallucinait bien son connard de frère, pourquoi est-ce qu'il n'arriverait pas à entendre les voix de personnes parfaitement inconnues qui murmuraient sur son passage dans cette forêt aux allures de villes? Il hocha la tête et reprit sa route dans la ville, en caleçon. Le fait qu'il soit arrivé jusqu'à  Radcliff sans dommage tenait du miracle le plus pure. Il ne se souvenait plus pourquoi, ni comment. Pourquoi il était en pirate déjà? Non... C'était en caleçon. Pourquoi en caleçon....?

Party bloody hard

- Nope, jamais, enfin pas que je me souvienne, répondit un peu trop précipitamment la jeune femme au goût de Seth.

Plissant les yeux davantage, il s’appliqua à la détailler avec attention, presque sûr d’avoir déjà vu ces traits quelque part. Il se demanda pendant un temps s’ils n’avaient pas partagé le même lit durant une nuit, mais rien n’était moins sûr. Il aurait tout aussi bien pu la croiser dans un bar ou dans les quartiers un peu moins fréquentés de la ville – ce genre de quartiers où l’on finissait vite par mémoriser toutes les têtes qui s’y retrouvaient.
Perplexe, le mutant profita du mouvement de foule qui la poussa vers lui pour se rapprocher à son tour. Il s’apprêta à parler lorsqu’il entendit de nouvelles exclamations et se décida à suivre le regard de l’inconnue au chapeau.
Un peu plus loin, au milieu des gens, un drôle de type leur faisait dos, vêtu uniquement d’un caleçon qui, heureusement pour lui, avait l’air propre et dénué de trou. Cela dit, la vision avait de quoi étonner, surtout ce soir où tout le monde était sorti costumé et apprêté pour la fête. Seth haussa un sourcil et observa un peu mieux l’homme quasiment nu qui semblait errer sans véritable but. Il appréciait déjà ce qu’il voyait à l’arrière. Il était bien tenté d’aller le voir de plus près pour vérifier qu’il était aussi agréable à regarder de face.

- Le messie du XXIème siècle.

Seth sourit et hocha lentement la tête à la remarque de la demoiselle.

- Plutôt sexy pour un messie.

Ce fut alors que le messie en question se retourna. Seth prit d’abord la peine de lorgner sur le corps de l’inconnu, sur les muscles et les quelques cicatrices qu’il avait repéré de là où il se tenait. Ce ne fut que lorsqu’il eut apprécié la vue qu’il releva les yeux pour observer le visage du propriétaire de ce corps. Son sourire se défit tandis que ses sourcils se haussèrent sous la stupeur.

- J’le connais, ce messie sexy. Il est en caleçon. Et il sourit. Il va pas bien du tout. Si vous connaissez un médecin, c’est le moment de l’appeler.

Seth se fraya un chemin entre les passants qui s’étaient agglutinés pour profiter du spectacle. Les quelques fois où il avait eu l’occasion de rencontrer Bob, il avait parlé à un homme méfiant, discret et incroyablement pudique. Autant dire que le voir debout en caleçon au beau milieu du centre-ville à sourire comme une sombre andouille avait de quoi le choquer un peu. Il s’approcha de l’homme-grenouille, réalisant que ce qu'il avait pris pour des cicatrices sur ses flancs étaient en réalité les dessins bleus qui marbraient sa peau, mais si peu opaques qu'on pouvait les prendre pour de vieilles blessures ou de vieux tatouages effacés par le temps quand on ne savait pas ce qu'ils étaient vraiment. Il finit par être suffisamment près du trappeur pour poser la main sur son épaule, avant de se rappeler qu’il n’était probablement plus sous l’influence du sérum et qu’un contact peau contre peau entraînerait probablement une mort assez rapide mais très douloureuse. Aussi se contenta-t-il de passer un bras autour de ses épaules, glissant la main dans sa manche pour être sûr de ne pas le toucher directement.

- Hey Bob, ça f’sait un bail, tiens. Viens voir par ici.

Il l’entraîna à l’écart, foudroyant du regard tous ceux et toutes celles qui s’approchaient. Et lorsque la brune inconnue dans laquelle il était rentré vint les rejoindre, il se dépêcha de l’avertir, préférant éviter les dommages collatéraux.

