Sujet: (Cesare) | There is grandeur in this view of life Dim 19 Fév 2017 - 23:50
There is grandeur in this view of life
Cesare & Rafael
Après des semaines de colère noire, Rafael avait cesser de compter les jours. Il avait cessé de ruminer sa haine, cessé de crier vengeance, cessé de penser à tout cela. Il n'avait plus personne avec qui échafauder un plan tordu pour contraindre Cesare de revenir, il avait perdu ses soutiens un à un, et il ne faisait pour l'heure pas encore assez confiance à Helen pour lui confier ce genre de choses. Quant à Kaisa... Il n'était pas question de la confiance que lui avait en elle mais plutôt l'inverse. Un pas de travers et il courait le risque de la voir lui filer entre les doigts, un mot de trop et elle pouvait se méfier de lui, une minute d'inattention et elle pouvait tout simplement se retourner contre lui. Alors il était seul, le patriarche DeMaggio, seul avec sa colère, seul avec sa haine et seul avec un fourmillement de questions qu'il n'était plus en mesure de mettre en ordre. Ses blessures avaient plutôt bien cicatrisé, les plaies ne saignaient plus, et il ne restait de ses deux dernières altercations avec sa nièce que des cicatrices entre rosées.
Pourtant, si la douleur l'avait quitté et s'il y était de toute manière habitué, il ne trouvait plus le sommeil. Des années à ne se soucier que de lui et d'un nom qui n'avait de valeur que celle qu'il voulait bien lui donner, et voilà qu'il se découvrait une conscience ! Une minuscule, presque ridicule conscience qui s'était éveillée au lendemain de ce fiasco qu'avait été le plan d'évasion d'Eleazar. Au final, le Rivera y était resté et Rafael avait bien failli le rejoindre. Ce n'était pourtant pas la mort de son beau-frère mais bien le fait qu'il ait failli, de rage, tuer son propre fils, qui le retournait à ce point. Si Rafael était loin d'être le père parfait et s'ils confondrait régulièrement éducation et douche froide, il n'avait jamais eu l'intention de tuer ses enfants. La mort d'Aria était comme une arrête douloureuse fichée dans sa trachée, les noms d'Artur Kovalainen et de Kingsley Moren continuaient à le hanter, et il ne cessait de se dire que si Gabriela ne l'avait pas arrêté, il aurait bel et bien pu tuer Cesare. Son sang, sa chair, le garçon qui avait fait sa fierté à une époque, avant qu'il ne découvre l'odieuse dégénérescence qui l'affligeait. Pourrait-il à nouveau le regard en face sans voir le monstre ? Sans que ses instincts de chasseur ne lui hurle de l'achever pour son propre bien ? Rafael savait que la chasse était inscrite dans ses gênes, dans ses tripes, et qu'au plus profond de lui-même, il ne serait jamais en mesure d'accepter l'idée d'avoir élevé deux mutants sous son toit.
Pourtant... Il était seul, désormais. Aira n'était plus, Cesare semblait avoir fait une croix définitive sur son passé, et Isabela avait rejoint sa fille. Rafael n'était même plus tout à fait certain de savoir ce qui était arrivé à son épouse. Etait-ce sa faute ? Avait-il porté le coup fatal ? Ou était-ce un accident ? Les idées et images se mélangeaient dans son esprit, tant et si bien qu'il en venait à peiner à dissocier le vrai du faux. Tout ce qu'il savait, c'était qu'Helen Smedry l'avait prévenu. Elle l'avait averti des plans d'Isabela. Quoi qu'il arrive, ils en seraient venus à se dresser l'un contre l'autre. Mais y aurait-il eu un mort au sein du couple DeMaggio ? Pas sûr. Isabela morte, il n'y avait plus rien à réparer ou reconstruire, et ne subsistaient que les regrets. Dire qu'il avait aimé son épouse aurait été un bien grand mot, mais il l'avait suffisamment estimée et appréciée pour qu'elle lui manque à présent.
La main posée sur la poignée de la porte d'entrée, Rafael hésitait à présent depuis vingt bonnes minutes. Y aller ? Ne pas y aller ? Tenter une discussion ? Sur le meuble de l'entée était posé son revolver fétiche, et il fut tenté de le prendre, comme à son habitude. Il se ravisa finalement et se contenta d'attraper les clés de sa voiture, claqua la porte derrière lui et s'engouffra dans l'habitacle. Une part de lui persistait à lui hurler qu'il faisait une bêtise monumentale, une autre le poussait à ne pas se dégonfler. Qu'allait-il lui dire, après tout ? Bientôt un an qu'Aria était morte, drôle de moment pour célébrer un anniversaire aussi morbide. Rafael traversa la ville sans même s'en rendre compte et, lorsqu'il fut devant le garage, il regretta de n'avoir pas roulé moins vite et fait quelques détours. Un soupir, il tourna la tête vers le garage, cherchant du regard Cesare. Ne le voyant pas, il descendit de voiture et s'approcha du bâtiment, qui sentait un mélange d'essence et d'huile de moteur. Quand finalement il aperçu son fils, il failli bien se figer dans son mouvement et faire demi-tour, mais c'était trop tard.
« Cesare... », murmura-t-il en guise de bonjour.
Aussitôt, Rafael pris les devants, sortit les mains de ses poches et les leva, bien en évidence.
