i. êtes-vous originaire de radcliff ?
   Pas le moins du monde. Phil est arrivé à Radcliff il y a quelques mois maintenant, elle est à la recherche d'une personne et cette personne se trouverait apparemment dans les environs. Son cirque s'est donc installé à la sortie de la ville pour une durée indéterminée. Elle n'aime pas particulièrement cet endroit, elle préférait largement être à Paris, à Dublin ou mieux à Hong Kong, mais bon, il faut savoir faire des sacrifices dans la vie hein?

   ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
   Plusieurs oui. En réalité, Phil les traque depuis quelque temps, elle a perdu son frère à cause d'eux il y a quelques années, la colère a prit le pas sur la tristesse, aujourd'hui, elle considère qu'elle a le droit de les punir pour ce qu'ils ont fait. Elle a très mal vécu cette disparition et cherche à protéger les mutants officiellement, mais plus à se venger officieusement. Ce qu'elle fait des Hunters qu'elle capture reste un mystère, ils disparaissent tous après l'avoir croisé, mais entre savoir ça et connaitre la vérité sur ce qu'elle en fait, il y a un monde.

   iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
  Tout le temps. Depuis qu'elle a découvert son don à huit ans, elle n'a jamais cessé de l'utiliser, trop curieuse, trop désireuse de tout savoir, se sentant rejetée lorsqu'elle ne sait pas tous les petits secrets de tout le monde. Elle l'utilise à outrance, et commence à en ressentir les effets, surtout depuis un an... Elle a par exemple des pulsions assez néfastes envers les mutants, à cause de tous les hunters radicaux qu'elle a capturés et sur lesquels elle a utilisé ses pouvoirs. Leurs sentiments se sont mélangés aux siens, tout comme certains de leurs souvenirs... Résultats, parfois, elle ressent des choses qui ne lui ressemblent pas, ou se surprend à connaitre quelque chose qu'elle n'a jamais appris... Elle a conscience que se sont ses traversés dans les souvenirs et les sentiments des autres qui la chamboule, mais tout connaitre des autres est devenue une habitude, une drogue, elle n'arrive pas à s'en détacher, c'est même pour ça qu'elle a commencé à se droguer, espérant remplacer une addiction par une autre. Ça n'a pas vraiment bien marché...
   iv. pensez-vous que les mesures mise en place par le gouvernement sont suffisante ?
   C'est un début. Mais pour être honnête, Phil n'imagine pas qu'une quelconque loi puisse arrêter les plus dangereux de leurs ennemies. Une phrase sur un bout de papier n'a jamais arrêté personne, encore moins les gens qui ont peur, car c'est avant tout ça le problème non? Si certains humains attaquent, c'est par peur ou par jalousie, alors franchement, une loi, deux, trois, ce n'est clairement pas ça qui les arrêtera, c'est pour ça qu'elle préfère s'en occuper elle-même.

« Tu étais où la nuit dernière? » La voix soupçonneuse de sa nièce, adolescente un peu trop sérieuse, avait raisonné sous le chapiteau fraichement monter de leur cirque. Tout le monde était à pied d’œuvre, chacun s'entrainait à ce qu'il savait le mieux faire. Acrobatie, magie, faire rire, ou simplement tenir en équilibre sur un fil, old school comme on dit, mais les faits étaient là, leur petite entreprise plus ou moins familiale marchait très bien... Même s’il faut bien admettre que sans tout les petits boulots qu'ils se permettaient de faire à côté, faire tourner une si grande famille serait compliqué. Alors oui, de temps à autre ils transportaient des objets plus ou moins légaux d'un point A à un point B, oui, parfois, ils s'occupaient de récupérer les dettes d'un tiers auprès d'un autre tiers et pas de façon forcément polis, oui, ils n'étaient pas connus pour être les plus tendres par la police de plusieurs états, mais toutes ses personnes, aussi singulières soient-elles, avaient, au fond, un cœur d'or. La vie ne les avait simplement jamais épargnés, que ce soit à cause de leur mutation ou simplement par les aléas dramatiques que beaucoup ont connus, ils ont toujours du faire face seuls aux intempéries les plus dures, alors lorsque cette famille c'est créée, lorsqu'un homme a décrété ne plus jamais vouloir subir ni être seul, beaucoup l'on suivit et c'est ainsi qu'est née ce cirque, avec ses bons et ses mauvais côtés. Et justement, en parlant de mauvais côtés, il y en avait un de tailles auquel peu de personnes pouvaient échapper : le manque d'intimité.

