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 Through the ruins of the war [ft. Marius]

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Seth Koraha
Seth Koraha

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SUR TH DEPUIS : 01/11/2014
MessageSujet: Through the ruins of the war [ft. Marius]   Through the ruins of the war [ft. Marius] Icon_minitimeJeu 4 Aoû 2016 - 17:15

through the ruins of the war
Seth & Marius



La première chose à laquelle pensa Seth lorsqu’il se réveilla, ce fut qu’il avait mal.
A dire vrai, il n’arrivait pas à savoir s’il y avait une partie de son corps qui ne lui faisait pas souffrir le martyr, à tel point que lorsqu’il eut un regain de conscience et qu’il réalisa sa douleur, tous les capteurs vitaux auquel il était attachés s’emballèrent, alertés par ce soudain cycle vicieux dans lequel il venait de se piéger : plus il réalisait qu’il avait mal, plus sa douleur augmentait, plus elle augmentait plus il comprenait à quel point il était blessé, etc … Les médecins et infirmières vinrent à son chevet dès que les alarmes commencèrent à retentir, et ils eurent toutes les peines du monde à le rendormir, finissant par l’assommer à coups de calmants et de morphine. Les heures passèrent, si bien que le trafiquant passa un jour de plus dans le coma – mais après une semaine dans cet état, vingt-quatre heures de plus ou de moins ne feraient pas grande différence.

Lorsqu’il émergea pour la deuxième fois, Seth n’était pas seul. Une infirmière était à ses côtés, en train de vérifier ses signes vitaux. Le voyant reprendre connaissance, elle s’assura d’abord qu’il était en pleine possession de ses moyens avant de l’informer que deux policiers voulaient lui parler concernant l’accident qui l’avait envoyé entre ces murs. Désorienté, le mutant ne compris pas tout de suite, ses souvenirs encore trop flous alors qu’il venait juste de se réveiller, mais les policiers entrèrent malgré tout. Un instant, il se dit qu’il allait se faire arrêter pour de bon cette fois, coffré pour son trafic – et quand on commença à lui poser des questions, il se prit à penser qu’il aurait largement préféré ça à la mémoire qui lui revint avec toute la brutalité du monde lorsqu’on lui montra les photos de la scène de crime. Les souvenirs lui revenaient maintenant. Il avait été agressé, probablement par des chasseurs, et le temps qu’il comprenne, il n’avait pas eu le temps d’utiliser sa mutation. Et il n’était pas seul ce soir-là. Il y avait eu …
Lorsque ses yeux tombèrent sur la photo de ce qui ne pouvait être rien d’autre que le cadavre de Bob, le cardiogramme fut le témoin de la manière dont réagissait son corps. L’information luttait pour se faire une place au creux de son cerveau, comme s’il la niait en bloc, refusant l’évidence.
Bob était mort.
Il était mort, et il en avait la preuve sous les yeux. Et s’il se levait pour se traîner jusqu’à la morgue de l’hôpital, il y trouverait son corps sans vie. Et ça finirait de l’achever. Se laissant retomber dans le lit, trop fatigué et blessé pour tenter de retenir les larmes qui lui montaient aux yeux, il répondit par monosyllabes énoncées mécaniquement aux enquêteurs qui lui assurèrent qu’ils reviendraient plus tard. Qu’ils viennent donc : ça ne lui faisait ni chaud ni froid. A dire vrai, il ne pensait plus vraiment pouvoir sentir quoi que ce soit. Car avec Bob venait de disparaître tout ce qu’il ressentait, tout ce qu’il éprouvait – son caractère, ses émotions, ses ambitions, tout venait de partir en fumée, anéanti avec le meurtre de l’homme dont il était tombé amoureux.

Assis dans un couloir vide de l’hôpital, Seth avait réussi à échapper à la surveillance des infirmières et au confinement de sa chambre pour claudiquer jusqu’à un banc et s’y poser, n’en pouvant plus du bruit des appareils et du va et vient constant du personnel. Oui, il avait failli y passer, oui il faisait peur à voir avec ses coupures partout sur le visage, la grande balafre qui lui tranchait le côté du crâne en deux et ses bandages partout, mais il était vivant, lui. Il était vivant, et il ne pouvait s’empêcher de penser aux morts. Tout ce qu’il avait vécu avec Bob, tout ce qui s’était passé et tout ce qui n’arriverait jamais tournait en boucle dans sa tête, comme un film affreux qui le torturait un peu plus à chaque fois. Il faisait des cauchemars terribles, se réveillait en l’appelant et ne faisait que réaliser son absence à chaque fois qu’il ouvrait les yeux. Le vide que l’homme-grenouille avait laissé derrière lui était colossal, monstrueux, et il semblait au trafiquant que rien ne pourrait le combler. Il avait l’impression d’avoir une plaie béante en travers du cœur, quelque chose de douloureux et de perpétuel qui ne cesserait jamais de le tourmenter.
Plié en deux sur son banc, les coudes appuyés sur les cuisses et les mains posées derrière la tête, il entendit à peine qu’on s’approchait de lui. Et quand il réalisa qu’on le fixa, il laissa échapper un soupir las avant de se redresser un peu. Son regard vide et fatigué croisa celui de quelqu’un qu’il ne pensait pas revoir de sitôt, mais ça ne parvint pas à éveiller quoi que ce soit d’autre chez lui qu’un vague étonnement, sans plus.

