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 No secret soul to trust [ft. Ciaran]

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Gene Warner
Gene Warner

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SUR TH DEPUIS : 20/03/2016
MessageSujet: No secret soul to trust [ft. Ciaran]   No secret soul to trust [ft. Ciaran] Icon_minitimeLun 10 Oct 2016 - 22:10

No secret soul to trust
Gene & Ciaran



Assise sur son canapé, les yeux rivés sur son téléphone, Gene essayait de se calmer. Elle pleurait depuis le début de matinée, il était temps que ça s’arrête. Pourtant, à chaque fois qu’elle semblait réussir à mettre un terme à ses sanglots, l’image de Jim passant la porte de son immeuble pour disparaître dans le lointain lui revenait en mémoire et les larmes se remettaient à couler dans la seconde. Il avait beau l’avoir rassurée, lui affirmer qu’il ne l’oublierait pas et qu’il n’allait certainement pas arrêter de lui envoyer des messages et de prendre de ses nouvelles, savoir qu’il ne serait plus là physiquement était bien plus douloureux qu’elle ne le pensait. Elle avait perdu son meilleur ami, son frère de cœur et l’un des plus gros piliers de son existence. Elle se sentait seule, vraiment très seule, et aucune illusion ne viendrait remplir le vide qu’il laissait derrière lui. Elle s’était promis que dès qu’elle en aurait les moyens et le temps, elle casserait sa tirelire pour aller le voir, où qu’il puisse être dans le monde. Elle espérait sincèrement qu’entre temps, il ne l’ait pas rayée de sa vie. Il lui semblait parfois qu’elle était tellement transparente qu’il était très facile d’oublier son existence ; elle aurait très bien compris pourquoi le jeune Irlandais l’aurait fait. Malgré tout, elle avait confiance en lui, et s’il lui avait fait la promesse de revenir la chercher, alors elle le croyait. Et elle était sûre que dès qu’elle le pourrait, elle ferait son baluchon et s’en irait à l’aventure avec lui. Quelque part, elle s’en voulait d’avoir eu peur, de ne pas avoir été capable de se détacher de sa petite vie confortable pour s’en aller sur les routes. Peut-être que si elle avait eu un peu plus de courage, elle aurait tout laissé derrière elle pour le suivre et découvrir le monde d’une toute autre façon ; malheureusement, elle ne saurait jamais ce qu’il se serait passé si elle avait accepté sa proposition et qu’elle s’en était allée également. Elle ne pourrait que l’imaginer et se dire que Jim irait bien, qu’il s’en sortirait toujours et qu’il ne manquerait pas de venir la prendre avec lui dans son aventure, qu’il revienne dans deux mois ou dans deux ans. En attendant, il fallait qu’elle continue de vivre. Après tout, ce n’est pas comme s’il était mort. Ils seraient toujours en contact, aussi souvent que possible, et rien que de savoir qu’il était toujours là, quelque part, lui permit de se calmer suffisamment pour qu’elle se lève et file dans sa salle de bain s’arranger un peu. Imbibant un coton d’eau froide, elle l’appliqua sur un œil, puis sur l’autre, faisant disparaître un maximum la rougeur de ses rétines. Pas besoin que son directeur de thèse supporte sa mine déconfite ; déjà qu’elle avait failli le planter au dernier moment, elle n’allait pas non plus arriver avec une tête d’enterrement. Une fois qu’elle jugea son allure correcte, elle se dépêcha de sauter dans ses vêtements, coiffa ses longs cheveux qu’elle garda détachés, enfila ses chaussures, attrapa son sac et fila hors de chez elle.


Comme prévu, elle avait une petite vingtaine de minutes de retard sur l’heure qu’ils s’étaient donné, mais Gene avait bien pensé à prévenir. Elle n’aimait pas ce manque de ponctualité, mais jusqu’à la dernière seconde elle avait été persuadée qu’elle serait incapable de sortir de chez elle. Quelque part, ça n’était pas plus mal : ça la forçait à se replonger dans la réalité rapidement, à ne pas se morfondre ni se laisser aller. Elle n’allait pas bien aujourd’hui, loin de là, mais ça finirait par s’arranger. Déjà, elle n’était plus au bord des larmes, ce qui était une bonne chose. Elle priait pour que ça dure – il ne manquerait plus qu’elle éclate en sanglots devant monsieur O’Doherty. Arrivant dans le petit café où ils avaient rendez-vous, la jeune femme le chercha des yeux avant de le trouver et de s’approcher. Avant même de s’asseoir, son premier réflexe fut de s’excuser.

- Bonjour. Je suis absolument désolée du retard. Vous n’attendez pas depuis trop longtemps ?

Elle espérait sincèrement qu’il avait un peu exagéré lorsqu’il lui avait dit être arrivé au café presque une demie heure plus tôt et qu’il n’avait pas passé le temps à poireauter bêtement en attendant qu’elle arrive. Elle tira la chaise et se posa finalement, remettant en place une longue mèche de cheveux bruns.

- Je suis vraiment désolée de vous avoir prévenu aussi tard. Ce n’était pas vraiment prévu.

Ces douze dernières heures n’avaient absolument pas été planifiées, et si elle avait pu remonter le temps, sans doute qu’elle aurait envoyé un message à Ciaran pour lui dire de ne plus l’attendre du tout puisqu’elle était partie avec Jim. Mais son meilleur ami devait être loin maintenant, et elle n’avait plus qu’à avancer de son côté.




© Grey WIND.