« Je ne suis pas armé, je ne te veux aucun mal. Ton lieu de travail, tes règles, d'accord ? »
Il se figea à une distance respectable et baissa les mains, le visage toujours aussi fermé.
« Je suis juste venu... Discuter. C'est tout. »
Ce n'était pas dans ses habitudes de courber l'échine, et encore moins de montrer patte blanche de la sorte, mais s'il voulait avoir une discussion civilisée avec son fils, il allait bien falloir qu'il les change, ces habitudes.
Sujet: Re: (Cesare) | There is grandeur in this view of life Sam 25 Fév 2017 - 1:44
what if the fight is all we have? RAFAEL DEMAGGIO & CESARE DEMAGGIO
Le mois de février lui était presque tombé dessus ; comme ça, du jour au lendemain, Cesare s’était réveillé sur la date décisive. Il avait vu les numéros, et il n’avait pas vraiment su quoi faire avec. Avec les sentiments qui étaient brutalement revenus en lui, comme s’ils n’étaient jamais partis. Ils n’étaient sûrement jamais partis, s’il devait être honnête, il pourrait l’dire sans détour : aucune quantité de bonheur ne pouvait complètement le défaire du deuil qui pesait comme une enclume sur son être, et laissait une part de lui à jamais handicapée au moindre sentiment doucereux. Y’avait pourtant Clara, y’avait Isolde aussi ; y’avait l’ordre logique des jours qui se succédaient, le compte à rebours imposé par le mariage dont ils avaient enfin fixé la date. Y’avait le fait que chaque jour, sa fille semblait grandir, évoluer à vue d’œil. Y’avait les horaires de ses journées de travail, d’une telle heure le matin à une autre le soir – cette mécanique assommante qui marchait si bien sur les autres. Non, il n’avait pas vu le jour-J arrivé, mais il l’avait senti passer. Et depuis, il sentait chaque aube comme une goutte de plus s’écrasant sur sa tête : peut-être bien que ça allait le rendre fou, au bout d’un moment. Ça faisait plus d’un an qu’Aria était morte, désormais. Un an et il n’savait toujours pas quoi faire avec ça ; il avait tué Kingsley Moren, et fondamentalement, ça n’avait rien changé. Rien changé à son désarroi, ou même à l’horreur qui continuait de sévir en ville – ça n’avait été qu’un hunter en moins. Ça n’avait rien changé dans les profondeurs ; il n’en était pas plus heureux pour autant, il n’avait pas rendu justice à sa petite sœur, et probablement même qu’à y réfléchir, un peu plus de sang sur ses mains faisait surtout de lui un père encore moins recommandable pour la petite fille qui grandissait sous sa protection. Aria était morte – et un an plus tard, Cesare s’était pris ce coup douloureux et invisible sur le coin de la tête, réveillant la douleur et l’impuissance. Sa sœur était toujours morte, et le temps n’avait pas érodé la peine. Depuis, il n’savait pas quoi faire ; son cerveau semblait s’être remis en marche sur les mêmes images impitoyables, celles qu’il avait tant enterrées sous les gravats de sa vie, qu’il s’était dit que c’était comme ça, peut-être, que le deuil se faisait. Il n’avait pas beaucoup dormi, cette nuit, et si le DeMaggio n’avait pas la réputation d’être l’employé modèle qui sympathisait avec tout le monde – une faute qu’on lui pardonnait grâce à son efficacité – aujourd’hui, c’était pire encore. Il était devenu moins réceptif à tous ceux qui tentaient d’faire semblant de s’intéresser à c’qu’il pouvait bien faire, moins tolérant à l’égard des femmes un peu désemparées qui voulaient attirer l’attention du type ‘manuel’ qu’il était censé être. Beaucoup moins patient avec ceux qui prétendaient pouvoir faire mieux que lui, mais passaient en réalité leur journée derrière un bureau, à compter des nombres. Qui aurait pu savoir, que la vie quotidienne des gens normaux, exigeait qu’on doive adresser la parole à tant d’inconnus ?
