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 ≈ say something (russell&blake)

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MessageSujet: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeJeu 4 Fév 2016 - 4:47


Say something, I'm giving up on you
— russell & blake —
And I... am feeling so small. It was over my head. I know nothing at all And I... will stumble and fall. I'm still learning to love. Just starting to crawl. Say something, I'm giving up on you. I'm sorry that I couldn't get to you. Anywhere I would've followed you. And I... will swallow my pride, You're the one that I love And I'm saying goodbye.

Les jours s'écoulaient, et ils s'ressemblaient tous, bien que celui-ci avait un petit quelque chose de différent. Mais en général, dès qu'elle ouvrait les yeux, c'était une pensée pour sa fille. Avoir gardé toutes ses affaires dans l'espoir de la retrouver n'aidait pas à oublier. N'aidait pas à passer à autre chose. Mais la métisse n'en avait aucune envie. Elle voulait retrouver son enfant qu'on lui avait arraché sans crier gare. Pourtant, elle était flic, elle savait bien que dans les cas comme celui-là, les chances de la retrouver en vie était plus mince que... Non, en fait, c'était impossible. Peut-être bien qu'elle se faisait mal à continuer d'espérer alors que son esprit logique, calculateur - son esprit de flic - lui rappelait sans cesse que c'était en vain. Alors, les affaires de Lydia traînaient encore dans sa chambre d'enfant qui prenait la poussière. Vide des cris de joies d'la gamine qui avait les yeux d'son père. C'était une véritable torture... plus que n'importe quelle douleur qu'elle se voyait aujourd'hui obligée de supporter. Un verre de vin en se levant, les rideaux toujours fermés sur le monde, elle ne sortait que peu en ce moment - la mutante - et c'était avec réticence qu'elle s'était forcée à se préparer pour sortir aujourd'hui.

Échapper aux murs de plus en plus oppressants de l'appartement. Parce que ça faisait deux ans aujourd'hui. Deux ans que Lydia avait disparu, et qu'elle avait accepté de voir Russell pour l'occasion. Malgré tout c'qui était arrivé entre eux, Lydia - sa disparition - c'était une douleur qu'ils partageaient. Douleur, douleur... douleur. C'était tout ce qu'elle avait l'impression de ressentir en ce moment. Encore plus quand elle avait ouvert la porte de la chambre de la petite pour prendre quelques affaires. Elle n'avait pas trop compris pourquoi son ex-mari lui avait demandé d'apporter des articles de bébés qui avaient appartenu à Lydia. Elle le savait peu sentimental mais elle n'avait pas posé plus de questions. S'il lui avait demandé, y'avait une raison. Une bonne raison. Même si fallait l'avouer, ça l'inquiétait un peu. Qu'est-ce qu'il pouvait bien vouloir faire avec des biberons et des petites couvertures ? L'idée qui lui passait par la tête, elle la chassa aussitôt. Il lui demanderait jamais ça pour... Non. Pas alors que c'était l'anniversaire de la disparition de Lydia. Il le connaissait trop bien pour laisser une idée aussi absurde faire son chemin jusqu'à son esprit. Alors, elle avait plongé dans les vieilles boîtes et tiré des minuscules chaussettes roses. Quelques sucettes et des jouets. Elle avait attrapé une boîte en carton et les avaient délicatement posé à l'intérieur. Presque religieusement. Si elle ne pouvait pas tenir sa fille dans ses bras en ce moment, elle pouvait en tout cas prendre soin de ses affaires. La mélancolie cognait aux frontières de son coeur, et elle peinait à s'protéger. Pour échapper à la torture, elle se redressa brusquement, le carton entre les mains et tourna le dos à la chambre de Lydia, quittant l'appartement avec ses quelques affaires de bébé. Fourrant tout cela sur le siège arrière de la voiture, elle attrapa le volant et roula, fenêtre ouverte pour laisser le vent purificateur fouetter son visage. Elle roula pendant de nombreuses minutes avant d'arriver aux abords du poste de police. Cependant, elle n'y pénétra pas, se dirigeant plutôt au petit café du coin où elle apercevait Russell à travers la fenêtre.

La Ashcroft n'était pas du genre à reculer mais pendant quelques secondes, un infime moment, elle resta immobile avec l'envie de rebrousser chemin. C'était quand la dernière fois qu'elle lui avait tenu la main, dans ses bras ? C'était quand qu'elle lui avait tout simplement parlé ? De tout et n'importe quoi. Sa présence lui manquait. Sa voix, son regard posé sur elle. La sensation réconfortante des battements de son coeur. Lui qui s'arrêtait à chaque fois qu'elle approchait. Aurait-elle seulement l'occasion de le ressentir battre de nouveau ce coeur qui lui avait appartenu et qui lui avait échappé ? Qu'elle avait laissé partir. Parce qu'elle avait cru que ce serait moins douloureux que de continuer à se déchirer comme ils le faisaient lentement, comme un poison dans leurs veines qui les séparaient toujours un peu plus. Mais alors, pourquoi sentait-elle son coeur s'emballer dans sa poitrine au moment de voir son visage de l'autre côté d'cette vitre ? Reprenant au mieux ses esprits, la mutante prit la boîte, verrouilla sa voiture et s'avança d'un pas décidé vers le café. Poussant la porte, elle entendit le son de cloches qui s'entrechoquent si particulier de l'établissement où elle venait si souvent prendre son café quand elle travaillait juste à côté. Le signal qui annonçait la joute des amants maudits. Un pas devant l'autre. Ne pas oublier comment marcher pour ne pas avoir l'air de la parfaite idiote. Blake s'approcha de la table, son ancien époux assis de dos, elle le contourna et déposa la boîte doucement devant lui. « Bonjour, Russell. » Laissa-t-elle tomber calmement, même si au fond, elle ne l'était pas du tout. Pas quand il était dans les parages. Elle se voulait la plus courtoise possible parce que malgré les cris, malgré les larmes et les déchirures, elle n'le détestait pas. Il ne le pourrait jamais. En fait, elle l'aimait.

Ouais, elle l'aimait plus qu'tout dans ce monde, encore plus maintenant que Lydia avait disparu. Mais c'était trop douloureux de se l'avouer. La brune hésita un instant à s'asseoir, jetant un coup d'oeil à la banquette qui lui faisait face. « Est-ce que tu attendais quelqu'un d'autre ? » ajouta-t-elle d'un air détaché. La personne à qui était destiné les affaires de Lydia, peut-être. Elle reporta son regard noisette sur lui pour constater qu'il avait l'air aussi fatigué qu'elle. Et surtout, elle constatait que les mots lui manquaient. Elle ignorait quoi dire dan ce genre de situation. Bonne fête à l'anniversaire d'la disparition de Lydia ! On souffle les bougies ? Non, elle préféra baisser la tête sur le contenu de la boîte, et revenir au sujet principal de sa visite ici, bien que l'absence de leur fille se faisait immédiatement sentir quand ils entraient dans la même pièce. « Hum... et je t'ai apporté c'que tu m'as demandé. » Elle avait ardemment envie de lui demander c'était dans quel but au juste, mais elle se retint. Ce n'était pas de ses affaires et ce, même si la question lui brûlait les lèvres.

Comment vas-tu ? Tu m'as manqué. Tous des mots qui ne quittèrent jamais ses lèvres également...


