i. comment êtes-vous entré parmi les hunters?
Oswin a été entraîné parmi les hunters grâce à son grand ami, Tristan. Originaire lui aussi d'Ecosse, il a aidé la jeune femme à découvrir la vérité sur la morte suspecte de sa mère. Celle-ci a été tuée par un dégénéré qui, irrité par le fait d'être repoussé régulièrement par la mère d'Oswin, a décidé de prendre sa revanche. Tristan a alimenté la peur d'Oswin à l'égard des dégénérés (même si elle était fiancée à l'un d'entre eux) et, au fur et à mesure, il a pu constater que cette peur s'était transformée en haine. Oswin est entrée véritablement chez les hunters il y a environ un an, lorsqu'elle s'est installée à Radcliff. Auparavant, elle se contentait juste de suivre la voix de sa vengeance et celle de son mentor, Tristan, qui l'a escortée au point où elle en est à présent.

ii. avez-vous déjà effectué votre devoir de chasseur ?
Oswin a déjà accompli ce que l'on attendait d'elle et plutôt deux fois qu'une. Le dégénéré qui a tué sa mère a d'ailleurs été sa première victime. En revanche si, au départ, elle se répugnait à enlever la vie de quelque transmutant, la jeune femme a appris à se contrôler. Mieux encore, elle sait à présent apprécier l'adrénaline que lui apporte la traque. S'il lui reste encore une once d'humanité ? Cette question est bien incertaine et sa réponse l'est encore plus. Jamais elle ne s'en prendrait à un enfant dégénéré – elle a déjà laissé une adolescente de seize ans filer, quelques jours après son arrivée à Radcliff – mais elle n'a aucune pitié lorsqu'il s'agit de briller aux yeux de tous les hunters. Elle cherche désespérément leur reconnaissance.

iii. les mesures du traité de protection des mutants vous font-elles peur ?
Oswin n'a cure de ce traité. En effet, les règles et les lois sont faites pour être détournées. Aussi, si les hunters sont supposés être une sorte de clan de terroristes, alors ces modalités très formelles ne leur feront aucunement peur. Ces dégénérés sont dangereux, ils doivent être arrêtés. Oswin ne comprend pas un tel traité et jamais elle ne se soumettra à ces prétendues mesures. Pour quelle sombre raison veulent-ils protéger ces êtres sournois ? Les vraies personnes qui ont besoin de protection sont les pauvres gens qui se baladent tranquillement, inconscients du danger, dans la rue.

iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
La jeune femme est tout simplement curieuse de voir ce que ce Lancaster aura à offrir aux petites gens de Radcliff. S'il est conscient de la dangerosité des dégénérés, alors peut-être peut-il être un maire digne de ce nom. Cependant, Oswin n'est pas femme à vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Elle préfère attendre, sagement et patiemment, que ce Thaddeus exerce son pouvoir en faveur ou non des hunters. A ce moment-là, Oswin saura s'il est de son bord ou de celui des ennemis.