C’n’était pas un truc que le brun avait aimé faire, dans quelque job que ce soit – pourtant, cette fois-ci, c’n’était pas un emploi qu’il avait comme ça, pour se faire un peu d’argent pour lui, et couvrir ses activités de hunters. C’était son avenir, l’assurance d’une vie confortable pour Clara – au moins à moitié, et la promesse de peu à peu mettre d’côté, pour que sa fille puisse faire des études. Un privilège duquel Isolde et lui s’étaient privés depuis bien trop longtemps ; forcément, alors, que si Clara devait dans le futur, vouloir faire les études les plus longues et les plus coûteuses qui soient, Cesare n’serait pas celui qui chasserait son rêve, crèverait son cœur d’un revers de la main, pour des questions d’argent. Il n’était plus seul désormais, et même si ça devait l’forcer à supporter tous les cons de la ville, tous les jours, ça n’changerait certainement pas les sentiments qu’il avait, vis-à-vis de cette nouvelle vie si durement acquise. « Cesare... » ; dans la marche réflexe et continuelle de son esprit, la répétition insatiable de la motivation qu’il n’avait de cesse de puiser de plus en plus profond, ces derniers temps, le jeune homme n’avait pas vraiment eu le temps de faire les connexions entre c’que ses yeux voyaient, ses oreilles entendaient, et les réflexes éveillés dans son cerveau. Son père était juste là, à quelques mètres, et Cesare aurait eu l’instinct de porter sa main à sa ceinture pour y trouver son arme, comme ça, en quelques secondes s’envolant à toute vitesse, s’il n’savait pas trop bien déjà qu’il ne l’avait pas. Il ne la portait plus depuis des mois maintenant ; tellement longtemps que ça ne lui était plus si inconfortable que ça, alors même qu’il lui avait fallu une éternité pour s’y habituer. Il s’était senti nu, vulnérable, exposé, une victime en l’attente de sentence : là maintenant, il savait pourquoi. Y’avait pourtant du monde autour d’eux, d’autres gens au moins – des témoins – mais rien qui n’encombrerait la conscience de Rafael pour sûr, et un univers qui semblait avoir littéralement disparu, pour le mutant. Ils étaient tous inatteignables, et il se sentait complètement inatteignable par ceux-ci : qui, de toute manière, sauterait à la rescousse du type qui avait passé la journée à les ignorer, ou à leur faire comprendre qu’il n’était pas d’humeur – jamais – à sympathiser et à jouer les bons potes de travail. Non, tout c’que Cesare voyait maintenant, c’était son père ; loin, et pourtant trop près, et dans sa tête, c’était le vide complet. La haine, la rage, le dégoût, la peur, il ne sut pas vraiment quel sentiment son géniteur put décrypter dans son regard ; il n’savait pas vraiment quel sentiment dominait le plus en lui. Certainement pas la chaleur habituelle qu’un fils devait avoir en voyant son patriarche pour la première fois depuis des mois : encore une fois, probablement que tous les pères n’envoyaient pas leur dernier enfant à l’hôpital pour avoir essayé de les tuer. Et puis-… quoi ? S’il avait trouvé cet endroit, s’il savait qu’il était ici, qu’est-c’qu’il savait d’autre ? Soudainement, Cesare s’disait qu’il avait vraiment baissé sa garde, et que ç’avait été imprudent et stupide à souhait.
Il était juste venu… discuter. Discuter de quoi, au juste ? Pourquoi ? Avait-il toujours eu un œil sur lui ? Savait-il pour Clara ? Après tout, ils avaient su, ses deux parents, pour Isolde et lui, avant même qu’il ne suspecte quoique ce soit ; et il n’savait que trop bien comment ils en avaient payé les conséquences. Et là, ici, Cesare se sentait vraiment trop con d’s’être pris au jeu de la vie normale, comme si ça pouvait avoir le moindre sens à Radcliff, comme si ça pouvait être vrai. La maison, le travail, leur vie, Clara, la crèche, leurs lieux de fréquentation habituels, Radcliff tout court – tout semblait être défait de la confortable sécurité qui avait fini par grandir en Cesare, probablement pour la première fois d’toute sa vie. « Discuter, sérieusement ? » il n’hésita pas à cracher, en guise de bonjour, lui, non sans qu’un ricanement sarcastique et suspicieux ne le rattrape. Il n’pouvait pas franchement prétendre s’être préparé à une telle éventualité. Au moins, Rafael pouvait se targuer d’être toujours assez créatif, à cinquante piges, pour surprendre son entourage. Même son fils, celui qui avait grandi sous ses règles et victime de ses choix pendant des années entières. Cesare, qui avait si souvent – trop souvent – cru connaître son paternel, pouvoir prédire ses actions et ses réactions : il avait eu tort, et il avait assez de cicatrices sur le corps pour le prouver. « Et tu veux discuter de quoi, hein ? » peut-être qu’il allait se proposer de couvrir les frais d’hôpitaux, tiens, ce n’serait pas si mal. Ou peut-être qu’ils allaient aller boire un café, pour se détendre, faire comme si c’était possible. Franchement, l’ironie brûlait littéralement les lèvres de Cesare, mais il serra les dents, crispa les mâchoires pour se retenir de dire quoique ce soit d’un peu trop maladroit. « J’travaille. Et ici, on est payés à l’efficacité. J’ai pas vraiment l’temps de discuter. » probablement que c’était un problème que Rafael n’avait jamais eu, lui qui était assis sur sa montagne d’argent, et tirait généralement profit des situations juste en discutant. Discuter, chez lui, ça servait à menacer, à faire sous-entendre certaines idées d’accords ou de petites magouilles auxquelles il n’avait plus envie de prendre part, lui. Y’avait franchement, franchement aucun sujet possible et imaginable, duquel Cesare pourrait vouloir discuter avec l’homme qui se trouvait en face de lui. Arme ou pas arme, menace ou pas, et même selon ses termes, le brun préférait passer son chemin. Il avait appris d’ses erreurs, comme il dirait. Et il avait toujours durement appris, quand il avait été question d’sa famille.