Dernière édition par Gene Warner le Mar 18 Oct 2016 - 0:05, édité 1 fois
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Ciaran O'Doherty
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MessageSujet: Re: No secret soul to trust [ft. Ciaran]   No secret soul to trust [ft. Ciaran] Icon_minitimeDim 16 Oct 2016 - 13:18

No secret soul to trust
Gene & Ciaran



Ciaran ne croyait pas vraiment en cet adage qui disait que se lever du pied gauche portait malheur, mettait de mauvaise humeur et annoncée une désagréable journée. Il lui était arrivé de passer d'excellent moment en posant le pied gauche en premier, et d'avoir regretté d'être sortit de son lit en posant le droit. Finalement, qu'est ce qui distinguait une bonne d'une mauvaise journée ? Des patients en larmes, de l'eau de pluie sur ses costumes à 1200 dollars pièce, pas assez de sirop de vanille dans son double moka-caramel, voilà bien ce qui incarnait la mauvaise journée à ses yeux. Le regard éperdu d'admiration d'Artur lorsqu'il le poussait un peu plus au bord du gouffre, les remerciements d'un patient à qui il conseillait par sous entendus de mettre le feu à sa maison pour résoudre ses problèmes ou encore papillonner des yeux devant la ravissante Gene, c'était ça, une bonne journée ! Ce jour-là, c'était le troisième cas qui le préoccupait. Depuis combien de temps la suivait-il pour son projet de thèse ? Un mois ? Un mois et demi ? Qu'importe... Les quatre premières semaines avaient été les plus belles de sa vie de mutant : une page vierge sur laquelle il avait griffonné des sentiments, raturé d'autres et réécrit par dessus, tout un caractère qu'il avait méticuleusement modelé en se fichant royalement de la personne qu'elle pouvait être réellement sous tous ces sentiments factices. Il avait adoré l'expérience et avait goûté chaque instant passé en compagnie de la jeune femme, conscient que ce genre de spécimen ne se représenterait pas de si tôt à lui.

Et puis le vaccin avait cessé de faire son effet, sa mutation était revenue, et la demoiselle avait retrouvé ses sentiments. D'une œuvre d'art révolutionnaire, elle était passé à un vague croquis mal proportionné et laid aux yeux du psychiatre. Il l'avait aimée, il l'avait chérie pendant des jours, des semaines... Et voilà qu'on lui avait arraché son précieux jouet. A présent, elle lui semblait bien médiocre et insipide, et il lui arrivait de se demander pourquoi il ne rappelait pas en lui disant simplement en définitive, il ne voulait pas suivre sa thèse, parce qu'il était trop occupé, qu'il avait mieux à faire, que ça ne l'intéressait plus, blablabla, tout un tas d'excuses parfaitement valables, bien sûr ! Mais il n'en avait rien fait. Car au fond, il espérait pouvoir supplanter les véritables sentiments de la jeune femme avec ses créations, il espérait pouvoir en faire la plus belle et la plus docile des marionnettes qui soit. Et il y parviendrait, foi de Ciaran !

Tout bien réfléchit, le cas de Gene ne résolvait absolument pas cette histoire de lever du pied gauche ou du droit. A vrai dire, ce matin-là, il n'y avait pas vraiment prêté attention. Pourtant, ça ne l'avait pas empêché de se cogner le petit orteil contre un meuble, lequel avait été sauvagement agressé dans un gaélique plus que fleurit, la dosette de café serré qu'il avait inséré dans sa machine était restée coincée, le privant de son précieux élixir – maudit sois-tu, Clooney, avait-il songé – et il n'avait pas été en mesure de mettre la main sur sa seconde chaussette fétiche, verte et brodée de trèfles. En deux mots comme un dix, c'était une mauvaise journée pour Ciaran.

Pourtant, il ne désespérait pas ! Car il devait voir Gene un peu plus tard dans la journée, il allait avoir de quoi s'occuper avec un esprit aussi malléable et innocent que le sien ! Aussi avait-il été terriblement contrarié au moment de monter en voiture. A peine avait-il mis sa ceinture que son téléphone sonnait dans sa poche pour lui apprendre que la demoiselle n'était pas en état de le rencontrer. Et puis quoi encore ? On ne se refusait pas si facilement à Ciaran O'Doherty ! Un cancéreux borgne en soins palliatifs ne se serait pas soustrait à un rendez-vous avec lui ! Quoi que... Il n'avait jamais eu à traiter de cancéreux borgne en soins palliatifs, mais était certain que ce devait être absolument hilarant à voir ! Un genre de Gollum en moins réactif... Mais ce n'était pas le sujet qu'il préoccupait, et il fallait qu'il cesse dans la minute de penser, parce qu'avec un cerveau qui divague à ce point, il n'allait pas tarder à naufrager. Aussitôt, il répondit à la jeune femme qu'il était en route – ce qui n'était pas si faux étant donné qu'il était dans le parking de son immeuble et non plus dans son appartement – et qu'il aurait été fort contrarié qu'elle ne vienne pas. Il enclencha la première et se dirigea vers le café où ils s'étaient donné rendez-vous, jetant de brefs regards à son téléphone pour s'assurer que la demoiselle ne se défilerait pas. Finalement, elle consentit à venir au moment où Ciaran se garait, et celui-ci soupir en se disant qu'il allait être bon pour attendre.

Et Ciaran détestait attendre à peu près autant qu'il détestait les choux de Bruxelles.

Il s'installa à une table libre, un peu à l'écart des autres, commanda un café et s'empara d'un journal qui traînait sur un présentoir pour s'occuper le temps que Gene arrive. Il n'eut même pas relever la tête pour savoir que c'était elle qui entrait et s'approchait. Son aura été si chargée de sentiments violents, alliant tristesse, désespoir et mélancolie qu'il aurait pu la sentir à des kilomètres à la ronde.  A ce stade, il n'aurait même pas eu besoin de la forcer bien longtemps pour qu'elle se jette sous une voiture ! Mais ça, c'était vilain. Très vil... Une seconde... Ciaran était vilain. Il ne restait plus à Gene qu'à fuir si elle tenait à sa vie.

« Je vous attends depuis une vingtaine de minutes, mademoiselle... », lâcha-t-il d'une voix froide sans lever les yeux d'un palpitant article qui traitait du concours du plus gros mangeur de saucisse au fromage de la région. « Vous tâcherez, à l'avenir, à être plus ponctuelle et à ne pas laisser votre vie personnelle impacter sur votre travail de recherche... »

Il était froid, cinglant, bien plus distant et, quelque part, effrayant que d'habitude. A vrai dire, si Ciaran n'avait aucun scrupule à se faire attendre, il détestait quand les choses marchaient dans le sens inverse. Il consentit finalement à baisser son journal et fut frapper par l'expression de détresse pure qui se lisait sur le visage de Gene. Elle était au plus mal et, si Ciaran avait été capable de faire preuve de sympathie, il se serait mis à pleurer avec elle. S'il avait été plutôt empathique, il aurait posé une main sur l'épaule de la jeune femme et lui aurait assuré qu'elle pouvait lui parler, se confier à lui et ainsi de suite. Seulement voilà. Ciaran était profondément antipathique, et la tristesse de Gene le laissait indifférent. Ou plutôt... Elle l'agaçait au plus haut point. Elle était si forte, si présente, qu'il aurait eu beau user de toutes ses forces de mutant, il ne serait pas parvenu à la faire sourire. Pourtant... Il avait le sentiment – quelle ironie – que la froideur et l'indifférence n'étaient pas vraiment des attitudes à adopter dans une telle situation. Un sourire bienveillant fendit son visage, et il sembla soudain s'auréoler de chaleur. Il héla un serveur, lui commanda des boissons pou tous les deux, et se tourna vers Gene.