- Le touchez pas à mains nues, y a du poison sur sa peau.

Le Calédonien regarda Bob dans ses yeux redevenus rouges, essayant d’y voir la trace d’un traumatisme ou de la prise d’une drogue quelconque.

Je lui lançai d'abord un regard perplexe, prête à répliquer que j'étais pas dans cette histoire et que j'allais gentiment et proprement m'éloigner de tout ce bordel. Mais il ne me laissa pas le temps d'ouvrir la bouche, il était déjà parti pour récupérer le messie en caleçon.  L'espace de quelques secondes, je fus tentée de m'éclipser, de disparaître simplement et de continuer comme si rien ne s'était passé. Mais une petite pulsion en moi m'en empêcha. Une étincelle de gentillesse, ou plutôt, de bonté, attisée par celle du danger. L'esprit du soldat, dans son besoin de rendre service à sa cause et de se mettre en danger pour autrui, ne m'avait jamais vraiment quitté. Je me faisais souvent enculer comme ça par une pointe de bonté d'âme. Il allait falloir que je m'en débarrasse vraiment un jour où l'autre. Pour l'instant ça faisait un peu : "Au fond, t'es plus gentille que tu ne le montres, deal with it."

Donc le type avec la crête avait disparu, et j'étais chargée d'appeler un médecin donc. Je m'enfilai une gorgée de la bière que j'avais dans les mains. La bière, sacro sainte boisson, ne me quittait jamais dans ces moments, et bien heureusement. La détresse. Je sortis mon portable donc, mais finalement j'abrogeai le geste et profitai d'un passant occupé par le spectacle pour extirper un smartphone de sa poche. Je jaugeai un instant le téléphone en me disant qu'il n'était pas trop mal et que je l'utiliserais bien. Puis finalement un coup d'oeil au mouvement de foule m'apprit que les deux inconnus que j'allais aider avait commencé à bouger. Je disparus loin d ma victime le temps de chercher la touche pour les appels d'urgence. Heureusement, pas besoin de code pour ça. J'étais sur le point d'appeler quand j'eus un doute soudain. Qu'est-ce que je devais leur dire exactement ? Ils allaient me demander ce que je voyais, mais je ne voyais pas grand chose à vrai dire. Alors je rejoignis mes deux compagnons de fortune.

Celui avec la crête me briefa immédiatement sur la présence de poison sur la peau du messie. Je haussai un sourcil perplexe. "J'aurais plutôt dit de la drogue, mais soit." Je lançai un regard méchant aux passants qui s'attardaient devant le spectacle, et ils décampèrent immédiatement en voyant la lueur flambante dans mes yeux. Je n'aimais pas les badauds, toujours à fouiner là où ils ne devaient clairement pas. "Je connais pas de médecin personnellement. Mais à mon avis faut appeler une ambulance. Vous savez ce qu'il a exactement ?"

Ma question n'était pas entièrement retombée qu'un bruit énorme se fait entendre. Un bruit que je ne connais que trop bien, le genre de bruit qui bascule votre vie en enfer. Par réflexe je me plaque au sol et j'attends que la première vague de chaos passe. Mes oreilles sifflaient, et d'un coup, ce ne fut plus Radcliffe autour de moi, mais Beyrouth. Un sol brûlant sur mon visage, et la litanie des plaintes, tout était semblable. Un épais nuage de poussière nous entourait et je dus tousser pour évacuer toute cette poussière. Instinctivement, ma main se referma sur mon holster, dissimulé à l'intérieur de ma veste. Mes jambes tremblaient, ne portaient plus entièrement mes pas. J'étais devenue lourde, mon esprit se battait contre des flashbacks qui tentaient de prendre le pas sur la réalité. Je ne sais plus qui je suis, est-ce que je suis Rivka de nouveau ? Des yeux perdus inspectent les alentours, mais rien ne me parlaient. Elias ? Où était Elias ? Non, ce n'était pas lui, pas cette fois. Quelle fois était-ce ?

