STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN
All you need is love. All i need is revenge. For her peace...
Colère, haine, rancœur, tristesse, incompréhension... Tout se mélangeait dans une spirale infernale d'émotion. Des émotions qu'il ressentait, irradiant du corps de son père et qu'il absorbait comme une éponge sans comprendre d'où elles venaient. Et où était maman ? Elle aurait dû être là…
Le verre brisé fut la seule réponse silencieuse d'une question muette. Ses petits poings frottant ses yeux qu'il ancra sur cet homme, qui sera à présent son unique repère. Ses bras son unique maison, le portant pour le recoucher. Matthias n'avait que trois ans révolus, mais il n'était pas stupide. Il voyait bien dans le regard de son père, qu'il devait lui dire une vérité qui refusait de franchir ses lèvres. Pas ce soir… Demain, quand la douleur se sera un peu apaisée…
« Maman est partit pour un long voyage. Elle ne reviendra pas.»
…
Avec le temps, et les oreilles qui trainent, ces mots prennent leur sens : maman est morte, tué par un dégénéré. Ces erreurs de la nature que son père combat, tout comme son grand père avant lui. Les mêmes qu'il est destiné à éradiquer à leur suite, parce qu'il est un Callahan, son héritage.
Sa tristesse devint haine et son désir de vengeance une obsession. Il voulait même accompagner son père, partir sur les traces de son assassin pour la venger. Mais quand on est haut comme trois pommes les bras levés, on ne va pas à la chasse avec les grands ! Alors il redoubla simplement d'effort pour les entraînements.
…
Non, non, non et non ! Il ne l'acceptait pas ! Il n'était peut être qu'un gamin, mais il n'était pas stupide. Matthias voyait bien la relation entre son père et cette femme. Oui il voulait voir son père heureux, mais d'un autre côté il n'acceptait pas qu'elle puisse remplacer sa mère. Adélaïde pouvait bien tenter tout ce qu'elle voulait, ses moindres attentions ou tentatives d'aller vers lui se soldait par une ignorance froide, la jeune femme se heurtant chaque fois à un mur. Le morveux avait de qui tenir, il était aussi têtu que son père, ça ne servait à rien d'essayer de l'amadouer.
Si au départ Alexander mit ça sur le compte du deuil, nourrissant l'espoir que son fils l'accepte, il dû se résoudre à l'idée que ça n'arriverait jamais. Elle n'était pas elle et ne le sera jamais. Une mère il en avait qu'une et elle était morte. Cette mère qu'il n'avait même pas put venger. Mais ça son père semblait l'avoir oublié dans les bras de cette femme.
Le gosse comptait bien montrer qu'il se trouvait aussi borné que son géniteur. Et il le fit. Le jour où l'homme lui annonça qu'ils allaient se marier.
Pensait-il naïvement qu'il sauterait de joie à l'idée de se retrouvé coincé dans un smoking miniature, et de leur apporter leur aliance comme un bon petit toutou ? Et peut être même qu'il allait l'aimer, l'appeler maman ? … Il se mettait le doigt dans l'œil jusqu'à l'épaule !
Matthias lui offrit simplement un regard dénué de tout intérêt et d'empathie, puis le planta sur place. S’il avait eu les yeux revolver, il serait surement mort dans la seconde…
Et de ce jour jusqu'à la cérémonie, le couple ne se heurta qu'à un mur d'indifférence et un mutisme glacial.
Si Adélaïde en avait l'habitude, ça lui fit drôle à son père. Il était un enfant intelligent, car il avait bien compris que ça ne servait à rien de pleurer jusqu'à épuisement et faire des caprices. Lui jouait sur un tout autre registre parce qu'il n'était pas comme les autres enfants. Pas un Callahan pour rien…
…
Apprendre qu'il s'apprêtait à être grand frère ne l'avait jamais plus ému que ça. Tout ce qu'il voyait en Noeh et Salomé n'était rien d'autre que des créatures inintelligentes, qui lui envahissaient son espace et accaparait son père. Jamais il ne leur porta plus d'attention que s'il c'était agit d'une poussière sur le bout de sa chaussure.
L'aîné ne s'arrangeait pas en grandissant, entretenant sa rancune comme on prend soin d'une plante rare. Son père n'ayant de cesse de l'alimenter, de façon plus ou moins consciente.