« Je vous invite. Vous m'avez l'air si bouleversée qu'une boisson chaude vous fera le plus grand bien. Rien de trop grave, j'espère ? Si vous voulez en parler, n'hésitez pas... Je ne suis pas seulement votre directeur de recherches, je suis aussi à votre écoute... »

Blablabla, gnagnagna... Il avait l'impression de la jouer petit saint décidé à tendre la main aux miséreux pour les tirer de la fange et les emmener vers la lumière. C'était écœurant ! Tout ce qu'il voulait, c'était assouvir cette malsaine et détestable curiosité qui le poussait à comprendre pourquoi elle avait l'air sur le point de pleurer. D'ailleurs... Peut-être les larmes lui délieraient-elles la langue ? Si lui insuffler une joie semblable à un rail de cocaïne ne fonctionnait pas, intensifier un peu plus sa tristesse était en revanche un jeu d'enfant...

Let the show begin...

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Gene Warner
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MessageSujet: Re: No secret soul to trust [ft. Ciaran]   No secret soul to trust [ft. Ciaran] Icon_minitimeMar 18 Oct 2016 - 13:35

No secret soul to trust
Gene & Ciaran



Parmi toutes les peurs qui hantaient Gene en permanence, la plus grande n’était pas celle des araignées, des requins ou même d’un éventuel fantôme qui se serait invité dans son petit chez-elle. Non, sa plus grande peur, à n’en pas douter, était de décevoir les autres. Elle se considérait comme parfaitement inutile et ne se trouvait aucune valeur sinon à travers les services qu’elle pouvait rendre à autrui et les preuves qu’elle pouvait leur fournir quant à son utilité et sa fiabilité. Or, elle venait de prouver à Ciaran qu’elle n’était rien de tout ça. Ses phrases, prononcées avec une froideur qu’elle ne lui connaissait pas, lui firent l’effet d’un coup de poignard en plein cœur, et elle ne put s’empêcher de penser qu’il avait mille fois raison d’être aussi agacé. Après tout, elle l’avait prévenu à la dernière minute, tout ça pour des broutilles. Si elle avait été un peu plus forte, si elle avait su se contrôler davantage au lieu de se laisser balloter par ses émotions, elle aurait été à l’heure et leur rendez-vous se serait parfaitement bien passé. Mais non : il avait fallu qu’elle fasse n’importe quoi – encore une fois. Baissant la tête, elle fixa la table, la tête légèrement rentrée dans les épaules. Parfois, elle se demandait vraiment pourquoi elle était encore là.

- Je suis désolée … dit-elle d’une petite voix qu’elle contrôla de son mieux mais qu’on sentait sincèrement contrite et honteuse.

La jeune femme aurait voulu disparaître sous terre et ne plus jamais sortir de son trou. De là, peut-être qu’elle arrêterait d’être un poids et une déception. Et puis, ce n’est pas comme si quelqu’un la regretterait. Après tout, si Jim était parti sans elle, alors le reste du monde l’oublierait bien assez tôt, et personne n’aurait réussi à lui faire croire que l’Irlandais était sincère lorsqu’il lui avait promis qu’il reviendrait pour elle.
Finalement, réalisant que ça n’était pas vraiment poli de garder les yeux rivés sur un point du vide, elle releva légèrement la tête et croisa le regard du psychiatre. Elle ne sut pas si ce fut par pitié ou bien par sympathie qu’il changea d’expression pour lui sourire, mais elle se détendit légèrement : il n’avait plus l’air aussi incisif que quelques instants auparavant et, quelque part, ça la rassurait. Il devait encore être agacé, bien sûr, mais il faisait l’effort de ne pas en avoir l’air. Rien que pour ça, elle lui en fut particulièrement reconnaissante. Elle cligna des yeux sous la surprise cependant et voulu protester, trouvant parfaitement déplacé de le laisser payer sa boisson alors qu’elle l’avait fait attendre et avait laissé sa vie personnelle se mettre en travers de sa vie étudiante et, sans doute, sa future vie professionnelle. Elle osa un petit sourire timide.

- Merci beaucoup.

A ce stade, elle ne savait plus trop pour quoi elle le remerciait. Pour sa patience à son égard, sûrement, pour la gentillesse dont il faisait preuve en lui parlant et en l’invitant alors qu’il avait toutes les raisons du monde de ne pas le faire, en lui offrant une oreille attentive alors que ses problèmes devaient fortement l’ennuyer.

- C’est vraiment gentil à vous. Et non, rien de bien grave, c’est …

Elle sentit une boule se former dans sa gorge et les larmes qu’elle avait si bien réussi à contenir lui montèrent aux yeux à une vitesse folle. Elle se tût le temps de reprendre contenance : hors de question qu’elle impose une crise de pleurs à son directeur de recherche. Parfois, elle se faisait vraiment l’effet d’une fillette hypersensible tant elle partait au quart de tour. Se raclant la gorge, elle fit de son mieux pour contrôler sa voix une nouvelle fois.

- Mon … meilleur ami est parti ce matin. Il a quitté la ville.

A la tristesse vint s’ajouter un horrible sentiment de solitude qui lui donna l’impression d’être seule au monde. Jim avait été son soutien, son frère de cœur, la personne la plus importante de sa vie depuis qu’elle était installée à Radcliff et qu’elle l’avait rencontré. Le vide qu’il laissait derrière lui ne se refermerait jamais totalement – du moins en était-elle persuadée.

- Je ne pense pas qu’il revienne ici un jour …

La petite mutante luttait contre les larmes qui menaçaient toujours de couler, et pour se contenir, elle se concentrait sur ses mains dont elle avait joint les doigts sur la table. Elles ne tremblaient pas, mais elle les crispait si fort que ses phalanges en était blanches. Se focalisant sur la douleur dans ses articulations, elle releva la tête vers Ciaran et eut un petit sourire aussi bien piteux que désolé.

- Ce n’est que ça.