La nuit commençait à tomber. Le regard d'Oswin était rivé en direction du petit écran qui diffusait bon nombre d'images désarticulées. Elle attendait impatiemment le retour de son fiancé, Ciaràn, qui passait la soirée dehors. Elle devait impérativement lui parler de cet étrange personnage qui la suivait partout. Cet être l'avait rendue paranoïaque et elle avait peur de se risquer seule dans la rue, craignant de le rencontrer. Jamais elle n'avait autant craint un inconnu. Elle se sentait puérile, consciente d'agacer son fiancé avec de tels enfantillages – même s'il n'en était rien. Ciaràn avait toujours été très gentil et compréhensif à son égard. De fait, rien ne risquait de le brusquer si elle s'aventurait en terrain miné. Il faisait attention à elle et ce, depuis le début. Elle remerciait le ciel de l'avoir trouvé sur son chemin, trop inquiète à l'idée de suivre le chemin tracé par sa mère.  La sonnerie du téléphone retentit. Absorbée par la série qu'elle suivait avec attention, elle fronça le nez, se leva et se dirigea jusqu'au combiné qu'elle décrocha avec hauteur. La suite des événements est, dès lors, flou. Elle entendit des mots alignés les uns à côté des autres ; seuls, ils possédaient un sens, mais elle ne comprenait pas où son interlocuteur voulait en venir. Enfin elle comprit. « J'ai le regret de vous annoncer que votre mère est décédée. » Oswin lâcha l'appareil qui tomba à ses pieds en un bruit mat. Lorsque Ciaràn rentra, il la retrouva aussi pâle et froide que la mort. La télévision était éteinte. Seul le souffle bruyant de la jeune femme retentissait dans ce salon silencieux. Son fiancé s'installa à ses côtés et enlaça ses épaules. Il savait déjà tout, elle l'avait déjà appelé à l'aide. Enfin, elle put s'offrir volontiers aux émotions. Elle posa sa joue sur l'épaule de Ciaràn et les larmes commencèrent à rouler le long de ses joues. Au moment où sa mère mourut, jamais plus elle ne revit son étrange agresseur – sauf deux ans plus tard, où elle le tua de ses propres mains puisque ce dégénéré avait été la cause de la mort de sa mère. A l'instant, cela ne l'inquiétait guère. Ciaràn et sa famille étaient atteints de transmutation et cela ne la gênait d'en aucune façon. En réalité, elle aimait ces gens plus qu'elle n'avait jamais aimé sa propre mère. Elle avait porté à cette dernière un amour tout particulier, qu'elle n'était pas capable d'énoncer à voix haute, et n'avait jamais voulu la laisser tomber. Et tout ça pour quoi ? Heureusement, elle avait Ciaràn. Elle avait la certitude qu'il saurait de quelle manière gérer cet événement. Elle, elle n'était plus capable. Ses forces l'avaient abandonnée. Oswin avait une épaule sur laquelle se reposer et elle avait honte de déléguer de la sorte ses obligations actuelles. « Merci d'être là, je t'aime. » Oswin n'évoquait que très rarement ses sentiments et, ce soir-là, sa sincérité se mêlait au chagrin.

« Votre mère a été tuée par un dégénéré. » annonça Tristan. La jeune femme releva le nez en direction de son vis-à-vis. Ce dernier s'était intéressé au meurtre de sa mère, qu'il trouvait également suspecte. Sa révélation ne la fit pas réagir. Du bout de l'index, elle remonta ses lunettes jusqu'au haut de son nez et entrouvrit la bouche, dubitative. La mort de sa mère avait toujours été suspecte à ses yeux. Mais était-ce une raison pour accuser un dégénéré ? De fait, cela importait peu qu'il soit dégénéré. Il restait un meurtrier. Tristan semblait excité par ses découvertes et brandissait des papiers noircis d'encre. Il n'avait cure d'être abrupt dans ses propos, tant qu'il disait le fond de sa pensée. Au fond, ce comportement l'avait toujours exaspérée mais Oswin lui en était tellement reconnaissante que plus rien ne semblait la déranger venant de sa part. Elle secoua la tête. Elle ne pouvait pas y croire. Enfin... Elle connaissait bien les dégénérés. Plutôt bien, même, puisqu'elle était fiancée à l'un d'entre eux. De fait, les frère et sœur de ce dernier étaient également des dégénérés et elle les appréciait plus que de raison. Toutefois, en repensant à sa mère, son cœur se compressa dans sa poitrine. Elle eut un mal fou à déglutir et, une fois ceci fait, elle haussa lentement les épaules. Que pouvait-elle ajouter d'autre ? Elle croyait aux dires de Tristan. En revanche, cette situation commençait à l'inquiéter. Devant le silence de sa compagne, l'homme lui porta un regard plus clément. « Je vous avais dit que tous les dégénérés étaient des assassins. Des fous. » Oswin secoua une nouvelle fois la tête. Pourquoi tenait-il des propos pareils ? Cela ne la surprenait guère mais elle aurait apprécié un peu plus de retenue de sa part. Tristan darda sur elle son regard franc. « Je n'ai pas l'habitude de – mm – de parler de ça mais ma sœur était une dégénérée. Elle a tué nos parents sous mes yeux. » Oswin fronça les sourcils, abasourdie par la nouvelle. Évidemment, elle aurait dû s'attendre à une nouvelle semblable si elle se fiait pleinement à la haine qui tordaient régulièrement ses traits aquilins. De fait, elle n'arrivait pas à y croire. A ses yeux, le meurtre était condamnable – pour n'importe quelle foutue raison – et elle craignait la réponse de son compagnon si elle se risquait à lui poser une question. Sa curiosité serait certes satisfaite mais elle serait consciente de tout. « Je l'ai tuée. » annonça-t-il clairement, en réponse à la question muette de sa vis-à-vis. Ses mots résonnèrent dans la pièce exiguë alors qu'Oswin baissait les yeux vers les papiers froissés qu'elle tenait en mains. Courageusement, elle releva son nez en direction de son interlocuteur. « Vous essayez de me dire que tous les dégénérés sont des tueurs, n'est-ce pas ? Vous essayez de me faire dire que mon fiancé, son frère et sa sœur me tueront dans mon sommeil ? Vous tentez bravement de me faire comprendre que la famille Moriarty est peuplée d'immondices ? Détrompez-vous. » Son ton était grave. Quelques jours plus tard, Lyanna Moriarty mourut sous les coups de Tristan. Et Oswin sut, à cet instant, qu'il fallait impérativement sauver les restes de cette famille à laquelle elle avait failli appartenir. Pourtant, Oswin portait une confiance aveugle en Tristan ; il avait tué sa future belle-soeur, il avait écarté d'un revers de main l'avenir qu'elle imaginait en compagnie de Ciaràn. Mais c'était un mentor, un ami. Son seul ami.

