Parrish trouvait que c’était définitivement une idée à la con. Si les laboratoires avaient fermé, c’était peut-être qu’il y avait une bonne raison. Et s’il n’y en avait pas, c’était peut-être juste un signe pour les décider à arrêter de jouer les précieux à vouloir vacciner à tour de bras, pour se mettre à nettoyer cette ville pour de bon. Enfin, ce n’était pas lui la tête pensante de cette mission, il ne faisait que se rendre au point de rendez-vous donné, échange l’argent contre les précieuses seringues et retourner au bercail. Pas besoin d’avoir fait polytechnique pour réussir cette mission : il était arrivé à moto à l’heure prévue, l’enveloppe de cash dans la doublure de son blouson, et avait effectué la transaction sans difficulté. Malgré tout, le trafiquant, un type à l’apparence des plus banales mais à l’éclat malsain au fond du regard, lui conseilla d’un ton badin de faire gaffe à ses petites affaires : il avait du descendre deux mutants un peu à cran avant l’arrivée de l’ancien GI, et son petit doigt – l’expression faisait toujours marrer Parrish- lui disait qu’il y en avait surement quelques autres qui devait rôder dans le coin. Le colosse acquiesça alors que l’autre comptait les billets en se léchant les doigts, l’air avide : pour tout dire, il aurait presque été déçu que les autres tarés ne tentent pas quelque chose : elles coutaint littéralement une blinde ces putains de seringues, en plus d’être un enfer sur terre pour eux. Le moins qu’ils pouvaient faire, c’était d’essayer de les intercepter avant qu’il ne les donne à qui de droit. Alors deux pauvres mutants, facilement éliminés par un type qui n’était même pas du coin … soit c’était un suicide, soit ils étaient totalement cons. Soit c’était un leurre. Parrish penchait plutôt pour l’idée du leurre, mais peut être leur accordait il une intelligence un peu trop développée pour les esprits crasses qu’ils étaient, pour la plupart.

Toujours était il qu’il avait les vaccins, bien à l’abri dans une besace de cuir, et qu’il salua le gonz d’une poignée de main virile. L’autre grimaça sous l’emprise de l’ancien militaire, avant de retourner directement à son véhicule, intimant au chasseur de ne pas bouger avant qu’il ne soit parti : s’ils se barraient en même temps, ils ne seraient que plus faciles à traquer. Parrish se cala une clope entre les dents, tirant une longue taff à peine celle-ci allumer, puis, sortit du hangar d’un pas tranquille, bien qu’alerte : ça se passait un peu trop bien. Il était peut être parano, mais ses ennemis n’étaient quand même pas des truffes à ce point de louper leur coup aussi lamentablement. Son pas résonnait sur le béton alors qu’il gardait une main sur son arme dont il avait chassé la sécurité, l’autre sur le sac, et la clope toujours au bec. Qu’ils viennent donc, ils seraient servis. Il était d’humeur joueuse en plus, c’en était presque dommage qu’il ait été obligé de venir seul, discrétion oblige. Comme si il était un modèle de furtivité n’est ce pas. Une fois à l’entrée du baraquement, il balaya l’espace du regard, qui s’assombrit presque aussitôt. Sa moto. On lui avait piqué sa putain de bécane. C’était malin ça, tiens, bravo les gars. Grognant dans son début de barbe, il entreprit de faire le tour du bâtiment, dans l’espoir que ce ne soit qu’une blague de sales gosses, et pas une tentative de sabotage. Quand il disait que c’était trop facile pour être honnête…

S’il y avait bien un truc qui agaçait Parrish, c’était bien qu’on lui fasse perdre son temps. Or, c’était exactement ce que le petit plaisantin qui lui avait piqué sa moto était en train de faire : lui faire perdre un temps qu’il aurait largement préféré employer à livrer sa commande et rentrer chez lui, pacifiquement, sans esclandre. Sauf que s’il n’avait plus de moyen de locomotion, premièrement cela le faisait profondément chier, rapport au fait que c’était quand même SA moto, et ensuite il allait devoir prendre celui de quelqu’un pour pouvoir sortir d’ici. Parce qu’évidemment, son portable ne captait pas dans ce coin de bled pourri, ce qui ne faisait qu’accentuer son agacement. Qu’il se montre donc le cassos qui avait planqué sa moto, et si il remarquait la moindre égratignure sur la carrosserie, ça allait barder. Quoi que, même avec une moto intacte, il avait l’impression qu’il allait devoir en découdre.