Tout le monde savait exactement qui faisait quoi et quand, inutile de vouloir sortir en catimini après minuit, vous y arriverez, mais soyez certains que le lendemain, tout le monde sera au courant. « J'suis allée promener mes chiens... » Tout en s'étirant, prête à faire quelques acrobaties, il faut bien de temps en temps travailler honnêtement, Philomène décida de répondre avec une certaine moquerie à Dalia, la fille de sa "sœur", sa plus tendre et vieille amie surtout. « Tous tes chiens étaient là quand je suis passée devant ta caravane à une heure, mais toi, t'y étais pas... » Phil laissa échapper un soupir, bien qu'elle affichait un sourire amusé. Être surveillé par une enfant, c'est assez cocasse comme situation. « De une, pourquoi TOI tu étais dehors à une heure du matin? De deux, en quoi ça te concerne? Je suis majeur et vacciné... je crois. Et de trois, au risque de me répéter, mais qu'est-ce que tu foutais dehors à cette heure-là? » Ou l'art de retourner une situation. « Je... Je me promenais, je faisais de l'insomnie... » « Hum, et mon c** c'est du poulet. Tu faisais de l'insomnie hein? Dans les bras de ce cher Derek, homme beaucoup trop vieux pour toi... et tout à fait entre nous, il ne vaut pas le détour, contrairement à ce qu'on imagine. » « N'importe quoi. Pour tout. Et puis arrête de m'embobiner, t'étais encore en train d'espionner ce chasseur? À force de t'en approcher, ils vont nous trouver... La moitié d'entre nous, toi y compris, sont des transmutants clandestins... Nous fais pas chopper pour pouvoir tabasser deux ou trois conn****... » Grand seigneur, la belle s'inclina exagérément en guise de résignation, avant de s'en aller, coupant court à cette conversation qu'elle semblait avoir presque tous les jours depuis quelque temps.

Oui, elle avait conscience que traquer des Hunters, c'était dangereux. Une erreur et elle ne seraient pas la seule à en pâtir, mais elle n'arrivait pas à s'en empêcher, non, elle continuait, comme si c'était devenu un jeu, une nécessité, une drogue. Entrant dans sa caravane, Philo' se posa sur son lit, allumant la télé tout en caressant l'un de ses nombreux chiens, seule compagnie qu'elle tolérait depuis quelques mois, depuis qu'elle avait utilisé son pouvoir sur ce chasseur si solitaire et taciturne. Sans vraiment y songer, elle se mit à changer les chaines, observant les titres avec nonchalance jusqu'à tomber sur une chaine d'infos affichant la photo d'un homme qu'elle connaissait bien. Elle décida de monter le son tout en se rapprochant de l'écran, ne comprenant pas vraiment l'info qui circulait sous ses yeux. « Dans la soirée d'hier, deux policiers ont retrouvé un homme sauvagement passer à tabac dans une ruelle de notre belle ville.... L'homme en question est, d'après les dernières informations fournies par le commandant de la police d'État, un transmutant référencé.... Il survivra à ses blessures, toutefois, il semble ne plus avoir aucun souvenir de son agression... » La journaliste continua de commenter la nouvelle, sous les yeux perdus de Philomène. Elle connaissait ce trentenaire, et pour cause, c'est l'homme qu'elle avait traqué la veille, ne se retenant pas de lui montrer sa haine, pris d'une frénésie cruelle et pourtant légitime à ses yeux. « C'était pas un transmutant... c'était un hunter... » C'est la phrase qu'elle se répétait, tout en observant encore et encore son écran, relisant avec attention chaque phrase, comme pour y trouver une erreur, quelque chose qui laisserait penser que non, elle n'avait pas attaqué l'un des siens en le prenant pour son ennemie. Elle ne faisait jamais ce genre d'erreur. Elle traquait ses cibles des semaines, voir des mois avant de passer à l'acte, Phil' était méthodique, organisé, froide, mais juste, elle voyait les choses ainsi en tout cas. La jeune femme ne s'attaquait jamais aux enfants, jamais aux familles, elle étudiait chacune de ses proies, pour les connaitre, savoir si oui ou non ils méritaient leur sort, ne se contentant pas de voir estampiller sur leur front le mot « Hunter » pour s'occuper d'eux. Une fois toutes ses infos réunies, elle les rendait simplement fous, en utilisant ses pouvoirs sur eux, en les forçant à revivre encore et encore leurs pires souvenirs, à faire face à tous ses ressentiments qu'ils cachaient au fond d'eux... Au fond, ils s'éliminaient eux-même, c'était ça la beauté de la chose. C'est vrai que souvent, elle liait les poings à la parole, surtout ses derniers temps, mais jamais elle se contentait d'un acte aussi barbare.