J'entendais à peine le message qui passait en sourdine. Les révélations, on s'en foutait pas mal quand le Hezbollah pouvait frapper... Non, Rikki. Non, ça c'était il y a quatre ans. C'était il y a quatre ans. Maintenant on est en 2014, Rikki. Et tu t'appelles Alyah, et tu vas bouger tes fesses pour te tirer d'ici, parce que c'est pas bon qu'une supposée terroriste reste en plein coeur d'un acte terroriste.

Chaud, il faisait si chaud d'un coup. Beaucoup trop chaud. Ca brulait même. Quelque chose n'allait pas, il sentait sa peau s'assecher. Ca lui donnait l'impression d'une déflagration. Il se sentit propulser sans comprendre pourquoi, il se sentit décoller et atterrir sur le flanc sans que rien dans cette forêt ne vienne le percuter.
Il était où, putain? Il fronça les sourcils, allongé sur le sol, tenta de se relever mais il poussa un grognement de douleur. Il sentit la peau de son dos se craqueler et s'ouvrir, une sensation de brulure envahissait une bonne moitié de son corps par vague. Bob tremblait. Son corps était sous le choc et il ne comprenait pas pourquoi.
La forêt avait pris feu? Pourquoi entendait-il des sirènes? Il déglutit et serra les poings,comprenant peu à peu ce qu'il se passait. Les hallucinations du remède... Ce foutu putain  de remède  lui avait encore jouer des tours, non content de ramener son frère à la vie lorsqu'il était  plus mal, maintenant cette merde rampant dans ses veines le mettait en danger de mort? Il se crispa, grondant de douleur et lacha un sifflant:

"Putain !"

Il se redressa comme il pût, sentant sa peau s'ouvrir et craquer. Il imaginait mal les dégâts sur son corps mais vu les tremblements incontrôlables qui le parcouraient, il imaginait parfaitement que ça n'était pas jolie à voir. Il essaya  de marcher et tituba pour finalement chuter. La douleur fut insoutenable au point qu'il eut un violent haut le coeur. Où se trouvait -il? Qui l'avait mis là? Cette chaleur avait été dû à quoi? Une explosion? Un attentat?  Il secoua la tête. Il commençait à se sentir  comme dans du coton. Il mit un coup de poing au sol en espérant que l'éclair de douleur soit suffisamment fort pour le maintenir conscient. Il devait s'éloigner d'ici avant - où que "ici" soit - qu'on lui remette tout sur le dos parce qu'il ressemblait trop à un mutant et trop à ces petits cons de blancs néonazis... Il tenta une nouvelle fois d'avancer en grimaçant. Il était hors de question qu'il crève là...

Party bloody hard

Seth devait bien l’admettre : il était quelque peu inquiet par l’état dans lequel se trouvait Bob. La bonne nouvelle du retour de son don était entachée par les effets secondaires du sérum qui avaient l’air particulièrement violents chez lui. Il imaginait à peine ce qui avait bien pu lui arriver pour qu’il se mette à déambuler comme ça en pleine rue, habillé seulement de son caleçon, un espèce de pauvre sourire béat accroché aux lèvres. C’était l’exact opposé du mutant silencieux, taciturne et discret qu’il connaissait. Il espérait seulement que les choses iraient en s’arrangeant.
Il aurait manqué de temps pour expliquer à la grande brune qui les avait rejoint le pourquoi du comment le trappeur s’était retrouvé dans cet état. Il essayait de réfléchir rapidement à ce qu’il aurait pu lui donner pour l’aider à aller mieux, fouillant dans sa mémoire, se remémorant ce dont Pietra lui avait parlé après qu’elle aussi ait eu à subir le contrecoup de sa prise de NH24.

- Je connais pas de médecin personnellement. Mais à mon avis faut appeler une ambulance. Vous savez ce qu'il a exactement ?