Alors qu’il resserrait la sangle de sa besace contre sa hanche, Parrish avait sorti son colt de son holster, faisant sauter la sécurité : il était en mission alors clairement, il ne ferait pas de cadeau, et encore moins de détails. Il voulait récupérer ses petites affaires, et si il y avait le moindre gus pour s’interposer, on retrouverait son corps à quelques mètres de celui des deux autres imprudents. Toujours dans la pénombre, il entreprit de faire le tour de l’entrepot, avec l’espoir un peu vain de retrouver sa bécane, simplement déplacée à un autre endroit. Il était sur les dents, dans sa peau de chasseur, de prédateur qui, s’il n’était pas encore assoiffé de sang, n’hésiterait pas une seconde à faire sauter quelques caissons si cela devenait nécessaire. Et Toujours Pas De Moto Putain ! Parrish commençait à serrer les dents, alors qu’il entamait un second tour de l’entrepôt, tendant à présent l’oreille : aussi surprenant que cela puisse paraitre, les mutants ne brillaient que rarement par leur discrétion. Pour faire le show, péter des flammes et se la jouer personnages de cartoon, il y avait du monde. Quand il s’agissait de fermer sa gueule cinq minutes et de se faire tout petit, il avait clairement observé une carence du coté des dégénérés. Si cela pouvait se confirmer aujourd’hui, ça l’arrangerait.

- Allez, on va pas y passer dix plombes les chatons …

A peine eut il fini sa phrase qu’un fracassement retentissant lui fit lever la tête juste en face de lui : au fond de la cour, quelque part dans l’obscurité, quelqu’un avait bazardé son véhicule contre un truc métallique. Alors là, ça allait chier, et pas qu’un peu. Il avança d’un pas lourd en direction du bruit, l’arme chargée dans sa paume calleuse. Il découvrit un ensemble de conteneurs et des poubelles, dont un ayant pile la dimension pour contenir son précieux bolides, les petits fils de … Bref, il allait se servir de leurs intestins comme corde pour tracter sa bécane. Il s’immobilisa, alors qu’il avait l’impression de percevoir un souffle court, proche. Félin, il se glissa derrière les conteneurs, et attendit, oh pas longtemps juste assez pour voir le couvercle de l’un d’entre eux se soulever légèrement. Avec la rapidité d’un champion de tape taupe, il frappa de toutes ses forces sur le couvercle entrouvert, avant de l’ouvrir violement et d’attraper le gamin coincé à l’intérieur par le col, et de le jeter sans plus de douceur contre le sol, le regard plus noir que la nuit qui les entourait :

- … T’es content de ta vanne, ptit merdeux ? Rigole encore bien deux secondes, c’est tout ce qu’il te reste à vivre….

Ils étaient insupportables. Les mutants, ils étaient juste insupportables, avec leur caractère sans gêne et leur manie de se croire dans un comics constamment. Non, la vie n’était pas un épisode de bande dessinée, on ne jetait pas les biens matériels des gens dans des bennes à ordures uniquement parce qu’on le pouvait. Elle lui avait couté putain de cher sa moto, et il n’allait la remplacer comme ça en claquant des doigts et en passant un coup de fil à Lex Luthor, ou Bruce Wayne ou Dieu savait quel milliardaire encore. Il allait redevenir un connard de piéton, et ça ça l’emmerdait profondément. Alors peu importait les raisons de leurs comportements, ceux qui avaient fait ça allaient se faire délester de leur portefeuille et de quelques dents. Et si c’était un mutant tiens, il n’hésiterait pas à rappeler les mafieux pour leur proposer de profiter de ses organes encore chauds en échange d’une bécane neuve. Il était à peu près sûr de réussir à battre quelqu’un à mort sans lui exploser la ratte. Faut jamais exploser la rate, sinon ça bousille tout le reste, ce serait du gâchis.
Alors qu’il avait projeté le petit malin contre le sol, il le fixait d’un air rogue et clairement hostile : comme d’hab, c’était un môme, avec à peine assez de poils au menton pour le distingue d’un cul de bébé, des grands yeux de chiot pleurnichard et une familiarité qui méritait qu’il lui colle une balle dans le crâne sans sommation. Sauf que voilà, il n’avait Techniquement pas le droit de tuer quelqu’un comme ça sans bonne raison, alors que pour l’instant il n’était pas sur qu’il était responsable du vol de sa moto. Bon, le gamin se trahit bien vite, comme ils le font souvent d’ailleurs, autant pas inconscience que pas confiance en soi, provoquant un grognement sourd de colère au fond de la gorge de du chasseur. Qu’il fasse le mariole pendant qu’il avait encore sa langue attachée au reste de son corps, ça ne risquait pas d’être le cas encore longtemps :