Dernière édition par Blake Ashcroft le Ven 19 Fév 2016 - 0:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeJeu 4 Fév 2016 - 6:23


not lovin' you
is harder than you know


Deux ans. Deux ans, désormais, que sa vie n’était plus qu’une suite d’erreurs. Incontrôlées, tout d’abord : il s’était laissé glisser dans la folie et la démesure, perdant toute once de lucidité. Il s’était enfoncé jusqu’à ne plus pouvoir s’en sortir seul ; jusqu’à avoir besoin de se faire mettre au frais pour réfléchir longuement à ce qu’il avait été, ce qu’il était devenu, et ce qu’il serait désormais. En prison, il avait pris conscience que ce dernier point ne concernait que lui. La disparition de sa fille, la mort de son mariage, sa suspension professionnel, le lâcher-prise de sa raison — tout cela ferait désormais partie du poids de son passé, partie du bagage qu’il traînerait jour après jour à sa suite. Mais en ce qui concernait demain, il pouvait encore choisir. Choisir du côté par lequel il déciderait d’aborder la pente. Se laisser rouler en bas ne l’attirait plus. Remonter serait pénible, difficile ; mais n’était-ce pas là les deux adjectifs les plus appropriés au résumé général d’une vie ? Il ne tenait qu’à lui de décider de quoi la suite serait faite, et de la place que prendraient ses fardeaux au quotidien. Il avait pris le parti de se relever. Désormais, ses erreurs seraient contrôlées.

Cette fois, pourtant, il avait perdu le contrôle. Appeler Blake était une chose. Lui demander de lui rendre un service, une autre. Il avait réussi à tout garder en main. À faire preuve d’autant de calme et de patience qu’il lui était possible d'en manifester. La cordialité avait été entretenue par le respect inconditionnel qu’il éprouvait à l’égard de son ancienne compagne. Mais au moment de fixer la date du rendez-vous, les choses avaient dérapé. Il n’en avait pas pris conscience sur le coup : la fatigue le terrassait ; la migraine s’était emparé de lui vers le milieu de la journée pour ne plus le lâcher, alimentée par les trois nuits blanches qu’il venait de traverser. À tout hasard, il avait proposé le mercredi qui venait. Elle était disponible, elle avait dit oui. Il avait proposé le café à côté du poste, et elle n’avait pas protesté. Il lui avait souhaité un bon week-end, dit à mercredi, et il avait raccroché. Se massant l’arête du nez, il avait attrapé un crayon pour inscrire un rappel sur le calendrier glissé sous son clavier. Et c’était une fois les mots écrits qu’il avait aperçu la date du fameux mercredi. Les jurons s’étaient échappés alors qu’il prenait conscience de l’ampleur de son erreur. Et pourtant, il n’avait pas changé la date. N’avait pas changé la demande. Trop honteux à l’idée d’avouer à sa dernière raison de vivre qu’il avait alors fixé le jour sans en savoir la portée.

Le premier anniversaire de la disparition de Lydia avait eu lieu quelques jours après sa sortie de prison. Par respect pour Blake, il n’avait pas demandé à la voir. Il savait qu’elle y penserait autant que lui. Lui laisser un message avait été tout ce qu’il s’était chargé de faire à son égard. Pas de tragique bon anniversaire, pas d’amour déplacé à lui transmettre ; un simple mot pour espérer que tout allait bien. Même s’il se doutait que dans ce genre de circonstances, les chances pour qu’elle passe une réelle bonne journée étaient plus infimes que celles de voir une étoile filante en pleine journée. Presque aussi infimes que celles que pouvait avoir Lydia de réapparaître un jour, vivante et en bonne santé.

Assis sur une des banquettes du petit café, il se massait le crâne sans pouvoir cesser de penser. Il ne voulait plus de ces affaires pour bébé qu’il lui avait demandé. Il ne voulait pas voir de souvenirs tangibles de Lydia sur cette table, entre eux — pas en cette journée. Et pourtant, c’était celle qu’il avait choisie. Une erreur qui serait chère payée, et il le savait. Annuler n’aurait fait qu’insister sur l’importance que cette date avait dans leur vie. Venir le condamnait à affronter la peine et la colère qu’il causerait assurément à la métisse, mais c’était le choix pour lequel il avait opté. Emmuré dans son silence, à attendre que les jours ne passent. Et le matin même, lorsqu’il s’était réveillé après une nuit trop courte pour être reposante, ces jours étaient devenus des heures. Désormais, ils n’étaient plus que des minutes. D’un instant à l’autre, elle entrerait. D’un instant à l’autre, il sentirait, enfoui entre ses côtes, son cœur battre à s’en briser. Une légère douleur s’y était installée depuis qu’il avait pris place dans le café, comme pour le préparer à celle qui ne manquerait pas d’arriver sur les talons de Blake. Il aurait voulu fuir. Changer d’idée, régler la note du café, partir. L’appeler pour lui dire qu’il avait eu un empêchement, et reporter l’échéance à plus tard. Oui, mais voilà : s’il y avait bien une personne dans cette vie à qui il ne pouvait pas mentir, c’était elle. Il n’avait jamais pu. Comme un sixième sens, l’avertissant qu’elle saurait s’il tentait. C’était une constante qui s’était installée naturellement entre eux : pas de vérité dissimulée, pas de mensonges ou de cachotteries. Pas d’excuses. Et aujourd’hui, pas de fuite.

Il entendit la clochette du café tinter. Quelques secondes plus tard, un carton se posa sur la table. Il releva les yeux vers la boîte, sans vraiment y accorder d’intérêt. Il n’en examina même pas le contenu, déplaçant bien vite ses iris vers la silhouette si familière qui avait autrefois partagé sa vie. « Blake. » Les formalités venaient de se dérouler sans encombre. Pas besoin de se demander comment ils allaient — l’un comme l’autre le savait. Il se contenta de secouer la tête pour répondre à sa question, lui indiquant la banquette d’un léger signe de tête. « Non, non. Tu peux t’asseoir, vas-y. » Il tenta l’esquisse d’un sourire, qui mourut lamentablement avant même d’avoir réussi à étirer les commissures de ses lèvres. Il poussa un long soupir, avisant le carton qui les séparait, écoutant les quelques mots de la basanée. « Merci. » Il attrapa la boîte pour la poser sur la banquette, à ses côtés. Pas question de la garder sous le nez. Pas question d’avoir à la regarder. Affronter Blake était déjà amplement suffisant.

« J’vais pas te mentir. » Un temps. Après avoir fixé une petite tache sur le bois de la table, il releva le nez vers elle. Ses yeux se plantèrent dans les siens, sans ciller. « Quand j’t’ai appelée, j’avais pas les yeux en face des trous. J’ai dit mercredi, mais j’avais pas vu la date. Sinon, je t’aurais pas infligé ça. » Tu l’sais, n’est-ce pas ? Tu l’sais que j’suis pas comme ça. « J’te remercie d’être venue quand même. Et je m’excuse de t’avoir demandé ça. C’est pour dépanner. Je te les rendrai. » Il n’avait pas encore expliqué les raisons de sa demande. Il n’osait imaginer ce qu’elle pouvait se figurer, mais n’arrivait pourtant pas encore à poser des mots pour se justifier. La simple pensée d’avoir osé lui demander de faire une chose pareille à cette date le mortifiait.