- Marius ? Qu’est-ce que tu fous là ?



© Grey WIND.
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Marius Caesar
Marius Caesar

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MessageSujet: Re: Through the ruins of the war [ft. Marius]   Through the ruins of the war [ft. Marius] Icon_minitimeSam 20 Aoû 2016 - 15:19

through the ruins of the war
Seth & Marius



La vie est quand même une sacrée petite garce, parfois. Mon frère ne répond plus. Mon père ne répond plus non plus. Et j’ai ce mémo sur le frigo qui m’indique, souligné en rouge non pas une fois, non pas deux fois, non pas trois fois mais quatre fois que j’ai rendez-vous à l’hôpital dans une demi-heure. D’ailleurs, il y a un post-it porteur du même message sur la télé. Et sur la porte de ma chambre. Sur Chester. Sur la cuvette des toilettes. Sur le mur. Sur la manette de ma console. Si mon ballon de hand. Sur mon vélo d’appartement. Sur mes étagères. Sur mes placards. Sur le plan de travail. Sur… « PUTAIN MOIRA J’AI COMPRIS, LA ! » J’arrache tous les post-it que je croise pour en faire une boule et envoyer cette dernière avec violence sur la porte de la chambre de ma coloc, sans obtenir autre chose qu’un pof particulièrement décevant. Oui, je sais que j’ai un rendez-vous et que je n’ai pas intérêt à le louper. Et oui, je sais qu’elle ne fait ça que parce qu’elle se fait du souci pour moi. Ce que je déteste le plus depuis que je suis sorti de l’hôpital ? Non, pire, depuis que je me suis réveillé à l’hôpital ? C’est l’idée que tous mes amis sachent désormais que mon cœur déconne, même si j’ai miraculeusement réussi à maintenir secret l’ultimatum qui pèse sur ma survie. Ca a quelque chose de dérangeant de se savoir à ce point vulnérable. Déjà que mon père soit au courant… ce n’était clairement pas prévu. Mais qu’en plus, je le dise à Seth, c’était un pas en avant, un pas de trop. Et là… tout le monde. Tout le monde. Je finis par donner un coup de pied dans la porte de Moira, de dépit, de toute manière elle n’est pas là pour m’entendre gueuler alors, bon, hein…, avant de récupérer ma veste, mes clés, mon casque, le principal en somme. Au moins, contrairement à mon précédent séjour à l’hôpital, j’ai retrouvé toutes les sensations sur la moto, j’ai pu directement retrouver le contact du moteur de ma bagnole, même s’il parait que les cascades motorisées ne sont clairement pas d’actualité pour moi. Au même titre que les autres cascades.

Je commence à le connaître par cœur, ce bâtiment. C’est flippant, en soi, lorsqu’on sait à quel point je hais l’atmosphère des hôpitaux. Les mains dans les poches, je franchis les portes comme un conquérant, comme le propriétaire des lieux, avec sur la tronche la joie de vivre d’une huître entourée de citrons. Pour être imagé. Je me laisse rapidement tomber dans la salle d’attente, avec résignation, avant de sortir mon portable et de commencer à aligner tous les jeux intelligents que je peux avoir dessus, à savoir les trucs les moins intellectuels possibles, histoire de faire passer le temps. Qui n’a pas à passer puisqu’on m’appelle presque immédiatement – miracle. Ou juste conséquence de mon retard. Je saute sur le lit d’auscultation dans un grincement sonore, commençant à balancer mes pieds et à regarder le plafond pendant que mon cardiologue, lui, consulte les derniers examens. « Marius ? » Il faudrait peut être que je fasse semblant d’être intéressé. Ca lui ferait plaisir. « Oui ? » « Comment vas-tu ? » « C’est quoi cette question à la con ? C’est toi le doc, c’est pas moi. Sinon je ne paierais pas une blinde pour venir ici. » Non mais vraiment, il en a d’autres des questions dans le genre ? Il repose le dossier, pour me fixer du regard. Visiblement très sérieux. « Pardon, je n’ai pas été suffisamment clair. Comment te sens-tu ? » J’hausse les épaules, avec cette attitude immature qui me suit depuis toujours. Je n’ai rien à gagner à faire la mauvaise tête. S’il y a une chose que je commence à assimiler, c’est que si je collabore, je sors d’ici plus vite. En règle générale. « Ca va. Un peu. Comme d’hab, quoi. Pourquoi cette question de merde ? » Il pose la main sur les résultats avec une petite moue. « Ca pue, c’est ça ? Vous pouvez me le dire, hein, j’ai l’habitude, je sais très bien que… » « Il y a du mieux. » « Oh. » Ma bouche s’arrondit de surprise. Avant que mes yeux se plissent, suspicieux. « Comment ça, du mieux ? » Ca, c’est inattendu. Plutôt. « Disons que la dégradation semble s’être… stabilisée. Ce qui est une réelle avancée, bien que je te le redis : l’opération n’est plus facultative à ce niveau. » Je serre les dents. « On en a déjà parlé. Et je ne reviendrai pas sur ma décision. » Pendant une poignée de secondes, c’est son regard contre le mieux, mes rétines contre les siennes, ma détermination contre la sienne. Et comme les précédentes fois, c’est lui qui craque le premier, sans grande surprise. « Va sur le tapis, commence à marcher tranquillement. » J’enlève mon tee-shirt, je saute en bas de la table d’auscultation pour commencer à marcher sur le tapis roulant, pendant qu’il colle sur mon torse ses différentes électrodes. « Doucement ! » Ca me fatigue, cette affaire.