Le retour à Radcliff, lorsqu'il eut neuf ans, n'arrangea pas non plus la situation. Le manoir familial étant assez grand pour lui permettre d'éviter les pièces rapportées de la famille Callahan. De toute manière, s'il ne se trouvait pas à l'école il s'entrainait avec son père. Et s'il n'était pas à ses sports en extra scolaire, le gamin avait toujours le nez dans un bouquin. Son puits de connaissance et havre de paix. Il pouvait se passer n'importe quoi qu'il n'en décollait pas. Non à ses yeux un animal de compagnie était bien plus intéressant que les jumeaux.
Si comme sa mère, Noeh avait compris que ça ne servait à rien de tenter la moindre approche, il sentait bien que ce n'était pas la même chose chez Salomé. Se prêtant plus à un jeu qu'à une obligation. Sauf qu'elle était la seule à jouer…
Dés qu'il le put, Matthias partit à la chasse avec son père. Profitant de ces rares moments où il pouvait l'avoir pour lui tout seul, sans les autres pompes énergies dans les pattes.
Si à ses premières fois il s'imaginait perdre la face en tremblant d'appréhension, il n'en fut rien. Le gamin tremblait oui, mais d'excitation, grisé par la traque et la mise à mort. L'entrainement c'était bien, mais le terrain c'était encore mieux. Son premier mutant il le tua à quinze ans.
…
Ça avait une sensation étrange… Dés qu'ils furent sur sa piste, il s'imagina traquer l'assassin de sa mère. Celui qu'il avait toujours voulu avoir. Matthias connaissait les règles, il savait très bien qu’il ne devait pas s’éloigner du groupe, mais ça avait été plus fort que lui. Il échappa à la vigilance de son père.
Le chasseur aurait put lui tirer dans le dos, alors qu'il le talonnait. Juste une balle dans la tête et s'en était finit. Propre, net. Comme lui avait appris son géniteur. Mais il n'en fit rien.
L'arme pesait dans sa jeune main quand il la sorti de son étui. Il en apprécia le poids, l'équilibre, le contact froid du métal contre sa peau brulante. Le canon se leva, il tira. La balle lui traversa la cuisse, l'envoyant rouler au sol en hurlant. Il s'était imagé faire ça tellement souvent, en voyant faire son paternel, que chaque geste se trouvait naturel.
Un sourire étira ses lèvres fines, lorsque son regard apeuré emplis d'une douleur sourde croisa l'expression glaciale de ses yeux. Et cet air satisfait qui se peignait sur son visage, en le voyant ramper comme un déchet. Sa seconde balle explosa la rotule, lui arrachant une nouvelle plainte, et l'adolescent en rit presque. Il se serait bien amusé encore un peu, s'il n'avait pas entendu son père l'appeler. Lui offrant l'éloquence de son sourire, il revêtit le masque de la mort, son canon se dressant sans tremblement. Et la sentence partit. En pleine tête, sans fausse note.
L'arme fumait encore lorsqu'Alexander le rejoint, jugeant le travail comme un inspecteur des travaux finit.
«Trois balles ?» Dit-il critique.
«Il refusait de s'arrêter.» Lui répondit le gosse le plus simplement du monde en haussant les épaules. Fin de la discussion.
C’était comme ça avec son fils. Sa froideur n’avait d’égale que son désintérêt qui allait croissant.
Le second n'eut en revanche pas autant de chance. La chasse c'est comme la guerre, on récolte des coups et des cicatrices. S'il en avait l'habitude avec les entrainements, des bleus ou une lèvre fendue ça n'a pas grand chose à voir avec une véritable plaie.
Il avait été plus coriace ce mutant là. C'est dire qu'il n'avait pas envie de mourir… Sa cicatrice sur la joue gauche, sa première blessure de guerre, c'est à ce dégénéré qu'il la dû. Et si Alexander n'avait pas crut que son œil avait été touché, il aurait très certainement étripé son fils, pour ne pas avoir fait un travail dans ses règles. Le temps qu'il le rejoigne, Matthias avait vidé son chargeur sur son corps, en guise de représailles. S'il mit ça sur le compte de la douleur et de l'adrénaline, avec le recule il se rendit compte qu'aucun coup n'avait été tiré pour tuer. La haine de l'adolescent pour les mutants ne semblait avoir aucune limite.
Cependant il n’y avait pas que ça qui ne semblait ne pas avoir de limite. Le départ de son père pour la Norvège ne fut absolument pas accueillit avec joie. Rester seul en compagnie d’Adélaïde et des jumeaux ne l’enchanta pas. Mais s’il n’y avait eu que ça… Resté le seul homme de la maison, son père lui fit promettre de se charger de l’entrainement de ses cadets. Et s’il n’était pas obéissant envers le chef de famille, il ne s’en sera même pas donné la peine.
Matthias ne comprenait même pas pourquoi son père tenait tant à les entrainer. Entre Noeh qui avait décidé qu’il n’aurait rien à faire avec l’entreprise familial, et Salomé… Et bien c’était une fille. Non pas qu’il avait des griefs contre les femmes chasseurs, sa mère en était une après tout. Juste que toutes les excuses étaient bonnes pour échapper à ça…
C’est bien pour ces raisons qu’il n’insista même pas auprès de Noeh. Et même si ça contrariait son père, lui ça lui allait bien ainsi. Au moins il n’aurait pas à se battre avec lui pour qu’il daigne se présenter à l’entrainement. Pour ce qui était de sa jumelle, c’était une autre histoire.
Salomé était une enfant bornée et obstinée. Et son aîné ne la manégea pas, et ce dés le premier jour. Chacun de ses coups lui faisait sentir toute l’estime qu’il avait pour elle. Chaque fois qu’il lui faisait mordre la poussière elle ne récoltait que son sourire satisfait. Son sadisme envers elle n’avait pas de fin. Il n’était pas satisfait tant qu’elle ne ressortait pas avec au moins un bleu lui recouvrant un membre, ou qu’il ne la fasse pas saigner. Mais à chaque fois elle se relevait, sans une plainte. Chaque fois elle revenait.
Matthias finit par apprécier sa résistance et son obstination. Il se vit en elle parce qu’elle possédait la même détermination que lui. Tous deux ne semblaient pas avoir besoin de se parler pour se comprendre. Au départ il voulait la faire fuir, pensant lui rendre service qu’il se passe de l’entrainer, mais au final ça semblait les avoir rapprochés d’une façon inattendue.
Voir la peur dans les yeux de ses victimes ou de ses pairs ne l’avait jamais dérangé. Néanmoins ce qu’il voyait dans les yeux de sa sœur était tout autre. Cette façon qu’elle avait de le regarder avec admiration. Elle était la seule à le voir vraiment tel qu’il était et à l’accepter ainsi. Lorsqu’il ne chassait pas seul, ou avec son père, il l’emmenait avec lui. Et Salomé ne s’effrayait pas de ses manières si éloignées de celles de leur paternel.
…
Même si la relation avec sa sœur avait prit une tout autre tournure, Matthias décida de quitter le domicile familial à la fin du lycée, apaisant ainsi les tensions entre Adélaïde, Noeh et lui. L’ainé ne rentrant au départ que pour les vacances et pour passer un peu de temps avec son père, ainsi que sa sœur. S’il avait finit par considérer sa cadette comme tel, ce n’était toujours pas le cas de son jumeau. Et cet état de fait ne semblait pas être prêt de changer.
…
Durant son cursus universitaire, il put pleinement concrétiser sa passion pour la chimie. A l'image de la chasse, la théorie c'était bien, mais la pratique c'était encore mieux. Passer des heures le nez plongé dans des bouquins à s'en abîmer les yeux, et se noircir les doigts sur l'encre de la connaissance, avait été payante.
Premier de sa classe, il faisait toujours la fierté de son père. Bien qu'il s'inquiétait quelque peu de sa vie sociale, pour le moins inexistante. Pourquoi s'encombrer de ces esprits étriqués ? Son colocataire de chambre il le tolérait dans la mesure où il ne l'empêchait pas de travailler. Et ça lui allait bien comme ça.
On pouvait bien le traiter d'intello ou de tête à lunettes - les rares fois où il daignait les porter pour travailler - tous ces sobriquets coulaient sur lui comme de l'eau sur la roche. Faut dire que derrière il leur mettait une sacré raclée en sport.