Rafael DeMaggio
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Sujet: Re: (Cesare) | There is grandeur in this view of life Sam 15 Avr 2017 - 18:48
There is grandeur in this view of life
Cesare & Rafael
Rafael n'avait jamais été un type amical et sympathique. A vrai dire, il n'avait jamais tenté de faire semblant de l'être. Il était irascible, froid, colérique... Mais il avait un sens aigu du devoir et de la famille. C'est qu'il avait été élevé comme ça, le DeMaggio : élevé pour être un homme responsable, un homme à la poigne de fer et au tempérament d'acier, un homme qu'on respecterait, mais surtout un homme qui laisserait autre chose que son nom en héritage. L'arrivée de Cesare l'avait empli de fierté plus que de tendresse, c'était un fait, mais il avait vu en cet enfant l'aboutissement de toute une vie faite de préceptes et de lois suivis à la lettre. Cesare aurait dû hériter de sa fortune, de son empire et de son caractère, Cesare aurait dû être celui à qui le père aurait légué les armes pour défendre l'humanité contre les mutants, Cesare aurait dû être sa plus grande fierté. Seulement, il avait fallu que la génétique vienne bouleverser les plans si bien huilés du père. Il avait fallu que son fils aîné soit lui aussi un dégénéré. Un petit gène défaillant et c'était la famille toute entière qui se retrouvait bouleversée. Le père avait pourtant été à deux doigts le tuer, laissant ses instincts de chasseur guider sa main. Sur l'instant, il avait eu le sentiment de faire le bon choix, d'aider son fils à ne plus souffrir de cette mutation qui ne pouvait que l'accabler – car comment aurait-il pu la supporter ? Maintenant que la colère et la pression étaient retombées, Rafael sentait dans chaque fibre de son corps la culpabilité le tirailler. Il n'avait pas l'habitude de ressentir cela, pas plus qu'il n'avait l'habitude de devoir faire face aux fantômes qui hantaient désormais son manoir. Plus d'Isabella, plus d'Aria, plus personne pour le soutenir ou le freiner, plus rien d'autre que le silence et les remords. Rafael avait souhaité la tranquillité de la solitude, mais il se rendait à présent compte qu'il n'y avait pas été préparé et qu'elle lui pesait horriblement. Il y avait pourtant quelque chose de profondément ironique à le voir là, devant ce garage où travaillait son fils. Le père paumé qui rendait visite au fils trahit depuis bien trop longtemps. Un fils qui avait commencé à fonder une famille mais ça, il valait mieux que Rafael ne l'apprenne jamais, ou du moins pas tant qu'il aurait toujours cette obsession morbide pour la tête d'Isolde, qu'il rêvait d'accrocher dans son salon. Si cette obsession-là le tiraillait encore, c'était autre chose dans le cas de Cesare. Ils pourraient tous deux brandir leurs différents et différences, arguer qu'ils étaient fait pour mener l'un contre l'autre une guerre sans limites, ils étaient obligés d'admettre qu'il n'y avait pas que le sang pour les réunir. Il y avait cette impétuosité, cette rage enfouie en eux, quelque chose qui ne demandait qu'à s'exprimer. Les yeux du père quittèrent ceux de son fils pour voir sa main se diriger instinctivement vers ce qui aurait dû se trouver à sa ceinture : son arme. Ainsi donc il avait à ce point baissé sa garde qu'il ne prenait plus la peine de garder son revolver sur lui ? Ou bien avait-il simplement trop confiance en l'immondice qui coulait dans ses veines et lui permettait d'arrêter la balle à n'importe quel moment ? S'il était venu armé, Rafael aurait pu le prendre au dépourvu, descendre tous les témoins pour finir par le fils et pourtant, l'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit.
Les mains levées, il attendait simplement et, lorsqu'il releva les yeux, ce fut pour voir un ballet de haine et de peur danser dans les yeux de son fils. Deux sentiments qui n'auraient pas dû animer un enfant pour son géniteur mais qui pourtant semblaient on ne peut plus logique étant donné les derniers événements. Jetant un œil aux collègues de Cesare, Rafael les surpris à les observer, inquiets et curieux mais pourtant loin de se précipiter à la rescousse du jeune homme. Lorsque les premiers mots du fils furent crachés, le père releva la tête avec une moue méprisante. Les mauvaises habitudes avaient la vie dure avec lui, et il lui était toujours difficile de tolérer l'insolence. Pourtant, lorsqu'il repris, se fut avec un calme qui l'étonna lui-même.
« Discuter, oui. Je n'ai pas besoin de te donner la définition de ce mot, si ? »
Son regard parcouru les établis, les tâches d'huile et de peinture qui jonchaient le sol et les murs, et puis ses yeux revinrent se poser sur son fils. Était-ce donc possible ? Un DeMaggio nageant au milieu d'un monde fait d'un travail manuel que Rafael désapprouvait mais qui avait au moins le mérite d'être honnête ? Lui-même était riche à en faire pâlir bien des gens, mais il ne pouvait se vanter d'avoir une activité... Honnête. Vendre des armes, distribuer de la mort en poudre, c'était tout sauf honnête. Laissant Cesare cracher ses questions, Rafael resta un moment silencieux et fini par tirer une vieille caisse pour s'y appuyer.
« Continue donc, je ne suis pas certain que tu aies besoin de tout ton intellect pour changer la courroie de cette voiture. Je suis venu discuter de deux choses... A commencer par ce qu'il s'est passé il y a quelques mois. »
Était-ce le sujet le plus sensible des deux ? Tout dépendait du point de vue, mais il fallait bien commencer par quelques choses. Rafael allait certainement prononcer des mots auxquels Cesare ne croirait pas, mais ça serait bien la première et la dernière fois qu'il les entendrait.
