wounded soldier, the war is over

 

 Ce matin-là, Dawson s’éveilla avec son plus grand sourire, celui que sa mère appelait son sourire d’enfant-lune. Et effectivement, la lumière que dégageait ce croissant blanc et denté avait quelque chose de lunaire. Ce Pierrot hyperactif sauta donc de son lit dès que la première lueur du soleil chassa définitivement le véritable astre du ciel, et enfila son uniforme, veste Kevlar inclus. Jusque-là, rien d’inhabituel – mais la routine changea lorsque, au lieu de simplement faire son lit, il en retira les draps et roula le duvet proprement, avant de le placer à la tête du lit pour son prochain occupant. Et oui, aujourd’hui il quittait la base militaire où il avait été déployé pendant presque quatorze mois, avec seulement quelques semaines aux US pour célébrer Noël.

La première partie de la journée se déroula sans encombre, jusqu’à ce qu’arrive midi. « Sergent Dawson ? » « Oui chef ? » « Réunissez votre unité ; vous partez dans une heure. » « Chef oui chef ! » répondit-il avec un salut particulièrement raide, la seule façon qu’il eut de cacher son envie de célébrer la fin de sa première tournée au Moyen-Orient. Son supérieur lui rendit un salut négligé et lui tourna le dos. Il n’eut pas fait plus de quelques pas avant de se retourner, manquant de voir Dawson faire une petite danse de la joie. « Ah, j’oubliais : l’avion va faire un détour, il y a un soldat blessé à rapatrier dans la base d’à côté et leur avion est en réparation. » Intérieurement, Dawson grimaça. L’homme ne lui avait donné aucune idée de l’état du prisonnier, et il avait peur de se retrouver face à un soldat si grièvement blessé que même le transport le plus délicat ne risque de le faire sombrer. Il avait déjà exécuté des missions de rapatriement, même porté un camarade blessé sur son dos, mais se retrouver en charge d’un inconnu blessé dont il ignorait tout, c’était nouveau. Cependant, Dawson obéit, comme tout bon soldat : avant que l’heure soit écoulée, les six autres hommes qui rentraient comme lui au pays étaient prêt du hangar, sacs sur le dos, écoutant le beau brun déblatérer sur leur détour de dernière minute.

Si Dawson avait été légèrement nerveux lorsqu’ils atterrirent dans la base voisine, vers les quinze heures, il manqua de se mordre la langue en voyant le visage du fameux blessé. Traits anguleux, peau pale et pourtant halée par le soleil, et des lèvres qui promettaient un merveilleux sourire – il n’y avait pas à dire, l’homme était beau. Merde. Dawson décida sagement de ne pas faire partie de ceux qui soulevèrent sa litière jusque dans l’avion, conscient qu’il risquait probablement de trébucher et faire tomber le patient. Une rapide conversation avec le dirigeant de la base l’informa que l’homme – Nicholas Blake de son nom – avait été touché d’un obus à la jambe. Il était donc définitivement hors-jeu, et quittait le territoire afghan pour de bon. Dawson regarda la litière qu’on cherchait à attacher solidement avec un mélange de pitié et de jalousie pour Blake, qui laissa soudain s’échapper un gémissement incompréhensible.

En un instant Dawson fut aux côtés du blessé, faisant signe aux autres de dégager. Ils s’exécutèrent, non sans que Piper Merkel, l’une de ses proches camarades, ne lui adresse un sourire rieur. Il rougit légèrement, conscient qu’elle avait deviné une partie des raisons de sa sollicitude envers l’étranger. Les autres reprirent leurs places dans l’avion, qui décolla presque aussitôt. Le soubresaut de départ tira un autre grognement de Blake, et Dawson posa sa main sur son épaule. « Blake. Nicholas. Tu m’entends ? » Un son inintelligible. « J’vais prendre ça pour un oui. Moi c’est Viktor, Viktor Dawson – on est en train de te rapatrier aux US, avec un peu de chance on y sera à temps pour le Superbowl. » Sourire. Après quelques instants, il ajouta : « Si tu veux quelque chose à boire, fais un geste. »
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Pour toute réponse à son interrogatoire, Dawson sentit Blake tenter faiblement de le repousser, et se leva obligeamment. Il n’était visiblement pas assez conscient pour répondre au flot de questions qui venait de l’assaillir, alors autant le laisser se reposer pour l’instant. Il se dirigea à la place vers la trousse à pharmacie qui accompagnait Blake, et l’ouvrit pour examiner les contenus. Divers bandages au cas où son saignement devenait trop important, un kit pour points de sutures – Dawson espérait sincèrement ne pas en avoir besoin, il n’avait jamais été très doué pour la couture – ainsi que divers antidouleurs, clairement étiquetés avec la date et l’heure où ils devaient être administrés. Il n’y avait pas à dire, même le soldat le plus idiot ne pouvait pas totalement rater ses premiers soins avec autant d’instructions. Machinalement, il alla sortir la prochaine dose de médicaments qu’il devrait administrer au bel homme, lorsque son regard s’arrêta sur un sachet à demi vide, et ce malgré la notice disant que le contenu entier devait être utilisé dans la matinée du départ.