« Que ça » qui lui brisait le cœur, « que ça » qui lui donnait envie d’attendre que le temps passe pour oublier qu’elle se sentait plus seule que jamais. « Que ça » qui menaçait de la faire pleurer à tout instant, elle qui n’avait jamais été bonne pour retenir ses larmes et qui ne voulait pas faire davantage honte au grand homme assis en face d’elle et qui avait été déjà suffisamment aimable pour ne pas la sermonner davantage.




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Ciaran O'Doherty
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MessageSujet: Re: No secret soul to trust [ft. Ciaran]   No secret soul to trust [ft. Ciaran] Icon_minitimeMar 1 Nov 2016 - 23:42

No secret soul to trust
Gene & Ciaran



Pauvre, pauvre Gene ! Pauvre petite créature ingénue et innocente, pauvre petit ange à la pureté déjà souillée par le démon vicieux qui lui faisait face, pauvre enfant qui ne cessait de s'excuser alors qu'elle aurait sûrement préféré rester cher elle à se morfondre. Ciaran était intrusif, maladivement curieux, sournois et perfide – et n'allez pas commettre l'erreur de le comparer à Gollum, ils ne jouaient pas dans la même cour – il aimait tout connaître des malheurs d'autrui pour mieux se complaire dans sa propre satisfaction : être malheureux, l'Irlandais ne savait pas ce que cela signifiait. Car le malheur était étroitement lié aux relations sociales, aux êtres chers ou détestée, et lui ne pouvait que se vanter de ne tenir à personne. Du moins ne tenait-il à personne au point de pleurer sa perte. Quoi que... Peut-être le décès de sa sœur lui arracherait-il une larme ? A vrai dire, il aurait fallu tenter l'expérience pour le savoir. Un instant, il fut saisit de l'envie de se lever, quitter l'établissement pour aller trouver sa sœur et mener à bien son expérience, mais il se ravisa aussi vite, après avoir convenu que non seulement il aurait les flics au derrière, mais qu'en plus ce serait fatiguant de devoir dissimuler le corps. C'était d'ailleurs pour ça que l'Irlandais n'avait jamais tué de ses propres mains. Pas par peur des remords mais bien parce que se savoir traqué par la police et contraint de dissimuler les preuves l'ennuyait au plus haut point. A quoi bon faire les choses soi même quand on pouvait déléguer au petit personnel ?

Mais tergiverser sur le bien fondé de la délégation des meurtres n'était clairement pas à l'ordre du jour, et Ciaran leva les yeux au ciel lorsque Gene, les yeux baissés vers les genoux, s'excusa une fois de plus.

« A force de répéter ça en boucle, je vais finir par croire que vous vous excusez d'exister, mademoiselle... »

Ce qui aurait été stupide, n'est ce pas ? Enfin... Stupide lorsqu'on s'appelait Ciaran O'Doherty et qu'on avait un ego tel que le simple fait d'exister donnait l'impression d'illuminer le monde à chaque pas, mais le narcissisme de l'Irlandais était un sujet si vaste et complexe qu'il aurait bien fallu quelques siècles pour en effleurer seulement la surface. Un sourire fendit son visage lorsque la jeune femme le remercia, mais il restait muet, bien plus captivé par la raison de son retard que par ses multiples et incessants remerciements. A mesure que grandissait en Gene un raz de marée de sentiments plus sombres les uns que les autres – à savoir tristesse, nostalgie, désespoir et dégoût de soi – Ciaran poussait ces derniers, se prenant pour un jardinier du dimanche qui serait aller barbouiller son potager d'un engrais bourré d'OGM. Quelque part, si la voir pleurer l'aurait agacé au plus haut point – il n'avait pas mouchoirs sur lui et détestait réconforter les âmes en peine – il savait que c'était le meilleur moyen pour qu'elle se livre et soit un peu plus... Bavarde. Aussi, lorsqu'elle conclue sa palpitante non logorrhée par un « ce n'est que ça », Ciaran écarquilla les yeux. Il était habitué à ces patients qui faisait tout un drame de petites choses du quotidien, considérant que leur existence était plus sombre que n'importe quelle autre et n'hésitant pas à ponctuer leurs récits d'un pathos qui donnait envie de vomir à l'Irlandais. Là... Rien. Juste quelques mots, une incommensurable tristesse contenue dans un tout petit volume sonore, et des yeux brillants de larmes difficilement contenues. Cette tristesse-là, Ciaran y croyait. Pas seulement parce qu'il la sentait viscéralement, mais surtout parce qu'elle n'était pas enrobée dans quoi que ce soit de futile, elle était mise à nu, écorchée vive, sans fioritures. Cette tristesse-là n'avait pas pour but de susciter la pitié, elle existait simplement pour faire souffrir la jeune femme. S'il en fallait plus pour toucher véritablement Ciaran, il était tout de même suffisamment captivé à présent pour ne pas vouloir lâcher l'affaire si facilement.

« Ce n'est jamais que ça, Gene. »

Ce devait bien être la première fois qu'il l'appelait par son prénom et non mademoiselle.

« Souvenez-vous un peu de vos cours de psychologie, ils s'appliqueraient parfaitement à votre histoire. Ce n'est jamais que ça. Si ce n'était que ça, vous ne seriez pas sur le point de pleurer. L'abandon est un traumatisme autrement plus douloureux et difficile à surmonter qu'un coup de pied dans un meuble. »

L'abandon, Ciaran ne connaissait pas. En revanche, l'orteil malmené par une commode perfide...

« La plupart des gens sont en colère, face à l'abandon, ils n'acceptent pas l'idée et restent figés dans la rancoeur. Vous... Vous me semblez avoir déjà accepté l'idée, comme si vous en étiez déjà au stade de la résignation... Vous êtes triste, pas en colère. »

Et c'était... Etrange. Peu commun. Ce n'était pas ce que Ciaran avait l'habitude de voir. Lorsqu'il était face à ce genre de phénomène, il attisait la colère, la poussait à un paroxysme qui menait à la violence, mais chez Gene... Rien. Elle était triste, désespérément malheureuse, mais pas en colère.

« Votre meilleur ami... C'est bien celui qui vous a vaccinée le mois dernier, n'est ce pas ? Je vous avoue avoir du mal à comprendre votre réaction. Il vous a privée de votre mutation, vous a abandonné, et vous n'avez même pas l'air en colère... »

Pourtant, il essayait de la lui glisser sournoisement dans le crâne, cette colère ! Mais elle se heurtait à la souffrance de la jeune femme, ne parvenait pas à franchir ce mur de tristesse qui lui enserrait le cœur.

