Alors comme ça tout ce qui reste après nous, c'est une pierre et du chagrin? La  meilleure chose qui me soit arrivée c'était toi. Je suis venu vivre ici, à Radcliffe pour toi. J'aurais pu enseigner à Princeton ou à Columbus, ou même à Harvard qui sait? Mais j'ai tout abandonné pour être à tes cotés et toi tu m'as laissé seul avec un fils que j'ai dû éduquer comme je le pouvais sans ton aide. Je peux bien venir te parler aussi souvent que je le souhaite, ça ne te ramènera pas.

On a du mal à réaliser l’importance de la vie et la fragilité de celle-ci, on pense que rien ne peux nous arriver à nous ou à nos proche jusqu’à que l’un de nos proche meurt. J’avais une vie paisible, faite principalement de bons souvenirs. Une enfance passée en Ecosse, avec mon frère, dans une famille aisée. Mon père était avocat et ma mère enseignante. C’est elle qui m’a donné l’envie de lire et depuis je n’arrête pas. J’ai fait des études de littérature en lettres modernes, ici aux États-Unis. J’avais vingt ans lorsque j’ai rencontré Lydia, elle aussi faisait ses études à New-york, et elle aussi était une mutante. Une télépathe. Elle est tombée enceinte très tôt –je sais, c’est de ma faute- L’année de la naissance de notre fils, nous nous sommes mariés, mon premier livre a été publié, et j’ai gagné un prix Pulitzer pour ce même ouvrage. 1999 fut la meilleure année de ma vie. Depuis j’ai publié un autre livre, j’ai fini mes études, obtenu mon doctorat et j’ai voyagé autour du monde pour donner des conférences suite à la publication de ma thèse il y a presque douze ans. J’ai eu bon nombre d’offres d’emploi dans de prestigieuses universités que j’ai décliné pour rester à Radcliffe auprès de ma famille. Ma femme ne voulait pas quitter cette petite ville. J’aurais dû la pousser à le faire, trouver un moyen.

A l'époque ou tout était encore bien pour moi, j'étais très proche de mon fils, et j’emmenais souvent ma famille à l'autre bout du monde pour une journée ou ne serait-ce qu'une soirée. C'était la belle vie, et tout le monde était heureux. La chose la plus difficile à l'époque c'était de choisir la destination pour le dîner et c'était bien mieux comme-ça. Je pense que mon fils ressent ma dépression comme un abandon, et je suis de son avis, je m'en veux énormément de l'avoir laisser tomber à un moment aussi difficile, mais j'ai bien l'intention de me rattraper et au plus vite, je veux m'en sortir et j'y arriverais pour moi -et surtout mon foie-, pour ma femme mais avant tout pour mon fils.

Cela fait maintenant seize mois que ma femme a été froidement assassinée par un hunter, alors qu’elle se rendait chez ses parents. J’ai cru mourir ce jour-là en apprenant sa mort. J’ai commencé à boire, beaucoup. Avec le temps j’ai réduit ma consommation, notamment au boulot. Depuis sa mort j’ai arrêté de donner des conférences, et je me suis concentré sur l’écriture d’une seconde thèse et d’un troisième roman. Au fil du temps on a appris à vivre avec, c’est comme une valise que l’on ait obligé de trimbaler avec nous constamment, des fois elle est tellement lourde qu’on se demande si on va pouvoir la soulever, et d’autre jour elle est aussi légère qu’une plume. Et puisque que me retirer ma femme ne suffisait pas, les hunters m’ont aussi pris mon pouvoir. Il y a encore sept mois je pouvais encore me téléporter où j’en avais envie, mais ça c’est terminé lorsqu’ils m’ont attaqué dans ma propre maison. Adieu les déplacements en moins d’une seconde et bonjours les hallucinations et les pertes d’équilibre, ainsi que les insomnies. Tout ça dû à une petite fiole remplie de Nh25. Désormais les hallucinations et pertes d’équilibre ne sont plus d’actualité mais j’ai toujours du mal à dormir et mon don me manque. Je ne peux pas dire que j’aurais préféré qu’ils me tuent car qui se serait occupé de mon fils ? Ses grands parents ? Ils sont trop vieux, et puis perdre ses deux parents avant même d’être adulte et probablement l’une des pires choses qui puissent arriver.

Aujourd’hui tout ce qu’il me reste c’est un fils, mon boulot, et une pierre avec un nom dessus  sur laquelle je me recueil et à qui je parle dans le vide aussi souvent que je le souhaite. J’ai appris à vivre, ou plutôt survivre sans les choses que j’ai perdues et j’essaie de reprendre un cours de vie normal, en espérant que les hunters ne me prennent plus rien et qu’un jour les mutants régneront en maître sur cette planète, et j’ai bon espoir qu’un jour cela arrive, les humains, du moins les hunters. Ce sont les vrais monstres qu’il faut exterminer.