« Qui est le con qui a décidé de lui donner seulement la moitié de sa dose d’antidouleurs ?! » explosa-t-il, sa voix réverbérant dans le cockpit de l’avion avec un écho métallique. Ses camarades le dévisagèrent d’un air effaré, sans pour autant oser répondre. Il fallait dire qu’ils n’avaient presque jamais vu Dawson en colère, mis à part un soir où il s’était disputé avec une nouvelle recrue qui manquait de respect au propriétaire du bar où ils étaient sortis. Après avoir longuement foudroyé les autres soldats du regard – cherchant un coupable à sermonner – il attrapa la seringue emballée, ainsi que le flacon  de morphine qui se trouvait à ses côtés. Déballant la seringue, il la piqua d’un geste dans le flacon et la remplit. Puis il prit le bras de Blake, déjà marqué de plusieurs points bleuissants où d’autres infirmiers avaient dû lui administrer les premières doses, et trouva une veine. Heureusement que son père avait tenu à lui apprendre plus que le minimum des premiers secours. Non sans trac, Dawson enfonça la seringue dans la veine du blessé, et lui injecta la dose manquante, ce qui soutira un énième gémissement des lèvres blanchies par la douleur. Sans y réfléchir, le brun attrapa un linge et essuya le front de Nicholas ; ce dernier ne réagit pas, mais semblait s’être endormi.

Plusieurs heures passèrent en silence, si on ignorait le bruit des moteurs et les exclamations occasionnelles des soldats jouant aux cartes. Dawson lui se retira non loin de la litière, et ouvrit le vieux roman d’Hemingway que sa petite amie avait cru bon de lui envoyer pour son anniversaire. Quelque chose de romantique dans l’idée du soldat cantonné dans sa baraque, lisant avec émotion les paroles du plus grand écrivain américain de tous les temps… Malheureusement pour elle, son amoureux ne supportait pas la mentalité d’Hemingway, et surtout sa perception tordue de la guerre civile espagnole, avec ses femmes voluptueuses et toujours prêtes à être séduites par le bel héros étranger. Mais il n’avait pas osé le lui renvoyer, et se retrouvait maintenant à le feuilleter sans grande passion pour la quinzième fois, récitant dans sa tête le poème de Donne dont était tiré le titre de son recueil. Finalement, l’autre sembla se réveiller.

« Ou… » Le mot s’échappa des lèvres du blessé avant qu’il ne soit pris d’une quinte de toux. Dans l’instant Dawson se trouvait à ses côtés, et aidait l’homme à se redresser un peu avant qu’il ne s’étouffe. « Ça va aller, doucement. Tiens. » lui dit-il, lui tendant la gourde ouverte qu’il avait posée non loin. Blake bu avec difficulté, et n’était visiblement pas assez fort pour pouvoir rester assis sans aide ; pour cette raison, Dawson l’aida à se rallonger avant de continuer la conversation. « Sur une échelle de un à dix, ta douleur se situe où ? » Ah l’échelle de la douleur, ou la question vague à souhait qu’adorent les médecins et, visiblement, leurs enfants.
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« Quatre ? » lui répondit Nicholas, son sourcil arqué révélant son peu de foi dans la question de Dawson. Mais quatre, c’était bon signe, cela voulait dire que son système avait absorbé la morphine – ou alors qu’il était tellement stoïque que sa blessure ne le gênait absolument pas. La deuxième hypothèse semblait plus que douteuse, lorsqu’il prenait en compte les gémissements s’échappant des lèvres du blessé il y avait de cela quelques heures encore. L’homme décida de parier sur la science, et se leva brièvement pour aller chercher de quoi prendre la température de Blake et sa tension. Certes, personne ne lui avait demandé de s’occuper aussi assidument de cet homme, mais entre son désir de jouer au héros et le fait qu’il n’avait aucunement envie de voir ce regard intense se détourner de lui, il allait comme toujours plus loin que le strict nécessaire.

Une fois qu’il se fut rassis sur le lit de Nicholas, celui-ci sembla prêt à reprendre la parole. « Médecin ? » A cette question Dawson eut un rire gêné. « Presque. » dit-il, avant de se rendre compte que sa réponse monosyllabique n’avait rien de rassurant. « Mon père et beaucoup d’autres membres de ma famille sont médecins, alors j’ai eu le droit à une demie-formation… » expliqua-t-il, tandis qu’il vérifiait la tension du brun. « Les médecins de ton unité sont tous affairés avec les blessés là-bas, donc nos supérieurs ont profité de ma présence dans ce rapatriement pour te déplacer aussi. » Il continuait à déblatérer tout seul, sans vraiment savoir si Blake comprenait ce qu’il disait, ou même si cela l’intéressait particulièrement. Ce fut seulement en retirant le bracelet de son bras droit qu’il s’aperçut que ce dernier se cachait les yeux, probablement à cause de la lumière qui lui vrillait les paupières. Délicatement, il retira la main de Nicholas, et à la place appliqua une compresse froide sur son front, et brièvement sur ses yeux, se rappelant des gestes de sa mère lorsque lui-même souffrait de maux de tête.

C’est seulement lorsqu’il retira la compresse pour la rafraîchir qu’il put à nouveau voir le regard qui le fascinait tant. Les deux prunelles grises le dévisageaient avec un air un peu flou, probablement un mélange de fatigue et de morphine. Il fallut un instant pour que Dawson se rendre compte que quelque chose clochait. « C’est marrant, j’aurais juré que tes yeux étaient bleus… » murmura-t-il, se penchant rapidement pour récupérer la compresse refroidie. Lorsqu’il se releva, même la froideur dans sa main droite ne fut pas suffisante pour l’empêcher de voir la couleur qui se glissait dans la chevelure de Nicholas.  « … et que tes cheveux étaient entièrement bruns. » La lumière dans l’avion n’était peut-être pas des plus naturelles, mais tout de même, il était sûr que l’homme alité avait les yeux bleus et le cheveu brun lorsqu’il était monté dans l’avion. Non ? Peut-être devenait-il fou. Mais comme hallucination, c’était un peu spécial, de ne pas voir la véritable apparence d’un nouveau venu. Dawson sentit une goutte d’eau couler le long de son avant-bras, et pris conscience qu’il ne sentait plus ses doigts droits, engourdis par le froid. Merde. Perplexe, il posa tout de même la compresse sur le front de Nicholas : il devait bien y avoir une explication logique, n’est-ce-pas ?
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« Mes yeux sont bleus gris… » marmonna le blessé, et la réponse aurait pu convaincre Dawson s’il n’avait pas sous les yeux des mèches blanches là où se trouvaient il y avait encore quelques secondes une belle couleur brune. La ferveur avec laquelle Nicholas lui avait répondu le surprit : visiblement, il l’avait vexé. Et ça ne s’arrangea pas lorsqu’il osa faire un commentaire sur la chevelure du blessé. Sa mâchoire se crispa, et seule la compresse que Dawson apposait sur son front sembla le calmer.  « Moi qu’a la morphine et toi qui hallucine » lança-t-il, accompagnant sa tentative d’humeur d’un rire trop nerveux pour être crédible. L’autre ne dit rien, ne sachant à vrai dire pas quoi répondre. Les cheveux de Blake avaient pâlis, devenant blancs à la racine, et ses yeux étaient maintenant un gris trop clair pour être confondu avec du bleu. Dawson n’y comprenait rien. Les humains n’étaient pas censés changer de couleur comme des caméléons ! Et pourtant l’homme devant lui semblait faire exactement cela. Mais comment, il n’en avait aucune idée. Si le ‘brun’ avait été le résultat d’expériences scientifiques orchestrées par le gouvernement, ils ne l’auraient jamais laissé être rapatrié par un soldat ignorant tout du cas. Cependant, si cette mutation était génétique, restait à savoir comment Blake avait réussi à éviter d’être repéré avant cet instant.