« Vous a-t-il dit pourquoi il était parti ? Pourquoi il avait fuit la ville ? »

A cet instant, le serveur vint leur apporter les boissons et une coupelle de friandises, et Ciaran s'empressa de plonger sans honte de petites guimauves roses dans son moka déjà bien sucré.

« Pire que tout, je vous avoue avoir du mal à comprendre pourquoi vous n'êtes pas partie avec lui... C'était son choix ? »

S'il ne pouvait jouer sur la colère, alors il irait dans le sens de la culpabilité, de la tristesse, du désespoir... Il lui martèlerait l'esprit jusqu'à ce qu'elle craque et lui dise réellement ce qu'elle avait sur le cœur. Parfois, Ciaran regrettait amèrement de ne pas être télépathe en plus du reste.
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Gene Warner
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MessageSujet: Re: No secret soul to trust [ft. Ciaran]   No secret soul to trust [ft. Ciaran] Icon_minitimeMar 1 Nov 2016 - 23:46

No secret soul to trust
Gene & Ciaran



Ciaran ne se rendit probablement pas compte d’à quel point il fit mouche avec sa remarque. Gene avait en effet envie de s’excuser d’exister. C’était un sentiment qui ne la quittait jamais vraiment et qu’elle parvenait, au mieux, à faire taire durant une heure ou deux, lorsqu’elle se concentrait sur une tâche précise et qu’elle empêchait son cerveau de divaguer de trop. Mais le départ de Jim avait donné un pouvoir incommensurable à son malaise naturel et, plus que jamais, elle avait l’impression d’être de trop. Il lui était arrivé, dans ses moments les plus noirs et les plus solitaires, de songer à mettre un terme à une existence qu’elle trouvait futile, inutile, inexcusable. Mais elle n’était jamais passé à l’acte et s’était contentée d’avancer jusqu’à ce que la sensation lui passe. En cet instant elle la sentait, tapie dans un coin de son esprit, présente sans s’exprimer totalement quoique non loin de prendre le dessus. Elle eut un léger sourire sans joie qui fut particulièrement éloquent pour qui saurait le voir.

La petite brune fit de son mieux pour se concentrer sur la conversation et ne pas se laisser couler totalement. Elle avait déjà bien du mal à se retenir de pleurer et à contenir les larmes qui menaçaient de couler à tout instant, alors hors de question d’imposer son mal être à Ciaran en plus de tout le reste. Elle aurait voulu s’excuser encore, de l’avoir fait attendre aussi bien que de se présenter à lui dans un état aussi lamentable. Elle enviait les gens capables de prendre les choses avec plus de recul et de gérer leurs émotions. Elle, elle leur était totalement soumise, son humeur pouvant changer du tout au tout en un instant à peine pour peu que quelqu’un ou quelque chose la fasse basculer de la joie à la tristesse, de l’agacement à la sérénité, de la nostalgie à l’espoir. Malgré tout, elle ne serait probablement pas disposée à réveiller ses sentiments positifs avant quelques jours, le temps de se rentrer dans le crâne que Jim n’était pas mort mais qu’il était seulement parti. Même si ce départ lui brisait le cœur.
Elle ne sut pas vraiment comment elle réussit à s’empêcher de pleurer face au psychiatre alors que sa tristesse revenait la heurter de plein fouet, la poussant un peu plus au bord de la crise de larmes. Par orgueil peut-être, par envie de ne pas avoir l’air plus faible qu’elle ne l’était déjà sans doute, pour ne pas faire honte au grand homme sûrement, elle y était parvenu tant bien que mal en racontant brièvement la cause de son malheur. Fallait-il n’avoir aucune retenue pour réagir aussi brutalement à un simple départ. Fallait-il n’avoir aucun contrôle pour se sentir si désespérée pour peu de chose. Cependant … cependant, Ciaran ne sembla pas de cet avis. Et le simple fait qu’il l’appelle par son prénom fit l’effet à Gene d’un petit électrochoc qui la fit se raccrocher au temps présent et non pas au passé ni aux temps à venir. Silencieuse, elle écouta le criminologue lui rappeler que si elle s’était souvenu de ses cours, elle aurait remarqué qu’elle ne pouvait pas dire que la situation était futile – pas alors qu’elle était sur le point de pleurer rien qu’en y pensant. D’ailleurs, ce fut cette tristesse qui sembla intriguer son directeur de thèse. La jeune femme haussa les épaules : en matière de réactions, elle avait l’habitude de ne rien faire comme tout le monde.

- Qu’est-ce que ça changerait de me mettre en colère ? Il est parti, je n’avais aucune raison ni aucun droit de le retenir. M’énerver ne le ramènera pas.

Elle soupira un peu et regarda ailleurs. Elle n’était pas en colère, ni même déçue. Elle était juste … désespérée de son propre égoïsme, navrée d’avoir cru une seule seconde qu’elle serait une raison suffisante pour qu’il reste.

- Pleurer non plus cela dit, mais je suis très douée pour ça, visiblement.

Relevant les yeux vers Ciaran, elle hocha tout doucement la tête lorsqu’il remarqua qu’en effet, elle n’en voulait pas à son meilleur ami de ce qu’il avait fait. Comment aurait-elle pu ? Il n’avait jamais été méchant avec elle, et le seul moment où il lui avait porté préjudice, c’était pour l’empêcher de mourir. Etre rancunière n’aurait été que de l’ingratitude gratuite, rien de plus.

- Parce qu’il n’a rien fait pour me nuire. C’était soit le vaccin soit me faire abattre par des chasseurs qui m’avaient remarquée et qu’il n’avait pas réussi à guider sur une autre piste. Et je ne pouvais pas lui demander de rester. C’est sa vie, de quel droit est-ce que j’aurais pu réclamer qu’il reste au détriment de son bonheur ?

Elle l’avait bien vu, la veille au soir : Jim n’allait pas bien, et il ne partait pas de gaieté de cœur, mais il ne pouvait plus supporter la ville. Il lui avait expliqué, rapidement, et elle avait découvert des choses qu’elle n’aurait pas pu imaginer à son sujet.

- Des affaires de famille. Je ne connais pas les détails, donc je ne peux pas vous en dire vraiment plus.

Et même si elle en avait su davantage, elle n’aurait pas osé révéler les secrets de son meilleur ami à un homme qu’elle commençait à connaître, certes, mais qui, en comparaison, restait un parfait inconnu.
Elle releva la tête et remercia gentiment le serveur avant de glisser ses mains autour de sa tasse, en profitant pour réchauffer le bout de ses doigts. L’hiver approchait et c’était une journée froide.
Une nouvelle question tomba et avec elle revinrent la tristesse, le désespoir, la solitude et le regret. Oh qu’elle regrettait de ne pas avoir eu assez de courage pour faire ses valises et partir à l’aventure. Un petit sourire triste étira ses lèvres une nouvelle fois.

- Parce que j’ai été lâche … ? Il m’a proposé de venir, plusieurs fois, mais … je ne sais pas. Je n’ai pas réussi à lâcher prise et à partir. C’est complètement stupide, et de vous à moi, si je pouvais revenir douze heures en arrière, je ferais ma valise pour m’en aller avec lui.

Elle secoua doucement la tête, les yeux rivés sur la tasse de chocolat chaud qu’elle tenait toujours, comme si le liquide allait lui expliquer pourquoi elle n’avait pas osé quitter Radcliff.

- C’est ridicule, j’ai l’impression que je ne le reverrai jamais, même s’il m’a affirmé le contraire. Il n’est pas mort pourtant, il est juste parti. C’est tout …

Elle déglutit, et Gene réalisa qu’elle avait commencé à pleurer. C’était exactement la dernière chose qu’elle voulait, forcer Ciaran à subir ça. Dégageant une de ses mains, elle tira un peu sur sa manche et essuya ses yeux en reniflant discrètement, s’exhortant au calme et à la tenue.

- Désolée, je vous fais attendre et en plus je pleure. Vous devez avoir l’impression de perdre votre temps.

Elle eut un petit sourire timide mais étrangement résigné. Comme si elle s’apprêtait à l’entendre dire que oui, il en avait assez de tout ce cirque et qu’il avait d’autres chats plus intéressants à fouetter.
Le plus triste étant qu’elle ne lui aurait même pas donné tort.




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Ciaran O'Doherty
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MessageSujet: Re: No secret soul to trust [ft. Ciaran]   No secret soul to trust [ft. Ciaran] Icon_minitimeDim 6 Nov 2016 - 17:34

No secret soul to trust
Gene & Ciaran



Pour avoir maintes fois vu les sentiments s'exprimer, Ciaran était persuadé que tous les êtres humains fonctionnaient peu ou prou de la même manière. L'amour faisait s'emballer le cœur et rendait jaloux, la haine attisait la violence, la passion faisait naître l'ivresse et la folie. Parce qu'à ses yeux, il n'y avait pas de demi mesures, que des extrêmes. Tout ce qui empêchait une personne de sombrer, c'était ces barrières mentales qu'érigeait l'esprit. Ciaran se présentait en grand défenseur de la rupture de ses barrières, jugeant qu'on ne vivait vraiment qu'en ne se fixant plus la moindre limite. Enfin... Pour lui, c'était amusant, c'était un peu la cerise sur le gâteau, quand il mettait le feu aux poudres et se demandait comment la situation allait dégénérer. Pour les autres, en revanche...

Seulement voilà. Avec Gene... Ça semblait être encore autre chose. Elle aurait dû être en colère, elle n'était que triste. Elle aurait dû éprouver de la rancoeur, il ne lisait en elle qu'une culpabilité qui n'avait rien à faire là. Ciaran avait l'impression d'avoir face à lui un puzzle d'une simplicité déconcertante dont les pièces refusaient de se mettre en place. Gene n'était pas comme les autres, Gene était différente. Et plus il la regardait, plus il se disait qu'il n'arriverait pas à la modeler comme Artur. Car l'Irlandais était plein de haine, de jalousie, de regrets, il était malléable parce qu'il semblait logique à son ami le psychiatre. Gene... C'était un peu l'exception qui confirmait la règle. Pourtant, si la jeune femme lui avait avoué qu'il voyait juste lorsqu'il disait qu'elle considérait son existence comme futile comparée à d'autres, Ciaran se serait empressé de hurler "strike !" avec un sourire d'enfant fier d'avoir faire une bêtise. Ou échec et mat, les jeux sont fait, victoire du big boss, tout lui allait tant qu'il savait - comme d'habitude - qu'il avait raison. Ciaran aimait avoir raison à peu près autant qu'il aimait les caramels mous que lui préparait sa grand-mère quand il était enfant.

Alors, il leva un sourcil lorsqu'elle lui demanda ce que ça changerait si elle se mettait en colère. A vrai dire, on ne le lui avait encore jamais demandé. Ça ne changeait rien, c'était bien ça qui rendait les choses si amusantes pour Ciaran. La colère ne faisait revenir ni les morts, ni l'amour, ni les disparus. Ça ne faisait que creuser plus encore ce vide dans la poitrine.

« Disons que... Pleurer ou vous mettre en colère ne le fera pas revenir, mais ça devrait au moins avoir le mérite de calmer vos nerfs... Vous m'avez l'air terriblement tendue... »

S'il allait lui proposer de lui masser les épaules et de lui faire des pancakes en forme de lapin pour la réconforter ? Et puis quoi encore ? Un café et son auguste personne, c'était déjà pas mal ! Il était contrarié, le psychiatre, contrarié qu'elle ne réagisse pas comme il l'attendait, contrarié qu'elle contienne ses larmes, contrarié qu'elle reste de marbre alors que tout en elle lui hurlait d'exploser, il en était certain. Il avait envie qu'elle cesse de geindre et réveille tout ce qu'il y avait de plus noir en elle, simplement pour voir si elle en était capable, ou s'il allait devoir créer cette noirceur de toutes pièces. Tout ça dans le but de prouver que tous les humains étaient fait sur le même modèle. Doucement, Ciaran pencha la tête sur le côté.

« Vous avez beau vous croire insipide, Gene, vous êtes fascinante. La plupart des gens en veulent à celui ou celle qui s'en va, il y a même ceux qui conspuent les morts pendant des décennies. Vous... Vous vous considérez comme si négligeable que vous ne lui en voulez pas, vous semblez vous sentir... Coupable de lui avoir imposé votre présence. Quelque part, c'est assez triste. »

Il était pas franc et pas franchement plein de tact, le psychiatre, seulement il ne voyait pas comment dire les choses autrement. Il avait envie de secouer Gene sans pouvoir le faire, et c'était déjà bien assez frustrant comme ça.

« Votre existence et la sienne sont liées, d'une manière ou d'une autre, la logique voudrait que vous tentiez de le retenir, car inévitablement, son départ influence vos actions futures... Vous me suivez ? »

Suivre Ciaran, c'était un peu comme se lancer à l'assaut du mont Everest en tongs et chemise hawaïenne un lendemain de cuite : compliqué. Ciaran était profondément antipathique. Il comprenait et sentait les sentiments, mais il ne les ressentait ni les partageait pas avec qui que ce soit. Il y était purement et simplement hermétique, comme si ce vieux traumatisme d'enfance le suivait au point qu'il s'était depuis longtemps persuadé de ne pas être capable d'éprouver quoi que ce soit. En réalité c'était faux. Il lui manquait simplement la clé pour comprendre et appréhender. Pour l'heure, il voyait la détresse de Gene tant elle était palpable, mais elle lui passait au dessus, pire, elle l'ennuyait profondément. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle n'avait pas retenu son ami, alors même qu'il semblait déjà affreusement lui manquer, pourquoi elle ne lui avait pas fait égoïstement du chantage pour qu'il reste, plutôt que de geindre après coup.

« En êtes-vous vraiment certaines ? Pouvez-vous m'affirmer en me regardant dans les yeux que vous partiriez avec lui si l'occasion se présentait ? Quelque part, et loin de moi l'idée de dire du mal de quelqu'un que je ne connais pas, »après tout ce n'était pas du tout son genre, voyons ! « mais n'est-ce pas plutôt lui, le lâche ? Il est parti, nous laissant seule, alors que vous avez votre vie, ici, une certaine... Stabilité. Ce n'est pas de la lâcheté que de vouloir suivre votre chemin et non le sien. »

A cet instant, Ciaran fut tenté de lâcher un « banco ! » en voyant les larmes qui coulaient sur les joues de la jeune femme. C'était répugnant de sadisme, mais il était simplement satisfait de voir qu'avec quelques mots et l'influence de sa mutation, il pouvait faire monter suffisamment les sentiments pour la faire pleurer. Maintenant qu'elle était à bout, au fond du gouffre, tendant désespérément la main pour qu'on vienne la sauver, il n'avait plus qu'à la prendre et se faire passer pour un Messie des temps modernes – en moins barbu et sans la culotte ridicule – et se la jouer nouveau fidèle allié. Pourquoi ? Parce qu'à Radcliff, il n'avait que Noeh et Artur, comme cobayes amusants, et il commençait à se lasser de la même rengaine avec eux. Il avait besoin de sang neuf, et ce sang neuf c'était la douce et innocente Gene. Il aurait voulu lui dire qu'elle était ridicule, il aurait même pu lui rire au nez en lui disant qu'il ne lui restait plus qu'à se jeter sous un train pour débarrasser le monde de sa mièvrerie, mais il préféra sortir sa poche un paquet de mouchoirs et en tendit un à la jeune femme.

« Vous ne me faites pas perdre mon temps, Gene, il était après tout convenu que nous nous voyions aujourd'hui. Simplement, il va falloir vous ressaisir, surmonter cette épreuve et combattre vos idées noires, sans quoi elles auront tôt fait de vous engloutir... Mais en attendant... »

Ciaran héla un serveur, lui désigna deux choses sur la carte et tourna un regard malicieux vers Gene. Il n'avait pas envie de lui tapoter l'épaule toute la soirée, ni la plaindre pour la conforter dans ses idées noires. Il savait ce qu'il lui fallait, ce qui lui ferait oublier un moment ses problèmes et la rendrait sûrement bien plus amusante. Au bout de quelques poignées de secondes, le serveur revint avec une bouteille de scotch et deux verres, qu'il posa sur la table.

« A mon avis, vous avez besoin d'un remontant un peu plus corsé qu'un café, et le whisky fait des miracles pour ça ! »

Il lui rempli un verre, se servit à son tour et le leva pour trinquer.

« Nous sommes bien d'accord que tout ceci reste entre nous, je n'aimerais pas avoir la réputation d'un professeur qui fait boire ses élèves... Allez-y, buvez, ça ne pourra pas vous faire de mal, mais ça vous aidera, le temps de la soirée, à penser à autre chose. »

Ça vous aidera à cesser de vous plaindre d'être une misérable et insignifiante créature mais ça, il se garda bien de le dire !
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Gene Warner
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MessageSujet: Re: No secret soul to trust [ft. Ciaran]   No secret soul to trust [ft. Ciaran] Icon_minitimeLun 26 Déc 2016 - 0:45

No secret soul to trust
Gene & Ciaran



Si les mutants étaient détestés des hunters et de tous les humains bien-pensants effrayés par une différence qu’ils ne comprenaient pas, Gene les mettait au défi d’en trouver un seul qui la haïsse plus qu’elle ne se haïssait elle-même. Enfin, ce n’était pas vraiment de la haine qu’elle éprouvait envers sa propre personne : c’était plutôt un dégoût et un mépris qui ne semblaient avoir aucune limite. Elle se trouvait gauche, pataude, fade, bête, sans relief, insipide et sans saveur, et personne n’avait encore réussi à lui faire entrer dans le crâne qu’elle n’était pas la moins que rien qu’elle pensait être. Certes, elle avait encore beaucoup de travail à faire sur elle-même, mais elle était jeune et avait la vie devant elle pour grandir et apprendre. Mais elle se voyait trop insignifiante et incapable pour envisager qu’elle puisse devenir quelqu’un de décent un jour – décent selon ses critères, cela s’entend. Jim avait essayé, pourtant, de lui faire voir les choses sous un angle nouveau, mais rien n’y avait fait : même le jeune irlandais n’avait pas réussi cet exploit. Dès qu’elle avait l’impression d’échouer, dès qu’elle vivait ce qui pouvait ressembler de loin à une petite remontrance, le peu de confiance en elle qu’elle avait s’écroulait comme un château de cartes exposé au vent du nord. Elle n’avait pas encore eu de véritable pulsion suicidaire, mais l’envie viscérale de se cacher dans un trou, ou bien de s’endormir et de ne plus se réveiller, lui avait déjà traversé l’esprit ; et dans ses moments les plus noirs, il lui était arrivé de se demander à qui elle manquerait réellement si elle devait disparaître pour de bon. Fort heureusement, elle n’avait encore jamais sauté le pas, et même si l’idée lui était revenue lorsque son meilleur ami s’en était allé pour de lointains horizons, sortir de chez elle avait réussi à étouffer ces noires pensées au moins pour un temps.

