Jonoch.

It is far better to grasp the universe as it really is than to persist in delusion, however satisfying and reassuring.
Carl Sagan≈≈≈

Radcliff. Quatorze heures à l’horloge, Mercredi au calendrier. Enoch avait à peine vu ce début de semaine passer. Le peu de temps qu’il avait à lui, il le passait auprès de sa petite-sœur, à l’aider à maitriser son don, ou bien derrière son bureau, à poursuivre ses recherches. Ça devait bien faire des semaines qu’il n’avait pas pris le temps de se poser à l’extérieur avec un bon bouquin. Bien sûr, au petit-déjeuner il améliorait toujours son Grec ancien, dictionnaire à la main. Néanmoins le jeune homme considérait cette activité comme mécanique et semi-nécessaire ; loin de lui l’idée de considérer l’apprentissage d’une langue morte comme un plaisir journalier. Ça non ! Pour lui distraire l’esprit, rien n’égalait un ouvrage de ce vieux Stephen Hawking. Quand bien même Enoch avait lu chaque ouvrage du physicien et cosmologue une bonne dizaine de fois, il ne se lassait jamais de relire ses passages préférées, notamment sur la gravité quantique et les trous noirs, dont il était très critique. Sixsmith prenait aussi un étrange plaisir à répliquer la voix synthétisée -et pour le moins particulière, du scientifique. Il l’utilisait comme un stratagème pour faire rire ses élèves, lorsque son cours devenait aussi ennuyeux qu’un discours de Sarah Palin lors des élections 2008. Parfois, il lui arrivait d’avoir un petit pincement au cœur, comme lorsqu’on lui répondait que son imitation de Wall-E était impeccable, ou bien quand un lourd silence suivait sa blague légendaire : ‘Well, that was hawk-ward’. Même les terminales ne comprenaient pas son humour, ce qui ne manquait jamais de l’exaspérer. Nul besoin d’une mémoire eidétique pour être un minimum cultivé ! Ceci dit quelque part, Enoch était heureux d’avoir accepté ce poste de prof à Radcliff High. Le jeune généticien s’était rapidement fait un devoir de transmettre son savoir le plus élémentaire aux jeunes gens à qui il faisait classe. Il fallait avouer qu’ils avaient quelque chose d’attachant. Puis leur candeur et leurs plaisanteries d’écervelés lui rappelaient ses frères, lorsqu’ils avaient leur âge. Un doux souvenir dont il ne se lassait pas.

Ces mêmes élèves étaient passés lui demander conseil pour un devoir, ce jour-là, alors que les rayons du Soleil parsemaient la pelouse jaunie de la cour. Pour la toute première fois en quinze jours, le jeune professeur s’était résolu  à écourter sa session de soutien pour se prélasser dehors. Un franc sourire aux lèvres, Enoch s’était allonge sur un banc tandis qu’il parcourait les pages de l’Univers dans une Coquille de Noix. Ses cernes cachés par les verres sombres de ses lunettes de soleil, il aurait presque oublié sa migraine, qui ne le quittait pas plus que le génome qu’il avait développé, alors qu’il était adolescent. Comme quoi tout avait un prix dans cette vie. Tournant tranquillement une page, Enoch se rassit et prit une gorgée de son café serré, dilué dans du Red Bull, avec trois pastilles de vitamine C. De quoi ravir ses papilles pour l’après-midi, et surtout le tenir éveillé.