Elle y a cru Arabella. Elle l’a pensée pendant de nombreuses années qu’elle n’était pas comme le reste de sa famille. Ils étaient fiers ses parents. Fiers d’une personne normale dans leur famille. Soulagés de ne pas devoir s’enfuir une fois de plus. elle les a entendu si souvent lui rappeler de chérir sa normalité, de chérir cette possibilité unique de s’en sortir, de ne pas avoir une pancarte au-dessus de sa tête. Arabella, petite fille normale. Arabella, espoir d’une famille qui a déjà bien trop souffert. Arabella ou le grand secret. La vérité qu’elle n’a jamais osé leur dire. elle était grande Arabella et pourtant pas encore adulte. Adolescente au cœur endolori. Jeune femme marchant sur le fil de la vie. un fil qui ne prenait pas la destination désirée. Passion qui ne deviendrait jamais métier. Amour inavoué qui s’en était allé. Déchirure dans l’âme. Et puis cet accident. Cette fille de sa classe. Quelqu’un a qui elle ne parlait que peu. Demoiselle dont elle prit tout de même la peine d’aller à l’enterrement. Parce que c’est ce que font les gens normaux. Mais les personnes normales, elles ne voient pas la défunte bougée telle une ombre planant sur son propre enterrement. Surmenage qu’elle a pensé. Parce que tout valait mieux que d’acquérir un pouvoir. Que d’enlever l’espoir de normalité à une famille qui avait déjà trop souffert… Et l’ombre de cette fille s’en est allée. Remplacée par une autre. Remplacée par cette autre plus menace. Une ombre qui prit peu à peu l’apparence de ce frère disparu. Et ce qui n’était que surmenage devint tout autre. Une vérité que l’adolescente ne pouvait partager par besoin de préserver cette normalité tant désirer.  Secret qu’elle garde encore aujourd’hui.

Elle a entendu ses rumeurs, sur l’élément déclencheur dans les mutations tardives mais jamais elle n’a voulu en chercher la cause. Jamais elle n’a voulu admettre qu’un départ aurait pu y contribuer. Que les bouleversements qu’elle a ressenti à l’époque ont pu la pousser vers un état de fragilité. Jamais elle n’admettra que son départ ait pu contribuer à faire émerger cette part cachée d’elle-même…

Le don d’Arabella se manifeste par une capacité à s’entretenir avec les défunts. Si sur le papier, ce pouvoir peut sembler plus que charmant dans la réalité, cela ramène la jeune femme à vivre en liaison constante avec la mort. Au départ, l’adolescente ne voyait que des ombres floues, des présences dans son champ de vision, des âmes floues avec lesquelles elle ne peut communiquer. Elle aurait pu se croire folle Arabella si le reste des siens n’étaient pas déjà des transmutants. Une folie qui aurait pu l’engloutir complètement quand les ombres ont pris formes. Dans un premier temps, il ne fut question que de proches décédés. Des personnes importantes telles que son frère à l’épicier du coin avec qui elle ne parlait que peu. Des personnes qu’elle connaissait toujours de près ou de loin. Des êtres semblables aux autres êtres humains pour la plupart, errant dans cette ville, dans sa vie. parfois, ces visages semblables à ceux des vivants prenaient des formes étranges, apeurantes. Des visages déformés, tout droit sorti des pires films d’halloween. Des êtres aux morts terribles. Des êtres n’ayant pas trouvés la paix. Une vérité qu’elle a compris avec le temps à deux doigts de se sentir folle. à deux doigts de totalement perdre pied. Tranquillité à jamais empêchée. Tranquillité qu’elle ne pouvait malheureusement plus trouvée. Des voix, des discutions, cette sensation de ne jamais pouvoir toucher du bout des doigts la solitude. La paix intérieure tant désirée, à jamais inatteignable… parce que les années ont passées, parce que le don s’est développé et que chaque année apportait d’avantage d’identités à formes humaines et de moins en moins d’ombres.

Un don inoffensif pour autrui, destructeur pour la personne qui en est atteinte. Arabella a toujours vécu son don comme une malédiction. Le meilleur moyen de perdre pied. Alors, elle s’est éloignée des vivants. Incapable parfois de distinguer les défunts des respirants… la demoiselle a pris l’habitude de sortir généralement avec des écouteurs sur les oreilles. Pas forcément de musique dans les oreilles mais un moyen de ne pas se faire passer pour une folle. de pouvoir s’exprimer face à un néant sans donner l’impression d’avoir perdue la tête. Parfois, elle se demande Arabella. Elle s’interroge, tout cela est-il vraiment un pouvoir ou simplement un signe d’une maladie mentale. Souvent, elle se pince les bras à s’en faire mal uniquement pour se laisser avoir par la douleur. Pour que cette dernière devienne si importante que le reste autour d’elle disparait, que les voix se taisent. En grandissant, le seul moyen qu’elle a trouvé pour le faire taire au moins un peu c’est de boire. L’esprit moins clair permet de rendre les voix moins présentes, les formes plus floues, de tout rendre plus supportable, plus vivable. Ignorer les défunts, une autre manière d’arriver au même résultat, compliquée pourtant.