Pas trop vite, doucement, ne force pas, ne pousse pas, ne pousse pas ton cœur à ses extrémités, ne force pas sur ton rythme cardiaque, sois attentif, surveille ton cardio, fais attention… il me fatigue, il me fatigue tellement avec ses recommandations que je ne suis vraiment pas mécontent de m’enfuir, une bonne heure plus tard, avec de nouvelles interdictions sous un bras et de nouvelles instructions sous l’autre. Et un autre putain de rendez-vous à retenir, aussi, histoire que Moira puisse à nouveau tapisser l’appartement de post-it. Je n’ai qu’une hâte, là, c’est de sortir d’ici, d’aller faire un tour en moto pour mieux me donner l’impression de valoir encore quelque chose physiquement parlant. Je presse donc le pas, sans regarder autour de moi, ou sans voir ceux que mes yeux croisent. Jusqu’à ce qu’un - Marius ? m’arrache à mes pensées. « Seth ? » Quoi ? Mais… « Qu’est-ce que tu fous là ? Je le regarde avec de grands yeux ahuris. « Putain je te retourne la question, t’as une salle tronche, qu’est ce que tu fous là ? » Depuis combien de temps est-ce que je ne l’ai pas vu ? Depuis plus d’un bail. Depuis l’histoire avec mon père, ce n’est pas qu’on s’évite c’est que… je l’évite. Parce que j’ai honte de mon cœur, d’une part, parce que je ne sais pas du tout comment le considérer, comment me comporter avec lui, d’autre part. « Je… je venais remplir les papiers pour une carte d’abonnement, vu que je suis un peu un fidèle client de l’endroit, tu vois… » J’essaye de sourire, dans une tentative d’humour aussi stupide que moi. Je me laisse tomber, aussi, juste à côté de lui. « Excuse moi, c’est peut être con comme question mais… t’es vraiment mal en point. Tu es supposé voir un médecin ou être dans un lit ? » Je déglutis. « Qu’est ce qui t’est arrivé ? »


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Seth Koraha
Seth Koraha

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MessageSujet: Re: Through the ruins of the war [ft. Marius]   Through the ruins of the war [ft. Marius] Icon_minitimeJeu 25 Aoû 2016 - 18:09

through the ruins of the war
Seth & Marius



Depuis son réveil, Seth n’avait eu envie de voir personne. Ou plutôt, il avait voulu voir la seule personne qui ne serait plus jamais là. Les quelques fois où il avait réussi à sortir de son lit malgré les interdictions des médecins et infirmières, il avait tenté de se rendre à la morgue pour réaliser ce qu’il se passait, pour voir le cadavre de Bob et comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un cauchemar ; à chaque fois, il était resté planté devant les portes de la grande salle froide, incapable de bouger. Et deux semaines après les évènements qui l’avaient conduit à l’hôpital, il n’était pas sûr que le corps du mutant soit encore là. Il devait avoir été déplacé, ou incinéré puisqu’il n’avait officiellement plus de famille. Ou bien peut-être qu’une enquête était en cours et qu’on avait gardé sa dépouille jusqu’à ce que les résultats tombent, il n’en savait rien. Toujours est-il qu’il était resté seul, ne prévenant personne de son état ni de l’endroit où il se trouvait. Après tout, il lui était déjà arrivé de s’absenter sans prévenir pour son travail, alors il doutait que ça étonne grand’ monde ; Pietra était toujours absente, Moira avait d’autres chats à fouetter et Marius … disons que leurs relations n’étaient pas au beau fixe et qu’il doutait avoir de ses nouvelles bientôt.
La vie décida pourtant de le contredire en plaçant le jeune français sur sa route, dans les couloirs de l’hôpital encore une fois. A croire que s’ils devaient se revoir, ça ne serait plus qu’entre quelques murs froids et aseptisés. Cela dit, l’environnement allait bien avec l’état d’esprit de l’homme de sable : lisse, plat, vide. Il était triste, en colère et en même temps il avait l’impression qu’on l’avait émotionnellement anesthésié, comme si Malachi avait usé de son merveilleux don pour le vider de toute sa substance. Il n’avait pas encore pleuré, pas encore hurlé de rage et de désespoir, et sans doute qu’à tout intérioriser, ça allait finir de ronger le peu de sensations qu’il lui restait. Il allait bien falloir qu’il craque, pour son propre bien, mais pour l’instant il en était juste hors de question. Il ne laisserait personne le voir s’écrouler, encore moins de parfaits inconnus. Quant à Marius … eh bien, il fallait déjà savoir ce qu’il pouvait bien venir faire dans les environs. Le trafiquant était au courant pour son cœur désormais, mais il n’avait pas eu les détails de ces dernières semaines et n’avait pas suivi l’évolution de sa santé.
La petite blague du jeune homme lui aurait sans doute tiré un sourire en temps normal, mais aujourd’hui il n’en avait pas envie. En même temps, il aurait été difficile de le faire réagir autrement qu’en le bousculant vraiment, et rien n’était moins sûr que la façon dont il répondrait si on le poussait dans ses retranchements. Laissant le grand blond s’installer sur le fauteuil à côté de lui, Seth se surprit à penser que sa présence était moins dérangeante qu’il ne l’aurait cru. Lui qui s’était enfui de sa chambre pour être seul, il n’était pas si mécontent que ça de ces retrouvailles inattendues en fin de compte. Il laissa échapper un soupir fatigué.

