Partie Première - La traque

Te voilà qui cours à travers la forêt, tu t'élances de tout en corps entre les feuilles, sautant au-dessus des souches que tu croises sur ton chemin. Tes cheveux s'envolent dans ta lancée et ondulent au rythme endiablé de tes foulées. Tu as toujours aimé ça courir. L'adrénaline qui parcourt tes veines et fait battre ton cœur à tout rompre t'as toujours excité. Tu ne lâcheras rien avant d'avoir eu ce que tu voulais. Même s'il faut que tu sois hors d'haleine, limite à gerber tes tripes après ce marathon de l'enfer. Ton enfer, Hadès. T'as vraiment bien mérité ton prénom. Tordu que tu es. A croire que ton destin était déjà tout tracé dès ta naissance. Tu te déplaces avec beaucoup de flexibilité, tu fais preuve d'une grande endurance. Tous ces entraînements, toutes ces heures où t'en a chié, ont  fini par payer. Et voilà qu'à vingt-quatre ans, tu arbores un tableau de chasse bien rempli. Mais aujourd'hui, ta proie est rapide. Pourtant, elle est plutôt frêle. Elle et ses grands yeux aux couleurs de l'ambre. Tu entends sa respiration de plus en plus saccadée, de plus en plus incertaine. Tu attends le moment où elle sera à bout de force et où tu pourras resserrer tes griffes dans sa chair. Elle a l'air si apeuré. Autant qu'une biche sauvage. Mais il n'est pourtant pas question d'un animal. Tu ne cours pas après quelque chose, mais plutôt après quelqu'un. Un être humain. Une jeune transmutante d'une quinzaine d'année. Certains te traiteraient de lâche de t'en prendre à plus petit que toi, mais qu'importe ? Un transmutant est un transmutant. Qu'il soit jeune ou âgé, tu ne fais pas la différence. Épargnes-en un et tu verras la meute se gonfler. On ne sait jamais ce qu'on sera dans cinq ans. Si ça se trouve, cette jeune fille aurait tué des tas de personnes. En fait, tu ne fais rien de plus que de rendre service à la population. Et te faire plaisir par la même occasion. Pour toi, c'est un jeu. Plus tu tues, plus tu gagnes de points, plus tu es puissant.

Il n'aura finalement pas fallut longtemps pour que le métabolisme de ta cible la fasse faiblir. L'adrénaline est une chose, mais la capacité physique à se surpasser en est une autre. Il est difficile de repousser ses limites quand la ligne a déjà été franchie. Trois… Deux… Un… Bam. Un faux pas. Elle trébuche sur une racine trop bombée. Le coup classique. Saleté de nature hein ? Il n'est même plus question de courir, désormais tu peux marcher à pas réguliers tandis que tu la regardes ramper sur le sol. T'as jamais compris pourquoi elles n'essayent jamais de se relever. Elles doivent sûrement sentir que leur heure est arrivée. Faut dire que ça t'arrange d'un côté, même si tu préfères les rebelles. Elle arrive tout de même à articuler un « Pourquoi tu fais ça ?... » un peu tremblant, mais trop tard, la lame a déjà transpercé sa poitrine, à quelques centimètres de son cœur. Un cri de douleur s'arrache à sa gorge, comme la plainte d'un petit animal sur le point de tirer sa révérence. Tu approches ta bouche près de son oreille, maintenant toujours fermement ton arme. « Parce que tu n'es rien. » et tu finis le travail en enfonçant un peu plus la lame. La jeune fille se crispe et se raidit, alors que son corps touche le sol, ses yeux toujours grands ouverts. La vie l'a quitté.