- Tu vas m’sortir ma bécane de là avant que je te …

Trop tard. Putain de dégénérés de merde de … Raaaah ça l’énervait quand Ils faisaient ça. Pfiouuuu et Bim, le gosse lui avait foncé dessus avant même qu’il n’ait le temps de battre des cils, et bien qu’il n’ait pas tant de force que ça, le mutant avait réussi à le déséquilibrer, et pire encore, à lui choper sa besace. Sauf que ça, c’était absolument pas prévu, et surtout il était hors de question qu’il reparte sans ses précieux sérums. Il entendit une espèce de minuscule détonation et fit volteface : à une petite dizaine de mètres plus loin, le mutant semblait en perte de contrôle, manquant de se casser la gueule sur le bitume. Il intercepta le regard surpris du garçon et un sourire mauvais s’étira sur les lèvres du chasseur : Qu’il court, qu’il court le gibier, c’était comme ça qu’il le préférait : en panique et en sueur. Parrish était peut être grand et lourd, mais il n’en était pas moins rapide : ses séances de sport quasi quotidiennes lui avaient permis de garder son physique de soldat, alors qu’il ne perdit pas une seconde avant de partir à la poursuite de Dax, sa barre de fer à la main. Il allait le rattraper et lui faire mordre la poussière. Il était tenté de lui tirer dessus à vue, mais entre l’obscurité et la besace, il ne pouvait pas se le permettre. Si le mutant cassait les précieuses fioles en s’effondrant, c’était lui qui allait en entendre parler, et il pouvait dire au revoir à sa prime. Et sa fichue moto. Alors il se mit à courir, vite, utilisant sa barre de fer pour faire grincer le grillage sinistrement dans le dos de Dax. La sortie se trouvait de l’autre coté du bâtiment. La gamin n’y arriverait jamais, pas sans un miracle…

Spoiler:

Le chasseur faisait clairement la gueule. Il s’était imaginé une mission sans anicroche, un truc facile, petite transaction pépère, un bisou et au lit comme on dit. Il ne s’était pas attendu à ce qu’un mini gonz qui se prenait pour Bipbip lui pique le matos en se carapatant qu’à moitié, rendant le dilemme encore plus chiant : si il avait purement et simplement disparu, il aurait pu dire aux bigs boss qu’il n’avait aucune chance de le rattraper, que c’était pas de chance, et puis basta. Sauf que voilà, le mutant avait fait quinze mètres avant de s’éclater la gueule à moitié sur le macadam comme un putain de mongole. Pardonnez le langage, mais ça l’emmerdait Parrish, vraiment. Maintenant, il était obligé de jouer au Coyote en un peu moins con, retrouver le dégénéré, lui mettre une bonne grosse mandale dans la tronche tout en faisant ça suffisamment bien pour pas bousiller la marchandise en route. Tout ce qui lui prenait la tête, en vrai.

Alors tant pis pour le dégénéré, il finirait en paté pour rats dans un coin de l’usine, les tripes à l’air, et tant pis s’il faisait dans le sale. Tout ce qui comptait, c’était ces putains de seringues de ses deux, et il ne ferait pas dans le détail une fois les vaccins dans sa poche. L’idée lui plaisait pas mal, mais pour cela il fallait d’abord qu’il mette la main sur l’autre gus. Il avait malgré tout un avantage sur ce dernier : Cette zone indus’, Parrish l’avait pratiqué déjà plus d’une fois en traque, et il avait une bonne visualisation de son agencement en tête. Et puis le mutant ne se fatiguait même pas à se montrer discret dans sa fuite : le chasseur surentrainé entendait son pas de loin, et n’eut pas à faire beaucoup d’effort pour le pister. Ce qui était un peu plus dur, c’était de le suivre sans faire trop de bruit : la filature n’était pas trop son fort, mais là il n’avait pas tant le choix que ça.