- Si les médecins me trouvent là, j’vais me faire ramener dans mon pieu. Ils vont finir par me foutre sous sédatif à force.

Ca ne l’aurait pas tant dérangé que ça, quelque part. Qu’on le renvoie dans le coma quelques jours, qu’il n’ait plus à penser ni à faire de cauchemars. Voilà quelque chose qui s’était arrêté avec Bob et qui était revenu au moment où il avait disparu : les mauvais rêves qui le hantaient depuis que le vaccin avait cessé de faire effet. A croire que tout ce que le trappeur avait amené de bon dans sa vie était mort avec lui.
Les coudes appuyés sur les cuisses, Seth regardait dans le vide. Raconter ce qui lui était arrivé, il avait l’impression de n’avoir fait que ça ces derniers jours, forcé de répondre aux questions de plus en plus pressantes des policiers qui défilaient dans sa chambre. Il ne voulait pas qu’ils retrouvent les coupables avant lui – pas alors qu’inconsciemment il fomentait déjà un plan de vengeance qui ne manquerait pas de faire parler de lui.

- J’me suis fait attaquer. Des chasseurs, pour changer.

Il déglutit et se crispa, faisant tourner autour de son poignet le bracelet de cuir que lui avait offert l’homme-grenouille. Dès qu’il avait pu se lever, c’était la première chose qu’il était allé récupérer dans ses affaires, en plus de ses téléphones portables. Se concentrant sur la texture de l’objet sous ses doigts, il inspira et retrouva contenance avant de tourner la tête vers Marius.

- Et toi ? C’est encore pour ton cœur ?

Changer de sujet de conversation, ou au moins la dévier sur quelque chose qui n’était pas lui, voilà une idée qu’il s’empressa de mettre en pratique. Tout plutôt que de devoir se rappeler encore de ce qui s’était passé.



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Marius Caesar
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MessageSujet: Re: Through the ruins of the war [ft. Marius]   Through the ruins of the war [ft. Marius] Icon_minitimeDim 28 Aoû 2016 - 18:07

through the ruins of the war
Seth & Marius



Une carte d’abonnement, mais oui bien sûr Marius, tu n’as que ça à dire, que ça à faire que de raconter des bêtises plus grosses que tes chevilles. Et le pire, c’est que je n’arrache même pas un sourire à Seth, c’est déprimant. Seth. Il va mal, nul besoin d’être un génie ou d’avoir fait Science Po pour s’en rendre compte. Il va mal, il devrait même plutôt être au fond d’un lit d’hôpital actuellement, chose que je ne me fais pas prier pour lui dire. Tout en m’excusant, hein, tout de même, pour la forme. Qu’est ce qu’il lui est arrivé ? Ma question fait trop sérieuse entre mes lèvres. Je n’arrive pas à détourner le regard de Seth, même en faisant des efforts pour. Des semaines qu’on s’évite, des semaines qu’on ne se parle plus, des semaines que j’ai perdu l’un de mes plus proches amis sans savoir exactement si c’est de mon fait, du fait de mon père ou de son fait à lui. - Si les médecins me trouvent là, j’vais me faire ramener dans mon pieu. Ils vont finir par me foutre sous sédatif  à force. J’ai une ombre de sourire sur les lèvres, à sa réponse. C’est marrant, on dirait moi. A croire que cet hôpital est voué à écoper des pires spécimens de patient. « Je comprends, je connais… » Bien sûr que je connais : je suis le même voire pire encore parce que je suis plutôt du genre à prendre mes clés de bagnoles et à me casser de là vite fait. La preuve : mon dernier exploit en date c’est d’avoir voulu courir le cent mètres juste après un coma et une demi-douzaine d’arrêts cardiaques… parfois, je suis quand même relativement con. Dans tous les cas…