Partie Seconde - L'accident

Tu fais les cent pas dans ton salon. Tendu comme jamais, les veines te sortent des tempes, tu crispes tes points comme si tu voulais transpercer tes paumes avec tes ongles. Tu es en colère. Tu as la rage au ventre. T'as envie de hurler, de tout casser. Comment t'as pu putain ? Comment t'as été assez stupide pour la laisser sans surveillance alors que tu la tenais captive depuis plusieurs jours ?! T'es vraiment trop con mon pauvre. Tu t'assois sur ton canapé pour tenter de te calmer, agrippant tes cheveux de tes mains. T'es vraiment pas possible. Elle peut être n'importe où putain. Cette succube. Pris d'un accès de colère tu fais valser la lampe qui se trouve sur la table basse et ne tarde pas à saccager les journaux qui s'y trouvaient également pour finalement la renverser tout entière. Il te faudra du temps pour te calmer. Habituellement, tu jouerais de la batterie, mais tu es quasiment sûr que si tu t'y mets maintenant, tu vas la détruire elle aussi. Chose que tu risques de regretter amèrement plus tard. Pour le moment, tu n'as qu'une chose en tête : la retrouver.

Tu ne sais pas vraiment où ça va te mener, mais tu décides de prendre les clefs de ta bagnole pour aller faire un tour, sait-on jamais. Tu ne sais pas depuis combien de temps elle s'est fait la belle et puis tu doutes fort que si tu la croises en route elle te dise « Monter dans ta voiture pour continuer à être enchaînée comme un animal et me faire torturer ? Mais carrément ! », mais tu t'en fous, t'as besoin de prendre l'air, de te défouler.

Tu n'es pas le genre de conducteur qui respecte les limitations de vitesse et un accès est vite arrivé. Mais il faut dire que t'es tellement à bout de nerf que la limitation de vitesse, tu t'en grattes le dos. Alors tu files à toute allure, comme ces connards d'inconscients de la route qui manquent de faucher des piétons. Tu ne sais pas où tu vas, mais une chose est sûre, c'est que tu as l'air déterminé dans ta démarche. Seulement voilà, j'sais pas si tu connais l'histoire du chauffard qui regardait pas la route ? Elle est pourtant amusante. Parce que forcément, ce chauffard, bah il a pas vu le camion arriver en face. Et puis il avait pas non plus prévu de faire tous ces tonneaux…

Alors que ta voiture finit par se stopper après plusieurs mètres de dégringolade, tu es inconscient. Seul ton index tremble nerveusement, au bout de ton bras ensanglanté. On dirait presque que tu es mort. Toute personne obtient toujours ce qu'elle mérite. C'est comme ça que tu méritais de mourir ? Dans un putain d'accident de voiture ?

Partie Troisième - Le néant

Cela fait plusieurs semaines que tu es sortis du coma qui t'a privé de vie durant un mois. C'est assez difficile de se réveiller en ne reconnaissant aucun visage. En ne se souvenant plus de rien à part de son prénom ou quelques futilités. Bordel, mais pourquoi tu te souviens de rien ? Tu as l'impression d'être vide. Ton accident t'a coûté ta mémoire. Et qu'est-ce que c'est que toutes ces merdes sur des mutations génétiques ? Dans quel monde fou tu vis… Tu as pourtant de vagues souvenirs de ton passé. Selon les médecins, la mémoire finira par te revenir petit à petit, mais cela peut prendre extrêmement de temps. C'est tellement étrange de ne se souvenir de rien. Plus fort qu'une gueule de bois, un putain de black-out sur presque vingt ans de ta vie… Et toutes ces armes chez toi, mais t'es qui bordel ? Un gars de la mafia ? Non… Certainement un véritable "hunter" comme certains essayent de te le rappeler à leur manière. Mais tu ne t'imagines vraiment pas à la place de la personne qu'ils te décrivent chaque jour dans l'espoir de te voir recouvrir la mémoire.

Heureusement, tu n'as pas perdu tes connaissances de solfège et ta batterie t'est toujours bien utile. Ça te rapproche en quelques sortes de ton passé. Mais cette sensation de vite qui t'est permanente, te hante tous les jours, toutes les nuits. Tu fais des cauchemars où tu infliges les pires tortures qui puissent exister sur Terre. Tu as peur de déformer la réalité, mais ces rêves t'ont pourtant l'air si réels… D'un côté tu as envie de te souvenir, mais de l'autre, tu as peur de la réalité.

Un proverbe dit « Chasse ton naturel et il revient au galop. », est-ce que ça veut dire que tu vas retrouver cette cruauté qui est innée chez toi ? Oui bien finalement elle est là, la chose que tu mérites ? Une chance de te racheter ?

Advienne que pourra.