Passant une main sur son visage, Philomène observa son reflet, y croisant, l'espace d'un instant, le visage d'un des hunters radicaux qu'elle avait « attaqué » quelques semaines plus tôt. Jeux de son esprit, illusion éphémère, il disparu bien vite et elle comprit alors que ce n'était pas vraiment elle qui avait agi, mais plutôt la personnalité violente et haineuse de cet homme. Ses pouvoirs avaient de plus en plus ce genre d'effet et malgré tout, elle se refusait à arrêter... Sa vengeance n'attendrait pas et si quelques transmutants devaient en payer le prix, le prix d'un contrôle de son pouvoir, qui arrivera à force d'expériences négatives, hé bien, elle était prête à faire ce sacrifice. C'est la pensée qui lui traversa l'esprit lorsqu'elle posa ses mains sur son visage. Accablée par son acte. Mais était-ce vraiment elle qui pensait ainsi? Ou l'une de ses nombreuses et néfastes anciennes victimes? ….

Ce genre de scène devenait de plus en plus courant dans la vie de Philoméne. Depuis que son frère avait été la victime innocente de ses gens, elle n'arrivait plus à pardonner, ni même à passer à autre chose. Elle voulait que justice soit faite, malheureusement, au fil du temps, elle commençait à mélanger justice et vengeance, mettant tout dans le même panier. « J'agis pour empêcher d'autres personnes de souffrir comme j'ai souffert... » C'est ce qu'elle se répète, considérant son acte comme héroïque, comme nécessaire pour le bien être de tous. Elle ne voyait plus le mal dans ses actions, elle considérait même que le bien et le mal n'étaient plus qu'une seule et même entité qu'elle se devait de respecter. Tout se mélangeait dans son esprit, peut-être parce qu'elle aimait un peu trop cette sensation de pouvoir qu'elle avait sur ses gens... Elle connaissait leurs moindres secrets, leurs moindres doutes et elle se contentait de les mettre scène pour qu'ils revivent tout, au centuple... Les voir s'enfoncer dans la folie était la seule consolation qu'elle avait et elle y prenait de plus en plus de plaisir.

C'est en sueur qu'elle se réveilla, seule, dans la pénombre de sa caravane, faiblement éclairée par la lune et la lumière de son ordinateur, qu'elle n'avait pas eu le temps de totalement éteindre. La respiration haletante, elle décida de fermer les yeux l'espace de quelques minutes, avant de finalement se passer un peu d'eau sur le visage, histoire de reprendre ses esprits, une routine qui s’était installée depuis la mort de son frère. Ils n'étaient pas proches à proprement parler, ils avaient même une relation assez conflictuelle, il était jeune, rebelle, et il semblait avoir des choses à régler avec lui-même avant de vraiment trouver le bonheur. Il faut dire qu'ils n'avaient jamais eu une vie facile, des parents absents, chacun ayant un père différent, une mère immature, davantage intéressée par ses amours que par ses enfants, un manque d'argent évident... Une famille peu stable en somme. Il n'y avait que leur grand-mère qui était sans cesse présente, toujours là pour eux et bien sur, ils étaient surtout là l'un pour l'autre. Philomène avait très jeune décidé de prendre le rôle de la maman, elle s'occupait de lui autant que possible, elle essayait de lui inculquer quelque chose, d'être une bonne grande sœur, un bon substitut de mère, mais elle n'était pas sur d'avoir réussi. Adolescent, il s'est tourné vers la délinquance, alors que Phil', de son côté, était, et restait la fille sérieuse de la famille, renouant le contacte avec leur mère, repenti, mais pas assez pour retrouver une vraie vie de famille. Ils se sont un peu perdus de vue à cette époque, ils ne se voyaient plus autant qu'avant, chacun vivait sa vie et pourtant, pour Philomène, Vayne, son frère, restait le centre de son univers. Il était LA personne pour qui elle voulait devenir quelqu'un, LA personne qu'elle cherchait à impressionner, bref, il était tout ce qui lui donnait envie d'avancer. À l'époque, elle vivait déjà au sein du cirque, mais elle n'était pas la Philomène que l'ont connait aujourd'hui, enrobé, discrète, amusante, mais timide, la belle n'était pas en paix avec elle-même, avec son corps, alors forcément, elle ne l'était pas non plus avec son esprit. Son pouvoir était sa seule échappatoire, elle créait des mondes dans lesquels elle devenait la fille qu'elle avait envie d'être, mais une fois de retour à la maison, tout redevenait normal. C'est pour son petit frère qu'elle a décidé de perdre du poids, de devenir quelqu'un d'important au sein du cirque, suivant des cours par correspondance avec assiduité, elle voulait qu'il soit fier. Finalement, elle est devenue ce qu'elle voulait être, assez forte pour lui dire tout ce qu'elle ressentait, pour lui avouer à quel point elle l'aimait...