Ses traits ne laissaient rien paraître, mais la douleur résonnait dans tout son être à chaque battement de cœur, chaque bouffée d’air inspirée ou expirée. Il la fixait. La détaillait. Les cernes, le teint plus pâle qu’à l’ordinaire. Les traits tirés. L’air las et usé. L’envie suppliante d’arrêter de penser à toutes ces horreurs et tous ces malheurs dansant au fond de ces iris foncés. À bien des égards, il avait la sensation de se trouver devant un miroir. Reflet de son âme, reflet de ses peines. Reflet de cet amour endeuillé — des époux détruits et des parents dépossédés. Reflet de leur propre fatigue à continuer d’exister.
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MessageSujet: Re: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeVen 19 Fév 2016 - 0:51


Say something, I'm giving up on you
— russell & blake —
And I... am feeling so small. It was over my head. I know nothing at all And I... will stumble and fall. I'm still learning to love. Just starting to crawl. Say something, I'm giving up on you. I'm sorry that I couldn't get to you. Anywhere I would've followed you. And I... will swallow my pride, You're the one that I love And I'm saying goodbye.

Fallait avouer que ça lui faisait bizarre de s'retrouver devant Russell ainsi. D'échanger de simples banalités, des échanges polis après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble. Parfois, elle lui en voulait de ne pas lui donner plus de nouvelles. De ne pas courir à la porte de son appartement seulement pour la serrer contre lui. De ne pas se lancer avec elle dans les recherches de leur fille plutôt que de chercher seul. Car elle le savait. Elle le connaissait. Il devait probablement suivre ses propres pistes, incapable d'abandonner. Cependant, dès qu'elle se permettait ce genre de pensées, elle retombait aussitôt sur terre. Il l'avait trompé. Il n'avait pas été assez présent pour s'assurer que Lydia ne s'fasse jamais enlever au départ - si seulement elle avait été kidnappée - et surtout, elle se rappelait cet orgueil maladif qui la caractérisait et qui l'empêchait de s'avouer qu'elle l'aimait encore. Elle préférait rester aveugle et seule. Tâtonner dans le noir plutôt que de s'avouer que Russell était la seule lumière dans sa vie. Même maintenant qu'ils étaient séparés. « Non, non. Tu peux t’asseoir, vas-y. » Plus bizarre encore quand il l'invita à s'asseoir plutôt que de fuir à toute vitesse aussitôt la tâche de lui apporter les affaires de Lydia accomplie. Au fond, elle était reconnaissante.

L'année dernière, sa présence lui avait manqué plus qu'elle ne le réalisait. La disparition de leur fille lui avait encore plus pesée avec son absence à lui. Le voir, ça lui rappelait des mauvais souvenirs oui, mais tous les bons moments aussi. La seule chose à laquelle elle se forçait de s'rattacher. « Ce n'est rien. » Elle prit donc place, entrelaça ses doigts les uns dans les autres en les déposant sur la table devant elle. Il évitait son regard, elle en avait bien conscience alors qu'elle détaillait ses traits fatigués. Comme les siens. L'ancien couple ; que l'ombre d'eux-mêmes. Et la métisse se demanda ce qui pouvait bien abattre autant son ancien partenaire de vie. Était-ce à cause de la date d'aujourd'hui ? Ou y avait-il plus ? Sans le presser, ne sachant pas trop ce qu'elle pourrait ajouter en réalité, Blake garda le silence jusqu'à ce qu'il finisse enfin pour planter son regard dans le sien. « Quand j’t’ai appelée, j’avais pas les yeux en face des trous. J’ai dit mercredi, mais j’avais pas vu la date. Sinon, je t’aurais pas infligé ça. J’te remercie d’être venue quand même. Et je m’excuse de t’avoir demandé ça. C’est pour dépanner. Je te les rendrai. » C'était donc bien ce triste anniversaire qui expliquait son air absent.

C'était vrai... vrai que ça avait demandé un effort surhumain pour ne pas céder quand elle avait ouvert la boîte. Mais en réalité, elle ne lui en voulait pas parce que se replonger dans les affaires de Lydia n'était rien comparé à la douleur qu'elle avait ressenti en ouvrant les yeux pour réaliser la date. L’anniversaire de sa disparition. Alors bon, ouvrir cette boîte, c'était comme ajouter une goutte d'eau à un océan. L'océan de ses tourments. L'océan de son mal et de ses erreurs. Sa faute. De ne pas avoir pu la retrouver, de ne pas avoir pu la protéger avant tout. Faute qu'elle remettait sur Russell alors qu'elle ne le devrait pas. Parce que c'était au fond la seule manière qu'elle trouvait pour soulager son coeur meurtri par la perte de sa fille. Lui rappelant violemment tous les doutes qu'elle avait eu alors qu'elle était enceinte, qu'elle ne serait pas une bonne mère. Qu'elle ne serait jamais à la hauteur de ses parents. Elle avait lamentablement failli à la tâche, et égoïste, elle préférait s'dire que c'était Russell et son absence qui avait causé la disparition de leur fille.

Assise face à lui, elle l'observa en gardant le silence. Il avait l'air aussi épuisé qu'elle. N'osant même pas jeter un coup d'oeil à la boîte, un détail qui ne lui échappa évidemment pas. Il devait probablement trouver cela stupide qu'elle ait gardé les affaires de Lydia. Plus pragmatique que sentimental. Son parfait opposé. Blake avait beau ne pas faire dans la dentelle - être une femme de caractère avant tout - elle était très émotive, laissait ses émotions la guider. Ses intuitions aussi. Il était donc surprenant de la voir aussi amorphe. Blasée, assise sur le banc alors qu'elle laissait encore et toujours le silence s'imposer. Pour enfin le briser. « C'est pas ton genre de ne pas faire attention à chaque petits détails. Enfin... Ce n'est pas grave. » Elle prit conscience que depuis qu'elle était dans le café, elle se sentait dix fois plus épuisée qu'avant d'en franchir la porte. D'une intuition, d'un bref regard sur les clients autour d'eux pour ensuite reporter ses iris foncées sur lui, indiquèrent à la mutante que le type assis aux côtés de la porte n'avait pas beaucoup dormi. Tout comme Russell dont elle sentait la fatigue s'imposer à elle.

D'ordinaire, elle contrôlait facilement son pouvoir mais depuis le vaccin, c'était une autre histoire. Devenue qu'une simple débutante, elle réalisa alors l'incroyable poids qui lui tombait sur la tête à mesure que la fatigue de son ancien époux et de quelques clients apparemment insomniaques eux aussi s'infiltrait dans chacun de ses membres comme un poison. Y'avait bien une raison pour laquelle Blake préférait s'enfermer à l'appartement ses derniers temps. Elle ne sortait pas, ne voyait personne sauf peut-être son frère qui se pointait chez elle sans trop lui donner le choix. Il était bien le seul à savoir ce qui s'passait chez elle. Alors, elle se trouva bien bête d'avoir accepté de sortir dans un tel lieu public. Mais c'était Russell. Dès que ça venait à lui, elle ne pensait plus très clairement. Ou peut-être qu'elle avait inconsciemment voulu prendre le risque, une excuse pour le voir, ne serait-ce que pour quelques instants. Cependant, l'atmosphère, la fatigue des gens commençait à lui peser alors, d'un geste agacé, elle fit signe à la serveuse aux airs indifférents qui s'approcha. « Je prendrais un café s'il vous plaît. » La Ashcroft se doutait qu'un café réussirait à chasser toutes les sensations extérieures qui s'infiltraient en elle, mais rien ne l'empêchait d'essayer.

Reportant son attention sur son ex-mari pour lui laisser le loisir de commander quelque chose s'il le désirait, elle attendit que la serveuse retourne en cuisine avant d'ajouter. « Je suis contente de te voir. Malgré la date. Surtout la date, en réalité. » Elle se tut, hésitant à ajouter quoi que ce soit d'autre. Quoi de neuf ? Comment tu vas ? T'as mis une autre femme enceinte, c'est pour ça que tu as besoin des affaires de Lydia ? Que des formules banales, sans importance, des questions qu'elle n'osait pas poser et qu'elle préférait garder pour elle. Et puis, elle le sentait... elle savait déjà comment il allait. Il était fatigué. Autant qu'elle. Peut-être plus... elle n'arrivait pas vraiment à démêler les sensations qu'elle sentait fluctuer autour d'elle, peinant à démêler les siennes de celles des autres. Elle tenta un vague sourire alors que la serveuse revenait déjà avec la commande. Comment en étaient-ils arrivés là ? Une question sans réponses. Ou plutôt, trop de réponses pour arriver à en mettre de l'ordre. Toujours, elle s'enfonçait pourtant, elle trouvait le moyen de s'accrocher aux iris claires de Russell - elles qui contrastaient si bien à l'abysse des siennes.

Abysse dont laquelle il semblait s’enfoncer avec elle. Elle le voyait, le ressentait.
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MessageSujet: Re: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeDim 21 Fév 2016 - 3:57


i need some sleep
you can't go on like this


La remarque le blessa plus qu’il n’aurait pu l’imaginer. Il baissa les yeux, croisant ses mains sur la table, regardant un instant ses doigts abîmés. Ses dents s’étaient serrées, imperceptiblement, tandis qu’il s’efforçait de ne pas mal accuser les quelques mots qu’elle venait de prononcer. Il avait parfaitement conscience qu’elle était dans le vrai. Que d’ordinaire, il n’aurait pas laissé passer ce genre de détail. Éveillé, pensant à tout. L’esprit aux abois de tout ce qui aurait pu se produire, de tout ce qui aurait pu entraver la cordialité de leur éventuelle rencontre. Et la date était primordiale. D’autant plus durant cette période-ci de l’année. Oh, non, il n’avait pas oublié. Il n’avait jamais oublié, et ne le pourrait jamais. Mais une part de lui, semblait-il, avait décidé de faire fi de la concordance entre jours de la semaine et dates, au moment où ils s’étaient eu au téléphone. Il ignorait pourquoi. Un psy aurait sûrement jugé cet incident comme un acte manqué, et l’aurait interrogé sur les pensées qui, d’après lui, auraient pu le causer. Mais il n’y avait pas de psy. Il n’y avait plus de putain de psy depuis une paye déjà, et il ne voulait plus en entendre parler. Les heures de thérapie ne lui avaient pas ramené sa fille, ni sa femme. Elles ne lui avaient pas redonné le sommeil, ni l’estime de son entourage et de ses collègues — et encore moins d'estime de lui-même. Ça lui avait fait claquer plus de fric qu’autre chose, et il n’était pas prêt de recommencer. Sauf, peut-être, si Blake l’exigeait de lui. Mais il semblait plutôt clair qu’elle était passée à autre chose. Qu’elle se moquait bien de la manière dont il pouvait vivre sa vie, aujourd’hui. Il faisait comme il l’entendait, elle ne voulait plus s’en mêler. Ou peut-être était-ce simplement plus aisé de se le figurer.

« Bah tu vois, comme quoi, des fois. » Il avait fini par répondre, un rictus crispé au coin des lèvres, un rapide regard du bout des yeux. Pas envie de se prendre la tête avec elle pour ça. Pas envie d’être froid, ou méprisant. Il soupira brièvement, releva le menton. Une tentative de faire un effort, et un sourire las passant sur ses traits. « Je suis fatigué, j’ai… J’ai pas toujours les pensées bien alignées. J’suis désolé. » Il n’aurait peut-être pas dû insister, ou chercher à se justifier de la sorte. Mais une part de lui ne pouvait s’en empêcher. Sauver la situation, sauver les apparences. Encore, et encore.

Il se mura à nouveau dans le silence, tandis qu’elle se commandait un café. Il voyait la fatigue sur ses traits, le poids de sa vie peser sur le fond de ses yeux. Il avait fait rapidement signe à la jeune femme au tablier, qu’elle lui ramène également un café. Le marmonnement avait été bref, mais loin d’être impoli — pas son genre. Il la laissa retourner en cuisine, leur préparer ce qu’ils avaient demandé. Son regard retourna attraper Blake. Les mots qu’elle prononça lui serrèrent le cœur, mais il se força à un nouveau sourire, aimable quoique brisé. « Je suis content de te voir aussi. » Ses mains passèrent sur sa tête, ramenant ses courts cheveux en arrière, quelques instants. Il finit par soupirer, croiser ses bras, laisser ses coudes s’appuyer sur la table. Il n’arrivait pas à la fixer. Fuir son regard, regarder ailleurs. Observer ses mains, ses doigts si longs et qu’il devinait toujours aussi doux. La grâce de ses mouvements, la beauté de sa silhouette. Il tentait à tout prix d’esquiver son visage et ses yeux, ses iris mats et durs. Il sentait les questions en filigrane. Toutes ces interrogations qu’elle n’osait poser, et qu’il n’avait de toute manière pas envie d’entendre. Pourtant, sachant qu’elles viendraient, il préférait encore les anticiper. Tuer le mal dans l’œuf, avant qu’elle ne s’imagine qu’il avait pu commettre quelque manquement à un amour qu’il n’était jamais parvenu à complètement éteindre. Car si elle croyait qu’il était passé à autre chose, elle se trompait. Bien plus qu’il n’était possible de l’imaginer. « Tu te souviens de Crescentia ? » La baby-sitter de Lydia. Je sais que tu te souviens d’elle. Ne mens pas. Ne me force pas à te rappeler ça. « Elle a eu un petit garçon. Samuel. » Ne me regarde pas. Ne me demande pas si c’est le mien. Ne me fais pas cet affront. « C’est pour la dépanner un peu. » Il déglutit. Un léger silence, durant lequel il se demande s’il lui fallait compléter sa réponse, expliquer qu’il avait emménagé avec la petite Spiegelman pour l’aider. Il jugea néanmoins cet ajout temporairement inutile, et se concentra sur le café que la serveuse leur ramenait. Un petit hochement de tête, poli. « Merci. » Ce genre de petit plaisir n’était pas pour lui coûter d’autres nuits. Peut-être aurait-il mieux dormi s’il évitait la caféine. Ou peut-être que ça n’aurait rien changé. Peut-être qu’il se serait retrouvé tout simplement incapable de faire autre chose que de végéter sur son lit, ou à la fenêtre. Peut-être qu’à l’inverse, le café l’aidait à rendre parfois productive ces trop longues nuits sans fermer l’œil. Dans le fond, qu’en savait-il ? Dans le fond, s’en souciait-il ?

« Pourquoi t’as démissionné ? » Les mots éclatèrent sur le bord de ses lèvres, sans qu’il ne puisse les retenir. Sans qu’il ne puisse les contrôler. Peut-être aurait-il mieux valu qu’il attende que les explications viennent de Blake elle-même, tout comme elle avait attendu pour qu’il ne s’explique sur les affaires de bébé. Mais une part de lui n’était pas patiente. Une part de lui préférait se jeter dans la gueule du loup, et confronter. Une putain de part de lui qui voulait savoir. Savoir pourquoi elle avait quitté ce boulot qui était toute sa vie. Savoir pourquoi, du jour au lendemain, après des mois à supporter de fréquenter les mêmes couloirs que lui, elle avait purement et simplement claqué la porte derrière elle — sans même lui fournir les explications qu’elle n’était pas obligée de lui donner. Cette envie de vérité le rongeait, au point de l’en faire affronter les yeux de Blake. Au point de s’aventurer dans un terrain miné depuis deux ans déjà. Comme une attirance pour le danger, pour le risque que représentait cette demande à la jeune femme de s’ouvrir à nouveau à lui. Un attrait qui faisait on ne peut mieux ressortir la persistance de ses actes d’autodestruction. Ceux-ci ne se manifestaient plus aussi clairement, se contentaient de résider dans de petits détails quotidiens comme celui-ci. Mais ils continuaient d’exister, insatiables. Comme une punition pour avoir brisé sa vie, et détruit celle de Blake.

Une condamnation amère, pour l’inculpation du lourd crime qu’il commettait, chaque jour, à continuer d'être lui-même.
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MessageSujet: Re: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeSam 27 Fév 2016 - 16:28


Say something, I'm giving up on you
— russell & blake —
And I... am feeling so small. It was over my head. I know nothing at all And I... will stumble and fall. I'm still learning to love. Just starting to crawl. Say something, I'm giving up on you. I'm sorry that I couldn't get to you. Anywhere I would've followed you. And I... will swallow my pride, You're the one that I love And I'm saying goodbye.

Étaient-ils destinés à n'être que deux âmes errantes chacun de leur côté à se croiser seulement dans un lieu aussi banal que le café à côté du poste et à n'oser prononcer quelques mots dans la crainte de trop se dévoiler ? Réduits qu'à cela après des années à s'aimer - s'aimer encore sans le montrer ou l'accepter. Il y avait tant de choses qu'elle voulait lui dire pourtant, elle se muait dans le silence. Parce que c'était plus facile, ça demandait moins d'efforts. Et puis parce que c'était elle qui était partie... elle aurait tellement l'air hypocrite d'essayer de s'enquérir de sa vie. Il n'avait pas essayé de la retenir et elle était trop orgueilleuse pour avouer que sa présence lui manquait. Malgré ce qui avait pu se passer entre eux - la disparition de Lydia puis l’infidélité de Russell - elle n’oubliait pas tous les bons moments qui avaient précédés et des moments comme ceux-là, elle espérait qu'elle en connaîtrait d'autres... Bien que cela lui semblait impossible. Impossible sans Lydia... Et sans Russell non plus. Quand elle tentait de s'imaginer une vie pù elle passait à autre chose, c'était impossible parce que c'était toujours son visage à lui qu'elle imaginait quand elle se voyait revenir les joies de l'amour.

Puis des moments d'innocence, ça lui semblait si étranger à cette ville aussi brisée qu'elle. Aussi fatiguée... Et lui aussi. « Bah tu vois, comme quoi, des fois. Je suis fatigué, j’ai… J’ai pas toujours les pensées bien alignées. J’suis désolé. » Pas besoin de lui dire qu'elle l'avait ressentit déjà alors, elle se contenta d'hocher la tête avec entendement. Et une fois la serveuse retournée en cuisine, ils étaient de nouveau seuls. En face à face. Lointains et pourtant si proches par toutes ses expériences de vie qu'ils avaient partagés ensemble. Et même divorcés, ils continuaient à souffrir de façon identique à la réalisation de la date maudite qui s'affichait sur le calendrier, aujourd'hui. « Je suis content de te voir aussi. » Elle tenta un sourire, faible mais bien présent, là quelque part sur ses lèvres. Soulagée que malgré tout, elle n'était pas devenue une étrangère pour lui dont il ne se soucierait pas, qu'il détesterait pour être partie. Il dût deviner toutes les questions qu'elle se retenait de poser puisqu'il finit par laisser tomber quelques explications. « Tu te souviens de Crescentia ? Elle a eu un petit garçon. Samuel. C’est pour la dépanner un peu. » Aux yeux de n'importe qui, ces explications auraient pu paraître peu convaincantes, maladroites et essayer plus de questions encore mais pas à ceux de la métisse. Elle connaissait assez Russell pour comprendre entre les lignes. Elle a eu un fils. Si c'était le sien, il l'aurait dit sans détours et soudain, tout était clair. Il ne cherchait qu'à dépanner l'ancienne baby-sitter de Lydia.

Il lui avait avoué avoir été infidèle, était d'une franchise déconcertante alors ces quelques mots suffirent pour éclaircir un peu la situation qui l'avait mené à faire une telle requête. Si elle avait bien appris une chose de leur divorce était que Russell était l'homme le plus honnête qu'elle connaissait - quitte à ce que la vérité blesse, massacre son coeur. « Je vois. Tu l'as salueras de ma part. Et j'espère qu'elle va bien. » Mieux qu'eux en tout cas... À peine avait-elle prononcé ces mots que la serveuse revenait avec leurs cafés. Les anciens époux la remercièrent à l'unisson et une nouvelle fois, se retrouvèrent en tête-à-tête ; une vision presque irréelle. Soufflant sur sa tasse, la belle se figea à la question du Fitzgerald. « Pourquoi t’as démissionné ? » Tension dans les muscles, regard soudain fuyant, Blake semblait se refermer sur elle-même à une vitesse hallucinante. Ce n'était pas de ses affaires mais elle ne voulait pas lui mentir, ni éviter la question. Piégée, prise dans une impasse. Pour une rare fois de sa vie, elle était prise au dépourvu. Qu'est-ce que ça pouvait leur faire - à tous - qu'elle ait quitté son poste ? Son frère, Darian et maintenant Russell. La question était sur toutes les lèvres, à croire qu'ils s'étaient tous passé le mot.

Elle soupira donc en reportant son regard sombre dans le sien - si perçant qu'elle eut l'impression qu'il pouvait lire au plus profond de son âme. « Je suis malade et j'arriverais plus à faire mon boulot correctement. » C'qui était la vérité... Et parce que le poste était rempli de hunters et que ça la dégoûtait plus que de la mettre en danger. Bien sûr, elle se garda bien d'ajouter quoique ce soit. Elle n'aimait pas omettre le détail le plus important. Elle voulait lui dire que c'était aussi et surtout parce qu'elle était mutante, ne contrôlant plus son don qui lui faisait ressentir les états physiques autour d'elle mais ce n'était ni l'endroit, ni le moment. Tout de même, elle ajouta : « C'est plus compliqué que ça, j'vais être honnête mais je préférerais ne pas en parler. Pas maintenant en tout cas. » Peut-être un jour, quand la situation ne serait pas aussi... bizarre. Et parce qu'elle se voyait mal lancer joyeusement au milieu d'un café ; Bah je suis une mutante avec un merveilleux don qui me fait souffrir le martyr. Puis bon, si elle n'en avait jamais touché mot auparavant, c'était parce qu'elle ne s'était jamais considérée comme étant différente. Il méritait de savoir, depuis les premiers jours, mais elle n'avait rien dit, n'y voyant pas l'intérêt. Et aujourd'hui, elle se retenait. Pas ici. Pas maintenant et elle espérait qu'il ne poserait pas plus de questions. « J'ai décidé plutôt de me concentrer uniquement sur le dossier de Lydia. »

Ramener le sujet de leur fille lui faisait mal. Mais elle avait besoin qu'il sache. Elle n'oubliait pas et n'abandonnerait jamais ses recherches. Jamais. Tant qu'elle n'aurait pas un corps à enterrer- l'idée lui arrachant un frisson et un insupportable pincement au coeur - ou une fillette à serrer dans ses bras avec soulagement. Elle baissa les yeux sur ses mains crispées sur la tasse brûlante posée sur la table, faisant fi de la douleur. Parce qu'aucune souffrance physique n'arrivait à la cheville du mal profond qui la prenait en ce jour d’anniversaire bien lugubre. « Je vais la retrouver, ou découvrir ce qui lui est arrivé même si je dois en crever. » Laisse-t-elle tomber dans un murmure. Murmure brisé, destiné qu'à eux ; les parents maudits. Je te le promets...
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MessageSujet: Re: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeSam 26 Mar 2016 - 5:43


i stepped into an avalanche
it covered up my soul


Mentir à Blake ne lui était jamais passé par l'esprit. Son honnêteté au quotidien n'était plus à prouver à ses proches, mais il lui était bien souvent arrivé de taire la vérité, plutôt que de la voiler par quelque factice parole que l'on finirait tôt ou tard par démasquer. Le silence n'était pas un mensonge. Ce n'était pas non plus un aveu, mais personne ne pouvait lui tenir rigueur d'avoir préféré se taire, lorsqu'il mettait cette option en confrontation avec celle de la modification de la vérité. Mais Blake, elle, était sûrement la seule à qui il avait toujours amené cette foutue vérité, à la place même du silence. Il aurait pu taire son infidélité, il y a deux ans. Faire comme si de rien n'était, et profiter de l'état catatonique dans lequel les avait laissé la disparition de Lydia pour expliquer une nuit d'absence. Il aurait pu ne rien dire, et sûrement l'imaginaire de la Ashcroft aurait-il complété les blancs en suggérant qu'il avait erré toute la nuit dans les rues de la ville pour retrouver leur fille. Une hypothèse qui aurait été tout à fait plausible — ni la première fois ni la dernière qu'il l'aurait fait. Mais c'était naturellement que les mots étaient venus faire éclater le peu qu'il restait de leur mariage, extrêmement fragilisé par la disparition de ce qui était devenu son principale liant. Le silence serait devenu un mensonge, et le pire de tous. Le silence avait disparu dès que son regard était tombé sur elle — et pas un seul instant il n'avait d'ailleurs prévu de le conserver. Blake méritait la vérité. Par amour pour elle, il se devait de la lui présenter. Un cadeau empoisonné qui présentait certes nombre de bons côtés, mais autant de mauvais.

Et c’était l’un des mauvais qui avait en partie tout gâché. Si son comportement n’avait pas été déviant, rien de tout cela ne serait arrivé — certes. Mais lorsque le moment s’était présenté, il n’avait pas hésité. Il avait planté un pieu dans le cœur de leur mariage, l’achevant tout bonnement. Le prenant dans ses bras, calmement, tandis qu’il le contemplait, par sa faute agonisant. Et aujourd’hui encore, il n’arrivait pas à regretter sa décision. Il se haïssait de lui avoir été infidèle ; une culpabilité qui le rongerait jusqu’à la fin de ses jours, probablement. Mais d’être resté honnête et franc avec elle jusqu’au bout, jamais il ne pourrait souhaiter qu’il en eût été autrement. C’était là l’incarnation de la pureté du respect qu’il éprouvait à son égard. Un respect qui n’avait d’égal que l’amour qui y était étroitement mêlé, depuis plusieurs années déjà.

« Je n’y manquerai pas. » La voir là et lui parler de tout ça lui arrachait le cœur. Lambeaux de chairs palpitant hors de sa poitrine béante, déposés sur la table avec autant de sincérité que la vérité elle-même. Il voyait Samuel, chaque jour, et ne pouvait s’empêcher de songer à Lydia. Ce petit homme lui redonnait espoir en la vie — tout comme Aurora, et tous les enfants qu’il lui arrivait de croiser. Un bonheur auquel les autres avaient encore le droit, et qu’on leur avait volé. Au fond de lui, il se l’était déjà demandé : aurait-il voulu le revivre ? Aurait-il aimé que cette chance lui soit redonnée, avec tous les risques qu’elle comportait ? N’aurait-il pas eu trop peur d’échouer à nouveau ? Ne valait-il mieux pas qu’il s’occupe des enfants des autres à la place, et qu’il ne les protège comme il n’avait pu protéger Lydia ? Trop d’interrogations qui restaient généralement sans réponse. Mais à voir Blake, là… . Devant lui, l’air aussi fatiguée et aussi dévastée qu’il ne pouvait l’être, achalée par la cruauté de la vie, maltraitée par ses soubresauts chaotiques et dévastateurs ; il ne pouvait empêcher la pensée d’une nouvelle chance de se frayer un chemin au milieu du capharnaüm de son esprit. Il savait que les choses ne redeviendraient jamais ce qu’elles avaient été. Qu’il n’y avait pas la moindre chance pour que Blake lui pardonne un jour, ou ne décide de l’inscrire sur cette nouvelle page qu’elle écrivait depuis leur séparation. Mais l’espoir douloureux refusait de se gommer, le torturant chaque jour un peu plus, et avec un peu plus d’acharnement.

La réponse qu’elle lui offrit lui glaça le sang dans les veines. Malade. Suivant immédiatement le frisson qui dévala son échine à l’entente de ce mot, son cœur se mit à battre frénétiquement entre ses côtes. Malade. Malade de quoi ? Il aurait voulu lui demander, voulu l’interroger. Savoir la vérité, comprendre ce qui l’attendait. Mais elle le rabroua, proférant son envie de ne pas en parler. Pas ici et pas maintenant. Pourtant, au fond du cœur du Fitzgerald, l’ordre ne parvenait pas à s’installer. Il aurait voulu qu’elle lui explique. Qu’elle lui raconte le fondement de ce foutu mot, et qu’elle lui laisse ne serait-ce qu’une maigre chance de cerner la manière dont la vie avait décidé de s’acharner. Le supplice n’avait-il donc pas de fin ?

Lydia. Il ne se rend pas compte que depuis l’annonce d’une maladie, il a serré les dents. Ses doigts se sont crispés sur sa tasse de café, et il ne s’en est pas réellement caché. Les muscles de sa mâchoire jouent sous sa peau, alors qu’il sent une légère douleur y résonner. Mais impossible de se relâcher — impossible de se détendre. Elle a fait voler sournoisement en éclat toutes les barrières qu’il avait tenté d’ériger. L’inquiétude qui règne en son cœur est d’un degré équivalent à celle qui l’aurait animé s’il avait toujours porté son alliance. Il n’y avait pas de différence. Il n’y en avait jamais eu. Et la mention du nom de leur fille n’arrangeait rien ; la déclaration de Blake ne faisait qu’empirer les choses. Il l’imaginait, enfermée chez elle, planchant sur ce dossier fantôme. Il n’aurait eu l’idée de la blâmer — ce même foutu dossier était devenu son livre de chevet, et il se rendait fou à tenter de voir les détails sous un nouveau jour à chaque lecture. Mais s’en douter était bien différent de se l’entendre dire. Et il voyait ses mains à elle, crispées elles aussi autour de la tasse fumante. Et la douleur dans leur cœur, miroir. Écho. Il n’avait plus les mots pour la rassurer — l’infidélité les lui avait enlevés, l’avait mis au ban. Il se retrouvait démuni, interdit de l’approcher, interdit de l’apaiser. Peut-être était-ce ce qui rendait sa souffrance si insupportable, à chaque jour qui passait.

Le silence s’était incrusté entre eux. Indélogeable, épais. Lourd et pénible. Le Fitzgerald ignorait combien de temps il serait capable de le soutenir. Combien de temps il pourrait supporter d’être placé dans cette inconfortable posture de rejeté. Et finalement, le soupir s’échappa. Ses mâchoires ne se desserrèrent pas, mais une de ses mains relâcha sa tasse pour passer sur ses traits tirés. Une seconde, durant laquelle il crut pouvoir se retenir. Crut être capable de se taire, et de respecter la volonté de la métisse. Seconde qui se rompit au moment où sa main, redescendant de son visage, claqua contre la table, faisant sursauter les condiments entassés non loin, et trembler les surfaces noires de leurs cafés. Un temps. Les paupières qui s’étaient closes se rouvrent finalement. « J’peux pas. J’suis désolé, mais j’peux pas. » Les nerfs à bout, le cœur à vif. Incapable de garder plus longtemps le désespoir qui le secouait depuis qu’un seul foutu mot s’était frayé un chemin dans la conversation. « Tu peux pas m’dire que t’es malade et t’en tirer d’une pirouette en disant qu’t’as pas envie d’en parler. T’as pas l’droit d’me faire ça. » Un sourire écorché, lame de fond d’une rupture nerveuse en devenir. « J’vais pas te forcer si t’as pas envie qu’on en parle. Mais dis-moi au moins si c’est grave. » Me fais pas ça. Me laisse pas comme ça. Au nom de c’que t’as encore pour moi. Au nom de Lydia. « J’serai pas capable de sortir d’ici sans savoir si j’vais te perdre, toi aussi. » Me fais pas ça. Me laisse pas. Pas comme ça. T’as p’t-être jeté ton alliance, mais la mienne entrave toujours les soufflets de mon cœur. T’as p’t-être tiré un trait, mais moi j’l’ai jamais fait. Si ça t’fait rien de m’achever, alors aies au moins le courage d’aller jusqu’au bout. Si c’est pas pour moi, fais-le pour toi.
Si c’est pas pour toi, fais-le pour Lydia.

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MessageSujet: Re: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeJeu 28 Avr 2016 - 1:40


Say something, I'm giving up on you
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And I... am feeling so small. It was over my head. I know nothing at all And I... will stumble and fall. I'm still learning to love. Just starting to crawl. Say something, I'm giving up on you. I'm sorry that I couldn't get to you. Anywhere I would've followed you. And I... will swallow my pride, You're the one that I love And I'm saying goodbye.

Y'avait quelque chose de rassurant et de triste à la fois de prêter les affaires de Lydia à quelqu'un d'autre mais Blake n'y voyait pas trop d'inconvénients. Elle pouvait se montrer sentimentale parfois mais elle était bien plus pratique qu'autre chose. Puis, si ça pouvait aider la métisse à passer à autre chose peut-être bien que c'était pour le mieux. Le temps passait si vite, de savoir Crescentia avec un enfant lui faisait un drôle d'effet mais elle lui souhaitait bonne chance malgré tout. Et ses salutations, qu'elle demanda au Fitzgerald de lui envoyer pour elle. Il n'y manquerait pas. Bien. Présentement, elle peinait à se trouver en présence d'enfants parce qu'ils lui rappelaient tous Lydia et les bonheurs de la voir grandir qu'on lui avait arraché. Pourquoi eux plus que d'autres, ce serait à jamais un mystère pour la belle qui continuait de se torturer avec le cas de sa fille. N'importe quel parent n'abandonnerait jamais les recherches. Enfin... de bons parents. Et elle espérait l'avoir été - une bonne mère - le temps qu'elle avait pu profiter des doux ricanements de sa fille. Cependant, savoir qu'elle n'avait pas pu la protéger lui donnait l'impression d'avoir été la mère la plus indigne qui soit et chaque jour sans arriver à la retrouver n'était qu'un fait de plus pour prouver son incompétence. De policière mais surtout de mère. Alors c'était plus facile de blâmer Russell pour soulager un peu de sa propre peine. C'était égoïste et inconscient... parfois elle s'en voulait et essayait de raisonner qu'il n'y était pour rien. Puis elle remettait de nouveau la faute sur ses épaules. Parce que c'était plus facile et que face à tout cela, elle se sentait faible. Envoyer des criminels baraqués en prison n'avait jamais été un problème et elle était efficace alors que pour sa fille, elle n'arrivait à rien. Rien du tout... et son frère avait beau lui répéter qu'elle était la femme la plus badass qu'il connaisse - ses exactes paroles d'ailleurs - Blake n'avait pas l'impression d'être à la hauteur. Alors le Fitzgerald était devenu son bouc émissaire... n'était-ce pas ce pour quoi les maris étaient faits ?

Bientôt, le silence s'installa de nouveau pendant lequel Russell semblait essayer de se contenir. Sa mâchoire crispée et tendue le témoignait car ils avaient beau être divorcés, elle le connaissait mieux que quiconque et savait reconnaître les signes avant coureur de ses états d'esprit. Alors, il avait beau essayer de garder le contrôle, elle remarqua bien vite qu'il avait les nerfs à vif. Elle garda le silence, incertaine de la manière de s'y prendre. Ce n'était pas comme s'il y avait un manuel d'emploi pour expliquer comment agir en face d'un ex-mari. Un ancien époux qu'elle n'arrivait pas à se sortir de la peau qui plus est. Quand il vint passer sa main sur son visage pour la faire claquer contre la table ensuite, Blake resta de marbre. Malgré les couverts qui vibraient dans un bruit de métal secoué sous l'effet du choc et malgré les regards qu'elle sentait s'aventurer brièvement sur eux. Elle resserra simplement encore plus l'étreinte sur sa propre tasse sans cesser de fixer le Fitzgerald clairement énervé et... inquiet. « J’peux pas. J’suis désolé, mais j’peux pas. Tu peux pas m’dire que t’es malade et t’en tirer d’une pirouette en disant qu’t’as pas envie d’en parler. T’as pas l’droit d’me faire ça. » La métisse se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas répliquer aussitôt qu'elle avait tous les droits au contraire. Il n'était plus son mari. Il n'était plus là pour se réveiller à ses côtés le matin et lui préparer à déjeuner. Il n'était plus là pour partager un café à l'heure du dîner lors de leur pause commune ou encore plus là pour déposer quelques baisers volés sur ses lèvres pendant que leurs collègues ne regardaient pas. Il avait abandonné tous ses droits-là quand il était allé coucher avec une autre femme, mettant fin ainsi à leur mariage déjà difficile par la disparition de leur fille. Il avait abandonné tout espoir pour eux alors Blake, oui, elle avait tous les droits.