Le silence qui s’étire est dérangeant. Pire encore : le mutisme de Seth est dérangeant. Son regard qui fixe le vide, son attitude, tout ça, c’est dérangeant. Parce qu’encore une fois, je me retrouve un peu là dedans. Comme un miroir déformé, qui adopte un peu les mêmes schémas. Je n’arrive pas à savoir s’il n’a pas envie de parler ou s’il ne sait pas comment formuler ce qui tournoie dans son petit crâne, et je n’arrive même pas à savoir ce qu’il attend de moi. Il m’a interpellé, c’est qu’il voulait me parler, non ? Et pourquoi, alors, pourquoi est-ce que j’ai l’impression d’être de trop dans son espace vital et de le déranger par ma seule respiration ? J’envisage un instant de dire une connerie – forcément – mais ça ne me semble pas vraiment la chose à faire. Partir ? Oui, plutôt. Mais… mais ? Je ne sais pas vraiment. Dans tous les cas, je suis paumé dans mes pensées à tel point que sa voix me fait sursauter lorsqu’elle commence à sortir de nulle part. - J’me suis fait attaquer. Des chasseurs, pour changer.

« Oh. » Oh, oui, oh. Je n’ai rien de plus éloquent à dire pour le moment. Parce que j’imagine qu’il n’y a rien à dire de plus. A croire que se faire attaquer, c’est un peu un rituel lorsqu’on est une foutue aberration génétique. Oh, donc. Des chasseurs. Pour changer. Aussitôt, je ne peux pas m’empêcher de penser à mon père. Et à mon frère. Et à ma mère. Des chasseurs. Il ne me regarde pas, il a les yeux plantés sur un bracelet en cuir. Il me le dirait, non, si un Caesar était impliqué là dedans ? Il me le dirait, j’en suis certain. Vraiment ? Non, il ne me le dirait pas. Parce qu’il est impossible qu’il me fasse confiance à ce sujet, pas depuis que je l’ai mené dans un piège à loup, en juin, pas depuis qu’à cause de moi, il a été blessé, vacciné et tutti quanti. Et je ne peux que le comprendre, en même temps. Les gens qui ont tort, ce ne sont pas ceux qui ne me font pas confiance, ce sont ceux qui font la stupidité de le faire. Il s’est fait attaquer, donc. Okay. Et… et qu’est ce que je peux dire, qu’est ce que je peux répondre à ça ? J’ouvre la bouche, ses yeux assèchent ma gorge et lui laisse le temps de rebondir. - Et toi ? C’est encore pour ton cœur ? Ah. Donc c’est à ça qu’on va jouer ? Je te donne une miette pour que tu n’ais pas l’impression que j’esquive la question et je te balance à mon tour une question pour faire diversion et changer de sujet ? Oui mais non, Seth, parce que… « Ouais, vite fait, rien de grave, ça va mieux. Tu sais qui t’a attaqué ? Remarque, t’as peut être pas envie d’en parler. Mais… pourquoi tu… » … ne m’as pas prévenu ? Lulz Marius. Comme si la réponse à cette question était le huitième problème du prix du millénaire. Pourquoi il ne m’a pas prévenu ? C’est évident. Parce qu’il n’a pas à le faire. Parce que tout est brisé dans notre amitié. Parce qu’il n’avait certainement pas que ça à faire. « Ca va aller, tu crois ? Tu vas aller mieux ? » Question stupide, encore une fois. Je soupire. J’ai beaucoup trop de questions stupides à lui poser et aucune intelligente. « Je veux dire… je ne sais même pas ce que je veux dire, en fait. Preuve que je n’ai pas changé. D’ailleurs, hier, ça m’a porté préjudice, parce que j’étais bien parti pour emballer une fille, tu vois le genre, j’étais tranquille, posay, à l’aise, on papotait tranquillement, et d’un coup je suis parti dans une grande digression sur le fait que les flageolets et les haricots rouges, c’était vraiment pas la même chose, et d’un coup, bam, la meuf me demande si j’ai une copine, et comme un con, bah je réponds oui, alors qu’en fait, oui, mais en même temps non, parce que Mélanie, tu vois, c’est pas vraiment une copine, donc là, je commence à m’embarquer sur une explication à base de mais c’est pas ce que tu crois et je veux diiiire. Et bref, en fait, je voulais juste rien dire d’autre que passe la nuit avec moi, bordel de merde, mais de toute évidence… bref. ». Bref, comme je dis. Je me suis laissé emporter dans ma connerie, juste pour faire la conversation, juste parce que c’est ma manière à moi de gérer le malaise, juste parce que c’était un bon juste milieu entre le je ne réponds pas à sa question et le je ne lui pose pas de question. Je m’interromps, dans tous les cas, conscient qu’il n’en a sûrement rien à faire de mes histoires. Et je sursaute presque lorsque je m’entends sans réfléchir lui poser une dernière question. « Mon père n'a rien à voir avec tout ça, dis… il m'a promis que... »