Les mains serrées autour de sa tasse de chocolat chaud, Gene écoutait Ciaran et lui répondait, succinctement, craignant que parler un peu trop ne brise le peu de défenses qu’elle avait tant bien que mal réussi à redresser avant ce rendez-vous. Peine perdue : le psychiatre était un homme intelligent et, à défaut d’être ouvertement empathique, il avait l’air au moins assez curieux de son état pour vouloir en savoir plus et l’aider à se sortir de cet état.

- Tendue ? Je ne sais pas … j’ai plutôt l’impression d’être complètement molle, à dire vrai …

Elle ne se rendait pas compte de la tension dans ses muscles, de la crispation de ses mâchoires, de la nervosité qui animait des gestes qu’elle tentait inconsciemment de mesurer pour qu’ils soient moins brusques. Mais l’homme aux yeux bleus avait raison : elle était tendue, terriblement tendue, et un bon massage comme une grosse crise de larmes ne lui auraient pas fait de mal. Elle se refusait à craquer cependant, ne voulant pas être plus faible qu’elle ne l’était déjà. Elle se refusait d’imposer ça à son directeur de thèse qui avait sûrement mieux à faire que de psychanalyser ses étudiants. Enfin, c’était son avis sur le sujet, tout biaisé fut-il.
Aussi ne crut-elle pas un traître mot de ce qu’il dit lorsqu’il déclara qu’elle était fascinante, se contentant d’un petit sourire désabusé et absolument pas crédule. Qui l’aurait trouvée intéressante, franchement ? Cela dit, une fois encore, il avait raison : elle était négligeable, ou du moins se pensait-elle ainsi, et elle avait vraiment eu l’impression de s’incruster dans la vie du jeune O’Callaghan alors qu’il avait sans aucun doute d’autres chats à fouetter. Etait-ce aussi triste que ce que le disait Ciaran ? Elle n’en savait rien, aussi garda-t-elle le silence et se contenta-t-elle de l’écouter encore. Suivant son raisonnement, elle opina doucement du chef.

- Certes, mais mes actions futures auraient été influencées par son existence de toute façon, elles le seront simplement différemment maintenant qu’il est parti.

Elle aurait voulu qu’il reste, de tout son cœur elle l’aurait supplié de rester, et elle avait même fini par lui dire qu’elle ne voulait pas le voir partir, mais il était hors de question de faire un caprice et de l’empêcher de recouvrer une liberté dont il s’était privé depuis bien trop longtemps. Et encore une fois, il n’était pas mort : il était juste parti voir du pays. Il était encore là, quelque part, même si ce quelque part se trouvait à des milliers de kilomètres de là.
Relevant les yeux, elle soutint le regard si fascinant de son vis-à-vis et se racla légèrement la gorge. Aurait-elle vraiment eu le courage de s’en aller ? Si on lui en donnait l’occasion, remonterait-elle le temps pour faire sa valise et partir à l’aventure ? Elle avait l’impression d’être trop couarde pour le faire, et Dieu seul savait qu’elle ne voulait pas d’une vie normale. Une belle vie, oui, mais rien d’ordinaire ; elle la voulait, son aventure, même si elle n’avait rien à voir avec celles qu’elle prenait tant de plaisir à lire ou à créer. Et tout ça lui avait échappé parce qu’elle avait eu peur. Peut-être même qu’elle ne reverrait jamais Jim, en fin de compte.
Les larmes se mirent à couler une nouvelle fois et elle les essuya d’un geste agacé. Décidément, elle allait finir par faire fuir le psychiatre dans la foulée ; il n’aurait plus manqué que ça : elle se serait vraiment retrouvée seule. Mais au lieu de cela, le grand homme à la voix chaude lui présenta un mouchoir qu’elle prit en le remerciant. Elle essuya ses yeux – sans maquillage, aucun risque de laisser une trace malencontreuse – et le replia avec une certaine maniaquerie avant de le glisser sur ses genoux. Mieux valait le garder à portée de main : avec elle, une crise de larmes était trop vite arrivé. Ciaran avait raison : il fallait qu’elle se reprenne en main, qu’elle surmonte cette épreuve. Après tout, ce ne serait pas la dernière qu’elle affronterait, et si elle s’écroulait à la moindre difficulté, elle finirait par se tirer une balle dans la tête de chagrin.
Néanmoins, elle fut tirée un moment de sa réflexion par l’apostrophe énigmatique du psychiatre au serveur. Surprise et assez intriguée malgré tout, elle attendit que le serveur revienne avec … une bouteille de scotch. La jeune femme cligna des yeux et ne put s’empêcher de lâcher un petit mais pourtant très étonné :

- … Hein ?

La gêne et la surprise avaient pris la place de l’horrible tristesse qui lui enserrait le cœur depuis les douze dernières heures. Le rouge lui monta aux joues et elle dût faire un effort remarquable pour ne pas balbutier lorsqu’elle le remercia en prenant le verre qu’il lui tendit. Elle le regarda, abasourdie, et un léger sourire se peignit sur son visage, bien malgré elle – un sourire qui n’avait plus rien de malheureux ou de désabusé. C’était un petit sourire timide mais sincère, réellement reconnaissant, qui accompagna le geste qu’elle fit en trinquant avec lui.

- Promis, je ne vous ferai pas une réputation sulfureuse. Merci beaucoup en tout cas. Pour le verre et … pour m’aider à penser à autre chose.

Approchant le verre de ses lèvres, elle apprécia un instant l’odeur de la boisson avant d’en boire une petite gorgée. Le goût puissant qui lui envahit la bouche lui tira une petite grimace et elle haussa les sourcils.

- … Je vous ai déjà dit que je n’ai pas du tout l’habitude de boire ?

Son sourire se fit un peu plus malicieux l’espace d’un instant et elle reprit une petite gorgée. A ce rythme, Ciaran aurait le temps de finir la bouteille et d’en commander une seconde avant qu’elle n’arrive au bout de son verre.

- J’ai malheureusement l’impression que nous n’avancerons pas énormément sur ma thèse aujourd’hui.

Autant dévier la conversation sur un autre sujet. Parler de Jim et de son départ lui faisait autant de mal que de bien, mais quitte à se changer les idées, autant discuter d’autre chose.





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