« Ce serait te mentir que de dire que j'ai un jour regretté d'avoir tu un deg... Un mutant. C'est comme ça, c'est dans mes gènes, dans mes tripes, et je suis trop vieux pour changer ça. Mais j'n'aurais... J'n'aurais jamais cru pouvoir lever la main sur toi. Que tu me haïsses ou me renie, je suis ton père et... Je n'aurais pas dû te poignarder. Je sais que tu n'en veux pas et n'es pas prêt à les accepter, mais je te présente mes excuses. »
C'était comme si le mot venait de lui brûler les lèvres, la langue et les cordes vocales. Comme si tout en lui avait brusquement tenté de lutter pour lui interdire de prononcer ces mots et pourtant, voilà qu'il venait d'admettre être en tort, ce qui était on ne peut plus le cas. Rafael avait conscience d'avoir agit comme un malade et, plus il y pensait, plus il remettait en question la mort d'Aria. Elle aussi avait été une mutante, mais elle avait été sa fille et, plus que jamais, il se demandait s'il n'aurait pas pu faire quelque chose pour l'empêcher. Plus que tout, c'était son orgueil qui lui avait posé problème. Moren et sa manie de se croire tout puissant au point d'avancer que lui, Rafael, avait autorisé cela ? Les poings serrés, Rafael soupira et repris.
« Je suis aussi venu te parler de ta mère, qui même si elle t'a tiré dessus, doit sûrement plus compter à tes yeux que moi. »
C'était une constatation, non un reproche car après tout, Isabella avait toujours été le pilier d'amour et de stabilité dans leur famille. Pilier qui avait été réduit à néant à sa mort. Cesare était-il seulement au courant ? Rien n'était moins sûr, puisque leur dernière discussion civilisée remontait à présent si loin que Rafael avait du mal à savoir de quand elle datait.
Sujet: Re: (Cesare) | There is grandeur in this view of life Sam 27 Mai 2017 - 17:55
what if the fight is all we have? RAFAEL DEMAGGIO & CESARE DEMAGGIO
L’amour, la haine, la peine, le dégoût, l’indifférence, la rage; parfois, Cesare se demandait s’il avait un jour expérimenté ces sentiments comme un être humain normal dans son passé, avec l’éducation qu’il avait reçue. Est-ce qu’on pouvait vraiment appeler ‘amour’, ce qui l’avait lié à ses géniteurs, à sa soeur? Il était prêt à jurer qu’il avait aimé Aria dès le tout premier instant de leurs existences mélangées; il était prêt à jurer qu’il serait mort pour elle, qu’il aurait tué pour elle, qu’il l’aurait laissée partir de son plein gré si elle s’était donnée la peine de lui parler de tout ça. Qu’il l’aurait enfermée dans une cave lugubre aussi, si ç’avait pu promettre qu’elle survivrait. C’était... paradoxal, somme toute. Paradoxal comme le flot de sentiments, d’impressions et de vertigineuses sensations qui le traversaient dès qu’il reconnaissait le visage de son père, se détachant du reste du monde. Il n’s’était pas attendu à le voir là, définitivement; il n’s’était presque plus attendu à le voir du tout, alors que les jours avançaient de manière inaltérable, et que le quotidien peu à peu glissait sous sa peau comme une habitude. C’était facile, de se faire au rythme boulot-dodo quand on avait quelque-chose vers quoi revenir; pour lui, c’était Isolde et Clara, c’était sa famille, cette maison paumée à l’extérieur de la ville que beaucoup de gens oubliaient volontiers. C’était-... c’était tout ce qui semblait drastiquement en danger maintenant que Rafael venait de faire un pas de plus dans le cercle de vie de son fils; Cesare en serra les mâchoires, insidieusement. Qu’il le tue, c’n’était pas important, mais le DeMaggio voulait surtout s’accrocher au devoir de mourir avec son secret - protéger sa fille, protéger Isolde, ce serait la dernière chose qu’il ferait, s’il devait en être ainsi. Et la politesse obséquieuse de son père ne le dupait pas; combien de fois s’était-il fait avoir par les mêmes mascarades, les mêmes mensonges, le ‘plus grand bien’ ou la ‘cause’ de la chasse qui avaient tout justifié? Combien de fois avait-il perdu toute notion de bien et de mal, de conscience et d’inconscience, dans ce qu’il faisait? Et juste comme ça, il avait failli tuer une fille pour les crimes de son frère à elle, comme si c’était juste, comme si ça pouvait s’expliquer ou se justifier d’une quelconque façon. Juste comme ça, sur l’instant, ça lui avait semblé être la chose la plus normale à faire, alors que seuls la peine, le désarroi et l’abandon avaient dominé son esprit. Ce dont il se rendait compte au jour le jour, c’était ça; il n’était pas stable, pas fait pour le monde extérieur, il n’avait pas été élevé et éduqué pour appartenir à l’existence des autres. Et lentement mais sûrement, il apprenait, il essayait; c’était infiniment plus facile avec la tendresse des moments réconfortants après une longue journée. Mais peut-être qu’à la fin, c’n’était juste... pas lui. Peut-être avait-il définitivement, depuis trop longtemps, loupé l’opportunité d’un jour être un gars bien, quelqu’un qui vivait simplement en n’se concentrant que sur son univers à lui. Peut-être qu’il se voilait la face. Ou peut-être qu’il pouvait le faire. Ironiquement, face à son patriarche, infiniment plus riche, plus charismatique, plus autoritaire et noble en apparences que lui, Cesare se sentait soudainement avoir cette valeur qu’il n’s’était jamais vue auparavant. Il avait au moins la possibilité de s’appeler ‘humain’, quand bien même ça faisait un mal de chien, ça faisait remonter des souvenirs désastreux et des douleurs qu’il avait cru n’jamais avoir à affronter.