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Seth Koraha
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MessageSujet: Re: Through the ruins of the war [ft. Marius]   Through the ruins of the war [ft. Marius] Icon_minitimeDim 25 Sep 2016 - 4:47

through the ruins of the war
Seth & Marius



Seth n’était pas l’aîné de sa fratrie. Il n’en parlait jamais car il s’agissait d’une vie qu’il avait laissée derrière lorsqu’il avait recommencé de zéro aux Etats-Unis, mais il avait une petite sœur et un grand frère qui leur rappelait régulièrement que c’était lui le plus vieux. Il lui arrivait aussi de prendre son rôle plus au sérieux, et si Seth n’avait pas eu un respect immense pour lui, au moins ils n’avaient pas entretenu de relation houleuse. Il aurait tout aussi bien pu être son ami que pour lui ça n’aurait pas changé grand’ chose : ils étaient liés par le sang, oui, mais il n’y avait rien de fusionnel entre eux, et s’ils tenaient l’un à l’autre, ils ne le montraient pas souvent. Au final, il était assez persuadé que son aîné avait dû faire son deuil depuis le temps et passer à autre chose. Peut-être même l’avait-il oublié – après tout, l’homme de sable ne pensait pas spécialement à la famille qu’il lui restait en Nouvelle-Calédonie.
Il préférait grandement se concentrer sur celle qu’il avait commencé à construire sur un autre continent et que la vie s’acharnait à défaire morceau par morceau. Il en avait connu, des pertes, mais depuis qu’il était arrivé à Radcliff, il avait l’impression que la Grande Faucheuse en personne rôdait dans les rues de la ville, prompte à entraîner ses victimes au hasard de l’autre côté du voile. A terme, si rien n’était fait, l’endroit allait finir par devenir une ville fantôme tant les morts semblaient pleuvoir sans distinction – enfin si, une distinction majeure : les mutants et leurs alliés se faisaient canarder comme des lapins tandis que les chasseurs continuaient leur sanglante et insensée vendetta. Même avec les nouvelles dispositions prises par Isolde, les choses n’avaient pas changé : il continuait à y avoir des victimes de cette petite guerre civile et il y en aurait sûrement toujours jusqu’à ce que mutants et chasseurs se trouvent un ennemi commun à décimer. Quand cette alliance se ferait, il serait déjà trop tard – il était déjà trop tard aux yeux du Calédonien qui ne voulait même plus prendre parti dans cette bataille. Obtenir sa vengeance était une chose, oui, mais après ? Il préférait encore ne pas imaginer à quoi ressemblerait sa vie une fois qu’il aurait eu ce qu’il voulait.
Heureusement pour lui, il y avait encore des gens pour lui rappeler qu’il n’était pas seul au monde, comme Marius à côté de lui, même si pour le moment il était trop abruti par la peine et la colère pour vraiment le comprendre.  Et plutôt que de répondre ouvertement aux questions du jeune homme, il préféra ne pas exposer des blessures encore bien trop fraîches et trop profondes et lui demanda plutôt s’il se trouvait dans ces couloirs blancs et impersonnels à cause de son cœur. La dernière fois qu’ils s’étaient vus – et ça lui semblait remonter à une éternité déjà – il avait appris que l’organe du jeune français avait une défaillance qui pourrait potentiellement lui coûter très cher. Quelque part, il se demandait s’il n’allait pas finir par l’enterrer lui aussi ; il commençait à croire qu’il serait le dernier debout à terme, et cette idée ne fit que le rendre un peu plus morose.
Comme il le pensait, le sujet qu’il avait tenté d’éviter revient presque immédiatement sur le tapis. Il songeait qu’ils allaient probablement passer les minutes suivantes à se renvoyer la balle, et il se disait également que ce petit jeu allait rapidement le lasser. Pour le moment, il resta silencieux un long moment et se contenta de hausser les épaules avant de répondre d’une voix morne.

- J’sais pas. Sans doute.

Si Marius parlait d’une amélioration de son état physique, alors il ne faisait aucun doute qu’il serait rapidement sur pieds. Moralement en revanche, c’était une toute autre histoire, et là il n’avait aucune réponse à lui fournir. Tout dépendrait de s’il arrivait à faire son deuil ou non. Pour le moment, ce n’était pas à l’ordre du jour.
Laissant le blondin se lancer dans une longue tirade sans vraiment de rapport avec le reste de la conversation, il l’écouta d’une oreille distraite et sans piper mot. Visiblement, il n’avait pas encore décidé de retourner vers Astrid. Peut-être qu’il lui faudrait quelques exemples radicaux pour qu’il se décide à passer du temps avec la femme qu’il aimait tant qu’il le pouvait encore. Dans une ville pareille, l’espérance de vie d’un être cher était bien courte, alors à moins qu’il ne parte avec elle et leur fille vers des cieux plus cléments, mieux valait qu’il reste avec elle tant que la vie le lui accorderait.
Sa dernière question en revanche lui tira une grimace discrète. Il aurait dû s’y attendre – après tout, la dernière rencontre avec le patriarche Caesar s’était atrocement mal terminée.

- C’était pas ton père.

