i. êtes-vous originaire de radcliff ?
Israël est né à Radcliff, il a détesté cette ville toute son adolescence, ne rêvant que de se barrer de ce trou à rats. Il n'aime pas cette ville pleine de bouseux. Il n'aime pas y vivre. Et pourtant, quand il a été criblé de dettes, et en pleine dépression, c'est là qu'on l'a ramené. Retour à la case départ. Au fond, il savait bien qu'on ne pouvait pas échapper à ses racines. Après tout, son petit frère a repris le magasin familial, comme son père avant, et comme toutes les générations de Gross depuis leur arrivée au Etats-Unis, pour vous dire si ça remonte. Bref, quelque chose lui disait que lui aussi reviendrait toujours dans ce coin paumé, de grès ou de force. Et finalement, il s'est fait à l'idée de rester là, de prendre racine, de se faire une vie tranquille sans éclat qu'il déteste plus que tout. Ah Radcliffe, ville de merde que je conchie.

ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
Hm, non. Il faut dire aussi qu'Israël ne sort pas souvent de chez lui, son pouvoir peut se fondre dans la masse, et il ne s'en ait jamais vanté, peu de personnes sont au courant de sa transmutation. Et d'ailleurs, s'il croisait un Hunter, et que celui-ci voudrait sa peau, il n'est pas certain de lui résister. Parce que sa vie n'a jamais vraiment eu d'importance, alors s'il pouvait mourir en martyr, cela mettrait un trait d'honneur à sa vie désespérément chiante. Après, ne croyez pas qu'il n'en ait pas peur, c'est logique d'avoir peur de mourir, mais de ça ou d'une maladie longue, il préfère encore mourir d'une balle dans le crâne. Moins douloureux.

iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
Quotidiennement, donc, oui, c'est plutôt beaucoup, et il est clair qu'Israël n'utilise pas son don pour les « bonnes » raisons. Mais ces utilisations récurrentes ont le mérite de lui donner un contrôle pas trop mauvais de son don. Il maîtrise pas mal de spécificités, et clairement, dans ses grands jours, il est capable de créer un aquarium de fumée délicatement marijuané rien qu'avec son pouvoir. Bon par contre, il a déjà eu des soucis avec les pompiers, une ou deux fois. Mais dans l'ensemble, il ne se plaint de son don et des utilités qu'il lui a trouvé. Même s'il est conscient de se détruire plus rapidement que n'importe quel autre drogué. Au moins, il n'a pas à payer sa drogue.  

iv. pensez-vous que les mesures mise en place par le gouvernement sont suffisante ?
Il est évident qu'une société à besoin de ses minorités à tabasser : noir, homos, juifs, femmes, handicapés, gitans, mutants. Ce n'est ni plus ni moins qu'un cheminement de la violence vers la chose la plus terrifiante et inconnue. Alors l'état peut essayer de les protéger, de faire des accords, de promulguer des lois, ils ne pourront empêcher l'intolérance d'éclater au grand jour. Israël trouve donc ces tentatives de protection assez pitoyable. A part l'apparition d'une autre menace encore plus étrange qu'eux, les transmutants resteront dans le viseur des imbéciles. Pas de solutions miracles, il faut juste du temps, et des gens qui se battent. Mais personnellement, il n'a pas l'étoffe d'un révolutionnaire ou d'un combattant, alors, il se contente d'observer.  

Radcliff, une ville perdue, monotone, et désespérante. Israël n'a jamais très bien su quand est-ce qu'il a commencé à détester cet endroit. En primaire, quand les autres garçons se fichaient de lui parce qu'il était aussi myope qu'une taupe et incapable de taper dans un ballon ? Ou au collège quand son talent littéraire commençait à éclabousser les gros bras de sa classe, qui enviait son aisance à formuler des lettres d'amour pour des filles qu'il n'a jamais vraiment aimé ? Ou bien au lycée, quand il a commencé à réaliser que tout était sinistre dans cette ville, et que les seules échappatoires qu'il avait étaient la drogue et la littérature ? Sans doute que cette haine fut progressive, un lent et langoureux poison dans son corps d'adolescent mal assuré, paumé, et bohème. Pourtant, dans sa famille, les choses avaient toujours été régulières, lisses, intemporelles : de père en fils, on reprenait l'affaire familiale. En général, c'était l'aîné qui bénéficiait de cette bénédiction héréditaire, mais sérieusement, vous trouvez que c'est une bénédiction vous de tenir une épicerie dans un bled paumé ? En tous cas, pour Israël, il n'était pas question de suivre cette voie. Il voulait trouver la sienne, tracer sa propre route, et se casser de là !