Intellectuel et sportif. Non Matthias ne rentrait pas dans leur case et ça leur déplaisait.
L'université était en quelque sorte devenue son centre d'expérimentation, et il caressa l'idée d'être à la foi limier et rat de laboratoire. Après tout ces dégénérés n'étaient que des expériences de mère nature, alors pourquoi ne pas leur rendre la pareille en jouant sur leur propre terrain ? On avait bien inventé le NH24 et 25. La faune et la flore regorge de merveilleuse façon d'être aussi cruellement créatif que leur maudite mutation.
Le jeune homme aimait tester l'efficacité de ses produits lors de ses chasses, avant de les lancer dans le marcher des chasseurs. Il demandait même parfois son avis à Salomé, lorsqu'il l'emmenait, tenant toujours compte de l'importance de ses critiques.
Ne s'intéressant pas au même type de plante que ces homologues masculins, beaucoup s'accordaient à dire qu'il était toujours puceau à vingt cinq ans. Voir même qu'il était gay. Certain s'aventurèrent même à lui inventer une histoire épique, digne d'une grande tragédie grec, avec l'entraineur. Le plus tragique fut seulement qu'ils se retrouvèrent tous célibataires, avec une réputation déplorable de la part de leur ex. Bien sûr qu'il était capable de s'intéresser au sexe opposé, néanmoins la stabilité d'une relation suivit…
Cette fleur du mal nommée rancœur avait enfoncée bien trop profondément ses racines pour laisser la place à quelque chose d'autre.
Une fleur qui avait semée ses graines…
…
Noeh… Son aîné n'avait jamais compris ce gosse. Il n'avait pas non plus cherché à faire des efforts là dessus non plus.
Lui aussi avait fini par quitter le nid pour ses études, la chasse ne trouvant toujours aucun intérêt à ses yeux. Mais plus le temps passait plus il lui semblait étrange. Non pas que ce n'était pas la pensée qu'il avait pour lui en permanence, seulement là c'était pus effectif que d'habitude. Cependant il ne s'en formalisa pas plus que ça. Salomé se suffisait à elle même pour se faire des cheveux blancs concernant son jumeau. Bien qu'elle commençait aussi à lui casser les oreilles avec son copain de chambrée. Cet Adriel.
Si son père voyait cette défiance de sa fille envers lui comme de la jalousie, Matthias lui s'en fichait pas mal. Il avait bien d'autre chat à fouetter. Son métier à gérer ainsi que ce qu'il appelait ironiquement le bénévolat : son travail au sein des chasseurs. Concrètement continuer à ne pas se mêler de la vie de son cadet, ça lui allait très bien. Peut être à tord…
«Il a sauté par la fenêtre…»
C'est bien là tout ce qu'il avait trouvé à dire face à la détresse émotionnel de son père. Ces sentiments qui lui rappelaient amèrement un certain soir. Alexander ne voulait pas croire que son fils ait put tout simplement essayer de se suicider. Son fils certes désinvolte mais plein de vie. Matthias ne le connaissait pas assez pour pouvoir présumer de ça. Seulement les faits étaient là : personne ne l'avait poussé, il s'en était allé saluer le sol tout seul, comme un grand. La seule explication serait qu'une saloperie de mutant se trouvait derrière tout ça.
Cette situation le projetait près de vingt sept ans en arrière, et si à la différence de sa mère Noeh était toujours en vie, l'état dans lequel il se trouvait c'était tout comme. Peut être aurait-il même mieux valut qu'il ne se loupe pas. Si c'était pour finir à cet état de légume… D'ailleurs ce qu'il ne comprenait pas non plus, c’est que lui qui avait toujours été un étranger pour Noeh, lui rende visite, alors que son père et sa propre mère n'avait même pas bougé le petit doigt. Il aurait put lui rendre service en l'étouffant avec son oreiller - au point où il en était - cependant Salomé l'aurait très certainement tué en retour…
Salomé… Sa sœur l'inquiétait bien plus que l'état de son jumeau. Chaque jour, elle s'enfonçait dans une spirale qui l'avait déjà happé tout entier, il y a longtemps. Il voyait naitre en elle ce désir de vengeance qui l'avait étreint, lui, le soir où on avait assassiné sa mère. Cette haine qui ne le quittera plus, nourrissant sans cesse sa violence. Son moteur qui devenait aussi le siens. Et son obsession pour cet Adriel…
Croyant qu'ils couraient tous après un fantôme, Matthias se résolu à aider son père dans l'épluchage des dossiers, à l'affut du moindre indice. Et le nom de ce petit salaud ressortit. Pas vraiment qu'une fois. Ce garçon se trouvait impliqué dans d’autres incidents inexpliqués. Souvent conclut par un suicide.