Soupirant un peu, Seth se remit à triturer le bracelet de cuir à son poignet. Les infirmières avaient hurlé quand elles l’avaient vu, arguant que ça n’avait rien d’hygiénique et que s’il refusait de l’enlever, elles useraient de pinces pour le retirer de force. Pour la première fois depuis longtemps, le mutant s’était montré ouvertement menaçant avec une personne innocente. Mais il n’en éprouvait aucun remord : ce n’était pas le moment pour lui donner de tels ordres. Ca avait marché, en fin de compte : plus aucun membre du corps médical ne lui avait fait de remarque sur le cadeau que Bob lui avait fait quelques mois plus tôt.

- Je sais pas qui c’était.

Il n’avait vu que leurs visages, rapidement, mais ça lui suffirait largement à les traquer. Il irait fouiller dans les dossiers de la police s’il le fallait, graissant les bonnes pattes ou se trouvant quelqu’un de compétent pour hacker le système informatique judiciaire de la ville. Il ne savait pas qui étaient ces chasseurs, mais quand il le saurait, il savait exactement ce qu’il ferait d’eux, et aucun thanatopracteur ne pourrait remettre les corps suffisamment en état pour que leurs funérailles se déroulent avec un cercueil ouvert.

- Pas encore.




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Marius Caesar
Marius Caesar

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MESSAGES : 2699
SUR TH DEPUIS : 24/01/2015
MessageSujet: Re: Through the ruins of the war [ft. Marius]   Through the ruins of the war [ft. Marius] Icon_minitimeMer 5 Oct 2016 - 20:20

through the ruins of the war
Seth & Marius



Je suis un handballeur. Dans l’âme, dans l’esprit, dans le corps, dans la tête. Je suis un handballeur, je pense comme un handballeur, je mange comme un handballeur, je chie comme un handballeur: il ne devrait y avoir donc aucune surprise au fait que je renvoie la balle comme un handballeur dans mes conversations. Parler de mon coeur, là maintenant tout de suite ? Non, pas vraiment, non merci, sans façon, je passe la question, je préfère m’intéresser à ce qu’il y a de plus important, comme la santé de Seth par exemple. Il a une sale gueule et je n’arrive pas à l’ignorer. Je ne suis pas comme Aspen, moi, je ne peux pas en faire abstraction. Je ne peux pas prendre sur moi et lui donner ce qu’il veut. Surtout pas lorsque les questions sont les solutions les plus efficaces pour esquiver un sujet hypersensible. Mon coeur va bien, vite fait, il recommence à bosser, pas de grève à l’horizon pour le moment. Voilà, tout est dit, l’affaire est classée: est ce que Seth sait qui a fait ça ? Son silence me met mal à l’aise: mes doigts compensent comme ils peuvent mon hyperactivité, ma nervosité, mon malaise, en s’entortillant en bas de mon tee-shirt, en rythmant la mesure sur ma cuisse, en s’improvisant contorsionnistes. S’il ne sait pas quoi répondre, il faut que je trouve une autre question. Je déteste le silence, je déteste le mutisme, je déteste avoir l’impression de ne plus exister. C’est une angoisse viscérale. S’il ne sait pas quoi répondre, s’il ne veut pas répondre, peut être va-t-il accepter de me dire s’il va aller mieux, un jour. Question stupide au possible, bien sûr. Est-ce que je vais mieux, moi ? Est-ce que j’ai oublié, mis de côté, le fait que l’associé de mon frère m’ait agressé, drogué, frappé, que mon propre père m’ait tiré dessus pour la seule raison que je suis un foutu dégénéré ? Non. Et est-ce que je vais mieux ? Lulz. - J’sais pas. Sans doute. Ma question est stupide, mais au moins Seth y répond. Même si je ne sais pas quoi en fait de sa réponse, même si j’ai la chair de poule à l’idée que je suis condamné à extraire ses monosyllabes une à une sans savoir comment m’y prendre ni combien de temps je vais supporter de jouer à ce petit jeu. Je déteste le savoir comme ça. Et je suis en train de comprendre, alors que je pars dans un monologue qui vise plus à faire la conversation qu’à entrer dans les annales de l’Académie Française, je suis en train de comprendre que voir Seth aussi amorphe… ça me fout les jetons. Vraiment. Ce n’est pas normal. Je pensais qu’il était comme moi, Seth, à avoir le sang chaud, à partir au quart de tour à la moindre menace, à tomber d’un extrême à un autre sans intermédiaire. Mais s’il est vraiment comme moi et qu’il ne parle pas, alors…

Alors il va mal. Très mal. Parce que la dernière fois que j’ai été dans le même état que Seth, mon père venait de me tirer dessus. Non: je venais de rentrer dans mon appart et il était là, à me regarder, alors qu’une peur tétanisante me tombait dessus. Mon père. Ma question me prend au dépourvu, alors qu’elle n’est que la conséquence logique de mes pensées. - C’était pas ton père. Mes yeux sont attirés par un mouvement au niveau de son poignet. Et je n’arrive pas à ignorer le soupir de soulagement qui se faufile entre mes lèvres. Je ne veux pas avoir pu penser une seule seconde que mon père est responsable de l’état de Seth. Et pourtant, j’y ai pensé. Je n’ai pas confiance en mon père, malgré tous nos efforts. Je n’ai pas confiance en lui, je n’ai confiance en personne mais j’ai encore moins confiance en mon père. Trop de déceptions. Dans les deux sens. - Je sais pas qui c’était. J’ai les yeux rivés sur mes chaussures. Ses réponses, aussi succinctes que décousues, commencent sincèrement à me porter sur les nerfs.