Sa voie lui vint tout naturellement de ses deux nouveaux amis : drogue et littérature. En, fait cela, allait même plus loin, puisqu'il découvrit qu'il pouvait être sa propre drogue. Transmutant. Pas le truc qu'il alla crier sur tous les toits. Mais de toutes façons, il était habitué à mentir, à se mentir. Sinon, il n'aurait pas partagé que de la drogue avec ce cher bon vieux Kylan. Comme tout adolescent, il se haïssait autant que sa ville, mais de ce conflit naquit quelque chose de grand de beau, d'unique : A côté. C'était le nom de son premier roman. Il fut publié l'année de ses dix sept ans. Une surprise pour lui, ses parents, ses professeurs qui le pensaient juste médiocrement intelligent. On dit de lui qu'il serait le nouveau Salinger. Ou Bukowski. On dit qu'il était le nouveau génie de la littérature américaine. On dit... Beaucoup de choses. Trop sans doute. Mais les ventes explosèrent. Il tenait son ticket de sortie de cette foutue ville. Il la tenait sa liberté. Il y croyait vraiment. La drogue l'avait inspirée une fois, elle le pourrait encore !

Alors, il fit le tour des Etats-Unis, et fut même invité dans quelques universités européennes. La belle vie. L'opulence. Les fêtes. La drogue. Les trips. Et finalement la réalité, le bon gros et violent retour à la réalité : il n'arrivait plus à écrire. Son éditeur ne le lâcha pas pendant cinq longues années, pour qu'il écrive un nouveau chef-d’œuvre. Il n'arriva jamais. L'aisance diminua. Il ne valida pas son diplôme universitaire en littérature. Il ne trouva pas de solutions. Après avoir été un génie à 17 ans, il se retrouvait drogué et dépressif à 25. Il réussit à vivre sur les ventes de son livre encore deux ans. Puis, on le retrouva allongé au milieu de son salon, à moitié étouffé dans son vomi, défoncé à plusieurs substances à la fois, vivant dans la crasse. Il était temps d'en finir avec son heure de gloire. Il fut hospitalisé.

A 28 ans, le fils prodigue, l'artiste, le génie revenait à Radcliff plus mort que vivant. Il retourna dans cette maison familiale qu'il détestait plus que tout. Il subit les traditions juives avec lassitude. Il ne supportait pas le regard inquiet de sa mère, la réprobation de son père, le dégoût de son frère. La fracture arriva l'année de ses 30 ans, alors qu'il reprenait l'écriture, de navets littéraires, mais l'écriture tout de même. C'était lors d'un repas comme les autres. Un repas morne où tout le monde essaie de rompre un silence pesant par des questions futiles.

« Elle est mignonne ta nouvelle copine, Joshua ! » Sa mère tourna la tête vers son aîné. « Tu devrais essayer de trouver une fille comme ça ! Ça te tirerait vers le haut ! »

Silence. Israël posa sa fourchette, et fixa un à un les membres de sa famille.

« Putain, mais j'en peux plus de votre médiocrité consentie. Je veux pas me trouver une gourdasse comme sa Meryl, Cindy, ou Kathia. Je veux pas être comme vous, vous le comprenez ? Tu sais quoi papa, effectivement, je bois pas de bière, et je fume des clopes de tapette, parce que tu sais quoi ? J'en suis une. J'aime la bite. J'aime me faire défoncer le cul. J'aime défoncer le cul d'un mec en retour. Je suis un putain de pédé qui vous donnera jamais de petits enfants. Et même mieux que ça, je suis un pédé transmutant toxico. Alors foutez moi la paix. »

Sa voix était restée calme. Il se leva et quitta la pièce. Une demi-heure plus tard, il avait fait son sac et allait prendre une chambre à l'hôtel. Le temps de trouver où dormir. Avec sa paie d'écrivain, il ne pouvait pas se permettre grand chose. Il tomba sur une annonce de colocation, il appela. Kylan. Retour en arrière. Il ne sut pas pourquoi il accepta d'habiter avec lui. Mais il le fit. Sans doute pour avoir le plaisir de se faire du mal en le voyant ramener ses « putes » à l'appart ? Ou pour criser à chaque réveil en voyant son bordel ? Ou juste pour pouvoir l'observer en se défonçant avec lui ? Très sincèrement, il ne comprenait pas lui-même pourquoi il restait. Sans doute avait-il était contaminé par l'immobilisme de Radcliff...