Définitivement, la perspective du monde était bien différente pour Rafael - un cruel rappel qui l’assomma, Cesare, dès les premiers duels de regards qui les opposèrent. Sans doute était-ce de l’hypocrisie pure et dure, de penser à son père avec tant de véhémence; comment avait-il pu croire un jour qu’il lui ressemblait? Comment avaient-ils pu être si similaires, fut un temps? Comment avaient-ils pu être proches, loyaux l’un envers l’autre et liés par une confiance aveugle, quand il avait été plus jeune? La chasse, pourtant, coulait dans ses veines à Cesare; ce n’serait pas justice évidemment, de prétendre que ce passé-là n’existait pas. Et il venait tout juste de marcher dans son présent, de toute manière; le brun ne pouvait pas fuir indéfiniment les racines si profondes de son existence. Chez lui, on n’était pas mécanicien de père en fils. Et on n’avait jamais vraiment trop développé l’art de ‘discuter’. Sa surprise, alors, le jeune homme la trouvait toute justifiée: c’n’était même pas une question de provoquer son père ou de lui balancer une rixe dans la gueule. ‘Discuter’, ça n’avait jamais été leur truc. « Tu peux toujours m’la donner si tu veux, la définition. Histoire que j’sois sûr qu’tu saches c’que ça veut dire... discuter. » parce que clairement, où était la pire ironie? Dans le fait que le fils soit surpris de voir son père venir en pacifiste nouveau qui voulait maintenant utiliser sa langue plutôt que ses poings, ou le fait que le père prenne la mouche parce que son fils ne comprenait pas que, soudainement, après vingt-sept ans, il décide de vouloir ‘discuter’? Il était plutôt mal parti de toute manière, arrachant un ricanement sardonique à Cesare avec ses petites piques: évidemment que Rafael DeMaggio voyait le job qu’il avait choisi comme une activité bien basse et indigne du patronyme qu’il portait. Évidemment que Rafael DeMaggio se voyait supérieur au reste du monde; pendant des années, Cesare avait juste été du bon côté de la barrière, grâce à quelques artifices, des mensonges, et des années d’abus. Pourtant, peut-être bien que si on n’l’avait pas jeté comme un vulgaire pantin, sur la destinée toute choisie pour lui, peut-être bien que Cesare aurait pu faire des études s’il l’avait décidé; peut-être aurait-il eu droit à au moins ça de liberté. Et peut-être qu’il n’aurait pas à vivre avec les mains dans le cambouis à affronter des critiques dont il n’avait pas besoin. Elles ricochaient sur lui, de toute manière, là où à une époque, Rafael avait été si efficace à le ruiner. Quelle ironie. Et l’ironie allait plus loin, encore; elle devint presque douce-amère à voir le père essayer de chercher ses mots comme un abruti - franchement, qui avait le plus besoin d’un dictionnaire et de la définition du mot ‘discuter’ hein? Cesare aurait presque pu en sourire, si les mots de l’homme en face de lui n’avaient pas un arôme tout particulier. Dégueulasse. Il en eut presque la nausée, détournant le regard dans le vide, accrochant ses prunelles sur un point fixe qui lui permit de garder un silence têtu. Qu’est-c’que c’était que ce bordel, hein?! Et pourquoi, pourquoi est-c’que ça marchait si efficacement, quelques mots lui tordant les entrailles dans une douleur qu’il ne saurait décrire.
Était-ce de la rage - contre qui? De la peine, pour quoi? Un genre de satisfaction, à entendre ces mots? « T’aurais jamais cru pouvoir lever la main sur moi? » Cesare s’approcha de son père, la hargne dépassant toute méfiance - ses yeux noirs vrillés dans ceux, si similaires, de l’homme qui l’avait élevé. Non... pas élevé. Maltraité, façonné à sa guise, utilisé, manipulé; pendant toute sa vie. Le cauchemar constant qui planait sur l’autrefois; la peur insidieuse qui le réveillait au milieu de la nuit quand il pensait à Clara, à Isolde, à ce qui pouvait arriver. A cause de son propre père. « Tu veux dire, comme quand tu ‘t’entrainais’ avec un gamin de dix ans, en prétextant que tout c’que tu m’faisais, c’était pour m’aider? Comme toutes les fois où tu pointais un flingue sur moi, pour tester mes réflexes? Ou cette fois-là, où t’as vraiment appuyé sur la gâchette pour m’tirer une balle dans le crâne? » et peut-être qu’ils se ressemblaient en ça, la froide colère qui pouvait s’étendre dans leurs chairs comme un poison, vibrant à leurs cordes vocales et glaçant leur regard. Cesare déglutit, si près de son père qu’il avait conscience que l’acte de l’étrangler juste avec ses doigts aurait pu être si facile; comme il l’avait fait avec Kingsley Moren, se délectant de chaque seconde qui passait sous sa main, en sentant la vie du chasseur s’envoler. Et lorsque la mention de sa mère claqua dans l’air, Cesare eut assez de détermination, au moins, pour observer son vis à vis; qu’est-c’qu’il y avait à dire sur sa mère? Elle était morte, elle avait fait son temps, et dans son coeur, ça n’avait laissé qu’un vide de sens - ni souffrance, ni désarroi, ni plaisir. Juste le vide. N’était-ce pas ça, l’indifférence? « D’aussi loin que j’me souvienne, elle a aussi aidé, quand vous avez gardé Aria prisonnière comme un animal, à faire je n’sais quoi sur elle pendant des mois. Et quand Kingsley Moren a été envoyé après nous, elle a rien fait non plus. Vous étiez faits l’un pour l’autre, définitivement. » et sur ce sarcasme craché, Cesare s’éloigna de son père; « Alors, qu’est-c’qu’y’a hein? Est-c’qu’elle aussi, elle a droit à un genre de rédemption? Des excuses post-mortem, peut-être? » est-ce qu’on attendait vraiment de lui qu’il fasse le moindre effort? Quels que soient les mots de son père, Cesare, il semblait en être incapable - à quoi bon? Pourquoi? C’n’était peut-être même pas que leur relation était morte, après tout ce qu’ils avaient enduré. Elle n’avait sans doute jamais existé, ils avaient juste été trop concentrés par des choses bien plus lugubres pour même s’en rendre compte.
Spoiler:
C'est à mon tour d'être désolée pour l'attente
Rafael DeMaggio
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Sujet: Re: (Cesare) | There is grandeur in this view of life Mar 29 Aoû 2017 - 22:04
There is grandeur in this view of life
Cesare & Rafael
Au fond, Rafael se demandait vraiment ce qu'il était venu faire là. À quoi bon tenter de consolider ce qui n'existait pas ? C'était se voiler la face et rien d'autre. À le voir ainsi, cherchant à faire la paix avec un mutant, il imaginait aisément son paternel le reniant en le traitant de faiblard. La différence entre eux deux ? Rafael n'avait pas pu tuer son fils, chose que son père à lui n'aurait certainement pas hésité à faire. C'était ainsi, il y avait cette puissante notion de la famille ancrée dans ses gènes qui l'empêchait de lever la main sur sa propre chair. Parce que lorsque Cesare relevait la tête pour lui jeter un regard haineux, son père y retrouvait son expression, ses yeux, la contrariété de sa mère... et il se sentait con, ça c'était certain ! Con d'être aussi sentimental quand il aurait dû trouver tout ça parfaitement naturel. Mais désormais, il fallait que les choses avancent, évoluent et changent. Qu'il tente de construire quelque chose avec Cesare, même si ce devait être un radeau branlant prêt à couler. Y avait des choses qui ne changeraient jamais : la nature de mutant de Cesare, les convictions de chasseur de son père, et leur filiation. Il aurait été bien naïf, celui qui aurait pu croire que l'un pourrait convaincre l'autre de rejoindre son camp. Cette tranchée-là n'était pas prête de se refermer. En revanche, il y avait des points sur lesquels il était possible qu'ils se rejoignent. Levant les yeux au ciel, Rafael croisant les bras sur sa poitrine en s'évertuant à garder son calme.
« Discuter, parler, entretenir un dialogue avec des mots, que veux-tu que je te dise de plus ? Je suis venu les mains vides, ça ne te suffit pas, comme preuve de ma bonne volonté ? »
Après tout, croiser Rafael DeMaggio sans au moins un revolver à sa ceinture, c'était à peu près aussi crédible que de l'imaginer courant au milieu d'un champ de bataille avec un voyant lumineux au-dessus de la tête. Seulement, le chasseur avait un peu trop l'habitude que les choses lui soient servies sur un plateau, qu'on baisse le regard en lui parlant ou qu'on lui donne tout sans qu'il ait à demander. Avec Cesare, quémander ne suffirait même pas et ça, Rafael n'en avait même pas conscience. Il ne se rendait pas compte que pour cinq minutes de discussion civilisée, il allait devoir faire face à vingt-sept années de mauvais traitement en tous genres. C'était bien beau, d'avoir le sentiment de l'avoir bien élevé, mais il était tout de même à côté de la plaque. Ce n'était ni par acharnement, ni par restriction que l'on obtenait le respect : Rafael avait estimé qu'être le père de Cesare lui donnait tous les droits, à commencer par celui de maltraiter ses enfants pour les faire rentrer dans un moule que lui seul pouvait épouser tant il était tordu et insensé. Ce que Rafael allait devoir apprendre, après tant d'années, c'était la diplomatie.
Mais elle viendrait plus tard, cette putain de diplomatie, car en voyant approcher Cesare, plus menaçant maintenant qu'il n'obéissait plus à son père, Rafael se redressa lui aussi, sur le qui-vive. Il failli porter la main à sa ceinture, se souvenant au dernier instant qu'il n'avait que ses poings pour se défendre en cas de pépin, et qu'il n'était de toute manière pas venu pour ça. Les yeux dans les yeux, la noirceur de leur regard cherchant à sonder l'âme de l'autre, voilà que le père et le fils se défiaient d'engager un combat stérile. Ils se ressemblaient, bien plus qu'ils n'auraient bien voulu l'admettre, et Rafael sentit le venin de ses mots quitter ses lèvres avant même d'avoir pu songer à se taire.