Ciaràn. Elle avait perdu Ciaràn. Assise sur son lit, les jambes repliées contre sa poitrine et son front posé sur ses genoux, les larmes roulaient le long de ses joues. Sa dignité l'empêchait de sangloter mais le cœur y était. La souffrance faisait frissonner ses membres. Il était parti depuis deux heures, emportant avec lui toutes ses affaires. Il ne restait plus rien de leur vie à deux, sauf les nombreuses photos de couple qu'ils avaient laissées et qui, à présent, le dégoûtaient sûrement. Oswin sentit le lit s'affaisser et les ressorts grincèrent. Elle n'eut pas à relever la tête pour comprendre qu'il s'agissait de Tristan. Ciaràn ne serait jamais revenu. A cette pensée, son cœur se contracta. Sa gorge était serrée et plus rien ne semblait susceptible de la faire sourire. Par sa faute, Lyanna était morte. Cette dégénérée était morte. Elle releva la tête et essuya ses larmes avec sa manche. Tristan la regardait, imperturbable. Il avait tué Lyanna et, pourtant, Tristan avait été le premier qu'Oswin avait appelé lorsque Ciaràn l'avait quittée. Par sa faute, son fiancé avait rompu leurs fiançailles. Grâce à lui, elle avait pu découvrir que sa mère avait été tuée par un dégénéré. A son égard, les ressentiments se mêlaient volontiers à la gratitude. « Tu pleures un dégénéré ? » Oswin haussa les épaules. « Je pleure le départ de mon fiancé. » Tristan secoua la tête, comme si le comportement de sa compagne était celui d'une pauvre gosse. Se fiancer à un dégénéré ne l'avait sans doute jamais traversé. Savait-il seulement ce que le terme « aimer » signifiait ou le faisait-il exprès ? Doucement, la jeune femme s'étendit de tout son long sur le lit, la tête posée sur l'oreiller. La voix de Tristan se fit une nouvelle fois entendre mais elle ne songea pas à l'écouter. Peut-être avait-elle fait une erreur en lui parler de Lyanna ? Peut-être était-ce réellement de sa faute si elle était morte à présent. Brutalement, Tristan apparut dans son champ de vision. Il la saisit par les épaules et la força à se redresser, contractant ses doigts autour de sa prise. Elle étouffa un petit cri de douleur mais ne songea pas à se débattre, hypnotisée par la rare violence dont Tristan faisait preuve. « Arrête de te lamenter, bordel ! Cette fille méritait de crever, tu comprends ça ? » Les larmes au bord des yeux, la jeune femme hocha rapidement la tête en signe d'acquiescement. Il la repoussa sur la lit et se leva, lui tournant le dos. « Je te donne une semaine pour emballer tes affaires. Fais tes valises, on part. Nous allons quitter l'Ecosse. » Les yeux écarquillés, Oswin n'osa pas bouger. Sa mâchoire inférieure s'affaissa légèrement. Sa voix tremblante résonna dans la pièce. « Pour aller où ? » Tristan ne se retourna pas mais elle put deviner qu'il souriait. Son ton était redevenu chaud et amical. « Retrouver et tuer le meurtrier de ta mère. » Cette simple phrase conforta l'idée d'Oswin comme quoi les dégénérés étaient la cause de nombreuses pertes. Dont celle de sa défunte mère. Le meurtrier de sa mère fut d'ailleurs le premier dégénéré qu'elle tua de ses mains. Le premier mais certainement pas le dernier.