Seth commença à ouvrir la bouche pour répondre lorsqu’une détonation toute proche retentit, le rendant sourd pendant quelques secondes. L’onde de choc et le nuage de poussière qui l’accompagna l’envoyèrent contre un mur, lui arrachant un grognement douloureux et surpris. Il atterrit face contre terre et se redressa, les oreilles sifflant furieusement, avec la désagréable impression d’être passé trop près de la porte ouverte d’un four géant. Des haut-parleurs qui avaient diffusé de la musique toute la soirée s’échappaient maintenant une voix de femme qui vociférait de soi-disant révélations au sujet des hunters et de Thaddeus Lancaster. Pour les mutants qui connaissaient un peu le personnage, tout ça n’avait rien de bien nouveau. Mais faire exploser un bâtiment n’était peut-être pas la meilleure des façons de faire passer ce message.
Le trafiquant se redressa en grondant, le corps douloureux à cause de l’impact et de la déflagration. Il regarda autour de lui et plissa les yeux en voyant l’étant dans lequel se trouvait Bob. Il était brûlé – pas gravement, mais si sa peau recommençait à devenir sensible, alors la soudaine montée de chaleur avait dû le toucher de plein fouet. Le Calédonien défit son veston et le posa sur le dos du grand homme, couvrant ses blessures pour empêcher la poussière de s’y déposer. Ce n’était pas forcément la meilleure des solutions, mais il n’avait que ça.

- Calme-toi. C’est pas la peine de te faire encore plus mal.

Il l’aida à se relever et passa un bras sous ses épaules pour l’aider à tenir debout. Il se tourna ensuite vers la jeune femme à la queue-de-pie qui ne semblait pas aller bien du tout.

- Hey. HEY ! Faut bouger d’ici. Et appelez une ambulance, y a des gens qui vont en avoir besoin.

Il sentit quelque chose de chaud couler depuis son arcade sourcilière ouverte et continuer le long de sa joue, mais il n’en tint pas compte. Il y avait des choses plus urgentes que ça.

Fallait que je me tire d'ici. J'étais au moins sûre de ça. Fallait que je me tire d'ici, et que je le fasse au plus vite. Mais j'y pouvais rien, le spectacle me fascinait. Les flammes dansaient avec la même intensité, et le même voile de douleur  était tombé sur la ville. Ce n'était plus Radliff que j'avais sous les yeux, c'était Beyrouth, quatre ans auparavant. Les événements me paraissaient si loin et pourtant, maintenant que je revivais une explosion, j'avais l'impression la plus clichée au monde, celle que toute cette mascarade s'était en fait produite la veille.
La mairie qui commençait à s'écrouler me sortit de ma transe. La dernière chose dont j'avais besoin, c'est d'être aperçue dans le coin, que des caméras rappliquent et qu'on me filme en arrière plan ou une daube du genre. Si ça arrivait, je pouvais dire adieu à ma couverture et faire mes valises fissa.

Les dents serrées, je tentai d'empêcher ma main de se poser sur la crosse de mon flingue, mais le geste était limite plus fort que moi. Je me retournai en même temps que l'inconnu à crête m'apostrophait. "Hey. HEY ! Faut bouger d’ici." Ah bah, il en avait de bonnes lui, comme si je m'en étais pas rendue compte plus tôt. Mais mon coco, t'as pas compris que j'allais devoir te faire faux bond ? A moins que...
Sans protester, j'attrapai le téléphone que j'avais soigneusement dérobé pour appeler le numéro d'urgence. Mais j'avais déjà été doublée évidemment, et l'opératrice m'informe que des secours étaient déjà en route pour la ville. La panique transcendait cependant dans sa voix, et elle commença à me donner des conseils de sécurité appris par coeur, le genre qu'on ne voulait pourtant ne jamais avoir à appliquer.

"Okay, t'as une planque magique dans le périmètre, pour emmener ton copain ?" Oui voilà, j'avais décidé de les suivre, parce qu'en cas de merde, ça faisait deux témoins qui pouvaient assurer que je n'avais rien à voir avec ce merdier. J'avais suffisamment fait dans ma carrière, mais ça ne voulait as dire que je voulais me retrouver avec tous les crimes sur le dos. Pour faciliter la démarche, j'avais imité le métis et je soutenais notre éclopé de l'autre côté, en prenant bien soin que sa peau n'entre pas en contact avec la mienne. "Comment est-ce qu'on peut vous aider concrètement ?" Lui demandai-je alors directement, sans prendre de ton doux et mielleux pour autant. Je faisais pas ça de gaieté de bon coeur non plus.