Si Martial m’avait un jour fait le coup d’être dans cet état et de mettre trois heures à répondre à mes questions, je l’aurais frappé sans la moindre hésitation. On pense souvent que parce que Martial est mon jumeau, parce que mon admiration et mon amour pour lui sont sans limite, parce que notre relation, fusionnelle, frôle l’exagération, parce que je suis dépendant de lui, complètement dépendant de lui, que je le défendrai corps et âme quoiqu’il arrive, quoiqu’il se passe, on pense souvent que parce que tout ça, je suis incapable de le frapper. C’est faux. Si c’était Martial qui était à côté de moi, là, il se serait déjà pris une gifle. Non. Deux. Trois. Je serais déjà en train de le secouer. Parce que c’est mon frère, et parce que je ne sais pas gérer une personne dans un tel état. Mais ce n’est pas Martial. C’est Seth. Ce n’est pas mon jumeau, c’est un ami. Presque un frère, oui, mais…

C’est presque un frère pour moi. - Pas encore. Pas encore. Je fronce les sourcils. Mon genou, ma jambe en tension qui s’est mise à trembler sans que je ne m’en rende compte, mes doigts qui s’agitaient encore sans que je n’y pense… j’arrête de bouger. Pour rester totalement immobile. En pleine réflexion. Seth est presque comme un frère pour moi. Pas un jumeau, ça non, j’ai Martial et personne ne parviendra jamais à l’éclipser. Mais un frère. Un grand frère. Je sers le poing. Et je me lève d’un bond. « Debout. » Je ne compte pas me répéter. Je n’aime pas me répéter. Je n’aime pas attendre. Je n’aime pas supplier. Je n’aime pas insister non plus, mais s’il le faut, je le ferai. « Debout, Seth. » Elle est guidée par mon instinct, elle fourmille dans mes muscles sans même me demander mon avis, elle ne fait que répondre à ce que je veux, quand je le veux. « Regarde moi. » Elle épargne mon cœur, elle se concentre sur mes épaules, sur mes bras, elle harmonise mes muscles en les poussant à s’accepter, à accepter leur nouvelle nature, leurs nouvelles caractéristiques. « Regarde-moi, Seth. Tout de suite. » J’ai le ton d’un Caesar. D’un Caesar en colère. Je reconnais dans mes syllabes qui ont perdu leur élasticité pour affuter leurs plosives le ton de mon père. Un ton qui ne souffrira aucune réplique, aucune désobéissance. La claque part toute seule, dans un équilibre que je ne pourrai jamais reproduire consciemment, entre la faible densité de mes muscles et la lourde densité de ma main, dans un poids qui file à toute vitesse pour mieux résonner dans le couloir. En forçant un peu, je lui aurai démonté la mâchoire. Là, j’ai juste dans l’idée de le réveiller. Et de le sonner. Mes mains empoignent son col pour le plaquer contre le mur d’en face, histoire qu’on ne soit pas gêné par le banc sur lequel on était assis. « Tu arrêtes ça tout de suite. Tu crois que je vois pas ce que tu fais, là ? Tu lâches prise, Seth. Et je t’interdis de le faire. » J’ai l’impression d’être mon père, à interdire comme ça des choses à mon grand frère. Mais comme avec mon père, je n’en ai rien à foutre. « Je sais pas ce que ces connards t’ont fait. Je sais pas ce qu’il s’est passé. Okay. Ca me donne peut être aucune raison de me la ramener, je sais. Mais… » Je cherche son regard, en mettant de côté le rythme rapide de mon palpitant. « Il y a plus d’un mois, j’ai tenté de me suicider. J’ai presque réussi, d’ailleurs. C’est mon connard de père qui a relancé mon cœur suffisamment de fois pour que je tienne jusqu’à ce que les urgences se ramènent et prennent le relai. » C’est bien la première fois que j’évoque ma tentative de suicide depuis mon réveil. Et ça risque très fortement d’être la dernière fois avant un bail. « Je suis une tapette qui lâche prise. Toi, non. Tu ne vas pas lâcher prise, tu m’entends ? Donc tu me fais des phrases complètes. Tu les ponctues de putain ou de samère ou de strapontin, tu fais ce que tu veux, mais tu arrêtes de me sortir un sujet-verbe-complément aussi sec que le slip de ma mère. Tu relèves la tête. » Je le lâche pour faire un pas en arrière, sans pour autant cesser de le fixer droit dans les rétines. « Tu me dis bonjour Marius, tu me demandes des nouvelles de Moira, tu m’insultes pour avoir largué Astrid, tu insultes les fils de pute qui t’ont fait ça, mais tu ne lâches pas prise, okay ? Sinon je te jure que tu vas apprendre à me détester. »

© Grey WIND.
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