Finalement Salomé avait raison depuis le début… Cette vérité plus qu'évidente avait un gout amer. L'accident de Noeh aurait put être évité…
…
L’emmener avec eux pour le chasser n’était peut être pas une si bonne idée que ça. Bien que Matthias pensait que ça pourrait être bon pour Salomé de venger d’elle-même son frère. Ce que lui n’avait pas put faire pour sa mère. Que ça l’aiderait à apaiser cette haine qu’il voyait naitre au fond d’elle. En théorie ça pouvait l’être, en pratique… c’était une tout autre histoire. Surtout lorsqu’elle échappa à leur vigilance en pleine traque.
Se retrouver à pister la proie et le chasseur ne se trouvait pas vraiment dans leur prérogative. Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé… Si jamais il arrivait aussi quelque chose à Salomé, il ne se le pardonnerait pas. Cette seule pensée suffit à faire monter son adrénaline en flèche, le faisant courir aussi vite qu’un cabri tandis qu’il la cherchait.
La forêt avait ce silence de mort, même les animaux nocturnes s’étaient tut face à leur présence en ces lieux. Ça n’augurait pas grand-chose de bon, et il n’aimait pas ça. Il l’étranglerait certainement aussi pour s’être éclipsé comme une voleuse.
Mais quand ils la retrouvèrent enfin, c’était trop tard. Le mutant gisait mort à ses pieds, le corps de sa sœur recouvert de son sang, le siens s’y mêlant. Son regard braqué sur ce qu’elle avait laissé du dégénéré, comme si elle le mettait au défit de se relever de nouveau. Ce n’était pas une mise à mort, c’était un massacre. Et Matthias y voyait sa signature...
A cet instant Salomé lui renvoyait sa propre image en plein visage. Ça lui fit l’effet d’une douche froide. Tout ce temps où il avait déchainé sa haine en sa présence, elle l’avait absorbé telle une éponge. Comme lui l’avait fait durant toutes ces années. Le chasseur ne s’en était pas vraiment rendu compte jusqu’à maintenant, mais tous deux se trouvaient fait du même bois, et sur bien plus de points qu’il ne l’aurait imaginé. Ils étaient semblables, peut être un eu trop à son gout. Matthias refusait que sa sœur ne devienne comme lui, ce n’était pas bon pour elle. Ses doigts se resserrèrent autour de son fusil, tandis que son regard ne pouvait pas quitter sa sœur. Son père le sortit de sa torpeur, lui tendant l’arme qu’il prit alors qu’il emportait Salomé loin du carnage.
…
Après ça il avait vu sa sœur changer, et Noeh aussi. Tous deux semblaient loin de ce qu’ils étaient avant. Ce qui était parfaitement compréhensible pour son cadet. Cet saloperie de mutant semblait avoir fait bien plus de dégât qu’il ne l’aurait crut, même après sa pleine et entière disparition.
Noeh avait perdu cette joie de vivre qui le caractérisait, il n’était plus que la moitié de lui-même. Et encore... Quant à Salomé, elle le fuyait carrément sans qu’il ne comprenne vraiment pourquoi.
Leur relation avait changé. Elle ne le regardait plus comme avant, et lui non plus d’ailleurs. Mais au fond, il savait très bien que c’était de sa faute à lui. Elle en avait peut être les prédispositions avant, mais il avait tout réveillé. Matthias avait créé un monstre et maintenant il allait devoir vivre avec. Sans rien pouvoir y changer, parce qu’elle ne semblait pas tout à fait disposer à le laisser faire. L’ainé ne voulait pas l’abandonné, mais se battre contre le vent ça n’avait jamais été son truc.
C’est bien pour ça qu’il n’avait jamais tenté de se rapprocher de Noeh. De toute manière il ne pouvait pas revenir en arrière, alors il ne lui restait plus qu’à avancer. Et faire de son mieux pour sa famille, comme il l’avait toujours fait. Bien qu’intérieurement, tout ça le rongeait.