« Je t'ai rendu plus fort... Ose me dire qu'aujourd'hui tu crains toujours les balles ? Que tous ces entraînements n'ont pas fait de toi quelqu'un d'intouchable ? Tu ne me feras pas culpabiliser d'avoir voulu t'endurcir, Cesare. »
Quant à la dernière balle... celle qu'il avait réellement tirée... Rafael n'était pas tout à fait certain de la regretter. Sur l'instant, il avait été frustré qu'elle rate sa cible, la colère l'emportant sur la raison. C'était cette frustration qui lui faisait prendre conscience d'une chose terrifiante : ce jour-là, il aurait tué son fils sans la moindre hésitation. C'était aussi ça, la malédiction qui pesait sur leur nom : cette capacité naturelle, presque innée qu'ils avaient à s'imaginer ôtant la vie. La froideur dans leur regard n'aurait su ciller à l'instant fatidique. Alors, tandis que Rafael fixait son fils avec une lueur de défi dans les yeux, il eu soudain l'impression que Cesare aurait pu se jeter sur lui, l'étrangler ou lui arracher les yeux, au choix. Il lui sembla voir passer sur son visage la détermination d'un homme prêt à tuer, et il compris une chose : la terreur et le respect qu'il lui inspirait jadis s'étaient envolés pour de bon. Il n'était décidément plus question de compter là-dessus, à son grand regret. À présent, le jeune savait appuyer là où ça faisait mal, aux rares endroits sensibles pour Rafael. Isabela lui avait été imposée, tout comme elle n'avait pas eu d'autre choix que d'épouser le DeMaggio. « Préserver le sang », qu'on leur avait dit ! Quand on voyait le résultat final, c'était tout de même assez risible. Seulement, malgré tout ce qui avait pu les opposer – de leur conception de la famille aux limites à ne pas franchir – ils avaient été complices et partenaires pendant des années. Rafael n'était pas un grand sentimental, il n'avait probablement jamais songé à offrir spontanément des fleurs à son épouse, mais il avait eu suffisamment de respect et d'affection pour elle pour se rendre compte qu'à présent, elle lui manquait. Elle l'avait compris, cerné, accepté, bien mieux qu'aucune personne avant et après elle. Isobel et Helen ne l'avaient pas connu suffisamment longtemps pour percer à jour la carapace qu'ils évertuaient à porter pour se protéger. Alors oui, les mots de Cesare le blessèrent. Plus qu'il ne l'aurait cru. Ce n'était pas Isabela qui avait choisi de martyriser Aria, elle n'avait fait que suivre un époux rendu fou par sa haine des mutants. Cesare savait-il combien de fois elle avait tenté de s'opposer à lui ? Ou à quel point elle avait souhaité s'enfuir avec sa fille pour lui épargner tout ça ? Isabela avait subit un mariage arrangé pendant des années, mais la mort d'Aria avait véritablement achevées ses convictions. Si elle avait à présent droit à la rédemption ? Plus que lui, c'était certain. Lorsque Cesare se fut éloigné, son père arpenta le garage sans réellement savoir où fixer son regard. Y avait pas à dire, les choses seraient compliquées, entre eux.
« Tu te trompes. Ta mère n'a certainement pas fait tout ce qu'elle aurait pu pour vous épargner, ta sœur et toi, mais elle en a bien plus fait que moi. Quant à Moren, cesse donc de faire celui qui ignore tout, veux-tu ? Il a prétendu avait assassiné ta sœur sur notre ordre, mais il n'a fait qu'agir selon ses propres désirs. Comme il l'a toujours fait. »
Rafael avait eu du respect pour ce chasseur droit dans ses bottes et ses convictions, mais il avait toujours vu sa folie masquée par sa piété comme un danger à écarter. Persuadé d'être mandaté par Dieu pour éradiquer les mutants, ce n'était pas si étonnant qu'il n'ait pas attendu l'autorisation d'un simple mortel comme le patriarche DeMaggio pour s'en prendre à sa fille.
« Ta mère n'a pas laissé de lettre d'excuse ou de connerie dans le genre pour tenter de se faire pardonner. Pas que je sache, du moins. En revanche, elle a été assassinée, et tu sais aussi bien que moi qu'on ne laisse pas le meurtre d'un des nôtre impuni. »
Ça, Cesare le savait mieux que personne, il n'y avait qu'à voir la vendetta qu'il avait mené contre Moren pour s'en rendre compte. Cette fois, Rafael avait réellement besoin de l'appui et des compétences de son fils pour traquer l'assassin d'Isabela. Rien ne pourrait effacer ce qu'ils avaient vécu mais qui sait... Peut-être une nouvelle collaboration en terrain neutre pourrait-elle poser de nouvelles bases entre eux ?
« Avant de m'envoyer balader en me disant que tu t'en fiches totalement, sache une chose. Celle qui a assassiné ta mère en a après moi. Après toi. Après tous ceux qui ont côtoyé de près ou de loin les DeMaggio. Elle est dangereuse et je doute qu'elle soit seule. Libre à toi de faire de cette information ce que tu veux, mais... »
Relevant la tête, Rafael s'approcha à nouveau de Cesare, sa mine de conspirateur favorite sur le visage.
« Tout ce petit monde inclut ta chère et tendre. Je ne te cache pas que je me fiche royalement de sa survie, mais je tiens à garder la tête sur les épaules, à venger ta mère et... À te garder en vie également. »
À peine avait-il fini de parler qu'il entendait déjà résonner le rire qui n'allait pas tarder à répondre à ses révélations. Ça ou un poing bien mérité en plein visage, c'était aussi une option. Seulement, Rafael comptait sur l'intelligence et la connaissance des mutants de son fils, et s'il se doutait que ce dernier n'ait pas lâché l'affaire avec Isolde, il ignorait en revanche que la petite Clara entrait dans l'équation.