STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN

Et si plus tard on voulait connaître mes histoires, combien vaudront vraiment la peine d’être racontées

26 novembre 1989, Londres, Angleterre

Toutes les histoires commencent de la même manière. L’annonce d’une grossesse suivie de pleures – de joie ou pas -, des mois qui passent, vite pour certains, lentement pour d’autres, et puis le bébé décide qu’il est temps d’arriver. On se déplace à l’hôpital – ou le destin en a décidé autrement et ça se passe ailleurs, une voiture, une forêt, à la maison, ou que sais-je, le destin à parfois beaucoup d’humour.

Ma naissance a été des plus banales. Mes parents ont pleuré de joie en apprenant ma venue et je suis né à l’hôpital, entouré de médecins. Tout s’est bien passé, « comme une lettre à la poste », disait-on. J’ai crié dès les premières secondes de ma vie comme tous ces bébés en bonne santé, on m’a déposé dans les bras de ma mère, j’ai serré le doigt de mon père avec ma petite main et ma vie a commencé.


3 décembre 1999, Londres, Angleterre

J’ai eu une enfance très facile. Fils unique, j’avais deux parents qui m’aimaient, j’avais toujours de bonnes notes à l’école, j’avais des amis sur qui compter et pourtant, un événement changea ma vie à tout jamais. Je m’étais disputé avec l’un de mes amis ce jour-là et j’étais donc rentré à la maison, en colère. Ma mère était venue me voir pour comprendre ce qu’il se passait, mais ne voulant pas discuter avec elle, j’avais essayé de la repousser, lui touchant le bras. Elle s’était alors écroulée devant moi. Je m’étais énervé de plus belle, pensant que c’était une blague de mauvais goût de sa part, mais avais fini par comprendre que c’était moi qui avais fait ça. La peur m’avait gagné et j’avais vérifié que ma mère respirait encore, ce qui était le cas. La panique s’était propagée en moi, que m’arrivait-il, pourquoi ça se produisait ? Ma mère aimait parfois me raconter le soir des histoires sur ces gens qui n’étaient pas comme les autres, qui avaient la capacité de faire des choses extraordinaires. Faisais-je partie de ces gens ? Etais-je quelqu’un d’extraordinaire ?

Ma mère avait repris conscience et j’avais pu lire pour la première fois sur son visage de l’incompréhension. Je ne l’avais jamais vue ainsi, elle qui était toujours sûre de tout ce qu’elle faisait, qui calculait chacune de ses activités, tout était toujours millimétré et pourtant, ce qui venait de se passer lui échappait. Elle m’avait laissé dans ma chambre, seul face à toutes ces questions qui tourbillonnaient dans ma tête et je ne l’avais revue que le soir, lors du repas, en compagnie de mon père. L’ambiance n’était plus la même, je sentais que quelque chose les tourmentait, et cette chose, ce devait être moi. Le repas s’était passé en silence pour une fois, chacun les yeux plongés dans son assiette. Une phrase pour briser le silence : « Comment était ta journée ? ». Faire bonne figure devant moi. Car je savais qu’ils avaient déjà parlé de l’incident.

Une fois au lit, mon père était passé me dire bonne nuit et je m’étais risqué à lui poser une question. - Est-ce que je suis un monstre, papa ? Je me souviendrai toute ma vie de l’expression que j’avais lu dans ses yeux. Une sorte de mélange de peine et de peur. - Bien sûr que non. Un baiser sur le front pour me rassurer et il s’en était allé. Mais cette nuit-là, mon sommeil fut tourmenté par les cauchemars car le regard de mon père n’avait pas réussi à me rassurer.

Juillet 2000, Londres, Angleterre

Mes parents avaient fini par accepter ce que j’étais. Avec mon père, nous avions même mis en place un petit programme pour que j’apprenne à maîtriser mon pouvoir, pour en apprendre plus sur les autres comme moi, sur mes possibilités d’avenir, etc. Mais au fond, je sentais que ma mère n’était pas totalement en accord avec ma nature. Sûrement de la peur, ou de l’inquiétude. Elle était persuadée que je subirais de la violence de la part des autres, des gens « normaux ». Je sentais également que la relation avec mon père se ternissait. Ils ne se regardaient plus de la même façon, je ne les entendais plus rire ensemble, la dernière fois que je les avais vu se tenir la main remontait à si longtemps. Les choses changeaient et pas forcément dans un sens qui me plaisait.

14 septembre 2002, Londres, Angleterre

Il était parti. Il avait laissé un grand vide dans cette famille, nous avait tous changé. De garçon jovial et ouvert, j’étais devenu un adolescent distant et fermé. Ma mère n’approuvait pas autant que mon père ce que j’étais, je me sentais moins à l’aise avec elle, même si je l’aimais de tout mon cœur. Elle aussi avait changé. Les repas se passaient en silence, plus d’entraînements, plus de recherches, la routine avait pris place.

Je passais certains week end chez lui, les autres chez elle, mais tout avait changé. Même avec lui, je ne me sentais pas à ma place. Lorsqu’il annonça qu’il partait vivre aux Etats-Unis, la petite fissure se transforma en cassure complète. Mon monde s’écroulait. Je ne lui rendrais visite que de temps en temps, pour les fêtes peut-être, peut-être pas.

Février 2012, Londres, Angleterre

C’était officiel, d’autres comme moi existaient. Le président des Etats-Unis l’avait lui-même annoncé. Ces dernières années, de nouveaux cas étaient apparu tous les jours sur internet. Evidemment, avec toutes cette nouveauté et cet inconnu, des mouvements anti-mutants naissaient, intensifiant les craintes de ma mère. J’étais devenu une cible, un paria.

Juin 2013, Los Angeles, USA

J’avais décidé de partir vivre chez mon père. Ma mère ne supportait plus de me voir la cible de toute cette violence contre ma « race ». C’est également à ce moment que le dépistage avait commencé. Je l’avais fait et en étais ressorti positif, évidemment.

Octobre 2014, Los Angeles, USA

Un vaccin était lancé sur le marché. Il pourrait apparemment supprimer les pouvoirs. Enfin en accord avec ma nature, je n’avais à aucun moment envisagé d’utiliser un tel sérum. Mais je sentais que mon père était tourmenté par ce nouveau produit. Ce sérum pourrait-il rendre la vie plus simple aux transmutants et donc ME rendre la vie plus simple ?

Aujourd’hui, Radcliff, Kentucky, USA

- Va chercher ce sérum. La vie sera plus simple pour tout le monde, ta vie ne sera plus en danger. Fais le pour ta mère, pour moi mais surtout pour toi. Ces mots de mon père tournent encore dans ma tête alors que je débarque à Radcliff. Il veut que je prenne ce sérum que je « me fasse soigner », que je me débarrasse de ma nature la plus profonde, mais je n’en ai pas envie. C’est ce que je suis, je refuse de faire taire une partie de moi-même. S’il a pu accepter ma bisexualité, pourquoi ne serait-ce pas pareil cette fois ?

Je suis à Radcliff, bien intentionné à ne jamais prendre ce vaccin et à commencer une autre vie au milieu des gens comme moi.

FÉLICITATIONS JEUNE MUTANT

tu es validé, tu pues la classe, vas-y sors tes lunettes de soleil.