…
Préférant mettre de la distance avec cette situation, l’homme privilégia les chasses solitaires. De toute façon il ne parvenait plus à approcher sa sœur, alors à quoi bon ? Il se plongea également corps et âme dans son travail, son seul exutoire, au sein du labo et en tant que chasseur.
La surveillance des groupes de hunter lui prenait tout son temps libre de toute façon. Une tâche importante visant à faire en sorte que des groupes, sans doutes trop zélé, ne finissent par leur faire du tort. C’était pas plus mal, au moins ça lui occupait l’esprit, le canalisant pour ne pas qu’il parte complètement à la dérive.
La forte recrudescence d’un groupe, mené par une famille aux origines similaires des siennes, attira son attention. C’est en l’infiltrant qu’il fit la rencontre d’un médecin nommé Ezekiel. Si l’homme eut par mainte fois l’occasion de le retaper, à la suite de leurs chasses mouvementées, il n’y eut pas que sur sa peau qu’il tissa des liens. Qui dit qu’il y a forcément besoin de mot pour communiquer ? Souvent un regard partageant la même opinion, sur un homologue faisant un peu trop le singe, suffit.
Ezekiel fait partit de ces rares personnes en qui l’homme à confiance, et sur laquelle il se repose. Peut être même le seul. Un peu comme Sherlock et Watson. A la différence que ce sociopathe s’entendait bien mieux avec son tout aussi sociopathe de frère, que lui avec la moitié de pseudo frangin qui lui restait, et le courant d’air qui lui faisait office de sœur.
Sa sœur qui le fuyait comme s’il était lépreux. Tous deux n’avaient jamais été du genre à se cramer la joue contre le téléphone, jusqu’à ce qu’ils n’aient même pas besoin de kit main libre. Se contentant d’un échange de regard, d’un sourire volé ou d’un geste infime d’affection. Moyennant un sms par ci par là, quelques fois un appel, de quelques minutes à peine. Mais des nouvelles. Même petites. Cependant le silence de mort qu’elle lui offrait, cette tension les rares fois où ils avaient put se voir, et cette animosité dans leur rare échange. Elle semblait lui reprocher quelque chose sans qu’il ne sache quoi. Et Matthias ne pouvait s’empêcher de se sentir fautif. Ça le bouffait. Cet enfoiré de mutant ne s’en était pas prit qu’à Noeh, il avait fait exploser toute sa famille.
…
Si ça n’avait put qu’être rhétorique. Hélas… Une partie de son enfance vola aussi en fumé avec l’explosion du manoir. Son sang n’avait fait qu’un tour à la nouvelle. Surtout de s’imaginer qu’un de ces habitants aient put être touché. Bien sûr ses inquiétudes allèrent en premières pour son père. Salomé il savait qu’elle n’y habitait plus depuis un moment, quand à Noeh et Adélaïde… même s’il n’était pas vraiment sûr de pleurer s’ils venaient à disparaitre, ils faisaient partit de la famille. Et animosité ou non, on ne touchait pas à la famille. Bien que rien ne le trahissait dans son attitude, et encore moins dans ses mots à son égard, tout au fond de lui – l’équivalence d’une larme dans l’océan, mais non négligeable à son échelle – il s’inquiétait pour lui. Et ce depuis son accident.
Qu’on puisse encore s’en prendre à eux et renverser le peu de stabilité qu’il restait encore, ça le mettait dans une rage folle. Tous les prétextes semblaient bons pour lui rappeler le meurtre de sa mère. Ce fait dont il ne guérira sans doute jamais. Une plaie qui restera à jamais ouverte, tant qu’il resterait un dégénéré à trucider.
Son père pouvait le faire se déranger pour lui dire d’être prudent, il n’avait pas besoin de lui pour ça. Ces erreurs de la nature pouvaient bien lui déchiqueter un peu plus la chair, qu’ils ne l’avaient déjà fait, tant qu’il lui restera un souffle de vie et une parcelle d’intelligence pour leur en faire baver, il continuera de les traquer, quoi qu’il en coute. Matthias savait parfaitement que son père se chargerait lui-même de retrouver cette garce, seulement ils ne seraient jamais trop de deux. Avant que l’envie ne lui prenne de revenir jouer aux dominos avec ce qui tenait encore debout. De toute façon, le boulot ainsi que la chasse, c’est bien tout ce qu’il lui restait depuis que tout le monde semblait vouloir lui tourner le dos.