Sale petit junkie de merde. Un sourire flotta un instant sur ses lèvres rosées alors qu'une tendre idée germait dans son esprit tourmenté. Lentement, Oswin posa un genou à terre, adoptant une posture assurée et menaçante. Le dégénéré savait que celle qui lui faisait face ne lui enviait rien ; ni les traces de piqûre sur ses bras, ni l'ignoble tare dont il devait se rengorger auprès des catins qu'il abordait. Oswin n'était pas femme à entretenir la moindre conversation avec ces résidus d'humanité. Du moins, elle ne l'était plus. Elle se souvenait, avec une pointe d'aigreur, de son fiancé et de la « supposée » admiration qu'elle lui avait brièvement porté lorsqu'elle avait su qu'il appartenait aux dégénérés. Elle enfonça ses index et pouce dans les joues de son vis-à-vis, le toisant de toute sa grandeur. Peu importait son « pouvoir », s'il avait pu la repousser, sans doute l'aurait-il fait bien plus tôt. Ou bien était-il tellement défoncé qu'il n'était même plus capable de mettre un pied devant l'autre. Ses doigts s'enfoncèrent plus profondément dans la chair tendre de sa proie. Elle venait d'y songer mais cela lui semblait plausible. L'addiction de ce petit con pouvait être utilisée à son avantage. Après tout, qu'était-il ? Sinon un instrument qu'elle pouvait user à sa guise. Il fallait toutefois user de sagesse afin de contrôler ce dégénéré comme elle l'entendait. « Ton nom. » souffla-t-elle. « Maverick. » Étonnement, sa voix n'était pas chevrotante comme elle avait pu s'y attendre. Arquant un sourcil dubitatif, quant au fait qu'il était le premier Maverick qu'elle rencontrait – de fait, elle n'imaginait pas qu'un mec portant le prénom de Maverick puisse être tombé aussi bas – l'avocate hocha la tête. Il ne lui retourna pas la question. Aussi, peut-être aurait-elle répondu s'il s'était intéressée à son identité. L'ego meurtri, Oswin désigna d'un lent mouvement de menton les traces rouges ou rosâtres qui s'étendaient sur les bras de sa victime. « Je vois que tu sais occuper correctement ton temps. » Elle ravala un ricanement méprisant. Tout se lisait dans son regard clair et hautain. « Est-ce que tu veux mourir, Rick ? » L'interpellé porta sur elle ses prunelles glacées et secoua mollement la tête. « Très bien, je n'ai pas envie de te tuer. » Malgré l'hypocrisie dont elle faisait preuve, Oswin continua sur sa lancée. « Je suis prête à te rendre un très grand service. Si tu fais quelques petites choses pour moi, je daignerais t'aider afin de – elle haussa les épaules et son rire se fit cristallin – te faire plaisir. Ca doit être plutôt compliqué de dépenser tout son fric pour se défoncer, non ? Ne m'regarde pas comme ça, je ne vends rien qui puisse t'intéresser. En revanche, j'ai les moyens de subvenir à quelques uns de tes besoins financiers. » La pointe de sa langue glissa le long de sa lèvre inférieure, laissant le temps à l'inconnu d'interpréter ses propos. Il dirait oui. Elle le savait. Oswin n'avait jamais considéré les héroïnomanes comme des êtres humains en tant que tels ; oui, son intolérance frisait parfois la méchanceté pure et simple. « Tout ce que tu as à faire, c'est chercher. Chercher, trouver et me dire où se trouvent quelques uns de tes petits copains dégénérés. » Son sourire carnassier se détendit un peu. Deal ?