Enflammée, passionnée, la belle savait cependant se retenir quand il le fallait et elle ne désirait pas s'acharner sur Russell qui avait déjà assez l'air au bout du rouleau. Pas besoin d'en remettre. Pas besoin de l'assommer maintenant de nouveau coups de culpabilité. Un effort surhumain pendant lequel elle garda le silence et le laissa continuer. « J’vais pas te forcer si t’as pas envie qu’on en parle. Mais dis-moi au moins si c’est grave. J’serai pas capable de sortir d’ici sans savoir si j’vais te perdre, toi aussi. » Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire de c'qui pouvait lui arriver ? Ne l'avait-il pas déjà perdue ? N'avait-il pas mis un trait sur eux deux en brisant ce qui restait de leur mariage ? Pourquoi cette soudaine inquiétude ? Il n'avait pas le droit d'lui avoir brisé le coeur et de s'accrocher comme ça. Pas alors qu'elle essayait de passer à autre chose. Sans grand succès... ou plutôt sans volonté ou motivation aucune. Inconsciemment, elle ne voulait pas passer à autre chose et c'était bien ce qui rendait la situation plus insoutenable encore. D'avoir cette envie de s'réfugier dans ses bras mais de se retenir parce que l’orgueil était leur plus grand défaut. À tous les deux. Ils étaient bornés aussi, Blake la première et si elle avait dit qu'elle ne voulait pas en parler c'était qu'il y avait une raison. En d'autres circonstances, elle lui avouerait tout. Elle lui dirait sans détour ce qu'elle est... mais pas ici dans un simple café alors qu'ils célébraient l’anniversaire de disparition de leur fille. « Ce n'est pas le moment, ni l'endroit, Russell. » Répéta-t-elle plus fermement. Pendant un instant, elle eut l'impression de se retrouver dans un flashback... un déjà-vu. Au début de leur relation alors qu'ils ne faisaient que s'envoyer des piques à longueur de journée ou se lancer dans des joutes verbales à n'en plus finir.

À ce moment-là, jamais elle n'aurait cru que Russell, cet agent sous couverture insolent, finirait par devenir l'homme de sa vie. Et ce, même dans le divorce bien qu'elle était bien trop têtue pour se l'avouer. « Je vois pas pourquoi tu t'inquiètes pour moi alors qu'on s'parle à peine depuis deux ans. Et je vois pas pourquoi t'aurais peur de me perdre. » Tu m'as déjà perdue après tout. « Mais je te rassure, je ne suis pas en danger. J'vais pas mourir si c'est ce qui te préoccupe. » Elle n'allait nulle part en fait, avançant à tâtons vers l'avenir sans savoir ce qui l'attendait au prochain détour. « J'ai seulement des... douleurs. C'est tout ce que tu as besoin de savoir à ce sujet. Et puis ce n'est que temporaire, alors ne t'en fais pas pour moi. J'suis une grande fille je te rappelle. » Sa voix se voulait rassurante et assurée pour essayer de couvrir tout le reste. L'incompréhension, le désespoir, la tristesse. Elle le rassurait alors qu'elle n'était même pas certaine que tout rentrerait un jour dans l'ordre. La belle l'espérait en tout cas, elle ne savait pas si elle pourrait endurer toute une vie à craindre de ressentir la douleur autour d'elle. La Ashcroft aurait bien besoin du soutien de Russell, mourait d'envie de tout lui dire maintenant et de savoir qu'elle pouvait compter sur lui mais plus rien ne serait comme avant. Ce n'était que des désirs inavoués qu'elle se devait de taire.
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MessageSujet: Re: ≈ say something (russell&blake)   ≈ say something (russell&blake) Icon_minitimeLun 18 Juil 2016 - 7:58

Ce n’est pas le moment, ni l’endroit. La remarque tombe comme un couperet, ne faisant pourtant qu’attiser la colère dans la poitrine du Fitzgerald. Le ton froid, sec, autoritaire. La fierté, l’absence de compassion. Rester figée, le regarder comme s’il n’était qu’un suspect importun, dans une salle d’interrogatoire. Un obstacle sur son chemin, qu’elle voulait à tout prix évincer au plus vite pour pouvoir continuer à avancer. Et il ne supporte pas cet air qu’elle prend — ne supporte pas de voir que de la douceur et de la tendresse, il ne reste rien. Et elle le prend de haut, n’en démord pas. Elle ne veut pas qu’il s’inquiète, elle ne veut pas qu’il se soucie de ses affaires. Visiblement, il ne mérite pas de savoir. Peut-être a-t-elle raison, après tout — qu’est-il, désormais ? Une ombre dans sa vie, une signature sur les papiers d’un divorce salé et triste. Un fantôme dans le coin de la chambre, la nuit, dressé au bilan des pertes humaines, à côté de celui de Lydia. Il ignore si elle a tourné la page, si elle a réussi à avancer. Si elle les voit, la nuit tombée, et qu’elle regrette tout ce qui a pu se passer. Lydia, elle la pleure — c’est une évidence, et il le sait mieux que personne. Mais lui, l’avait-elle déjà pleuré ?

Elle retourne les choses face à lui, lui reproche son absence. Elle prétend qu’il n’a pas sa place dans l’inquiétude, pas plus que dans les autres sphères de sa vie. Mais m’soucier d’toi, c’est tout c’qu’il me reste. Les pensées crèvent les regards, mais les mots s’abstiennent. Tout ce qu’il est capable de faire, c’est de la fixer, comme si ce déjeuner allait être le dernier. Les mâchoires crispées, s’efforçant de garder les doigts dépliés. Mais il sait qu’il ne va pas tenir, et que la fierté qu’elle arbore en lui faisant face aura bien trop vite raison de lui. Le ton rassurant qu’elle essaie de lui partager n’y fait d’ailleurs pas grand-chose. Et il y fait la sourde oreille, assis là, à essayer de tirer quelque chose de cette posture. Un léger soupir, blessé. « C’est tout ce que j’ai besoin de savoir à ce sujet ? » Il secoue doucement la tête, sans cesser de la fixer — un mouvement léger, retenu. « Ok, I get it. » Il sent la colère palpiter dans ses veines, pourtant retenu par la blessure qu’elle vient de faire à sa fierté. Que leur restait-il, au bout du compte ? S’asseoir là, se regarder dans le blanc des yeux. Faire comme si de rien n’était, s’échanger quelques objets, quelques politesses — quelques formalités. Les cadavres d’une vie laissés derrière eux, et soigneusement enterrés au fond du jardin. Tenter d’oublier, à tout prix.

« Tant mieux pour toi, alors. » Puisque y a qu’ça qui compte. D’un geste bref, il vide d’un trait le contenu tiède sa propre tasse, avant de la reposer sur la soucoupe. Sa main s’en va au fond de sa poche, il a baissé les yeux vers sa tasse de café, brièvement. Rapidement, sortant un billet de sa poche, il le pose sur la table, vrillant à nouveau son regard dans celui de la métisse face à lui. Et son cœur bat violemment, malgré la sourde oreille qu’il lui prête. Il force ses mâchoires à se décrisper, quelques instants, alors qu’un rictus tord ses lèvres. « Je ferais mieux de retourner bosser. J’t’offre le café. » Et tant pis pour ta fierté. Mais aujourd’hui, j’ai pas le courage de me battre avec toi. Désolé. Et si j’reste ici, y a qu’ça que j’vais être capale de faire. « Si j’ai du nouveau pour Lydia, je te contacterai. Et je suppose que tu sais où me trouver si tu fais une avancée. » Il se lève, attrapant le carton rempli qu’elle lui a apporté. Un regard rapide. « Bon courage avec ça. Et avec… Tout le reste. » Et il lui tourne le dos, sans mot ajouter. Conscient que de s’en aller aussi simplement et aussi brutalement ne lui plairait pas. Pourtant, il était bien incapable de continuer à l’affronter, avec ce qu’elle venait de lui lâcher. Incapable de continuer à faire semblant, incapable de se battre avec elle à cette date rayée de noir dans le calendrier. Une autre fois, peut-être.



( the end )
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