Salomé, Joachim…
Finalement à quoi bon essayer d’être "gentil" ? En se comportant comme le plus parfait des connards au moins il était sûr d’être détesté pour quelque chose de concret.
…
Baisser les bras ce n’était pas son genre, loin de là. Cependant Matthias avait clairement autre chose à faire que de brasser de l’air et de s’occuper de ces enfantillages. Si son andouille de sœur ne voulait plus le voir parfait ! Elle serait de nouveau reléguée au même rang que son débile de frère. Fallait croire qu’ils n’étaient pas jumeaux pour rien ces deux là. Son père pouvait bien dire ce qu’il voulait. Pour lui il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre.
Son quotidien fut tout de même pas mal bousculé lorsque son père fut arrêté. Ce qui l’énerva le plus dans tout ça fut qu’on le tint une nouvelle fois à l’écart. Adélaïde n’avait rien lâché, à croire que son poste de procureur lui montait à la tête. Il ne pouvait même pas aller voir son père. De mieux en mieux…
Reprendre les rennes en l’absence de ce dernier ne l’enchantait pas plus que ça. Pour la simple raison que ça le forçait à revenir au manoir, lui donnant l’impression de retourner en enfance. Jouer à Colin Maillard entre la mère et le fils, avec des règles opposées. Il aurait put le rebaptiser Callahan Maillard d’ailleurs. Mais personne n’aurait compris, à part lui…
Néanmoins, au bout d’une semaine il finit par se prêter au jeu. L’homme était déjà respecté dans le milieu en portant le nom de Callahan, puis simplement en étant lui. Avec la mention
honorable de chef de famille en prime, sa réputation ne se trouvait absolument plus à faire.
Peut être que Matthias s’y prêtait même un peu trop bien. Les autres pouvaient bien dire ce qu’ils voulaient, il s’en fichait pas mal. Par ce biais, le brun pouvait légitimement demander un peu plus de déférence de la part de Noeh. Pour ce qui était de Salomé, elle n’avait plus aucune excuse pour le fuir, comme la gamine puérile qu’elle était devenue. Oui il en profitait de son nouveau pouvoir. Peut être même un peu trop…
Au moins, contrairement à ces deux égoïstes qui se contentaient de vivre leur petite vie paisible, sans se soucier du reste, lui s’occupait de la famille. Bien sûr que c’était son rôle. Mais qui allait le faire à sa place ? Adélaïde ? Le demi crétin ? Très drôle. Il pouvait bien se plaindre d’être un Callahan tiens, ça lui permettait d’avoir un toit sur la tête, et de l’argent en poche, cet ingrat.
L’homme les entendait persifler dans son dos. Ils pouvaient bien dire qu’il prenait la grosse tête, cependant il restait tout de même gentil avec eux. Il aurait put être le dernier des salauds et profiter de ces attributions nouvelles pour, lui le foutre à la porte en lui coupant les vivres, et elle… Sa chère sœur, cette chère Salomé… Matthias aurait put faire exactement pareil que son père, lorsque tous trois jouaient trop au con à son gout. L’enfermer dans la pièce jusqu’à ce qu’elle daigne enfin lui cracher le morceau. Lui dire enfin ce qu’elle lui reprochait. Pourquoi il devait se sentir coupable, bien que cet état de fait l’homme le ressentait déjà. Pourquoi elle le fuyait. Pourquoi elle le détestait…
Cependant il n’en fit rien. Préférant tenter de l’avoir à l’usure, en la convoquant de façon intempestive.
Ah Salomé… Si elle pouvait lire dans sa tête… Elle pourrait voir que cette situation le pesait. Pire, que ça le tuait. Ce comporter en connard avec elle ça ne lui faisait absolument pas plaisir. Si elle pouvait voir qu’il l’aimait Salomé. Même si dans son regard, la seule chose qu’on pouvait lire c’est qu’il avait envie de l’étrangler…
Le jour où tout explosera, Dieu seul sait s’il restera encore des meubles à sauver…