Tellement de secrets sont rattachés à cette maison. Tellement choses que tu ignores. Des choses dont tu ne te souviens plus et qui pourtant te concerne. Où est passé le temps où tu menais une vie palpitante et pleine de rebonds ? Depuis ton accident, t'es devenu chiant. Tu te méfies de tout et de tout le monde. T'as même peur de te servir d'une arme putain. Faut vraiment que tu te reprennes. Ecoute cette petite voix bâillonnée à l'intérieur de toi. C'est elle qui détient les réponses à toutes les questions que tu te poses. Oh ouais, cette petite voix doit péter les plombs de te voir aussi ramollis du bulbe, sans pouvoir te crier ce qu'elle pense. T'es un putain de psychopathe Hadès. T'es pas sensé être l'amnésique loqueteux que tu es actuellement. Tout ça à cause d'une idiote qui n'a pas su se tenir tranquille. Si tu savais tout ça mon pauvre… Tu retrouverais cette rage de vaincre qui te retourne le bide chaque fois que tu penses à toute cette merde qui se passe en ville. Mais à la place de ça, t'es là, le derche posé dans ton canapé, à moitié comateux devant la télé. Tu fais peine à voir. Au moins, ton goût pour l'alcool n'a pas changé, aux vues de la bouteille de bière qui pend à ton bras. On dirait un vieil ivrogne qui se fossilise dans son sofa. Manque plus que tu te les remettes en place et t'atteindra le summum de la beaufitude. Heureusement, cela n'arrive pas. Tu te contentes de regarder les images défiler sans même les voir, la bouche légèrement entrouverte. En fait, t'es plutôt pensif ce soir. C'est pas facile de faire un black out comme le tiens, de ne plus se souvenir de ce que tu as fait les dix dernières années... T'as beau fouiller et refouiller dans ton crâne, rien ne te vient. Et ça te bouffe. Ça te bouffe de pas savoir qui t'es, ça te bouffe de ne pas te souvenir. Tu le veux pourtant, tu le veux vraiment. Mais on ne peut pas dire que tu y mettes beaucoup du tiens. Pourtant, t'as eu quelques flashs récemment, sur des événements qui pourraient bien être des fragments de ton passé. Seulement, il reste encore à prouver que ce soit vraiment de ça qu'il s'agit.

Des coups de feu – qui sont en réalité fictifs, car il est question du film qui passe à la télé – te tirent de tes pensées tellement brusquement que t'en renverses la fin de ta bière sur le parquet de ton salon. « Putain de merde, c'est pas vrai ! », ouais, les grossièretés non plus t'as pas oublié. T'es vraiment un boulet dieu des enfers en carton. Tu entreprends d'aller chercher des serviettes pour essuyer ta connerie, mais tu te cognes le petit orteil contre le pied de la table basse au passage. Et aller, encore un juron ! Ça te fait un mal de chien, tu as l'impression de sentir ton cœur battre au bout de ce petit tas de chair. Mais quelque chose te dit que tu as déjà connu pire douleur. C'est même certain à en juger par toutes ces cicatrices qu'arbore ton corps. Après avoir enroulé ta main de serviettes, tu essayes d'éponger le sol du mieux que tu peux. Mais un bruit vient bientôt te distraire. Celui de quelqu'un qui frappe à ta porte d'entrée. Manquait plus que ça. Qui peut bien venir te déranger à une heure pareille ? Encore un de ces gars qui se présente comme ton ami de longue date dont tu n'as plus aucun souvenir, mais qui veut quand même essayer de te faire te rappeler ? Pitié, pas ce soir. Tu n'as pas la tête à écouter un nouveau discours complètement dingue pour toi.

Par précaution, tu regardes quand même à travers le juda. Bordel de merde ! Une nana ! Et canon avec ça. En un rien de temps, c'est la panique, tu ne sais pas ce qu'elle te veut, mais tu t'en moques. Elle peut bien te raconter que son chat est coincé en haut d'un arbre ou que sa voiture est tombée en panne devant chez toi, tu t'en branles. T'as juste envie de lui ouvrir la porte. Le seul problème, c'est que toi, tu n'es pas du tout présentable. Et pour une première rencontre – qui est loin d'en être une en réalité – tu ne tiens pas à ce que cette demoiselle te voit dans cet état. « J'arrive ! » que tu te contentes de lancer à travers la porte, alors que tu changes de pantalon en toute hâte et que tu te passes un coup de déodorant. T'en profites aussi pour te recoiffer un peu et ranger les deux-trois trucs qui pourraient faire tâche. Tu es fin prêt à lui ouvrir. Mais tu ne l'étais pas pour ce qu'il vient de se passer.