Il ne fallait pas être un génie pour deviner pourquoi Blake n’était pas ravi fasse aux remarques de Dawson. Ses capacités particulières le mettaient en danger, et dans la position où il était, il suffisait que Dawson ne donne l’alarme pour qu’il soit découvert, et possiblement attaqué alors qu’il se trouvait trop faible pour se défendre. Brusquement, le soldat prit sa résolution. « Tu sais quoi ? Admettons que j’hallucine. » Il aurait pu ajouter un clin d’œil sur-joué pour faire encore plus secret d’opérette, mais l’important était que le blessé comprenne que Dawson ne comptait aucunement révéler son don au reste des passagers. Tout de même, il restait des questions demandant réponses. « Mais imaginons que j’ai raison : est-ce que je dois m’attendre à d’autres changements, ou bien est-ce c’est fini ? » Une nouvelle couleur de cheveux et d’yeux, c’était une chose, mais si Blake se mettait soudainement à changer d’ethnicité ou de sexe, il allait avoir beaucoup plus de mal à cacher sa transformation. « Hypothétiquement parlant, bien sûr. » ajouta-t-il d’un sourire qui se voulait complice.

En attendant que Blake réponde, il retira à nouveau la compresse de son front, et la posa à côté. Avec un peu de chance, entre la morphine et ses soins, la migraine de l’autre devrait avoir un tant soit peu diminuée. Sinon, il irait voir ce qu’il y avait comme Dolipranes dans la trousse à pharmacie ; mais, à vrai dire, il n’était pas suffisamment doué en médecine pour administrer un mélange de médicaments et de dosages à un patient sans instructions précises.
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Spoiler:

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Blake ne répondit aucunement à ses questions, soit parce qu’il pensait que Dawson ne méritait pas d’explications, soit parce qu’il était encore trop affaibli pour pouvoir lui donner une réponse satisfaisante. Galamment, le soldat opta pour la deuxième interprétation. Mieux encore, il décida que le froncement de sourcils et le mouvement négatif de la tête qu’opérait le mutant – c’était comme cela qu’on les appelait, non ? Pas très agréable comme désignation, mais à vrai dire il ne trouvait pas mieux -  signifiait que non, il n’allait pas se transformer davantage. Ouf. Voyant que le blanchissement des cheveux de Blake devenait assez voyant, Dawson attrapa deux compresses et en plaça une sur bas de son front, l’autre sur le haut, de façon à cacher au moins une partie du changement. A cette distance, avec un peu de chance, un soldat inquisiteur n’y verrait que du feu. Dawson aurait dû être un espion, finalement – ses capacités de camouflage étaient hors du commun. Hum. Ou pas. Il jeta un rapide regard en direction de ses camarades, qui continuaient heureusement à être plus préoccupés par les cartes dans leurs mains qu’autre chose.

A cet instant Blake reprit la parole et, cette fois, la peur dans sa voix était tangible. « Vas-tu me dénoncer ? Me tuer ? » Dawson cligna des yeux. Pardon ? Quelle tête devait-il tirer pour que l’autre ne le prenne pour un assassin ? Il avait peut-être perdu un peu de son air de gamin lors de cette tournée, mais s’il était passé d’un visage amical à celui d’un tueur à gages, il allait avoir du mal à se faire des amis… Il ne put s’empêcher de rire nerveusement. « Te tuer ? Pourquoi, parce que t’arrives pas à te décider sur ta couleur de cheveux ? C’est plutôt ton coiffeur qui doit t’en vouloir, à mon avis. » Voyant que Blake ne riait pas à sa blague – pourtant très drôle – il reprit son sérieux et continua. « Ecoute, je sais pas ce qui t’es arrivé pour que tu sois aussi sur tes gardes, mais je peux te promettre une chose : j’ai été chargé de te ramener sain et sauf sur le territoire américain, et c’est exactement ce que je vais faire. » Il jeta un coup d’œil à la jambe de Blake, et ajouta : « Enfin, aussi sain que je peux, vu ton état… »