Prendre du Nh24 c’est le seul moyen qu’a trouvé la demoiselle d’obtenir la liberté. Elle n’a pas hésité à se précipiter dans la pharmacie la plus proche pour récupérer sa dose. Une dose qui lui permet de survivre. Une dose qui lui assure une certaine tranquillité. Une dose qui n’est pas sans conséquences. Si la plupart du temps Arabella retrouve enfin sa normalité, elle se retrouve parfois dans des crises rendant ses pouvoirs beaucoup plus puissant. L’augmentation de ses capacités se manifestent par une variante de ses pouvoir. Les morts ne sont plus les seuls à changer, les vivants également. certaines se retrouvent entourés d’un halo blanc. Une sorte de lumière que la jeune femme a identifié en regardant la page nécrologique de la gazette locale. Une indication des morts en devenir. Des nouvelles têtes qui parcourraient bientôt son champ de vision. Une réalité qui l’effraie mais une réalité moins présente que ses années fantomatiques. Un autre effet secondaire du traitement est ses pertes d’équilibres qu’elle tente de faire passer pour de la maladresse. Quant aux insomnies, Arabella s’y est habituée depuis l’apparition de ses pouvoirs.  

Elle se rappelle encore les années de fuite. Ne jamais se poser nulle part, toujours avancer. Elle revoit cette lueur de peur sur les visages de ses parents. Elle se souvient de la douleur. De la perte irremplaçable. Du malheureux. Elle se rappelle de tout, assez pour ne jamais porter le moindre hunter dans son cœur. Arabella se rappellera à jamais combien ils peuvent être dangereux. Combien ils peuvent être cruels. Incapables de lâcher leur proie. Dès son plus jeune âge, ses parents lui ont appris à les craindre. À avoir  bien plus peur d’eux que de la mort. Parce que c’est ce qu’ils ont toujours représenter pour elle : la mort. Des tueurs sans mercis, sans pensées. Des êtres qui ne vivent que pour détruire d’autres vies. Rien d’autre mais c’est déjà bien trop pas vrai ? Plus ils se trouvent loin d’elle, plus elle est rassurée Arabella. Et pourtant, elle sait qu’il y en a au sein même de Radcliff. Elle se remémore cette nuit noire. Cette peur qui s’empare d’elle. ce chasseur qui la poursuit. Qui se doute qu’elle n’est pas qu’une âme taciturne, qu’un pouvoir se repend dans ses veines. Et finalement la vérité, la peur, la chasse. L’incapacité de se défendre. Aussi fragile qu’une humaine et pourtant pourchasser pour être tout autre chose. Elle se souvient de la peur. Mourir. Elle allait mourir cette nuit-là... sauf qu’elle fut sauvé. Étrangeté de la vie mais rappel immuable de la dangerosité des hunters.  


Quant au gunpowder squad, elle les trouve plus dangereux que de simples hunters. Mieux organisés, plus efficaces, plus destructeurs. Se retrouver face à un membre du gunpower squad est la dernière chose dont elle a envie. Arabella se souvient quand ils étaient important dans la vie. Quand ils pouvaient s’afficher au grand jour. Quand chaque jour, elle ressentait la peur de se faire démasquer par l’un d’entre eux… soit disant là pour le bien des habitants, elle ne les a jamais vu commettre la moindre action positive en ville. Destruction, terreur, tout ce qu’ils pouvaient entrainés.  Heureusement, le groupe semble avoir été détruit, c’est en tout cas ce qu’elle pense mais ce n’est pas pour autant qu’elle acceptera de faire une longue conversation avec une personne ayant autrefois porter le brassard rouge…

Arabella sait que la violence engendre encore davantage de violence. Jamais, elle ne pourra s’imaginer rejoindre un groupe tel que les Insurgency. Même s’il est difficile d’affirmer avec certitude qu’ils sont responsables de tout ce dont on les accuse, la jeune femme sait qu’ils sont responsables d’actions dangereuses. D’actions destructrices. Qu’ils ne sont, dans le fond, pas tellement différent des hunters. Ils se protègent par peur mais dans une violence qui ne fait qu’en engendrer davantage. Pour elle, ils montrent également une mauvaise image des transmutants. Qu’ils font passer les gens comme elle pour des êtres sanguinaires, des monstres, des personnes qui se moquent définitivement des gens qui ne sont pas comme eux… Tuer des vies pour tenter de faire passer un message, ce n’est en aucun cas une bonne solution… Qui plus est, leur action face à l’usine de Nh24 a été loin de lui plaire. Arabella ne se verrait plus vivre sans sa piqure…

Si son passé ne l’avait pas définitivement détourné de tout ce qui concerne les transmutants, Arabella aurait peut-être rejoint les Uprising. Contrairement aux Insurgency, elle accepte davantage leurs idées même si elle ne se lie nullement avec des personnes qui appartiennent à ce groupe. Pour survivre, la demoiselle préfère se faire passer pour totalement humaine, totalement normale. Peut-être que si un jour elle se fait acculée, elle pourrait penser à pousser la porte de ce groupe.