« Merde... » Le mot avait était lâché sans ménagement alors qu'une tonne d'objets divers étaient tombés au sol dans un bruit assourdissant. Assis sur son lit, la belle commença à ramasser, à moitié endormis, jusqu'à finalement tomber sur une photo de famille, il y avait son frère, et elle-même, posant devant une fontaine en Italie, joyeux, souriant, heureux. Elle avait pris cette photo quelques jours avant que son frère ne se fasse assassiné sauvagement par des chasseurs de mutants, ou peut-être de simples humains apeurés par la différence, dure à dire, quoi qu'il en soit, on lui avait arraché sa raison de vivre, avant même qu'elle ait eu le temps de lui dire ce qu'elle ressentait, de lui dire à quel point il comptait pour elle. Phil' n'est jamais allé sur sa tombe depuis que c'est arrivé, incapable d'entrer dans ce cimetière israélien qui accueillait déjà leur grand-mère, non, elle ne pouvait pas voir le nom de son frère sur une tombe, tout ça deviendrait trop vrai. Alors, elle subissait, les cauchemars, dans lesquelles elle revivait la mort de son cadet, encore et encore, sans pouvoir rien n'y faire, subissant ses reproches, c'est « pourquoi ne m'as tu pas sauver? » , accablé par la douleur, mais surtout par la colère. Elle était en colère contre ses gens et contre elle-même.

« Phil? Tu vas bien? » Une voix féminine s'élevait dans la nuit, tirant la jeune femme de ses songes. Rangeant la photo avec rapidité, elle ouvrit sa porte, pour faire volte-face avec l'une de ses voisines, accessoirement cousine de son état. « J'ai entendu du bruit? Ça va? » Philomène passa une main sur son visage avant de répondre. « Ça va ça va, je me suis levée un peu trop vite, j'ai fait tomber des trucs, faut que je songe à faire le ménage... ou à engager les gamins pour qu'ils le fassent à ma place... » L'humour, la meilleure arme pour se protéger de tout. « T'as encore fait un cauchemar? C'est de plus en plus souvent Philomène... » « Ça va ok? C'est rien, t'inquiète pas, retourne te coucher... » Elle lui offrit un baiser sur ses lèvres, coutume locale chez cette famille si spéciale, sans ambiguïté aucune, puis elle referma la porte, se glissant à nouveau dans ses draps, fixant le plafond fleuri de sa caravane. Elle enchainait les erreurs depuis qu'il était parti, elle en avait conscience, plus ou moins, mais ne faisait rien pour tout arrêter, pour essayer d'avancer, plutôt que vivre dans le passé... Tout du moins jusqu'à il y a deux mois, lorsque par mégarde, elle avait retrouvé son oncle paternel, qui lui annonça la mort de son géniteur. C'est à ce même moment qu'elle découvrit qu'elle avait un frère, qui avait apparemment fui la stupidité de leur père il y a des années, personne ne savait où il était, ni ce qu'il était devenu, mais Philomène s'était donné comme mission de le retrouver, elle en avait besoin. Après moult recherches, c'est dans cette étrange petite ville que son cirque s'arrêta, elle ne sait que son prénom et n'a qu'une vague photo d'enfance pour le reconnaître, toutefois, déterminée, elle compte bien le retrouver... sans pour autant oublier sa vengeance, loin de là.