-grayman & elspeth-

Living with the dead again

Elspeth ne s’était pas rendue compte à quel point tout ça l’affectait. Ou au moins, dans quelle proportion. C’était logique au fond qu’elle soit touchée par tout ça mais, elle n’arrivait pas à savoir à quel point, jusqu’où tout ça pouvait l’affecter et la troublait. On lui avait toujours dit que chaque personne réagissait différemment à la mort et qu’il ne fallait jamais juger. Elle, elle ne savait ni comment elle réagissait vraiment ni comment elle devait réagir. Elle se sentait presque obligée d’avoir certaines réactions qui étaient jugées acceptables et elle culpabilisait de ne pas les avoir. Elle n’avait pas versé une seule larme, était restée relativement calme en dehors de quelques sautes d’humeur. Pas ce que l’on attendant de gens qui venaient de vivre ça et elle ne savait pas si c’était bien ou mal. Toujours est-il qu’elle avait malencontreusement laissé échapper un détail sur sa vie qu’elle aurait largement préféré ne pas donné mais, c’était trop tard. Heureusement, Grayman ne releva pas, il ne chercha même pas à en savoir plus ou à comprendre. Tant mieux, elle n’était pas prêt à en parler et surtout pas en état. Ni aujourd’hui... ni jamais en fait.

- « Merci... »

Tout ce qu’elle voulait, c’était que cet homme ne reste pas là pendant trop longtemps même si les blessés seraient forcément prioritaires. Peut-être que personne n’en aurait rien à faire, peut-être d’ailleurs qu’on se ficherait pas mal de sa présence à elle tout comme on s’était presque fichu de lui annoncer que sa mère était morte alors qu’elle n’avait que douze ans. L’expérience d’Elspeth avec les hôpitaux n’avait rien de fabuleuse. Cependant, elle n’avait pas le choix, pas avec une jambe dans cet état.
Patiemment, elle attendit qu’il lui dise pourquoi il l’avait aidé elle et pas quelqu’un d’autre. C’était ridicule mais, elle voulait savoir. Elle laissa le silence s’installer et après un moment, elle crut même qu’il ne répondrait pas. Hors, il finit par parler et, même si la réponse n’en était pas vraiment une, elle était soulagée qu’il parle, juste qu’il parle, ne supportant qu’à moitié les bruits et les sons mélangés qui leurs parvenaient de temps à autre.

- « La chance en somme. »

Elle hocha simplement la tête et le laissa poursuivre son avancée jusqu’à l’hôpital. Non, ils étaient même sûrement proches de leur destination. Au fond, il était sûrement ravi de bientôt être libéré de sa charge, ce qu’elle pouvait comprendre.

- « Vous devriez essayer de vous faire examiner avant de rentrer chez vous. On ne sait jamais. »

Forcément, elle ignorait que le géant aurait une peine infinie à l’hôpital sans doute beaucoup trop éclairé. Les rues étaient sombres, la fumée assombrissait davantage, elle ne pouvait pas savoir que pour l’instant, il était parfaitement dans son élément. Plus ils s’approchaient et moins elle avait envie d’y être. Elle n’arrivait pas à être à l’aise, à se dire qu’elle allait ressortir de là avec une bonne nouvelle. Elle ne voyait ce lieu que comme un oiseau de mauvaise augure, pas vraiment comme un endroit bénéfique...

-grayman & elspeth-

Living with the dead again

Elspeth était partagée au sujet de tout et elle ne savait pas comment se sentir. Même vis-à-vis de l’homme qui lui était venue en aide. Elle était reconnaissante envers Grayment mais, en même temps, elle lui en voulait même s’il avait sans doute raison. Seulement, elle ne pouvait pas lui en vouloir de la protéger, en quelque sorte, pas alors que personne ne l’avait jamais vraiment fait depuis qu’elle avait douze ans. Pourquoi il agissait ainsi ? Elle ne savait pas mais, elle n’allait pas le lui reprocher ou chercher une véritable raison. Au fond, elle se satisfaisait de cette situation, aussi horrible soit le fait d’avoir laissé cet homme derrière eux et Elspeth se sentait affreuse de penser ainsi. Elle ne savait pas ce qui était légitime ou non et c’était là tout le problème. Face à la mort, on ne lui avait appris à faire qu’une chose, fuir, mettre son mouchoir dessus et avancer puis fuir encore. C’était plus facile comme ça, pas mieux, elle en avait bien conscience mais, plus facile.

- « Si vous le dites. »

S’il ne voulait pas se faire examiner, elle n’allait pas l’y obliger. Elle espérait juste qu’il n’avait rien et qu’il ne serait pas mal plus tard à cause de quelque chose dont il ne savait rien pour le moment. On lui avait expliqué que parfois, les gens ont l’air d’aller bien alors que ça n’est pas le cas, que ça mettait juste un moment à se déclencher. Alors elle voulait croire qu’il allait bien et qu’il ne risquait rien du tout même sans être passé à la loupe par un médecin.
Quand il ralentit, Elspeth releva les yeux vers lui et le regarda, intriguée. Elle ne comprenait pas, et pour cause. Elle n’avait côtoyé que deux mutants et aucun des deux n’avaient été vacciné. Elle n’aurait donc pas pu deviner pourquoi il ne pouvait pas aller plus loin, pourquoi il ne pouvait pas entrer.

- « Que se passe-t-il ? J’ai déjà vu des gens qui détestaient les hôpitaux, j’en fais même partie mais... »

Ce n’était pas ses affaires, elle le savait, pourtant, elle voulait savoir pourquoi Grayman refusait d’approcher, comme si c’était particulièrement vital. Son soupir, sa façon de regarder les lieux. Il devait y avoir une explication et, trop curieuse, elle voulait comprendre. Mais, tout ça, ça n’était pas ses affaires. Elle n’avait pas le droit de lui demander des précisions.

- « Je suis désolée, ça ne me regarde pas. Vous pouvez me poser, je terminerai à pied, ce n’est plus très loin. J’y arriverai. »

Arriver jusque là ne serait pas simple mais, elle pouvait le faire. Il n’y avait plus énormément de distance et si elle faisait attention, il n’y aurait aucun risque. Quelqu’un finirait bien par voir qu’elle était blessée et viendrait l’aider. Si pas, elle se débrouillerait, comme elle l’avait toujours fait.

- « Je me retiendrai au mur, ça ira. »

Elle y arriverait, de toute façon, elle n’aurait pas tellement le choix.

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Living with the dead again

Même après qu’Elspeth lui ait certifié qu’elle pouvait y arriver, Grayman ne semblait pas vouloir la lâcher ou la laisser aller toute seule jusque-là. Elle n’était plus si loin, il n’y avait que quelques dizaines de mètres à parcourir, peut-être une centaine mais, ça n’allait pas la tuer. Ce serait douloureux, probablement mais, pas impossible ni infaisable. Pourtant, il continuait à scruter les environs, à chercher une solution à elle ne savait trop quel problème. Visiblement, sa proposition de finir le chemin toute seule ne lui plu pas puisqu’il arqua un sourcil, presque mécontent sans réellement le montrer. Elle soupira.

- « Je ne vais pas vous obliger à vous approcher, ça aussice serait idiot. Je n’aurais qu’à dire que quelqu’un m’a aidé à venir jusqu’ici et que cette personne est repartie aider. Ils ont sûrement autre chose à faire que de mener un interrogatoire. Ça va aller, j’vous assure. »

Sans la laisser argumenter plus longtemps, il reprit sa route et plusieurs fois, elle le sentit se crisper, même faiblir un peu ou trembler. C’était ridicule qu’il se force ainsi, qu’il se fasse du mal à cause d’elle ne savait pas trop quoi. Elle essaya de lui faciliter la tâche plus d’une fois mais, ce qu’il avait semblait... cyclique. Elle finit par comprendre quand il l’assit sur un fauteuil roulant qui avait été laissé à l’abandon. Au moins, l’hôpital récupérerait son bien, ou quelqu’un pourrait le retrouver.

- « Je comprends mieux. » C’était vrai qu’il semblait avoir eu des difficultés à chaque fois qu’ils avaient traversé la lumière. « Vous êtes vraiment têtu. J’aurais pu y arriver. Pas la peine de vous faire subir ça. Vous croyez que j’vais me sentir comment si vous vous blessez ou allez mal ou je ne sais quoi ? »

Elle ne voulait pas être aidée ou protégée ou peu importe si c’était au détriment de sa santé. Le pire, c’était qu’il continuait à la pousser alors qu’il faisait de plus en plus clair. Elle l’obligea à ralentir en retenant comme elle pouvait les roues.

- « Laissez tomber. J’vais y aller seule, pas question que vous vous approchiez de l’hôpital si c’est pour faire un malaise ou je ne sais quoi, quoi que vous ayez. Vous m’avez aidé, je ne vous serai jamais assez reconnaissante mais, ça suffit ! Mettez-vous à l’abri, rentrez chez vous, j’en sais rien moi. J’suis sûre que vous connaissez quelqu’un pour vous examiner hors de l’hôpital. S’il vous plait, mettez-vous en sécurité. »

Si Grayman devait faire un malaise, tomber malade ou elle ne savait trop quoi, par sa faute, elle ne saurait pas comment réagir. Surtout que c’était pour elle. Et elle n’aurait pas supporté que quelqu’un se mette en danger, même un tout petit peu pour elle. Elle n’avait pas l’habitude qu’on s’inquiète pour elle, qu’on s’occupe d’elle et l’idée même d’être responsable de quelque chose qui pouvait nuire à quelqu’un la rendait malade.

- « J’vous donnerai de mes nouvelles si vous voulez mais laissez-moi y aller seule. Ça va aller, j’en ai vu d’autres. »

Pas comme ça bien sûr mais, elle avait été confrontée à tellement de situation qu’elle était persuadée qu’elle s’en sortirait bien, comme toujours.

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Visiblement, l’un comme l’autre, ils étaient têtus. De son côté, Elspeth ne voulait pas qu’il avance et lui, de son côté, il était bien décidé à aller jusqu’au bout. Crétin. Est-ce qu’il était masochiste ou quelque chose comme ça ? Franchement. C’était idiot de se faire du mal, surtout pour quelqu’un qu’on ne connaissait même pas. Ça l’agaçait autant qu’elle se sentait privilégiée et elle ne savait pas plus quoi faire de ça que du reste. Problème, même en y mettant tout son cœur, Grayman semblait bien décidé, quoi qu’elle puisse dire. Son petit sourire en disait long sur ses intentions, elle venait de gaspiller sa salive. Elle râla allègrement en l’écoutant faire son petit discours à lui.

- « Mais je peux me pousser moi-même bon sang. C’est plus de l’altruisme, c’est du masochisme. » Pour elle-même, elle ne put pas s’empêcher de l’insulter entre ses dents. « Stupide géant chauve. »

Tout ça était parfaitement ridicule mais avait au moins le mérite de la détourner de la réalité immédiate de la situation, de celle qu’elle avait affronté dès qu’elle aurait passé ces portes. Quand il reprit son bon de phrase à son compte, elle soupira en levant les yeux au ciel.

- « C’est ridicule. Vous êtes ridicule. On a pas idée de se faire du mal pour une inconnue. »

Elle abandonna cependant, elle ne pouvait pas gagner, pas contre la force qu’il mettait à la pousser et elle avait déjà un doigt fragilisé. Pas la peine de le déboîter à nouveau à cause d’une fichue tête de mule qu’elle ne connaissait pas ou peu. Non, pas. Elle le laissa donc la conduire au plus près jusqu’à ce qu’il lâche le fauteuil et soit obligé de reculer.

- « J’espère bien, vous êtes quasi aussi pâle que moi et c’est pas flatteur. J’fais comment pour vous remercier ? Je demande si quelqu’un a vu un immense têtu chauve avec des tatouages, sensible à la lumière et qui fait dans le contact humain ? Ou alors vous préférez avoir la paix ? »

Parce qu’elle voulait pouvoir au moins le remercier. Cela dit, s’il ne voulait pas de ça, elle pouvait aussi le comprendre. Après tout, ils ne se connaissaient justement pas du tout et il n’en avait peut-être rien à foutre d’avoir des remerciements d’une grande brindille blonde aussi têtue que lui. Il voulait peut-être juste la paix après tout ça et oublier.

- « Laissez tomber. C’est stupide. Merci de m’avoir aidé à venir jusqu’ici. »

Alors qu’elle disait ça, un urgentiste arrivait déjà vers elle en lui demandant comment elle allait jusqu’à ce qu’il voit ses soins de fortune. Discrètement, autant que possible, elle lui fit signe de se tirer. Il n’aurait plus manqué qu’il soit remarqué par l’infirmier ou elle ne savait quoi et qu’il se retrouve coincé et véritablement en mauvaise posture pour sa santé alors qu’elle, elle serait en sécurité.