Sur ce il se leva, et s’éloigna du lit après avoir lancée une dernière phrase : « On a encore plusieurs heures de vol avant d’atterrir, donc je vais te laisser te reposer. Si la douleur reprend trop, gémis très fort et je verrais ce que je peux faire. » Mais pourquoi personne ne venait le faire taire ? Il ne savait pas si c’était de la peur face à cet homme étrange, ou son habituelle nervosité lorsqu’il se retrouvait devant quelqu’un d’attirant, ou tout simplement l’appréhension de devoir se réintégrer à la vie citadine, mais il déblatérait encore plus d’idiotie qu’à son habitude. Dawson repris son roman d’Hemingway en main, et alla se rassoir dans son coin, en attendant la fin de cet étrange épisode.
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Spoiler:

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Blake n’avait pas semblé très cohérent lorsque Dawson s’était éloigné de lui, et pas seulement parce qu’il ne lui avait rien répondu. Mais ce n’était pas pour autant que le soldat s’était attendu à ce qui se passa ensuite. Alors qu’il venait à peine de s’éloigner du brancard – une dizaine de minutes peut-être ? – il aperçut du coin de l’œil une de ses camarades qui se levait. Il n’y fit d’abord pas attention, croyant qu’elle se dirigeait vers la cabine du pilote ; mais un râle paniqué le fit lever la tête. A quelques pas de lui, le blessé était visiblement entré dans une crise d’angoisse, et tentait de se lever, malgré l’impossibilité que cela représentait.

En un instant, Dawson fut sur ses pieds, et poussait la jeune femme pour se poser entre elle et Nicholas, plus précisément sa tête, où ses yeux et cheveux formaient un véritable kaléidoscope de couleur. Elle lui jeta un coup d’œil surpris : « Je venais juste voir si tout allait bien, il avait l’air plutôt mal… » Sa voix était haussée et sur la défensive, aussi l’échange avait-il attiré l’attention des autres soldats. Dawson fit une moue. « Je sais, c’est juste que je me suis rendu compte que j’étais en retard sur sa prochaine dose, donc j’ai un peu paniqué. » Elle haussa un sourcil, peu convaincue. « Désolé de t’avoir poussé, ce n’était pas fait exprès, tu sais comme je suis maladroit… » Il lui adressa un sourire penaud, tandis que sa main droite cherchait à tâtons celle de Blake, pour l’empêcher de gratter le sol jusqu’à ce qu’il ne saigne. Cette fois-ci elle sourit aussi, et, voyant que Dawson se penchait déjà pour attraper la trousse de secours laissée de l’autre côté du brancard, elle retourna à sa place.

Le brun fouilla rapidement et trouva un tranquillisant, pas assez fort pour assommer complètement l’homme déjà pompé plein de médicaments, mais suffisant pour arrêter sa panique. Il continua à lui parler d’une voix qui se voulait calme et rassurante, tandis qu’il vidait le contenu de la capsule dans un verre d’eau et aidait Nicholas à boire. « Doucement, doucement. » Il réussit à lui faire boire le tout sans trop l’étouffer, et reposa le verre plus loin, s’asseyant sur le brancard. « Concentre-toi sur ta respiration. » L’homme lui jeta d’abord un regard effaré, visiblement outré à l’idée que régler sa respiration soit sa priorité, mais fini par obtempérer. Peu à peu, son souffle devint moins saccadé, et ses cheveux commencèrent à retourner à leur couleur originelle. Dawson lui sourit d’un air encourageant, ne disant mot avant qu’il soit sûr que l’autre ait retrouvé un tant soit peu de calme.

C’est seulement à cet instant qu’il se souvint de la main encore légèrement tremblante qu’il avait attrapée. Il rougit furieusement et la relâcha, bredouillant des excuses aussi sincères qu’incohérentes. L’autre ne sembla même pas s’en apercevoir, ou du moins ne rien laisser paraître, ce qui le rassura un peu. Après encore quelques instants de silence, il demanda. « Ça t’arrive souvent, ces crises d’angoisse ? »
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