Seule face au petit miroir accroché au mur de sa chambre étriquée, Beatrix rehaussa ses longs cheveux ébène sur le haut de sa tête en une queue de cheval élégante, avant de laisser tomber ses bras sur son corps. Ses yeux vinrent de perdre dans son propre regard, dans ce reflet sérieux qu’elle renvoyait ; son rituel chaque fois qu’elle partait en chasse. Elle était prête. Prête pour une nuit qui s’annonçait hors norme. Beatrix n’arrivait pas à se ravir pourtant, encore secouée par l’accident du début de semaine. Hantée par la douleur fantôme, par cette sensation de panique qui l’avait saisie alors que, sous ses yeux, le dégénéré qu’elle avait cru guéri succombait dans une dernière convulsion au traitement qu’elle venait de s’injecter. Si Lykke n’étais pas intervenue, la brune aurait bien surement connu le même sort. Et cette idée, la jeune Lecter ne parvenait pas à la sortir de son esprit. Son corps était encore endolori  par les effets secondaires de cette overdose, pourtant ce n’était pas ce qui l’inquiétait ce soir là ; au contraire, elle devait réprimer ces douleurs pour ne pas attirer les soupçons. Car si elle savait qu’elle pouvait faire confiance à son amante, elle ne voudrait pas avoir à découvrir le sort que lui réserveraient ses collègues hunters s’ils venaient à découvrir la vérité.

Dossier en poche –elle devrait traquer et abattre une dénommée Charlie-, Beatrix regagna le petit salon de son appartement et y découvrit Lykke, roulée en boule dans un coin un sofa au bout de la pièce. Le visage de la brune s’éclaira alors qu’elle pénétra dans  la pièce, bercée par la douceur candide de sa collègue de laboratoire. Les traits de son visage étaient déformés par une moue pensive, chagrine, qui contrastait avec son enthousiasme usuel ; pourtant, son regard vint s’égarer dans celui de Beatrix. Une mimique maligne accrochée sur son visage malicieux, Lykke brisa le silence qui berçait la pièce avec une  réplique digne du plus maladroit des séducteurs. Réplique qui ne manqua pourtant pas d’arracher un sourire amusé à Beatrix, qui ne se lasserait surement jamais de la fraicheur qu’apportait la rousse dans sa vie. Un sourire que seule la rousse était capable de faire apparaitre. « Ne pars pas. » lâcha finalement la scientifique, son regard brillant la suppliant de rester à ses côtés ; voila donc la raison de sa mine boudeuse, pensa la brune. Trois petits mots qui suffirent pour que le cœur de Beatrix se serre douloureusement. Elle aurait voulu bien sur, passer la soirée en compagnie de la rousse, ne plus jamais la quitter ; mais elle ne pouvait pas refuser une mission de la sorte. La chasseuse s’empressa de rejoindre la rousse sur le canapé, s’asseyant juste à côté d’elle avant de l’attirer contre son corps. Une étreinte sincère, qui se voulait rassurante. « Je suis désolée Ly. Je dois y aller, les autres comptent sur moi. » tenta de se justifier Beatrix. « Je vais bien, je te promets. » souffla-t-elle finalement, vain espoir pour se montrer rassurante, avant de déposer un baiser joueur sur son front.

Assise sur le petit canapé de son salon, la rousse blottie tout contre elle, Beatrix sentait son cœur se réchauffer. Une sensation qu’elle accueillit à bras ouvert, ayant depuis l’incident un désagréable sentiment de vide qui la hantait. Sa sauveuse. Pas étonnant maintenant que la belle associe Lykke a un sentiment de protection, de sureté. Et elle aimait ça ; sentir ainsi que quelqu’un prend  soin de vous, s’assure que vous allez bien. Elle avait son frère bien sur, son jumeau ; mais avec Felix, c’était différent. Peu importait les rumeurs incestueuses complètement infondées qui ressurgissaient de temps à autre, leur relation n’était pas de cette nature. Mais avec la rousse, c’était une autre histoire. Tant bien même tout le mal que Beatrix se donnait pour tenter de camoufler ses sentiments. Coupée de ses pensées par le regard de Lykke qui vint se perdre dans ses yeux, la brune tâcha de se faire rassurante ; domaine où elle était encore novice.  « Promis. » souffla-t-elle doucement, ne quittant plus les yeux noisette de la scientifique. L’inquiétude avait tintée la voix de la danoise d’une manière qui contrariait Beatrix ; elle ne voulait pas que la jeune Holgersen s’alarme. Une main délicate vint se poser sur la joue de la chasseuse, une caresse à laquelle elle s’abandonna de bon cœur, posant doucement sa tête contre la paume fraiche de Lykke. Alors que la voix chantante de la belle s’éleva à nouveau dans la pièce baignée par la télévision allumée en arrière plan, Beatrix s’étonnait presque de la réaction de sa douce. Elle qui était si passionnée, si bornée ; la voir la laisser partir aussi facilement la surprenait presque. Mais ce fut presque un soulagement, peu désireuse de lui transmettre la peur qui lui rongeait férocement l’estomac. Non pas effrayée par sa mission, elle avait l’habitude partir seule en chasse ; mais plutôt par l’idée que son corps s’oppose au combat à venir. Elle se sentait prête, pourtant l’engourdissement dans ses membres lui suppliait de rester au calme.

Beatrix ravala bien vite ses préoccupations alors que les lèvres de la danoise vint s’égarer sur les siennes. Un baiser léger, rapide ; trop rapide, pour la chasseuse qui en redemandait. Mais le visage illuminé par un sourire, Lykke se recula de quelques centimètres. Une distance que Beatrix se força à conserver pour observer plus finement les traits radieux de la scientifique. Il y avait dans ces traits une innocence dont la brune ne se lasserait surement jamais, une innocence qui lui manquait terriblement dans cette vie sauvage qu’elle menait. « Jeg elsker dig. » Trois petits qui vinrent briser la tension du moment. Trois petits mots qui suffirent au cœur de Beatrix pour se serrer. Elle les connaissait, malgré la langue que la rousse avait employée ; je t’aime. Des mots que la jeune Lecter employait rarement, détestant l’attachement qui accompagnait une telle déclaration. Détestant l’attachement, tout court. Les mots s’emmêlèrent dans la bouche de Beatrix, qui cherchait quoi à répondre à une si belle déclaration. « Je … Merc … Je … Je sais.  » Mauvaise réponse, surement, mais c’était la seule chose qui avait réussi à trouvé son chemin hors de son esprit embrumé par l’émotion. Beatrix s’éloigna, vivement, fuyant le regard de son amante et sa réaction à cette réaction maladroite. L’amour, c’était une émotion complètement inconnue aux yeux de Beatrix, qui commençait à faire son chemin dans la tête de la brune mais qui ne s’était pas encore complètement installée.