Quand Dax disparut entre deux allées sombres, Parrish ne mit pas très longtemps à deviner qu’il avait pris la porte dérobée menant à l’intérieur d’un des entrepôts désaffectés. C’était plutôt une bonne nouvelle, puisque cela sous entendait que le mutant s’était enfermé tout seul comme un grand dans un espace clos. Il lui serait bien, bien plus facile de le coincer dans un coin et de le liquider tranquillement et récupérer ses précieux. Le chasseur ouvrit la porte sans un bruit, prenant garde à ne pas faire grincer les gonds, avant de bloquer la porte avec une barre de fer. Rien qui ne puisse empêcher le mutant de s’enfuir, mais si il la jouait Speedy Gonzales, se manger la porte dans les dents pourrait potentiellement le ralentir un peu. Une fois à l’intérieur, Parrish laissa un sourire malsain s’étirer sur ses lèvres. Maintenant, il alait pouvoir jouer avec les nerfs de la bestiole, jusqu’à le pousser à la faute. Il avançait d’un pas lourd à travers les pièces, sans même chercher à être discret, faisant toujours grincer sa matraque métallique contre les murs ou le sol, façon psychopathe. Il fallait dire qu’il l’avait profondément gavé, alors c’était à lui de lui en mettre plein la gueule …

- Petit petit petit … Viens là qu’on cause… Promis je ne mords pas … Pour le reste je promets rien… Allez, sors de ta cachette, si tu te laisses faire ce sera qu’un mauvais mais court moment à passer …

Spoiler:

Installé contre l’encadrement de l’une des immenses portes, Parrish attendait : il en était sur, certain, persuadé, il n’y avait qu’une seule entrée à ce bâtiment, et par conséquent une seule sortie. Tout ce qu’il avait à faire, c’était d’attendre que le petit mutant se pointe enfin, après avoir couru de droite et de gauche en se cognant la tête contre les murs épais de l’entrepôt. Il allait finir par le chopper, ce foutu mutant, et il allait lui faire regretter très, très amèrement de lui avoir faire perdre son temps. Demain dans le journal, le jeune homme ferait surement la première page. Après, il n’assurait pas que la photo de son corps décharné soit l’image la plus photogénique du personnage, m’enfin, on a que ce qu’on mérite. En attendant, il continuait de frapper de son arme sur la porte dans un « clang » métallique et redondant parfaitement angoissant. Juste ce qu’il fallait pour maintenir une pression lugubre sur le dos du mutant.

Au bout de quelques minutes, le gringalet se décida enfin à donner quelques signes de vie, et Parrish ne mit pas longtemps à repérer l’origine du bruit qui résonnait dans tout l’entrepôt. Quelques dizaines de mètres de plus, et les voilà à nouveau nez à nez, face à face, chacun une barre de fer dans la main. La principale différence, et de taille, en dehors de leurs quelques centimètres de différence justement, c’était que l’un maniait la barre de fer pour tuer depuis déjà un bail, et l’autre ressemblait à un gamin près à jouer au chevalier. Cependant, les rodomontades du gosse tirèrent un rictus à Parrish qu’il aurait préféré contenir : comment ça, combien il avait perdu ce soir ? Il n’avait quand même pas été assez con pour détruire les vaccins, alors qu’ils étaient peut être son seul et unique levier de négociation, si ? Non parce qu’il en arborait un beau, de sourire de petit con.

- J’espère que tu as pas fait des bêtises petit, parce que sinon j’ai peur que ta maman ne sache t’identifier à la morgue…

Le ton était rogue, lugubre, parce que Parrish était saoulé et surtout, parce que Dax en face n’avait pas tout à fait tort : ces seringues, il les avait payé le plus fort, pas forcément lui, mais sa communauté, et si ils lui avaient confié cette mission, c’était parce qu’ils avaient confiance en lui et en ces capacités. Si il revenait les mains vides, surtout à cause d’un gamin mutant…. Il allait en entendre parler pendant des jours, des semaines, et surtout, on risquait de l’envoyer au casse pipe pour récupérer d’autres vaccins dans des circonstances largement moins sereines et sous contrôle que celles-ci. Alors Parrish accentua la pression sur le mutant en face de lui, s’approchant un peu plus, stoïc, froid, jusqu’à presque le toucher.

- Je rigole plus, mutant de mes deux. Les vaccins, et vite. Sinon je te fracasse le crâne, et crois moi, ça te fera plus mal qu’à moi, je te le dis d’expérience.

Spoiler: