Tu ne sais pas quel heure il est. En réalité, tu t’en fiches un peu. Il est passé minuit, ça, tu en es presque certaine. Tu t’es couchée tard et ça ne fait pas longtemps que tu dors. La fin de l’année scolaire approche à grands pas et tu sais que tu dois mettre les bouchées doubles si tu veux être en mesure de préserver ta moyenne et entre les entraînements, les sorties avec Noeh et les autres et tout le reste, tu sembles avoir du mal à trouver le temps de travailler dans tes livres autant que tu ne le devrais. Tu n’as pas l’air studieuse quand on te regarde comme ça, tu as plutôt l’air de l’élève qui se fout de tout et de tout le monde – et ce n’est pas faux dans un sens – mais tu tiens aussi à avoir de bonnes notes ne serait-ce que pour obtenir des bourses et pouvoir finalement déguerpir de ce trou à rat sans jamais avoir à regarder derrière toi. Avant Noeh et les autres, c’était le plan. Maintenant, tu n’es plus aussi certaine, même si tu ne serais pas prête à l’admettre à voix haute encore. Ça ferait beaucoup trop plaisir à Noeh de savoir que tu considères rester dans les parages à cause de lui. Du moins, tu y pensais jusqu’à maintenant alors que des coups se font entendre contre la fenêtre, remplissant entièrement ta petite chambre. Tu ignores les premiers coups, grognant légèrement et te retournant, mais lorsque tu entends quelques coups de plus, tu sais que ce n’est pas seulement le fruit de ton imagination. Tu ouvres difficilement les yeux, et un seul regard vers la fenêtre de permet d’apercevoir Noeh. Il t’offre un sourire lorsque vos regards se croisent et tu grognes une nouvelle fois, plus fort pour être certaine qu’il t’entende malgré la fenêtre encore fermé. « Tu m’ouvres? » Tu dois prendre toute l’énergie qui te reste de cette longue journée pour te lever. Normalement, tu prendrais le temps de te mettre un chandail par dessus ta camisole, histoire de faire semblant d’avoir un minimum de pudeur devant ton meilleur ami, mais là t’es tellement ennuyée par sa présence indésirable que tu te fiches qu’il te voit en pyjama. « You gotta be kidding me. » Tu pousses la fenêtre juste assez pour que Noeh puisse se faufiler et lorsqu’il entre dans ta chambre, tu te contentes de refermer la fenêtre machinalement alors qu’il s’assoit au bout de ton lit. Alors que tu te retournes, venant prendre place à ses côtés – toujours en grognant – tu remarques que quelque chose cloche, même si tu n’es pas encore en mesure de mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Tu te contentes de t’asseoir au fond de ton lit, plaçant ton dos contre le mur pour avoir un peu d’appui. « Tu dormais bien? » Son sourire a quelque chose de différent, ou c’est peut-être seulement que tu es trop fatiguée pour comprendre pleinement ce qui se passe. Tu lui offres une grimace, avant d’échapper un long soupir. « L’imparfait étant le bon temps pour décrire mon sommeil ouais, imbécile. » Tu te frottes les yeux, tentant une nouvelle fois de te réveiller, mais tu te mets à bailler, la gueule grande ouverte sans même prendre la perte de te couvrir. Mais tu t’en fiches. Il t’a pas réveiller pour tester tes bonnes manières. De toute façon, c’est pas comme s’il savait pas déjà que tu n’en as pas, de bonnes manières. Tu devrais te demander pourquoi il est là, sauf que ce n’est pas la première fois que vous vous rendez des visites nocturnes sans aucune raison, alors tu assumes simplement qu’il avait besoin de compagnie. Sauf que le silence qui s’installe entre vous deux parle fort et tu te demandes soudainement si tu n’étais pas folle de croire qu’il y a quelque chose qui cloche. Et la manière dont il s’excuse, doucement et sans malice, ça en dit tellement long sur son état. Parce que normalement, il serait le premier à se moquer de toi, de ton pyjama et de ton allure, à te faire des remarques comme quoi tu es faible ou des trucs dans le genre. « Désolé. » Instinctivement, tu te rapproches de lui, prenant garde toutefois de lui laisser son espace, sa bulle. « Hey. Qu’est-ce qu’il y a? » Tu essayes de le dire comme si de rien était, sans toutefois trop en mettre parce que t’es pas certaine que de virer la situation en blague en ce moment ce soit la meilleure des idées. Son visage est neutre, trop neutre et ça t’inquiète. Tu sais pas comment faire dans le neutre. Ou dans toute autre émotion autre que la connerie ou la colère. Et ça, ce que tu ne comprends pas dans les yeux du jeune Callahan, ce n’est pas de la connerie, ni de la colère. Et ça te fait peur. « Je voulais pas te déranger mais.. » Tout de suite, tu l’interrompt. T’as besoin qu’il sache que tu es là pour lui. N’importe où, n’importe quand. Après tout, vous vous l’êtes prouver à de nombreuses occasions déjà, et tu ne veux pas que ça change. « Hey hey. Tu me déranges pas. Dis-moi. » Et puis tu la vois. Seule et tranquille. Silencieuse et douce. Cette larme qui coule sur la joue de ton ami, traîtresse de son véritable état. Et dans un élan qui ne te ressemble pas, ta main vient se poser sur son visage pour le forcer à te regarder, et quand vos yeux se croisent, tu déplaces ta main sur son épaule, comme une présence que tu espères réconfortante. « Regarde-moi Noeh. Qu’est-ce qui se passe? »